Yaé et Bouyalma se disputaient. La question était d'importance. Les deux phalanges revendiquaient le plus grand nombre d'ennemis tués. Quand Lyanne avait disparu, comme avalé par les ruines, ils n'avaient pas eu le temps de le chercher. Si l'attaque avait été brusque, les guerriers surentraînés de la phalange noire avaient sans problème repoussé les assaillants. La deuxième vague d'assaut avait tourné au désavantage des agresseurs. Cela avait quasiment été un massacre. Les disciples de Jorohery ne faisaient pas le poids devant la puissance de la phalange Louny. Quant à la troisième vague, elle avait essayé de déborder les défenses des deux phalanges sans avoir plus de succès que la deuxième. Des mains d'hommes poursuivaient les rares fuyards. Ceux qui espéraient rétablir « le vrai pouvoir », c'est-à-dire celui du Prince-Majeur selon Jorohery avaient mis toutes leurs forces dans cette action. Fanatisés, ou désespérés, ils savaient que leur choix était : « vaincre ou mourir ! ». Ils étaient morts, bien que plus nombreux. Sans cohésion suffisante et sans être capables de se battre à deux épées, ils avaient subi la loi des plus forts. Les guerriers blancs savaient se battre même la nuit. Yaé et Bouyalma se chamaillaient surtout pour le principe. Ils remontaient avec plusieurs mains d'hommes vers le sommet de la colline. Le soleil se levait. Les deux princes étaient inquiets pour leur roi. Ils l'avaient vu disparaître sans pouvoir le suivre. L'arrivée des ennemis les avaient empêchés de chercher ce qui s'était passé. Maintenant que la situation était bien en main, ils voulaient savoir. Ils investirent les ruines. Ils examinèrent la zone où était Lyanne quand il avait disparu. Effectivement, le mur était creusé comme si le vent avait érodé la pierre de manière irrégulière. Sans la lumière du soleil, le relief était minoré. Yaé passa ses mains dessus sans trouver ce que Lyanne avait compris. Bouyalma lui examinait le sol à la recherche d'indices. Il était tout aussi perplexe que Yaé. Les traces de pas semblaient disparaître dans le mur.
- Et si on démontait tout ça, dit Yaé en désignant les ruines.
Bouyalma se re.
- Je ne suis pas sûr que cela soit une solution. La magie affleure le sol. Je suis venu ici, il y a longtemps avec un marabout. Il m'a révélé que ces lieux avaient vu passer les dieux et qu'il existait des portes vers des mondes interdits aux hommes.
- Nous sommes sans pouvoir alors !
- Peut-être pas. Il avait un syrinyx à la main et il a fait un geste avec en le posant sur le mur. Essayons de trouver un serpent.
Yaé fit la moue. Non qu'il ait peur des syrinyx, mais le moyen lui semblait utopique. Pourraient-ils faire ce que Lyanne avait fait ?
Pendant que des hommes rassemblaient les corps, les dépouillant de leurs armes et de tout ce qui pouvait servir ou donner des renseignements, d'autres cherchaient une cache de serpent. Sur cette colline minérale, l’œuvre était titanesque.
Le temps passa. Yaé s'impatientait. Le seul syrinyx qu'on lui avait ramené était mort. Plus le temps passait et plus il devenait partisan de s'attaquer aux murs à coups de pioche. Bouyalma imperturbable, continuait à sonder les trous. L'après-midi tirait à sa fin quand il ramena enfin le serpent qu'il recherchait. Il l'avait saisi avec une fourche et le maintenait à bonne distance.
- Dès que le soir arrivera, nous essayerons de trouver où il doit aller, dit-il en ramenant sa prise.
- Il va être en colère... Je viens de le relâcher.
Bouyalma se retourna pour voir qui parlait et sursauta en découvrant Lyanne. Il s'inclina, ainsi que tous les présents, tout en remarquant que, derrière le roi-dragon, se tenait un homme la tête basse, couvert du manteau de Lyanne. Bouyalma posa le serpent par terre qui siffla en se mettant en position d'attaque. Bouyalma recula vivement. Le syrinyx était capable d'attaques fulgurantes.
- Bon, ça suffit ! dit Lyanne, en s'adressant au reptile. Je t'ai rendu ta liberté. Maintenant va, sinon...
Comme s'il avait compris le serpent se remit à terre et se faufila dans un trou.
- Tu as été imprudent, Bouyalma. Le serpent est la clé du monde clos, mais un homme est sans pouvoir. Seuls les dieux et les hommes-dragons ont le pouvoir d'entrer et de sortir. Le dragon Nanter avait emporté le prince-majeur, le roi-dragon le ramène. Donne-lui des habits.
Se tournant vers le prince-noir, il lui dit :
- La force est une mauvaise solution ici. Tu aurais détruit cette partie du monde et toi avec. Maintenant nous allons retourner à La Blanche. Reste-t-il des hommes de Jorohery ou les as-tu tous tués ?
Genou à terre, tête penché, Yaé répondit :
- Les forces du mal étaient présentes. Je les connais bien. Je craignais pour votre sécurité.
- Tu as raison, Prince Yaé. J'ai souffert et j'ai appris. Si je détiens le pouvoir, je suis un simple dépositaire. Maintenant réponds à ma question.
- Certains attendent la mort. Les autres ont été achevés.
- Bien. Interroge-les. Il faut le nom des princes qui ont encore le cœur pourri par Nanter. L'avenir existera s'ils le rejoignent.
On amena une tenue de guerrier pour le prince-majeur. La nouvelle de leur retour se répandit sur toute la colline. Il y eut des cris de joie. Lyanne avait laissé partir les autres avant lui. Le soleil allait se coucher et il voulait sentir la colline. Il s'assit devant le mur, regardant le groupe descendre la pente. Il n'avait gardé, à sa demande que Akto. Il sentait ce dernier trop fragile pour le laisser seul au milieu des autres. Cela viendrait en son temps. Le prince-majeur était assis derrière lui comme une ombre. Le soleil lentement passa derrière l'horizon. Quand les derniers rayons touchèrent le mur, Lyanne eut la vision de ce qui était avant la ruine. Il entrevit un palais de pierre richement décoré. Des êtres aux formes étranges entraient et sortaient. Lyanne frissonna. Il contemplait les serviteurs des dieux.
- Auriez-vous froid, Majesté ?
La voix de Akto le sortit de sa transe.
- Le froid m'est étranger, lui répondit Lyanne. Rentrons au campement. Demain la route sera longue.
Il se leva, suivi par Akto qui prenait son rôle de serviteur au pied de la lettre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire