Quand se promènent les mots, des histoires prennent corps. Que ce lieu leur serve de repos.
lundi 14 juillet 2014
Le premier matin, les serviteurs de l’oracle regardèrent Lyanne d’un drôle d’œil. Il les vit s’interroger. Il entendit même un bout de conversation entre deux hommes qui n’avaient pas conscience qu’il était dans la pièce d’à côté. Ils s’étonnaient de sa présence. Comment avait-il pu arriver sur l’île ? Son arrivée dans le couloir les avait fait fuir. L’oracle, dont il ne savait toujours pas si c’était un homme ou une femme, avait donné l’ordre de le loger dans une des petites maisons qui bordaient la forêt. De l’autre côté de l’esplanade, il vit un groupe de gens. Il pensa aux occupants du bateau. Il n’eut pas le temps de s’interroger sur ce qu’il allait faire. Quelqu’un lui amena à manger. Il s’installa sur un morceau de tronc coupé qui servait de tabouret pour déguster un brouet fait de soupe de crabes. Cela le fit sourire. En face de lui, il vit les autres invités faire comme lui. Pensaient-ils à l’individu dans le sable ? S’il en avait l’occasion, il pensa qu’il lui serait profitable de savoir l’histoire. Quand il eut terminé, un serviteur s’avança :
- L’oracle m’a demandé d’être à votre service et de répondre à vos questions. Mon nom est Trend.
- Bien, Trend. D’où viennent les gens d’en face ?
- Leur royaume est à des jours de navigation sur une grande terre. Ceux-là ont fui en emmenant un personnage qui était garrotté quand ils ont débarqué. L’oracle les a reçus immédiatement. Je ne suis pas autorisé à écouter ce qui est dit quand l’oracle respire les vapeurs de la terre. Je ne sais pas ses paroles. J’ai entendu leurs cris et j’ai vu leur colère. Ils ont immédiatement emmené le prisonnier sur la plage. Je n’en ai pas vu plus. Mais on m’a dit qu’il avait été enterré dans le sable devant la marée montante. Ceux qui logent sur le devant, m’ont dit qu’il avait hurlé jusqu’à ce que l’eau le recouvre.
- Sais-tu pourquoi cela ?
- Non, invité de l’oracle. Seul notre maître le sait et ceux du bateau.
Puis le serviteur lui fit les honneurs de l’habitation. Lyanne en profita pour se glisser dans la vasque naturelle qui était en bordure de la forêt. L’eau qui y coulait était chaude et cela lui détendit bien les muscles. Il se laissa aller. Il aimait ces moments de pure sensation. Ce flottement lui était plus qu’agréable. C’est dans cet état un peu second qu’il entendit arriver d’autres personnes. Elles marquèrent un temps d’arrêt en le voyant, puis leurs pas reprirent leur progression. Ils les entendit échanger des paroles dans une langue chantante. Quand il ouvrit les yeux, il vit deux jeunes femmes habillées de grandes étoffes chatoyantes.
- Bonjour, dit-il.
- Bonyour, répondit la plus jeune.
Son corps mince était enveloppé d’une étoffe aux reflets verts qui s’harmonisait avec ses yeux. Sa compagne beaucoup plus effarouchée, faisait deux fois sa taille. Son habit tirait sur les bruns. Derrière elles, apparurent des guerriers, grands et élancés, armés de lances. Fermant la marche, un grand gaillard portait un casque de fibres séchées orné de plumes. Il regarda Lyanne semblant soupeser en tant que combattant. Il s’adressa à la jeune femme dans une langue aussi chatoyante que son étoffe. Elle se renfrogna et lui répondit sur un ton sans équivoque. Elle était le maître, pas lui. Cela fit sourire Lyanne. Elle le regarda et lui sourit en retour. Puis d’un geste gracieux, elle dénoua le noeud sur son épaule et dans une superbe nudité, se mit à l’eau. Le chef des gardes aboya des ordres et ses guerriers se mirent en faction autour de la vasque dans laquelle il barbotait. L’autre femme, que Lyanne estima être une suivante, fit de même. Puis sans autre cérémonie, elle entreprit de laver la chevelure de sa maîtresse.
- Yous êtes là depuye longtemps ? demanda la jeune femme.
- Je suis arrivé après vous, répondit Lyanne en se redressant.
Son mouvement provoqua une réaction des guerriers qui se mirent en garde.
- Myinda trouve que you êtes danyereux.
- Il a raison. Je suis un être dangereux.
- Ye ne vous ressens pas comme ça. Ye me trompe yamais.
- Vous avez raison aussi. Je suis sans violence envers vous. Vous êtes une belle inconnue.
- Ye suis Voyvoylin, fille de Kayallin et nièce de Yourtalin qui fut yugé et puni.
- L’homme de la plage est… était votre oncle.
- Oui, mon père l’a amené pour le yuyement de l’oracle et l’oracle l’a yuyé mauvais. Il a subi le sort des mauvais.
- Votre peuple aime la justice.
- La yustice est nécessaire, sinon c’est la guerre.
Elle se tourna brutalement vers sa suivante et lui dit d’un ton sec, une phrase qui la fit rougir. Lyanne en profita pour sortir de l’eau.
- Princesse Voyvoylin, nous aurons sûrement l’occasion de nous revoir. Que le jour vous soit favorable.
Lyanne se retourna mais pas assez vite pour ne pas voir la déception qui traversait le visage de la princesse. Il décida de s’enfoncer dans la jungle derrière. Il n’avait pas fait plus de dix pas que Vimes le rattrapa.
- Il ne faut pas, invité de l’oracle !
- Quoi ? demanda Lyanne.
- Il ne faut pas s’enfoncer dans la jungle sans guide ni armes. Il existe trop de mauvaises choses.
- Sois sans crainte, serviteur de l’oracle, toutes ces mauvaises choses m’éviteront.
Devant un tel aplomb, Vimes en resta interdit. Lyanne en profita pour s’éloigner. La végétation était dense et rapidement, il ne vit plus ni les gens ni les bâtiments. Les sens en alerte, il progressa jusqu’à tomber sur une piste. Le soleil était haut dans le ciel. Il s’arrêta au bord. La visibilité était très réduite. D’un côté comme de l’autre, des virages bloquaient toute visibilité. Il examina le sol. Il en déduisit que la pente allait descendant vers sa gauche. Il prit à droite. Bien qu’étroite, la piste était bien marquée. Il monta ainsi un moment sans rencontrer personne. Il trouva la marche monotone. La végétation de part et d’autre était tellement dense qu’il ne voyait rien. Il avait l’impression de marcher dans un couloir dont le ciel serait le plafond. Quand il ressentit la faim, il décida de prendre son envol. Il se retrouva bientôt au-dessus de la forêt. Battant des ailes, il se dirigea vers la mer. Les quelques heures de marche qu’il avait faites, l’avait éloigné de la maison de l’oracle et l’avait rapproché de la montagne fumante. Son instinct lui disait qu’il lui faudrait aller au sommet. Il pensa qu’il était préférable de suivre ce que lui avait dit l’oracle. Inclinant ses ailes, il vira vers la mer. Il monta plus haut dans le ciel jusqu’à être au niveau du sommet. De nouveau, il entraperçut cette silhouette qui l’intriguait. Pourtant son attention fut attiré par une forme au loin. Il battit des ailes pour s’en rapprocher, survolant la mer et ses nuages bas. Il repéra le bateau et comprit pourquoi son oeil avait été attiré. Sa voile était rouge. Le vent bien établi, le poussait à une bonne allure. Lyanne pensa encore une fois aux paroles de l’oracle. Il faudrait bien deux jours pour que ce bateau arrive sur l’île. Cela le rendit joyeux. Voulant éviter de se faire remarquer, il s’éloigna, cherchant dans l’eau une forme allongée caractéristique de ces poissons goûteux qui lui plaisaient bien.
C’est rassasié qu’il retourna vers l’île. Jetant un dernier coup d’oeil en arrière, il remarqua d’autres voiles, rouges elles aussi. Les évènements allaient devenir intéressants. Il atterrit sur la piste près de l’endroit d’où il avait décollé. Reprenant la marche, il se mit à descendre vers les habitations.
Il arriva à la nuit tombée. Sa maison était ouverte, sur le banc, un plateau avec des victuailles et à côté, Trend qui l’attendait.
- Vimes a été inquiet de vous voir partir ainsi, invité de l’oracle, mais notre maître l’a rassuré. Selon lui, vous ne risquiez rien tant que les bateaux ne sont pas là. Demain, il y aura un repas donné quand le soleil sera au zénith. Notre maître vous invite. Il m’a dit de préciser que le prince Kayallin et sa fille serait avec vous.
- Bien, dis à ton maître que je serai présent. Maintenant, serviteur de l’oracle, tu peux te retirer. Je peux me débrouiller seul.
Trend le salua et à reculons, partit vers le grand bâtiment. Lyanne mangea un peu tout en se demandant ce que voulait l’oracle avec cette rencontre. Se retirant dans le noir de sa chambre, il prit son bâton de pouvoir et entra en contact avec les siens.
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