lundi 25 décembre 2017

Ainsi parla Rma, le fileur de temps... 32

Keylake s'approcha de Riak et de la grand-mère. Les lèvres pincées, elle dit :
   - La grande prêtresse a parlé. Nous devons obéir.
Au ton employé, Riak comprit que c'était une formule de politesse. La prêtresse continua en s'adressant à la grand-mère :
   - Vous allez remplir la mission qui vous a été confiée. Pour cela vous passerez voir la mère-intendante. Elle verra avec vous ce qui est nécessaire.
Puis elle se tourna vers Riak :
   - Quant à toi… tu es notre “hôte”.
Keylake se tourna vers la prêtresse qui avait frappé Mitaou, la novice :
   - Mère des novices donne une servante à notre “hôte”. Que les justes gestes soient faits !
La mère des novices s'inclina, imitée par toutes les novices qui mirent le front à terre, en disant :
   - Cela sera fait, Mère Keylake.
Riak regarda cela interloquée. Dès qu'elle se releva, la mère des novices se tourna vers une jeune fille en habit blanc et noir et lui dit :
   - Va accompagner cette femme jusqu'à chez la mère-intendante et reviens sans traîner. Nous allons commencer les exercices du soir.
Regardant alors Riak, elle dit :
   - Vous êtes notre hôte. La grande prêtresse vous fait une grande faveur après ce que vous avez fait. Sache que celle que je punis le mérite toujours. Nos règles sont strictes mais nécessaires pour que soit honorée la blanche princesse qui soutient le peuple.
Riak écoutait emplie d'une impression d’irréalité. Et puis d'un coup, elle comprit qu'elle restait ici, qu'elle ne repartait pas dans les montagnes avec sa Grande Mère aimante mais qu’elle allait rester là avec toutes ces “mères” aux paroles dures et au coeur sec. Elle se tourna vers la grand-mère. Elle lut dans son regard qu'elle était arrivée à la même conclusion. Cette dernière s'approcha de Riak, lui prit les mains et l'embrassa.
   - Je fais le plus vite que je peux, dit-elle à Riak. Tu vas voir, tout va s'arranger.
   - C'est ce qu'on dit aux petits enfants pour qu'ils se tiennent sages, lui répondit Riak.
La grand-mère sentit au ton de sa voix que Riak n'était pas loin des pleurs. Elle-même se sentait dépassée par les événements. Elle lâcha Riak brusquement et rejoignit la novice qui l'attendait à la porte. Riak vit disparaître la grand-mère après un dernier signe de la main. Sa gorge se serra.
La mère des novices ne lui laissa pas le temps de réfléchir plus. Elle reprit :
   - Je vais mettre à votre service celle-là même que vous avez défendue. À elle de prouver qu'elle est digne de l'habit qu'elle veut porter. Si elle échoue dans sa tâche, elle sera renvoyée.
Elle se tourna alors vers Mitaou et lui dit :
  - Je te dispense des rites et des prières communes. À toi de t'occuper de notre hôte pour que tout aille bien. Vois avec l’hôtelière pour l'organisation.
Ayant dit cela, elle fit un signe et sortit, suivie de toutes les novices. Riak avait vu pâlir Mitaou à l'annonce de sa tâche. Quand elles furent seules, elle lui demanda :
   - Qu'est-ce qu'on doit faire ?
  - Venez, répondit Mitaou, la mère intendante va nous attendre.
Riak fut étonnée du vouvoiement de la part de quelqu'un de son âge.
  - Comme l'a dit notre mère, nos règles sont strictes. Malheureusement, je n'ai pas la faveur de la Princesse Blanche et je fais beaucoup de fautes. En vous confiant à moi, notre mère me donne une dernière chance. Je n'ai pas le droit d'échouer. Mes parents seraient trop déçus. Jamais je ne pourrais rentrer et amener la honte sur le clan.
Tout en parlant Mitaou entraîna Riak dans un couloir jusqu'à une grande pièce. Derrière une table, une mère, reconnaissable à son habit blanc, s'agitait en donnant des ordres. Mitaou s'approcha d'elle en la saluant avec respect en s’inclinant :
   - Je te salue, Mère intendante. Je viens…
   - Oui, oui, je sais…
Riak vit la prêtresse se tourner vers le fond de la salle et crier :
   - Bemba, viens !
Une forte silhouette jaillit de l'ombre :
   - Oui, Mère ?
  - Cette jeune fille est l'hôte de la grande prêtresse et cette novice sera sa guide. Va et fais selon mes ordres.
D'un geste, elle les congédia.
Riak se retrouva à nouveau dans un couloir à suivre ses guides. On la fit monter à l'étage par un grand escalier et on la précéda jusqu'à une grande pièce.
   - Vous voilà arrivée, noble hôte. Mon nom est Bemba. Je suis là pour satisfaire tous vos  besoins. Voici la clochette pour m'appeler. Je serai devant votre porte. Je pense que vous allez vous reposer. Que votre nuit soit profitable!
Ayant dit cela Bemba se retira. Mitaou  et Riak se trouvèrent seules. Mitaou s'avança jusqu'à un rideau qu'elle tira découvrant une alcôve garnie d'un matelas : 
  - Voilà, noble hôte, votre couche. Les premiers rites du temple sont quand le soleil éclaire le Rocher. Bemba viendra avant pour vos ablutions et pour votre repas.
  - Et qu’est-ce que je suis censée faire, demanda Riak ?
  - Vous reposer, noble hôte, et moi je dormirais à côté pour que votre sommeil soit paisible.
Tous ces “noble hôte” énervaient Riak. Elle se contenait pour ne pas répondre et rendre la situation plus difficile. Elle s'allongea, laissant la novice tirer le rideau. Elle l'entendit bouger un peu dans la pièce. Le silence vint, puis un murmure. Riak regarda ce qu’il se passait. La novice, à genoux, psalmodiait. Riak trouvait la situation cauchemardesque. Elle se coucha en pensant ne pas dormir. La psalmodie eut un effet soporifique.

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