Degala paniquait :
- J'pourrais pas, J'te dis que j'pourrais pas.
Il parlait vite et fort tout en faisant les cents pas dans la cabine qu'on lui avait allouée.
- L'cérémo... j'sai pas quoi... j'pourrais pas.
- Qu'est-ce qui te fais peur ? lui demanda Lyanne.
- Mais tu t'rends pas compte. J'vais devoir relancer le soleil et la lune... Leur foutu Dieu qui dort, là ! Y viendra pas pour l'faire... alors va falloir que j'le fasse. Mais t'rends compte que moi, avant ton arrivée, j'pensais que j'finirais aide-forgeron dans l'meilleur des cas et là j'deviens celui qu'ils attendent pour que leur monde tourne. C'est pas possible !!!!
Lyanne le regardait s'agiter, appuyé sur son bâton de pouvoir. La nuit était bien avancée. Djoug les avaient retenus longtemps pour leur parler de son monde. Degala ne s'appelait pas comme cela pour eux, les gens des îles Waschou. Ce nom était un nom pour les continentaux. Lui s'appelait Lmansine. Degala avait changé de visage en entendant cela. Djoug s'était montré diplomate en disant que les jeunes pouvaient changer de nom si tel était leur souhait et par exemple, Degala pourrait devenir Dgala. Cela lui avait amené le premier sourire depuis son arrivée sur la galère.
- Tu as maintenant un bâton de pouvoir. Il était à un roi-dragon, il est aujourd’hui à toi. Les rois-dragons sont maîtres de ces bâtons et savent les créer. Tu es le propriétaire et tu vas apprendre à t’en servir. Déjà tu as senti beaucoup de choses...
Degala se mit à écouter Lyanne. Il ne parlait pas très fort, et d’une voix sourde, pour ne pas mettre tout le monde au courant des pouvoirs que contenait le bâton.
- … et ce bâton de pouvoir est aussi un lien avec le Dieu Dragon.
- Il existe un Dieu Dragon ?
Lyanne lui fit le récit de la création du monde et des hommes telle qu’il la connaissait.
- … Le dieu Randa est un inconnu pour moi. Des légendes parlent de jeunes dieux arrivés plus tard dans notre monde quand Sioultac et Cotban se sont retirés. Ma connaissance s’arrête là.
Lyanne, qui n’avait pas quitté Degala des yeux, l’avait vu se mettre à somnoler sur son siège. Il était maintenant appuyé sur le mur et sa respiration régulière montrait qu’il s’était endormi. Sans bruit Lyanne se retira dans sa cabine.
Il y ressentit la puissance de la magie tout autour de lui. Il se mit debout au centre, posa son bâton au sol et posant le front sur le haut, il invoqua l’aide du dieu dragon. Un brouillard doré envahit la pièce. Il pulsait doucement comme un cœur qui bat. Lyanne sentit la magie reculer jusqu’aux murs. Il contacta alors la Blanche, puis Tichcou. Tout le monde lui assura que tout allait bien. Il revint dans la cabine et se redressa. Le brouillard se dissipa doucement. La porte s’ouvrit brutalement. Djoug et des soldats se précipitèrent dans la pièce.
- Je vous salue, seigneur Djoug.
- C’est toi ?
- Moi ?
- Toute cette puissance… c’est toi ?
- Qu’as-tu ressenti pour venir ainsi ?
- Tout le bateau a vibré et les Nasr ont nagé comme jamais ils n’ont nagé. Les magiciens ont été bouleversés. Le jeune Dgala dort son bâton de puissance sur la poitrine et ta porte a refusé de s’ouvrir quand nous avons tenté de le faire. Serais-tu … ?
Le visage de Djoug se décomposa en un instant.
- Mais non, ce n’est pas possible, tu ne peux pas être un dieu.
- Je suis un homme, répondit Lyanne avec un sourire, un homme qui est en quête de son à venir.
- Un homme étrange, ajouta Djoug en faisant signe aux soldats de sortir.
Lyanne resté seul, regarda la porte un moment. Il pensa que le jour allait bientôt se lever. Autant aller voir le soleil sortir de la mer. Il attendit que les bruits se calment et ouvrit la porte. Le couloir était désert. Il partit vers la poupe à la recherche de l’écoutille. Il la trouva. Son ouverture fut difficile. Dehors le vent soufflait fort. Lyanne dut faire un effort pour se hisser sur le pont. Ce dernier était désert. Regardant derrière la galère, il vit qu’ils filaient aussi vite que lui volait. Toujours luttant contre le vent de leur vitesse, il rejoignit la proue. Malgré la houle, il avançait fendant la mer. Le bruit des rames sourd et rythmé, accompagnait ce mouvement. Déjà les prémices de la lumière trônaient sur l'horizon. Les mains posées sur le garde-corps, Lyanne contemplait l’océan. Sa couleur virait du bleu sombre au doré. Au loin, quelques voiles signalaient d’autres bateaux qui fuiraient dès qu’ils reconnaîtraient la galère. La réputation des pirates n’était pas usurpée. Tout le monde le disait, on n’échappait pas à la puissance des rameurs. Lyanne comprenait qu’avec cette magie à bord, personne ne pouvait lutter. Il ferma les yeux pour goûter le plaisir du vent sur le visage et dans les cheveux. Il les ouvrit quand la lumière frappa ses paupières. Rouge comme ses écailles, le disque solaire sembla jaillir de l’eau. Il était juste devant lui. Il sourit. De toute la force d’une antique puissance, il se précipitait vers ce qui était le but de sa quête.
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