jeudi 16 juin 2016

Les mondes noirs : 51




Quand Karabval revint à lui, l'aube pâlissait. Il était exténué d'avoir crié. Comme les autres nuits, il avait hurlé de douleurs, de peurs, de rage. Ses cris devaient s'entendre de loin. Pourtant les autres n'étaient pas là, à son réveil, pour tenter de lui reprendre ce qu'il avait volé. Il avait à la fois la fierté d'être le plus grand des voleurs et l'impression que c'était son destin depuis que ce prêtre fou avait dessiné les spirales de la magie sur son corps. À chaque fois, les douleurs commençaient sur les cicatrices et brûlaient tout son être. De nuit en nuit, elles augmentaient. Chaque matin, il reprenait conscience au milieu d'un cercle de mousse vert tendre, comme si ses cris l'engendraient. Il décida qu'il pouvait dormir un peu. Il pensait que les douleurs ne reviendraient pas maintenant. Quant à ses poursuivants, il espérait que le gouam avait suffisamment brouillé la piste.
Quand Karabval se réveilla, la matinée était bien avancée. Il se mit debout, rangeant ses armes. Il était presque déçu que les autres ne soient pas là. Il soupira. Son calvaire n'était pas fini. Il regarda autour de lui. Le terrain devenait plus rocheux. Il décida de continuer dans cette direction. En marchant sur de la pierre, même la meilleure des pisteuses aurait du mal à le trouver. Il quitta le fond de mousse en sautant sur une pierre plate de grande taille. Il restait étonné qu'aucune de ces bêtes si féroces des mondes noirs n'osent traverser cette zone vert tendre. Peut-être était-ce dû à la couleur? La matinée s'écoula sans qu'il ne voit aucune bête ou bestiole. Il fatiguait vite depuis ces derniers jours. Le sommeil lui manquait, entre autres. Il cessa de sauter de pierre en pierre. Tant pis si cela facilitait la tâche de ses poursuivants. Des deux qu'il avait affrontés, la femme était la plus dangereuse. Si son clan était petit, la préparation des amazones valait celle de Gambayou. Chaque fois qu'il pensait à lui, une bouffée de haine lui employait le coeur. Sans son acharnement à éliminer ses élèves, il n'en serait pas là. Il se raisonna. Les premières douleurs qui l'avaient fait hurler toute la nuit étaient arrivées alors qu'il accumulait les pensées haineuses contre son mentor, imaginant tout ce qu'il pourrait lui faire, si le hasard le mettait entre ses mains.
Le terrain s'élevait doucement. La brume était toujours présente réduisant la visibilité. Cela lui allait. Il ne savait pas où le conduisaient ses pas. Avait-il  traversé les mondes noirs? Si la question lui traversa l'esprit, son intuition lui chuchotait qu'il vivrait là une nouvelle forme d'enfer.
Des rigoles coulaient ça et là, l'obligeant à se mouiller les pieds pour pouvoir traverser. Il jurait à chaque fois. Après il glissait sur la roche sombre. Il avait déjà remarqué des différences. Les plus noires accrochaient bien sous le pied. D'autres, plus grises que noires, glissaient autant que de l'herbe mouillée. Même les arbres étaient différents de ce qu'il connaissait des mondes noirs. Il ne voyait plus de riek, à la forme si caractéristique. Devant lui s'élevaient des arbres plus hauts et au tronc plus développé. Si la fange ne tenait pas sur la roche, elle semblait avoir colonisé les troncs. Il jugea impossible d'y monter. Pour cela, il aurait fallu traverser toute cette couche de pourriture qui couvrait le bois. Il s'était aussi approché d'arbustes en forme de boule. Là aussi, il avait renoncé. L'extérieur était un mur d'épines. A la différence du riek, elles n'étaient que des pointes. Il avait bien essayé de les couper. Ni son épée, ni sa dague n'avaient le tranchant nécessaire pour les éliminer rapidement. Il devait les trancher une par une pour espérer faire un passage.
Quand arriva le soir, il se retrouva devant un amoncellement de rochers. Il vit cela comme un signe. Il allait pouvoir semer ses poursuivants. Il commença son escalade avec cet espoir. À mi-pente, il entendit le bruit. Arrivé en haut  Il ne fut pas surpris de voir un cours d'eau. Il jura. C'était une rivière capricieuse tout en rebondissements et en remous. Cela ne lui laissait que deux choix : monter ou descendre. Il en était encore à peser le pour et le contre quand la nuit tomba. À défaut de lune, ce furent les douleurs qui se levèrent.

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