samedi 3 septembre 2016

Les mondes noirs : Épilogue

Chimla, la déesse bleue, regardait ses adorateurs lui offrir leurs offrandes. Elle vivait auprès du dieu blanc mais aussi dans toutes les sources et toutes les fontaines.
Elle n’avait pas le souvenir précis de ce qu’il s’était passé quand l’homonculus s’était réveillé dans l’arbre premier. Elle allait disparaître aspirée par la vase quand une lumière blanche avait inondé le lieu de son supplice. Une main de feu l’avait saisie, brûlant tout l’inutile. Elle avait vu d’autres flammes blanches prendre Salone, Luzmil et Luzta. Ils s’étaient retrouvés, flottant autour d’une mince branche devenant arbre de lumière. Le temps n’y existait plus. Le monde se redécouvrait au fur et à mesure que la lumière progressait. Les paroles furent inutiles tant la communion était parfaite. Chimla sut comment l’arbre premier avait été piégé par la perversion des hommes qui avaient utilisé la Sanmaya par amour du pouvoir. Elle vit les mages au cœur noir enfermer la lumière dans l’homonculus, desséchant l’arbre et voilant le soleil. 
Elle vit en un instant l’histoire du peuple qui lui avait donné le jour. Les mages ne pouvaient détruire la lumière. Nul ne peut dire l’ombre sans la lumière. Ils avaient alors enfermé l’homonculus dans une Idole et l’Idole dans des rites, ajoutant leur noire magie à chaque étape. Ils avaient alors soumis le monde qui en était devenu noir. Les générations avaient succédé aux générations. L’oubli avait fait son œuvre. Seule la source de la lumière savait. Enfermée dans l’homonculus, elle, qui était source et racine, avait agi petit à petit jusqu’à ce que naisse celui qui serait la main du destin. L’ombre en voulant l’ombre avait empli le cœur d’un vieux prêtre aigri. Sans le savoir, il était remonté aux racines de la Sanmaya, dont la puissance n’était que l’ombre de la puissance de la lumière. Karabval, dans son désir d’être, avait été le véhicule que la lumière s’était choisi pour retourner au lieu de l’arbre premier.
Les maîtres de la Sanmaya avaient compris trop tard. Ils pensaient l’ombre si noire qu’ils en avaient oublié qu’elle n’était que ce que la lumière n’éclairait pas. L’homonculus avait mis, dans l’amulette du clan bleu, un pouvoir de guérison et d’apaisement. C’est grâce à elle que Karabval avait tenu assez longtemps pour jouer son rôle et déposer l’homonculus dans l’arbre premier. C’est encore grâce à elle que Chimla et les autres étaient arrivés jusqu’au lac de l’arbre premier.
Les maîtres des forces noires avaient fait l’erreur de s’unir pour, croyaient-ils, sauver leur pouvoir. Seule la lumière est une. La Sanmaya ne savait manipuler que les forces de destruction et de mort. Quand ils avaient ouvert les vannes de sa puissance par leurs rituels, ils n’avaient fait qu’ouvrir les vannes du néant.
Chimla avait senti toute la puissance de l’arbre de lumière quand il l’avait accueillie. Elle avait contemplé tous les possibles qui étaient en lui. Elle avait contemplé la racine de la Vie. Délestée de tout son inutile, elle avait communié à cette puissance. Salone l’avait rejointe, bientôt suivi de Luzta et Luzmil.
Alors l’arbre premier leur avait donné mission de recréer le monde. Chimla avait choisi d’être celle qui irrigue et qui désaltère. Salone devint le dieu des foyers et des flammes. Luzmil devint celle qui éclaire le jour et Luzta celle qui éclaire la nuit pour que jamais l’ombre ne soit complète.