vendredi 4 décembre 2020

Ainsi parla Rma, le fileur de temps...97

 

   - Baron Arlaz au rapport, Majesté
   - Faites entrer.
Kaja regarda entrer le baron qui revenait d’une mission de reconnaissance. Il y avait eu un accrochage.
L’homme aux larges épaules faisait un bruit de ferraille en marchant. Kaja faillit en rire. Hauziart était un baron d’une campagne profonde. Il était venu avec sept soldats à l’équipement un peu dépareillé. Lui-même n’avait qu’un armement ancien assez éloigné de ce qui se faisait actuellement. Il mit un genou à terre et salua le roi :
   - Je vous écoute, Baron, dit Kaja.
   - Nous nous sommes fait accrocher près du bois de Portua. Nous allions retraverser le ruisseau quand ils nous ont repérés. Nous les avions suivis quelque temps et nous allions nous retirer pour venir donner l’alerte quand l’un de mes hommes est tombé. J’ai donné l’ordre de courir pour nous replier mais ils nous ont pris en charge. Nous avons fait face et engagé le combat. Ils étaient plus nombreux mais ils ne savent pas se battre. Mon sergent en a mis trois hors combat pendant que je me battais avec d’autres que j’ai blessés. Ils ont un peu reculé quand mes deux archers ont commencé à tirer. Nous avons décroché rapidement et ils ne nous ont pas suivis.
   - Combien de morts et de blessés ?
   - Mon sergent a une coupure au coude sans gravité, j’ai un homme blessé à l’épaule. Il y avait trois morts chez eux et j’en ai vu une demi-douzaine couverts de sang.
   - Vous pensez qu’ils ne valent rien au combat.
   - Ils manquent de savoir-faire et d’armes mais leur colère est grande. Chasser une bête enragée est toujours plus dangereux, Majesté.
Kaja remercia le baron. Il se retourna vers les généraux du conseil de défense pendant que le baron Arlaz sortait après avoir encore une fois salué le roi.
   - Ils sont là, dit Kaja.
   - Nous pouvons les écraser, dit le général Espond. Leurs hommes ne font pas le poids !
   - Vous avez entendu le baron Arlaz, ils sont comme des bêtes enragées. Combien cela va-t-il nous coûter d’hommes ?
Espond se tourna vers son voisin. Le vieux baron Kikor avait appuyé ses dires en tapant du poing sur la table. Kaja écouta les réactions des uns et des autres. Deux positions s’opposaient, l’attaque immédiate ou les laisser venir. Si la deuxième solution semblait plus économique en vies, elle était aussi plus longue.
   - Le peuple pour le moment ne bouge pas. Il nous craint encore, fit remarquer Espond. On ne sait pas combien de temps cela va durer.
   - Ils vont attaquer rapidement, dit un autre.
   - Et pourquoi dites-vous cela, baron Sonéa?
   - C’est leur intérêt. Ils sont plus nombreux que nous et la rage qui les habite va les rendre imprudents !
   - Je pense qu’ils vont attendre, reprit le vieux baron. Ils peuvent nous assiéger.
   - Ils savent bien que notre ravitaillement est assuré. Non, ils vont attaquer.
   - Vous oubliez une chose, interrompit Kaja. Leur reine est-elle là ? Ils n’attaqueront que si elle est présente. Pensez à ce que nous disent nos informateurs. Elle doit être la libératrice. Sans elle, ils ne feront rien. On va continuer de les harceler en envoyant des patrouilles. Ça les testera et nous devons savoir si elle est là. Les vaincre sans la vaincre ne servirait à rien. Nous avons besoin de savoir.
Le conseil se rangea à son avis. Quand ils furent partis, Kaja se tourna vers son aide de camp.
   - Alors ?
   - Mon colonel, tous ces barons sont trop divisés pour faire une armée. Ils se battront, et bien, mais ils le feront indépendamment les uns des autres. Je pense que seuls les gayelers sont vraiment prêts à agir comme une armée.
   - Je pense aussi comme cela, répondit Kaja. On va voir ce que nous apprennent les patrouilles.
   - Faites attention à qui vous envoyez, mon colonel. Le baron Hauziart, bien qu’équipé à l’ancienne, a bien entraîné ses hommes. D’autres n’ont que des soldats de parade.
   - J’en ai bien conscience, Okuta. Selvag me manque. Il les connaît tous. Il m’est plus utile à gérer la capitale mais il me manque.
   - Erébi est l’homme qu’il vous faut, mon colonel. Il connaît tous les maîtres d’armes. Il pourra vous dire.
   - Très bien, Okuta, fais-le venir.

Kaja avait donné l’ordre de harceler l’ennemi avec un but précis : savoir si la sorcière blanche était parmi eux. À leur retour, il rencontrait les patrouilles. À chaque fois, il entendait un récit semblable. Ses soldats étaient mieux entraînés et à chaque fois leurs pertes étaient très inférieures à celles de l’ennemi. Kaja et son état-major en concluait que la sorcière n’était pas là. On reportait l’attaque prévue. Kaja y tenait absolument. La sorcière devait être capturée ou tuée pour étouffer la rébellion.

Kaja traversait le camp pour rejoindre la tente de l’état-major quand il entendit un cri d’alerte.
   - REBELLES EN VUE !
Il se mit à courir pour atteindre la tour de guet.
   - À l'ORÉE DU BOIS À GAUCHE !
Ce fut le branle-bas sur les remparts. Kaja vit les grands arcs se mettre en position, les archers se préparer. Il fut heureux de voir son armée réagir vite et bien. Il fut dépassé par les gayelers qui arrivaient au pas de course. La nouvelle se répandait dans le camp. Pour la première fois un groupe d’ennemis était à la porte.
Kaja arriva en haut de la tour de guet. Les soldats présents scrutaient le lointain. Kaja vit des silhouettes restées à l’ombre des arbres. “Pas dangereux” pensa-t-il, “trop détendus”. L’officier de garde fit un geste quand une forme se détacha de la forêt. Un des grands arcs lâcha son trait. Kaja sursauta. La chevelure était blanche. La sorcière était là ! Il la vit faire un petit saut de côté quand la lourde flèche se planta. Il entendit un rire cristallin. La sorcière se mit à courir vers le camp, deux léopards sortirent des bois pour l’accompagner. Les ordres fusèrent sur tout le rempart. Les flèches s’envolèrent de partout. Sa course était désordonnée et les archers incapables de l’ajuster correctement. Elle s’arrêta brusquement devant la tour qui coiffait l’entrée du camp. Malgré les flèches qui pleuvaient, elle ne bougea pas. Kaja vit la sorcellerie en action. Les traits semblaient frapper un mur invisible et éclataient comme éclate une plaque de glace qu’on lance sur un rocher.
    - BARON SINK ! BARON SINK !
Kaja donna l’ordre de cesser le tir. Il s’avança jusqu’au bord du parapet. Il regarda la sorcière qui semblait le défier. Elle cria à nouveau :
   - BARON SINK, JE TE DÉFIE !
Cela fit rire Kaja qui se détourna. Son aide de camp se pencha au-dessus du rempart et dit :
   - Le roi dit que les petites filles feraient mieux de rester à la maison et de s’occuper de leur intérieur !
Cela mit Kaja de mauvaise humeur. Défier quelqu’un dont on ne connaît pas la puissance était une faute. Il allait quitter la plateforme quand une flèche se planta juste devant lui.
    - Dites au roi qu’il ferait bien de se méfier de la colère des petites filles !
Kaja jura. Un détachement était prêt à intervenir. Il leur fit signe. Les portes s’ouvrirent alors que la sorcière atteignait l’orée du bois. Le bruit des chevaux au galop la firent se retourner. Du haut de la tour Kaja l’observa. Il la vit saisir son arme et courir au-devant des chevaux. Derrière ses gardes la suivirent avec retard. Il vit ce qu’il n’avait jamais vu. La sorcière courait aussi vite qu’un cheval et sa rapidité fut fatale aux cavaliers. Elle passa sous la lance du premier chevalier et en passant, éventra le cheval tout en coupant la jambe du cavalier. La lance du deuxième ne résista pas à l’arme de la sorcière. Elle sauta en croupe et égorgea le lancier. De là, elle sauta sur le troisième. Les gardes de la sorcière la suivaient passant derrière elle et achevant les blessés et les chevaux. Ce fut un déchaînement de violence qui sidéra les hommes sur les remparts. Leurs cris d’encouragement s’étaient figés dans leur gorge. Les officiers durent crier plusieurs fois pour que les archers reprennent leur tir. Seules les flèches des grands arcs portaient assez loin. Les autres archers tiraient quand même. Kaja regardait, comme ses hommes, cette sorcière qui semblait se jouer des meilleurs cavaliers de l’armée. Il vit disparaître la chevelure blanche dans la forêt, suivie des guerriers qui l’avaient aidée.  
Kaja convoqua tous les barons de l'ost. Après avoir vu ce combat, il fallait décider de la stratégie à suivre. Les récits d'Ankakla prenaient une autre dimension. Une réalité s'imposait. Avec une telle guerrière, tout allait devenir plus complexe.
Kaja réfléchissait à la situation. Il mangeait en attendant la réunion. Dans le camp, en cette heure tardive, tous parlaient de ce qu’ils avaient vu. La sorcière était arrivée et avec elle, la peur. Kaja curieusement n’avait pas ce sentiment. Il avait, de loin, croisé le regard de cette femme et avait reconnu les yeux perçants de cette novice aux cheveux blancs qu’il avait épargnée. Ce pouvait-il qu’elle soit elle ?
Il se reprochait de l’avoir laissée libre ce jour-là et en même temps une certaine joie l’habitait. Il allait l’approcher même si c’était pour la tuer. Il pourrait ainsi se débarrasser de ces yeux qui le hantaient encore.
Il fut interrompu dans ses pensées par l'arrivée des premiers barons.
La première bataille eut lieu sur le fleuve. L’alerte fut donnée avec retard. Les premières barques des seigneurs avaient déjà été coulées quand la première barge quitta le quai. Les lourdes embarcations chargées de soldats et d’archers se dirigèrent vers l’amont avec difficulté, le vent n’étant pas favorable. Elles semblaient bien pataudes devant les barques rapides manoeuvrées par des treïbens. Resté au bord, Kaja et ses généraux essayaient de suivre le déroulement des combats. Le fleuve était trop large pour que la voix porte. Du haut de la tour où siégeaient les signaleurs, Kaja donnait ses ordres. Les signaleurs les transmettaient en agitant des drapeaux. Plus rapides, les barques tournaient autour des barges. Plus armées et avec plats-bords surélevés, les barges étaient comme des châteaux forts flottants. Kaja vit la fumée avant de voir les flammes. Les rebelles avaient des flèches enflammées ! Le fleuve fut bientôt recouvert de cette fumée blanche qui, comme un brouillard, bloquait la vue. De loin en loin, des cris et des bruits de bataille parvenaient à la rive. Kaja vit, sortant de la nappe embrumée, des barques treïbens, la coque en l’air, mais aussi une barge à moitié enfoncée dans l’eau. Quand le soleil se descendit sur l’horizon, les bateaux restant à flot revinrent à quai. Il ne restait que la moitié des barges et des barques. Toutes étaient hérissées de flèches et certaines avaient les traces des incendies que les marins avaient réussi à maîtriser.
Kaja interrogea personnellement les capitaines rescapés. Ils décrivaient la même situation. Le feu avait pris sur la première barge mais ce n’était pas lui qui avait généré tout ce brouillard. Il était venu de l’eau elle-même. Ils avaient entendu le même cri venant des barques ennemies : “ Bénalki ! Bénalki !” juste avant son apparition. La peur était palpable. Ils connaissaient tous le nom de la déesse des tréïbens.
   - Si une déesse combat avec eux...
   - Ne soyez pas craintif, capitaine, le coupa Kaja. Nous avons le pouvoir de l’Arbre Sacré avec nous. Vous en recevrez quelques feuilles dès demain.
Kaja fit estimer les pertes trop lourdes à son goût et pas assez cher payées par les rebelles. Il lui fallait préparer la suite. L’irruption de la sorcière et de ses pratiques magiques nécessitaient de changer de stratégie. Kaja s’en voulait d’avoir sous-estimé sa puissance de nuisance. Il lui faudrait faire venir encore plus de feuilles de l’arbre sacré pour protéger ses hommes. Mais pourquoi avait-il épargné cette novice ? Dans son esprit vint l’image de ce regard de feu qui l’avait impressionné. Quel pouvoir y avait-il ? Quand il s’endormit, il fit des cauchemars où des sorcières brûlaient tout de leur regard, le laissant seul face à elles. Il se voyait brandir Émoque et sa branche de l’Arbre Sacré. Il se réveillait en sursaut quand l’une d’elle s’avançait vers lui. Ses yeux, d’un rouge flamboyant, étaient ceux d’un démon. Ils lançaient des éclairs qu’Émoque encaissait, lui secouant le bras à chaque fois un peu plus et l’empêchant de le lever. Arrivée trop proche de lui, la sorcière ouvrit la bouche et un serpent en jaillit lui visant le visage. .
Les jours suivants furent calmes. Quand enfin l’attention des gardes commença à se relâcher, l’alarme fut donnée. Kaja fut un des premiers sur le rempart. Les rebelles avaient commencé à creuser un fossé à la limite de la zone déboisée. Ils venaient en petits groupes et ne s’approchaient pas. Mais là, il y avait l’armée des rebelles devant eux. Il fut soulagé de voir qu’ils n’avaient pas construit de tour ou de machine de guerre. Il regarda les guerriers se mettre en ordre de bataille. Il remarqua leurs hésitations et leurs approximations. Ce n'étaient pas des guerriers mais des paysans tout juste bons à se faire tuer. Il chercha du regard la sorcière mais ne vit nulle part sa chevelure blanche. Autour de lui, les hommes se préparaient. Les barons de son conseil de guerre l’entouraient.
   - S’ils veulent prendre les remparts, il leur faut une échelle et des ponts pour passer au-dessus des fossés.
   - Regarde, baron Gedron, ils amènent des mantelets.
Effectivement, ils virent se positionner ces protections faites de planches devant les troupes. Portés par des hommes, ils allaient permettre aux troupes d’avancer d’abri en abri. Le premier mantelet s’avança d’une dizaine de pas. Un deuxième se mit en route à son tour. Du haut des remparts, ils virent la procession de ces protections. Les grands arcs étaient entrés en action. Leurs traits se plantaient sans que l’on puisse savoir s’ils traversaient ou pas les planches. Le baron Gedron comptaient les mantelets et dit :
   - Ces sans foi, combien ont-ils sacrifié d’arbres ? Je suis sûr qu’ils n’ont même pas fait les offrandes nécessaires.
Kaja ne répondit pas. Il pensait que cette horde de paysans allait arriver au pied des remparts et qu’il faudrait aller se battre contre eux.
   - Faites préparer les soldats à pied, dit-il. Il faudra nous battre dehors.
La matinée se passa à regarder avancer les mantelets et puis les hommes porteurs de fagots qu’ils lançaient dans le premier fossé. Kaja venait régulièrement sur le rempart. Le temps du combat approchait. Quand le soleil fut au Zénith, le glacis ressemblait à un damier. Les meilleurs archers tentaient d’abattre les rebelles qui sautaient d’une protection à l’autre. Des cris saluaient leurs réussites. Les mantelets avaient des allures de hérissons. Kaja admira la stratégie. Il avait sous-estimé leurs stratèges. Allaient-ils continuer toute la journée ?
Dans l’après-midi, trois larges passages permettaient la traversée de la première défense. Le baron Gedron s’approcha de Kaja :
   - L’attaque est pour demain. N’est-ce pas, Sire ?
   - Oui, avec la nuit qui tombe, on ne pourrait pas se battre. Mais on ne va pas rester sans rien faire, baron Gedron. J’ai fait préparer des pots de poix. On va les utiliser. Mais pour le moment, il fait trop clair. Alors allons dîner !

Dans la nuit devenue noire, des silhouettes chargées de pots se glissèrent hors des remparts. Ils firent une noria jusqu’à ce que les fagots soient bien imprégnés de poix. Les sentinelles qui surveillaient les bois virent bien quelques ombres, mais rien ne vint troubler les chants des insectes nocturnes. Tard dans la nuit, alors que l’étoile de Lex était haut dans le ciel, un gayeler se présenta devant Kaja :
   - C’est fait, mon colonel. On va les recevoir comme ils le méritent !
   - Parfait ! Allez-vous reposer !
Pendant que le gayeler sortait, Kaja soupira. Il savait qu’il ne redormirait pas. Il avait de nouveau fait un cauchemar où la sorcière tenait une place de choix. Il se leva, fit signe à son ordonnance de ne pas bouger et sortit prendre l’air. Le camp était calme. Les hommes se reposaient en parlant à voix basse ou dormaient. Kaja pensa à la fureur qui allait les attendre dès l’aube. Le première vague d’attaque devait être accueillie par les barons des grandes plaines de l’est. Ils formaient un groupe homogène composé de solides gaillards bien entraînés et bien armés. Au fur et à mesure des besoins, les autres interviendraient. Kaja s’était mis en réserve comme on lui avait demandé. Ce n’était pas la place du roi d’être en première ligne. Il avait préféré taire que, si la sorcière venait se battre, elle que les rebelles disaient reine, il lui faudrait aller au combat. Même les poches remplies de feuilles de l’Arbre Sacré, aucun combattant n’était à sa hauteur. Seule Émoque contenait assez de magie pour lui faire face.
Il circula un moment dans le camp, disant un mot d’encouragement à l’un ou à l’autre. Il allait de galerie en galerie, restant toujours à l’abri des possibles méfaits des bayagas. Il s’assit un moment avec les hommes de son voisin, un de ceux qui aurait souhaité le marier avec une de leurs filles. C’est là que les cris des sentinelles le surprirent.
En quelques instants, le camp se mit à ressembler à une ruche. On entendait les cris des uns et des autres, pour que les hommes se regroupent, pour que les archers se mettent en position, ou pour annoncer ce qu’il se passait. Quand Kaja arriva à la tour de guet, les rebelles commençaient à passer le premier fossé en portant des échelles. Leurs cris, pour se donner du courage, venaient couvrir les cris des défenseurs. Des flèches enflammées partirent des remparts, allumant des brasiers. Si la première ligne d’attaque continua sa progression vers les remparts, on vit des silhouettes s’enflammer en criant. Les autres, derrière, refluèrent, provoquant un carambolage avec les troupes qui continuaient à arriver. Dans la lumière du tout petit matin, les flammes faisaient danser les ombres. Les flèches pleuvaient depuis les remparts sur tous ceux qui n’étaient pas à l’abri. La première vague d’attaque se brisa sur la palissade de bois. S’ils purent dresser les échelles, ils n’étaient pas assez nombreux pour résister aux défenseurs.
Un cor sonna dans le bois au loin. Les rebelles qui le pouvaient battirent en retraite. Des cris de joie et de victoire, poussés depuis les remparts, saluèrent leur repli. Immédiatement, un groupe d’intervention fit une sortie pour achever tous les ennemis qui pouvaient rester au pied des remparts. Pendant ce temps, méthodiquement, les grands arcs ciblaient les blessés. Leurs ordres étaient clairs : éliminer le maximum d’ennemis.
À la lumière d’un soleil sans concession, Kaja vit au bord de la forêt la silhouette blanche de la sorcière qui venait se rendre compte de l’étendue des pertes. Il la vit s’agiter et faire des gestes véhéments. Il sourit de la voir ainsi en colère. Il ne comprenait pas ce qu’elle disait mais elle engueulait les gens de sa suite et désignait les travaux du fossé qu’ils avaient commencés.


Koubaye regardait Rma filer le temps. Il le vit choisir des fils, en couper beaucoup d’autres. Quand il le vit s’approcher d’un fil épais et rugueux, il tenta de proposer d’autres fils plus fins, plus doux. Rma les ignora et, farfouillant dans les fils, il choisit celui que Koubaye désirait lui faire éviter. Koubaye eut peur. Rma en tira une belle longueur et commença à la filer dans la trame du temps. Le bruit sourd du va-et-vient de la navette ne s’était pas arrêté. Pendant que filait le temps, Rma prépara de nouvelles navettes. Bientôt viendrait le tour de ce fil maudit signe de malheur.