lundi 12 mars 2012


Quand Natckin rencontra les extérieurs, il ne s’attendait pas à ça. Entouré de guerriers, il fut poussé plus qu’invité sur le chemin qu’il venait de prendre avec Tonlen. Il vit arriver Sstanch par une rue latérale. Un guerrier de la mort lui barra le passage. Sstanch cria :
- Faites ce qu’ils vous disent ! Ils ont déjà massacré Andrysio et sa maison.
Natckin eut du mal à avaler sa salive et il vit que Tonlen était devenu blanc. Quand ils arrivèrent devant le temple, ils forcèrent le passage et se répandirent dans tous les espaces. Le chef de la discipline essaya de les arrêter. Il n’alla pas loin. Une flèche lui transperça le cœur. Voyant cela, ce fut le sauve-qui-peut de tous les sorciers qu’ils soient maître ou disciple. Ils se heurtèrent aux guerriers de la mort qui semblaient surgir de partout. Bientôt, Natckin et tous les autres se retrouvèrent parqués sur le parvis où se faisaient les grandes assemblées cérémonielles. Il pensa qu’ils allaient être tous tués. Si l’idée vint au prince des extérieurs, il n’en fit rien. Il se contenta de les expulser du temple. Ils ne purent rien emporter. Natckin avait pris Tonlen par la main. Celui-ci semblait ne plus rien comprendre. Il ne réagissait plus, sidéré par ce qui lui arrivait. Il marcha un peu, s’arrêta, regarda autour de lui. Tous les regards des expulsés étaient tournés vers lui. Ils l’avaient suivi. Il les vit. Si lui et Tonlen avaient des habits pour être dehors sous la neige qui commençait à tomber, les autres n’avaient souvent rien d’assez chaud sur le dos pour rester dehors. Il se rappela ce qu’avait crié Sstanch. La maison d’Andrysio devait être libre. Il décida de les conduire là-bas. Quand ils y entrèrent, ils trouvèrent Sitca et Tilson aidés de quelques autres en train de sortir les morts.
- On va s’installer là en attendant, dit-il. Savez-vous où est le chef de ville ?
- Il est un peu plus haut, sur la margelle du puits ventru, répondit Tilson.
Natckin confia Tonlen à un disciple qui semblait moins mal en point que les autres. Il remonta la rue vers la maison commune. Effectivement, Chan était assis sur la margelle du puits ventru, la tête entre les mains. En approchant, Natckin l’entendit répéter :
- C’est pas possible ! C’est pas possible !
Il ne semblait pas en meilleur état que Tonlen. Natckin avait pourtant besoin de lui. Il était l’autorité. Il pourrait peut-être obtenir que les extérieurs les laissent rejoindre le temple. Il était probablement impossible de refaire les rites de consécration dans d’autres lieux. Il fallait qu’ils récupèrent le nécessaire pour les rituels. La ville ne pouvait se passer de ce qu’ils accomplissaient chaque jour. Il secoua Chan :
- Chef de ville, secoue-toi ! Il faut récupérer le droit de faire les rites.
- C’est pas possible ! C’est pas possible !
- Mais remue-toi, dit Natckin en le prenant par le col et en le secouant. Tu entends. Les rites ne vont plus pouvoir se faire. Si par malheur cela arrive, la ville va mourir.
Chan leva un regard vide sur Natckin. Quelques instants se passèrent. Natckin fixait Chan dans les yeux. Une lueur sembla envahir les yeux de Chan. Natckin le secoua encore.
- Tu entends, la ville va mourir, si on ne fait plus les rites.
Chan sembla comprendre. Son regard reprit vie.
- Tu as raison. Allons voir ce qui peut être fait. Ce serait pire que tout ce que nous avons vu aujourd’hui.
Chan se leva. Il fit signe à Sstanch qui surveillait les environs. Ils se mirent en route vers le temple.
A leur arrivée devant la porte, ils se retrouvèrent bloqués par deux guerriers. Ceux-ci les menacèrent de leurs lances.
- Vnapasce !
Chan alla jusqu’au contact avec la pointe de l’arme.
- Je veux voir le prince !
- Vnapasce !
- Je me moque de ce que tu dis, je veux voir Quiloma !
Les deux guerriers se regardèrent.
- Vpi nva Quiloma, dit l’un des guerriers.
Un des deux hommes baissa sa lance et rentra dans le temple. Il fut rapidement remplacé. Chan se tint debout, le torse toujours en contact avec la lance.
Un temps qu’il trouva long passa avant que le prince des extérieurs n’arrive. Chan, Sstanch et Natckin avaient vu des guerriers aller et venir. Muoucht arriva entre deux guerriers. Sur un signe d’un de ses accompagnateurs, il attendit à côté de la porte. Quand Quiloma arriva, il fit signe à Muoucht d’approcher.
Le guerrier qui tenait Chan au bout de sa lance, ne bougea pas.
- Qte (Quelle est ta parole ?) dit Quiloma. Muoucht traduisit.
- Vous devez nous laisser libre de faire les rites.
- Psa (Vos superstitions m'indiffèrent. Je garde cet endroit pour l’usage qui est mien).
- Mais vous ne vous rendez pas compte ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Il faut que les rites soient faits ! cria Natckin.
- Proc (Ma réponse est claire. Votre choix est simple, vous partez ou vous mourrez…tous !)
Le guerrier poussa sa lance sur la poitrine de Chan qui résista un peu. Mais quand il vit le fer percer ses vêtements et venir au contact de sa peau, il recula.
- Partons ! dit-il.
Nactkin voulut dire quelque chose mais sur un geste de Chan, Sstanch l’entraîna.
Quand ils furent revenus à la maison d'Andrysio, Natckin laissa éclater sa colère. A quoi Chan répondit sur le même ton en lui expliquant qu'il y avait les otages à protéger. Nacktin parla des rites, de la catastrophe que représentait l'impossibilité de faire les rites dans le temple. Chan répliqua qu'avec le massacre de la maison Andrysio, il avait eu son content de morts pour la journée. Cela calma la colère du sorcier.
- Maître Natckin ! Maître Natckin ! Ils jettent tout dehors. Ils brûlent les herbes sacrées et les bois odoriférants.
Natckin se tourna vers Tasmi qui arrivait en criant la nouvelle.
- Ils vident le temple !
- Il faut récupérer les objets sacrés...Appelle d'autres disciples...et arrive.
Natckin se dépêcha vers le temple. Il trouva un feu devant la porte du temple sur la place des fidèles. Un guerrier jetait une brassée de choses dans le feu. Natckin se précipita pour récupérer un vêtement cérémoniel. Les extérieurs le laissèrent s'emparer de la parure qui déjà brûlait. Le manège continua. Les guerriers de la mort venaient déposer les objets du temple dans le feu. Nacktin et les disciples présents se démenaient pour les retirer. Il y eut un incident quand un disciple voulut prendre une tunique dans les bras même d'un guerrier blanc. Un coup de manche de lance sur les jambes le fit tomber sous les rires des soldats. Il n'insista pas. Ce qui était récupéré était acheminé par certains vers la maison Andrysio. La navette dura deux jours.
Quand une conque retentit au loin, le temple était vide. Natckin faisait le point de ce qui avait été sauvé. De nombreux habits de cérémonie étaient abîmés. Très anciens, très secs, ils avaient vite pris feu dans ce bûcher ardant. Il n'y avait plus de réserve de bois, ni d'herbes à visions. Les lieux sacrés étaient profanés. Les écorces sacrées où avaient été peints les rites sacrés de consécration, avaient toutes brûlées, ne restaient que des fragments. La catastrophe était complète. Comment sauver les rites?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire