samedi 20 octobre 2018

Ainsi parla Rma, le fileur de temps...67

Kaja eut fort à faire dans la région de Clébiande. Il pensa que ce n’était pas le hasard si le renégat Cajanobi avait écumé ce territoire. En dehors du colonel du fort de l’ouest qui vivait quasiment en reclus, le territoire était parsemé de petits fortins avec des effectifs qui variaient entre deux et cinq hommes. Kaja et ses hommes allaient de village en village, vérifiant si les soldats se conformaient à ses ordres. C’est en rentrant dans le hameau de Narce qu’il fut arrêté par une femme.
   - Si t’es bien, çui qu’tu dis, alors, t’vas faire queque chose !
Kaja s’était arrêté et avait écouté. Il avait même mis pied à terre. Quand la femme eut fini, il se tourna vers un lieutenant et lui dit :
   - Va me les chercher !
Avec trois hommes, il alla chercher les deux soldats en poste et les ramena devant Kaja. Quand il les interrogea sur les dires de la femme, il comprit qu’elle avait raison. Ils n’avaient pas appliqué la justice mais avaient donné raison à celui qui payait le plus.
   - Allez me chercher le chef du village, ordonna Kaja. Et mettez-moi ceux-là à genoux.
Ce fut sans ménagement que les soldats de Kaja firent s’agenouiller les deux locaux en leur liant les mains dans le dos. Ils tremblaient de tout leur corps. Il fallut du temps pour récupérer le chef du village. Il était aux champs. Kaja comprit que cet homme, Irpa, spoliait les autres pour agrandir ses terres avec l’aide de la police. Bientôt, il y eut tout le village de réuni. Les femmes des locaux implorèrent Kaja de ne pas être trop sévère. Quand Irpa arriva, Kaja vit arriver un homme sûr de sa puissance et de sa place.
    - La femme qui est là m’a raconté une histoire curieuse. Ces soldats-ci, dit-il en montrant les deux militaires agenouillés, n’ont rien pu dire contre. Et toi, que dis-tu ?
   - Cette femme veut me nuire. Ceux-là ont trop peur de rencontrer le colonel Kaja et sont prêts à tout. Personne ici n’a rien à dire contre moi. N’est-ce pas ?
Irpa parlait avec force gestes et prenait les villageois présents à témoins. Il avait cet air de morgue et de supériorité de ceux qui sont certains de la peur qu’ils font naître.
   - T’es qu’un salaud !
Irpa baissa les bras qu’il avait étendus et se retourna pour voir qui avait parlé. C’était un jeune garçon dépenaillé, maigre comme un clou, mais dont les yeux flamboyaient de rage.
   - T’as tué mon père et fait mourir ma mère ! Tout ça parce qu’ils ne voulaient pas te donner notre terre.
   - Tu dis n’importe quoi, Liaco. Tes parents m’ont vendu leur terre. J’ai tous les parchemins.
   - Vendu pour un sac de blé, tu te fous encore de moi…
Il fallut le retenir pour qu’il ne se jette pas sur Irpa.
   - On va tirer ça au clair, dit Kaja.
Il fit signe à son lieutenant d’approcher.
   - Tu me fouilles les maisons des locaux et de cet Irpa, et tu me ramènes tout.
Se tournant vers un autre officier, il dit :
   - Installe-nous des sièges et ce qu’il faut pour juger.
Puis s’adressant à Liaco, il ajouta :
   - Toi, viens avec moi et montre-moi où était cette terre...
Avant qu’Irpa n’ait pu bouger, deux soldats l’avaient encadré.
   - … Bien sûr, en tant que chef, vous suivez !
Accompagné de ses soldats, de Liaco, et d’Irpa, Kaja commença un tour du village puis, prenant un chemin que lui montrait le jeune, s’enfonça dans la campagne. Ils longèrent des parcelles, passèrent des ponts plus ou moins solides, longèrent des bois.
   - Là, dit Liaco. On avait des châtaigniers. 
   - Et où sont les arbres, demanda Kaja en voyant un champ de céréales ?
   - Ce salaud a tout coupé pour faire pousser ça, mais la terre n’est pas bonne, les châtaigniers nous nourrissaient davantage.
   - Je vois, dit Kaja !
Il se tourna vers Irpa.
   - Vous n’aimez pas les châtaignes ?
   - Colonel, c’étaient de vieux arbres à moitié crevés. On m’a donné l’autorisation et j’ai tout nettoyé… à mes frais !
   - Qui a autorisé ?
   - Vos soldats. Ils sont venus, ont vu qu’ils devenaient dangereux avec le pourrissement et m’ont donné l’autorisation.
   - Liaco, combien y en avait-il ?
   - Une bonne centaine !
   - Quel a été le sacrifice ?
   - Le sacrifice… le sacrifice…
Irpa se troubla.
   - J’ai fait ce qu’ils m’ont dit... J’ai versé l’huile et le vin au pied de chaque arbre avant de les couper.
   - De l’huile et du vin, intéressant ! Pas traditionnel mais intéressant !
Irpa avait changé de couleur. Son teint était devenu terreux. 
   - J’en ai assez vu. Remontons.
Il passa près de son lieutenant.
   - S’il dit un mot, fais le taire. Je ne veux plus l’entendre, lui dit-il en désignant Irpa.
Quand ils eurent rejoint le village, l’autre lieutenant avait posé les registres locaux sur un coffre et ramené d’autres documents. Kaja s’approcha du plus gradé des deux locaux.
   - J’ai vu le champ en cause. Il y avait des châtaigniers. Combien ?
   - Oh ! Une petite cinquantaine, répondit-il.
   - Presque une centaine, mon colonel, on était plus près de la centaine, corrigea son compagnon.
Le sergent agenouillé lui lança un regard noir.
   - Cinquante ou cent, ce n’est pas très important, répliqua Kaja. Quel sacrifice pour leur coupe ?
   - Ce que dit la loi, mon colonel !
Irpa avait ouvert la bouche, mais avant qu’un son ne soit sorti, il avait pris un coup de manche de hache de combat dans le ventre et n’avait pu continuer
   - Bien, répondit Kaja en le regardant tomber à genoux. Lieutenant que trouve-t-on dans le registre ?
   - Il est noté un bœuf et autant de poulets que d’arbres.
Il y eut des murmures parmi les villageois qui écoutaient.
   - Il semblerait qu’on manque de témoins, sergent, pour attester de ce sacrifice… Autant d’arbres… il n’y a pas de traces dans les rapports. Je trouve cela étrange, pas vous ?
   - On est très loin de tout ici, les rapports ont pu se perdre.
   - C’est possible, mais alors comment expliques-tu que le chef du village ne s’en souvienne pas de ce bœuf et encore moins des poulets… Cent poulets et même cinquante, ça en fait du bruit…
Le sang reflua du visage du sergent. La première femme prit la parole :
   - J’te l’avais bien dit ! Tous des salauds !
Tête basse, le sergent ne disait rien.
   - J’ai fait qu’obéir, dit son subordonné. J’voulais pas !
   - Tais-toi, Tiltua, gronda  le sergent, sans arriver à le faire taire.
Le subordonné tremblait de peur. Sa logorrhée n'avait pas de fin. Il donnait tous les détails de tout ce qui s'était passé. À l'écouter, Kaja sentait monter de plus en plus de colère. Le sergent n'y tenant plus, se jeta sur lui pour le faire taire. Il le bouscula sans pouvoir faire plus. L'épée de Kaja venait de le clouer au sol. Il fut agité de quelques soubresauts avant de s'immobiliser. Sa femme hurla se précipitant pour le prendre dans ses bras. Kaja récupéra son épée, pendant que les hurlements se transformaient en sanglots. Il se tourna vers les soldats qui tenaient Irpa :
   - Finissons-en !
Irpa hurla pendant que les soldats le traînaient. Sans ménagement, un des gayelers lui étala le bras au sol. La main de Irpa avait à peine touché la terre qu'elle fut fixée par la lance qui la transperça. Irpa poussa un cri de douleur aussitôt suivi d'un deuxième quand une autre lance transperça l'autre main. Du plat de sa hache, un sergent lui fracassa les genoux, puis méthodiquement entreprit de lui casser tous les os. Quand Irpa s'évanouit, le sergent s'arrêta. Les soldats récupérèrent leurs lances. Les villageois s'étaient tus. On n'entendait plus que les sanglots de la femme qui pleurait sur le corps de son mari. Kaja s'approcha du soldat survivant :
   - Tu as le choix, suivre ton chef, ou rentrer dans le rang.
   - J’obéirai, mon colonel. J'obéirai.
   - Lieutenant ?
   - Oui, mon colonel.
   - Qu’on l’affecte au fort d’Esda. Et occupez-vous de ce poste.
Sans attendre plus longtemps, Kaja était reparti. Un des lieutenants s'était approché de lui.
   - Pourquoi avez-vous épargné ce soldat, mon colonel ? Il était aussi coupable que son chef.
   - Oui, lieutenant. L'intérêt est qu'il témoigne. Les autres postes vont régulariser avant notre passage. Je ne suis pas responsable de ce qui a été. Je fais en sorte que les choses changent.
Kaja continua son inspection en suivant le fleuve. Il avait fait un arrêt au fort de Clébiande acceptant l'hospitalité du colonel. Même s'ils avaient un grade identique, Kaja était son supérieur. L'homme tenait à son poste et à sa tranquillité. Son désir de ne pas faire de vague l'amenait à se conformer aux désirs de ses chefs. Depuis l'histoire du fort d’Esda, lui aussi avait entrepris de régulariser tout ce qui devait l’être. Il n'avait participé à aucune des malversations, mais, comme beaucoup, avait laissé faire. Kaja ne lui avait rien dit, tout en notant les changements. En partant, après les remerciements, il lui glissa qu'il trouverait bien s'il contrôlait un peu plus les soldats des villages, par exemple en les rendant beaucoup plus mobiles…
Faire à cheval ce qu'il avait fait en bateau, lui faisait découvrir le monde d'une tout autre manière. Les pauses étaient toujours riches d'enseignements. Les nouvelles allaient vite. Le corps des gayelers commençaient à être connu. Ils avaient des pouvoirs étendus. Quel que soit le grade, on pouvait craindre pour sa vie en cas de manquement. Kaja rencontrait maintenant des casernes en cours de rénovation et des gens qui ne voulaient surtout pas qu'on remette en cause leur honnêteté. Un nombre certain de commandants de place avaient démissionné sous le prétexte avoué qu'ils étaient trop vieux. De plus jeunes les avaient remplacés. Ils avaient d'emblée, refusé les cadeaux offerts par les administrés. Ils avaient lu la circulaire de leur colonel, commandant général de la  police. Tout acte de corruption voulait dire la décapitation pour le soldat quel que soit son grade. La circulaire précisait que pour une tentative de corruption, le coupable, qui avait voulu corrompre, aurait à payer une très forte amende si c'était la première fois, et serait mis à mort si c'était une récidive. Si la corruption s'avérait véridique, la mise à mort serait immédiate, accompagnée de toute la famille si cela portait préjudice à l'état. La confiscation des biens qui allait avec servirait pour moitié à récompenser le militaire qui l'avait dénoncée et pour moitié à avoir les moyens de rénover la police.
Kaja avait rangé les gens qu'il rencontrait en deux catégories, ceux qui étaient heureux de changer et ceux qui avaient peur. Les premiers adhéraient aux ordres et ne lui posaient pas de problème. Il les utilisa comme vivier où il puisait pour remplacer les cadres qui faisaient défaut. Quant aux autres, il les maintenait dans leur sentiment en faisant régner une discipline de fer, comme à Cannfou.
Cannfou était une ville en deux parties. Il y avait la ville basse et la ville haute, entre les deux, la falaise. À force de patience, les gens avaient creusé un chemin étroit et raide. Cela avait été le début. Puis on avait construit les plateformes. C'est sous ce nom qu'on désignait la succession de pentes en bois posées sur des poutres enfoncées dans la roche. Si un animal avec sa charge pouvait s'y aventurer, on ne pouvait en mettre deux et encore moins un chariot. Cela c'était avant les seigneurs. À leur arrivée, ils avaient monopolisé les plateformes. Pour y passer, il fallait payer, cher ! Les seigneurs les empruntaient mais pour les autres, il était plus économique de décharger en haut ou en bas et de recharger après que les portefaix aient fait le voyage. Cannfou aurait probablement sombré dans l'oubli sans le mopran. Cette plante était indispensable aux belles dames de la capitale et d'ailleurs, sans elle, point de beauté. Le mopran ne poussait que dans la vallée et n'avait jamais pu s’acclimater autre part. Son commerce était la principale richesse de Cannfou grâce à la falaise et à sa cascade.
Kaja était arrivé dans la ville basse en pleine crise. Un lieutenant tentait de remettre un peu d'ordre. Le commandant de la place était parti ainsi qu'un nombre certain de ses subordonnés. Il paniquait. Le grand passage était là et il ne savait pas trop quoi faire.  
   - Le grand passage ?
   - Oui, mon colonel. C'est le nom qu'on donne à ce flot de locaux quand ils se déplacent pour leurs simagrées.
Kaja se fit expliquer en détail les modalités de cette transhumance dans la ville.
   - On m'a annoncé l'arrivée de la grande prêtresse et de sa suite pour demain. C'est toujours tendu, mon colonel.
   - Je sais qu'elle bénéficie d'un régime spécial. Qu'en est-il à Cannfou ?
   - Elle a l'autorisation spéciale de prendre les plateformes, elle et quelques vieilles femmes… et puis il y a tous les autres. Vous avez vu tous les gens qui sont là ?
   - J'ai vu la foule dans la ville. Pourquoi sont-ils là ? Ils devraient être en route pour rentrer chez eux.
   - C'est sans compter sur leur fanatisme, mon colonel. Ils sont prêts à se battre pour avoir l'honneur de porter la litière de la grande prêtresse. Si on intervient trop tôt on risque l'émeute, et trop tard on aura le chaos. Le commandant Damaro avait des défauts mais il avait l'habitude de gérer cela. À la montée, on lui a signalé une novice. Un de nos informateurs a vu une fille aux cheveux blancs…
   - Et il ne l'a pas arrêtée ?
   - Non, mon colonel. Quand le commandant Damaro a voulu visiter le dortoir des novices, on a frisé l'émeute. Il a dû négocier. C'est la chef des novices qui est venue. Il a palabré un moment avant de pouvoir entrer. Quand il a fouillé les lieux, il n'y avait que des filles banales…
   - Votre informateur s'était trompé.
   - Pas sûr, mon colonel. Le commandant pense que la fille aux cheveux blancs est montée avec la grande prêtresse et les vieilles.
   - Et pas possible de fouiller les litières, je présume ?
   - Non, mon colonel, trop dangereux. On aurait eu une révolte. Vous pensez qu'au retour, ça va être pareil ?
   - Oui, mon colonel, et je ne sais pas quoi faire.
   - Que valent les hommes qui sont là-haut ?
   - Ils étaient très proches du commandant…
   - Je vois, lieutenant.
Kaja se tourna vers un de ses officiers :
   - Hérer, vous laissez un sergent et deux escouades ici et, avec le reste des hommes nous montons à la ville haute.
   - Vous n'aurez pas le temps de faire monter tout le monde, mon colonel. La nuit est trop proche.
   - Vous avez raison, lieutenant, dit Kaja. Hérer, vous me rejoindrez demain à la première heure. Je monte ce soir avec une escouade.
À son arrivée dans la ville haute, le désordre était indescriptible. Si certains essayaient encore de travailler, la plupart courait dans tous les sens pour accueillir la litière de la grande prêtresse. Une sorte d'hystérie semblait s'être emparée de la ville. Kaja avisa un soldat qui semblait désemparé devant ce spectacle. Sa tenue était loin d'être parfaite mais elle était propre. Kaja le héla plusieurs fois avant qu'il ne réponde.
   - Ah ! Mon colonel, on n'attendait pas votre arrivée avant plusieurs jours.
Kaja allait répondre vertement quand un mouvement de foule fit faire des embardées à son cheval. Les cris annonçaient l'arrivée de la grande prêtresse. Bientôt il vit une foule surexcitée se rapprocher de lui. Le soldat lui fit signe :
   - Venez mon colonel. Ne restons pas ici.
Une fois à la caserne, il découvrit ce dont il avait l'habitude : délabrement et laisser-aller. À part un jeune soldat, à l'uniforme tout propre, il n'y avait personne.
   - Où sont-ils tous ?
   - Avec le grand passage, ils se répartissent en ville avec la mission de surveiller ce qu’il se passe. La première partie du convoi de la grande prêtresse vient d'arriver. L'autre partie arrivera demain. Après-demain commenceront les descentes. Les chariots sont déjà en bas et la grande prêtresse n'aime pas attendre.
   - Cela va durer combien de temps ?
   - Cinq à six jours pour le convoi des nonnes et de leurs invités, et encore autant pour tous les déplacés qui rentrent chez eux. 
   - En attendant, vous allez me montrer où s'installent les gens. 
   - À vos ordres, mon colonel !
C'est à pied que Kaja et ses gayelers suivirent le soldat. Les gens faisaient juste attention à eux pour les éviter. C'est ainsi qu'il découvrit où logeait la grande prêtresse, qu'il vit arriver les chariots des novices et les premiers chariots des nonnes. Tout se passait sous le regard attentif des noires et blanches comme les gens appelaient les gardiennes.
   - L’heure de Lex va arriver, mon colonel.
   - Bien, soldat. Rentrons. Je pense que tes collègues vont faire comme nous. Nous visiterons la grange des novices demain.
À la caserne, Kaja attendit un peu. Avant le lever de l'étoile de Lex, les soldats étaient presque tous là.
   - Qui manque à l'appel ?
   - Le sergent Legacy et son escouade, mon colonel. S'ils étaient trop loin, ils ont cherché refuge quelque part, répondit un sergent.
   - Votre nom, sergent ?
   - Corix, mon colonel.
   - Bien, sergent Corix. Où ont-ils pu trouver refuge dans cette ville bondée ?
   - Sûrement à l'auberge de la Dame Blanche, répondit un des soldats de l'escouade, ce qui fit rire les autres.
Le sergent Corix leur jeta un regard noir qui les fit arrêter.
   - Bien, dit Kaja, nous verrons ça demain. Maintenant j'aimerais vous expliquer les quelques modifications que j'ai décidées…
Kaja commença par un discours puis continua avec des orientations générales pour finir avec les nouvelles instructions pour ville haute.
À la première heure Kaja était debout. Avec son escouade, ils montèrent à cheval et se dirigèrent vers la grange où étaient les novices. Il avait la ferme intention de fouiller les lieux et de vérifier s'il y en avait une qui avait les cheveux blancs. Ils longèrent la falaise et arrivèrent près de la rivière.
   - Vérifiez les autres issues, dit Kaja à ses gayelers.
Pendant qu'ils se déployaient, il se dirigea vers la porte principale. Il dut éviter de nombreux corps allongés. Les gens avaient dormi par terre par manque de place. Il longea le bord de la grange, laissa un soldat devant une fenêtre pour arriver au coin. Alors qu'il découvrait la porte principale, il entendit du bruit. Il éperonna son cheval. Par les portes grandes ouvertes, il vit un spectacle qui le mit en colère. Des soldats, manifestement saouls, avaient forcé l'entrée.
   - DÉGAGEZ, brailla un des soldats, ou je vous embroche.
Kaja reconnut l'uniforme d'un sergent. Il pensa que c'était le sergent Legacy. Il descendit de cheval en attrapant son fouet. Les gardiennes se mettaient en ordre de bataille. Des gens autour de lui commencèrent à se réveiller. Ça allait tourner mal. L'émeute n'était pas loin. Il n'avait qu'une escouade présente. Si un des soldats se faisait blesser, il y aurait un massacre. Kaja s'avança. Personne ne fit attention à lui. Le sergent Legacy se rua en avant mais ne fit qu’un pas. Kaja fit claquer son fouet, lui entoura la cheville, le mettant à terre. Tous les regards se tournèrent vers lui. D’un deuxième coup de fouet, il fit sauter le flacon de la main de l’homme à terre. Sa voix claqua comme son fouet :
   - Rangez vos armes !
Les hommes, qui étaient prêts à se battre quelques instants plus tôt, prirent des airs de gamins fautifs aidés par les ordres et le fouet de leur chef. Kaja parcourut l'assemblée des yeux. Il repéra une tête blanche. Il allait dire quelque chose quand il croisa son regard. Ce fut comme si deux lances lui traversaient le corps. Il ne sut plus quoi dire. C'est en entendant du bruit derrière lui qu'il se retourna. Fendant la foule qui se rassemblait, la grande prêtresse arrivait.
   - Qu’est-ce à dire ? demanda-t-elle à Kaja.
   - Rien de grave, Altesse, répondit-il. Quelques ivrognes qui veulent se rendre intéressants.
Il se tourna vers les soldats qui quittaient la grange :
   - Allez au camp et n’en bougez pas !
Il accompagna ses ordres de quelques coups de fouet bien placés qui les firent accélérer. Il se tourna alors vers la grande prêtresse :
   - Baron Kaja Sink, dit-il en saluant. Mes hommes seront punis. Je ne tolère pas ces conduites.
   - Que faites-vous ici, Baron ? Vous êtes loin de vos terres.
   - Vous avez raison, Altesse. J’avais l’ordre de patrouiller dans la région le temps de votre grand rassemblement. Vous savez comme notre roi tient à la paix.
Ayant dit cela, il salua et repartit vers son campement.

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