- Je me suis mis à courir comme un fou et vous m'avez poursuivi, Seigneur Dragon.
Névtelen se tut.
Maintenant, il était vidé, non, pas vidé, vide. Son avenir lui importait peu. Il n'y pouvait rien.
Comme rien ne se passa. Névtelen regarda vers le bout du boyau qui l'abritait. Il n'y avait plus rien, ni rocher, ni dragon. Il eut un instant l'impression d'un rêve qui se terminait. Tous ses souvenirs avaient repris leur place. Douloureux ou joyeux, ils faisaient partie de son passé, mais plus de son présent. Ils leur devaient ce qu'il était, mais pas plus. En le faisant raconter tout ça, le dragon l'avait curieusement libéré. Il se leva. Il laissa la vieille épée et ne garda que son marteau qu'il remit à sa ceinture. Pour affronter le dragon, il n'en aurait pas besoin.
Le jour emplissait la caverne.
Il vit le dragon.
- Viens, être debout. Ton récit est captivant.
Névtelen approcha du grand dragon maintenant accroupi au centre de sa grotte.
- Ai-je droit à la vie ?
- Sais-tu ce qu'est la vie, être debout ?
Regardant vers l'extérieur, le dragon semblait pensif. Névtelen continua à s'approcher de lui. Au centre de l'espace était dressée une pierre plate. Dessus un anneau d'or accrocha le regard de Névtelen.
- Quelle épreuve me réservez-vous, Seigneur Dragon ?
- La plus simple, la plus dure ! Celle du choix.
Névtelen fasciné par l'anneau, demanda :
- Finirais-je comme les autres si je le touche ?
- C'est à la fois plus simple et plus compliqué. Cet anneau est premier et dernier. Il ne peut aller qu'au doigt de celui qui fera Sangha.
Névtelen leva les yeux vers le dragon. Celui-ci avait abaissé la tête à la hauteur de l'homme. Son œil était comme un phare d'or se reflétant dans l'anneau. Névtelen avala sa salive. Il avança la main. Un grondement sortit de la gueule en face de lui.
- Cet anneau n'est pas fait pour vous, dit Névtelen. Il est fait pour un doigt comme le mien.
- Cet anneau est MIEN ! gronda le dragon, ne quittant pas de l’œil la main qui se tenait au-dessus.
Névtelen regarda les dents devant lui. Cet anneau l'hypnotisait. Il en avait la conviction, il fallait qu'il le passe à son doigt.
- Seigneur Dragon, je ne peux échapper à votre puissance et à votre rapidité. Laissez-moi essayer simplement cet anneau.
- Ton ignorance est grande, être debout. Cet anneau contient la puissance. Te laisser y toucher est impossible.
- Le prince Quiloma en possède un qui lui ressemble, pourtant il n'a pas la puissance. Laissez-moi essayer.
- Tes arguments sont le reflet de ce que tu ignores. L'anneau du prince est faible en comparaison à celui-ci.
Névtelen sentait le dragon tendu, prêt à bondir, sans compter le feu qu'il pouvait cracher. Il employait une mauvaise tactique. Qu'avait-dit le dragon ? Sangha...
- Pourtant je suis peut-être celui qui fera Sangha. Enseignez-moi ce qu'est faire Sangha.
Le dragon sembla se rembrunir.
- C'est un rite chez les dragons appelés.
- Seriez-vous un dragon appelé ?
- Ta finesse est grande, être debout. Ce fait est controversé. J'ai entendu un appel quand j'étais encore dans l’œuf. L'être debout Mandihi est resté évasif. Les gravures dans les grottes des dragons sont restées évasives. Cet appel était-il un véritable appel ?
- Comment discerner si cet appel est véritable ?
Le dragon se redressa un peu. Il sembla se mettre à réfléchir.
- Ta question me trouble, tout comme ton récit. Les légendes disent que l'appel vient de celui qui sera roi-dragon dans le pays blanc. Si tu es celui appelle et qui fera Sangha, tu dois être prince du pays blanc. Ton récit est troublant mais manque de certitude.
Ce fut au tour de Névtelen de se mettre à réfléchir. Ce qu'il savait lui avait été raconté. Il n'avait aucune preuve matérielle. Que lui restait-il à part sa mémoire ?
- Serions-nous condamnés à ne jamais savoir, seigneur Dragon ? Que fais-tu des oracles ?
- Je te le dis à nouveau, être debout. Ton récit est troublant. Malheureusement, l'être debout Mandihi m'a mis en garde contre la possibilité d'un faux prétendant. Peut-être es-tu celui-là ? Peut-être es-tu cet être au cœur noir ?
- Mon cœur n'est pas noir !
- Pourtant tu as tué d'autres comme toi.
- Oui, cela est vrai mais en combat ou pour me libérer. Je n'ai pas cherché le mal. J'ai juste cherché ma place. Et ma place me semble en rapport avec vous seigneur dragon.
- Cela laisse l'incertitude dans mon esprit, être debout.
- Peut-être faut-il me faire confiance ?
Le dragon éclata de rire, faisant sursauter Névtelen.
- Tu inverses les rôles, être debout. Le choix est tien.
- Non, seigneur dragon. Le choix est nôtre. Vous n'aurez la réponse que si je passe l'anneau.
En entendant cela le dragon gronda à nouveau :
- Ta cuisson aurait simplifié le problème.
- Oui, seigneur dragon. Vous avez fait un choix, vous aussi. Il est nécessaire de l'assumer.
Avant que le grand saurien ne réponde Névtelen avait pris l'anneau. Son majeur se glissait dedans quand la gueule se referma sur lui.
Noir !
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