Le poisson nous avait vomis sur une plage de sable blond au milieu de nulle part. Je me dirigeais vers la dune qui me barrait la vue. Je la gravis. J’étais au bord d’un désert. Le vent venait de la mer. Il était assez fort et soulevait des petits nuages me fouettant les jambes. Je lui tournais le dos et me laissais pousser vers l’intérieur. Quelques maigres pousses parsemaient le sable, s'accrochant au sol de toute la force de leurs racines. Je vis au loin, des formes qui m’évoquèrent un troupeau. Elles m’attirèrent. En m’approchant, je distinguais mieux. C’était du petit bétail. Leurs cris me parvinrent avant que je puisse les détailler. Un homme, surgi de nulle part, se dressa devant moi. Sa peau était sombre sans être noire. Il tenait une lance à la main. Je montrais mes mains vides en signe de paix.
Il me dit en me barrant la route :
- Attends !
Il émit un long sifflement. J’en déduis qu’il devait prévenir. Nous attendîmes un moment la réponse. En l’entendant, il me sourit :
- Va, le maître sera heureux de te voir. Sa tente est un peu plus loin.
Je repris ma marche. J’avais l’espoir d’arriver bientôt. Il fut déçu. Après une dune venait une colline qui précédait une autre dune. Un autre berger me vit. Il ne s’approcha pas. Simplement il tendit le bras vers là où je devais aller. Alors que je commençais à trouver le temps long, je vis, du haut d’une dune, le campement.
Alors que je descendais la dernière dune, un vieillard sortit de la tente près d’un arbre qui, bien que tordu, poussait vigoureusement. Le vieil homme avait son bâton à la main. Vu sa démarche, ce bâton était plus un signe de pouvoir qu’une aide à la marche. Il vint vers moi :
- Veuille ne pas passer loin de ton serviteur. Viens et repose-toi sous cet arbre. Tu pourras prendre un peu de pain et de repos avant de continuer plus loin.
Je me retrouvais assis sur des coussins posés sur un tapis au pied d’un chêne qui avait poussé là, malgré les difficultés. Quelqu’un m’avait lavé les pieds pour enlever la poussière du désert. Quelques dattes avaient été posées juste à côté de ma main. Le vieillard me faisait la conversation pendant que des serviteurs s’agitaient autour de nous. Le soir arriva avant que je n’ai pu repartir. Je vis arriver un chevreau rôti ainsi que des galettes. Je lui racontais mon périple. Le vieil homme, ses serviteurs et ses bergers m’écoutèrent avec attention, s’étonnant de l’étrangeté de mon récit. Les mots comme ordinateur ne leur disaient rien. Par contre les cavaliers ou les monstres leur semblèrent plus familier. Quand je parlais du signe sur mon front, le vieillard hocha la tête :
- Il te faudra marcher vers l’Horeb…
De sa main, il me montra une direction.
- … là, dans le souffle ténu, tu auras ce que tu cherches. Je te donnerai un guide car tu es étranger au pays.
Puis, il me raconta son histoire, comment il était parti de son pays, comment il avait prospéré en écoutant cette voix étrange qui lui parlait et comment il s’était séparé de son neveu quand leurs troupeaux étaient devenus trop nombreux pour la terre qu’ils foulaient. À ma question sur ce qu’était devenu son neveu, il me répondit :
- Il a levé les yeux et regardé le pays. Il a trouvé que la plaine et ses villes étaient riches et agréables à regarder. Il réside maintenant à Sodome.
Le nom résonna négativement en moi. Je fis la grimace. En me voyant ainsi réagir, le vieil homme reprit la parole :
- Le cri qui monte de Sodome est grand. Les pauvres y sont maltraités et l’étranger n’y est pas accueilli. Mon neveu ne connaît pas la paix que je connais près de mon arbre.
Il sembla, après avoir dit cela, s’enfoncer dans une méditation, les yeux fixés sur le feu. Je me retins de parler et fit de même.
Quand je sortis de cet état, le jour était levé. J’étais seul allongé sur le tapis. Je me dressais sur mon séant. Un homme s’approcha vivement.
- Mon nom est Sedma. Je suis envoyé par Abraham, mon maître, pour te guider jusqu’à l’Horeb.
Je me mis debout. À ce moment-là, le vieil homme sortit de sa tente. Sedma se précipita pour le saluer.
Après lui avoir rendu son salut, Abraham s’approcha de moi :
- Le soleil se lève pour toi aujourd’hui. Que tes pas soient bénis.
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