dimanche 7 octobre 2018

Ainsi parla Rma, le fileur de temps...66

Kaja était reparti quelques jours plus tard. Il était allé vérifier dans le bois de son père cet arbrisseau qui poussait à travers la pierre. Il en était revenu bouleversé. C’était effectivement un arbre de la même race que l’Arbre Sacré de Tisréal. Il en frémissait encore. Le bois était donc sacré. Il avait gardé pour lui ce secret. Il préférait attendre d’en savoir plus. Il avait dit à Ganelane qu’il considérait comme sacré le bois où son père allait faire ses offrandes. L’intendant avait comme nouvelle mission d’en surveiller l’accès et d’en interdire la moindre dégradation.
Il rejoignit son poste sans joie. Le vice-vice-roi, comme il appelait le baron Reneur, lui avait donné pour mission de réformer le corps d’armée de la police du royaume. Si les officiers et les sous-officiers étaient des seigneurs, la grande masse des soldats étaient des gens du cru plus attirés par le pouvoir de s’en prendre aux autres en toute impunité que par le sentiment de justice. L’opinion de la majorité des barons était qu’ils étaient, au mieux incompétents, et au pire dangereux.
Il comprit très vite que son prédécesseur était plus enclin à participer aux nombreuses fêtes de la capitale que de s’occuper de son poste. Tout le travail était fait par son subordonné. Le baron Selvag était l’héritier d’une famille qui avait perdu beaucoup de ses terres. Contrairement à son chef qui pouvait aller jouer les jolis cœurs dans les fêtes, Selvag avait besoin de tout son argent pour sauver son domaine. Il avait accueilli Kaja très cordialement. Les premiers documents qu’il lui avait montrés avaient été les invitations pour les fêtes de la semaine. Kaja avait frémi. Il se revoyait entouré de demoiselles cherchant un bon parti sans compter les femmes en mal d’aventures. Il avait alors expliqué à Selvag qu’il voulait voir le fonctionnement de son corps d’armée avant tout. Selvag avait juste relevé un peu son sourcil gauche en signe d’étonnement. Il avait alors amené à Kaja les affaires courantes. Il avait un peu tiqué en voyant la vitesse à laquelle Kaja regardait tout cela mais s’était abstenu de tout commentaire.
Le lendemain, à la première heure, Kaja avait exprimé le désir que Selvag le conduise visiter les différentes casernes. De nouveau Selvag avait eu ce curieux haussement du sourcil gauche. Il avait conduit Kaja à la caserne la plus proche. Kaja avait découvert ce que ne montraient pas les documents, des hommes sales dans les locaux sales. Devant cette tornade qui pénétrait leurs locaux, peu de soldats avaient réagi. Quelques rares saluts et beaucoup d’indifférence avaient été son comité d’accueil. Kaja se tourna vers Selvag :
   - Mon prédécesseur faisait combien d’inspection par an ?
   - Aucune, mon colonel !
   - J’ai visité une fois, une caserne de police avec le vice-roi. L’impression était très éloignée de celle que je ressens ici.
   - Oui, mon colonel. On vous a conduit à la caserne Orodéa.
   - Oui et alors ?
   - C’est la vitrine, mon colonel. Ce ne sont pas des soldats mais des acteurs !
   - Bien, alors Selvag, nous allons faire en sorte que tout cela change !
Il entra dans le bureau de commandement. Il n’y avait personne. Kaja entendit des bruits plus loin dans un couloir. Il s’en rapprocha. Quelques hommes débraillés se baffraient et se saoulaient.
   - J’t’avais dit qu’il avait ce qu’il fallait, déclara un homme, fallait juste insister pour qu’il nous le donne !
Les autres répondirent par un rire gras sauf un qui venait de voir Kaja. Il se leva maladroitement tentant de réajuster sa tenue.
   - Le colo… le colonel !
Les autres se retournèrent alors, sans pour autant poser ce qu’ils tenaient. Blêmes, ils se levèrent tentant de faire face.
   - Lieutenant Berret ?
Selvag leva une nouvelle fois son sourcil gauche. Décidément le baron Sink méritait sa réputation. Il avait fait plus que parcourir les documents, il les avait mémorisés. Un homme s’avança en entendant Kaja :
   - Lieutenant Berret, mon colonel, au rapport !
Il posa prestement la cuisse de volaille qu’il n’avait pas lâchée.
   - Nous faisions une petite fête pour célébrer votre nomination.
   - Je vois, lieutenant, je vois. C’est très gentil à vous… mais…
Kaja avait dégainé brusquement et mit son épée sur la gorge du lieutenant.
   - … Si la prochaine fois que je viens, je trouve votre caserne dans cet état… Je considérerai que c’est un manquement grave à votre devoir.
Le lieutenant avala sa salive avec difficulté. Une telle accusation et c’était la mort.
   - Me suis-je bien fait comprendre, lieutenant ?
   - Oui… Oui, mon colonel !
Tout aussi rapidement, il abattit son épée sur la table qu’il coupa en deux. Il rengaina alors et fit demi-tour.
   - À bientôt, lieutenant... et merci pour la petite fête...
Kaja repartit à grandes enjambées vers le quartier général.
   - Tout est comme cela, Selvag ?

   - À peu de choses près, mon colonel. La corruption et la prévarication sont partout.
   - Il y a bien des hommes de valeur là-dedans !
   - Quelques-uns, mon colonel mais pas beaucoup.
   - Et vous les connaissez, bien sûr.
   - Bien sûr, mon colonel.
   - Je les veux dans la cour le plus rapidement possible, Selvag.
   - Deux jours, mon colonel ?
   - Je patienterai jusque-là.
Il n'y avait que dix soldats, deux jours plus tard.
   - En tout, ils sont plus nombreux, mais les autres ne sont pas dans la capitale, mon colonel.
   - Je me doutais qu'ils seraient peu nombreux… mais pas à ce point-là.
Kaja s'approcha d'eux. Il dégaina et s’approcha du premier :
   - Fais voir ce que tu sais faire !
Le soldat regarda un instant les autres puis Selvag qui lui fit un signe de tête. Le soldat dégaina à son tour et se mit en garde. En quelques assauts, son épée vola à plusieurs pas. Kaja dit :
   - Bien, au suivant !
Quand il eut testé les dix hommes, il leur dit :
   - Vous pouvez être bons, mais pour l’instant vous ne valez pas grand-chose. 
Il se tourna vers Selvag.
   - Trouvez-leur un casernement. Je les entraînerai tous les matins.
Cela dura deux mois. Kaja se partageait entre les réceptions où il devait se rendre et les hommes qu’il dirigeait. D’autres volontaires arrivaient petit à petit. Tout se faisant dans le secret. Selvag, qui avait son réseau d’informateurs, rapportait à Kaja qu’à la cour, on estimait qu’il allait faire comme son prédécesseur. C’est à ce moment-là qu’un des jeunes fils de baron vint le voir. Habillé sobrement, il ne suivait pas la mode d’extravagance qui était en cours chez les jeunes. À sa ceinture, une épée de bonne facture, loin des “jouets” que Kaja voyait tous les soirs. Selvag le fit entrer dans le bureau de Kaja qui l’attendait debout.
   - Je vous écoute, dit-il. 
   - Je voudrais entrer dans la police, baron Sink.
Kaja ne s’attendait pas à sa demande.
   - Et pourquoi ?
   - J’ai un oncle sous vos ordres directs, baron.
   - Ici, il n’y a pas de baron.
   - Oui, … mon colonel.
   - Bien, continue !
   - Il désespérait de ce qu’il faisait et vous êtes arrivés. Aujourd’hui, il retrouve sa fierté de servir. Nous sommes quelques-uns à avoir le même désir.
Kaja l’avait laissé finir son discours et l’avait autorisé à rejoindre les autres. Comme les autres, il l’avait testé. Sa technique était meilleure mais il lui manquait la rage de vaincre. Il fut rapidement défait.
Petit à petit, la caserne Gayeler, qui avait été désertée depuis des années, se retrouva pleine de vie. Kaja avait gardé l’uniforme de la police mais avait fait ajouter un bandeau rouge à chaque bras. L'entraînement était dur et tous n’y arrivaient pas. Les meilleurs montèrent en grade. Alors que s’annonçait la grande migration annuelle du peuple vers la haute vallée de Canfou, Kaja déclencha la deuxième phase de son programme. Salveg le secondait à merveille.
À la cour, on s’étonna  de l’absence de Kaja. Le vice-roi Reneur lui-même, chercha à savoir où il était. Déjà qu’on avait noté la défection de jeunes espoirs. Cela alimenta la rumeur.
Le baron Reneur avait obtenu du roi de Tisréal que Kaja soit sous ses ordres. Son oracle personnel lui avait désigné le baron Sink comme un potentiel concurrent. Reneur avait aussi vu son influence sur les plus jeunes dans les clans et avait pris peur. En l’ayant sous ses ordres et en l’affectant à ce poste, il pensait le circonvenir. Depuis des semaines, il faisait en sorte que Kaja soit invité à toutes les fêtes, sans réussir à le faire céder aux charmes d’une belle ou à le faire s’enfoncer dans la débauche. L’ancien chef de la police avait cédé beaucoup plus vite.
   - Mais je vous assure, Majesté, personne ne semble savoir où il est...
   - Son adjoint le sait !
   - Oui, Majesté, il dit qu’il est parti en inspection dans les provinces…
   - Foutaises, avec tous ces jeunes barons qui ont disparu, il mijote quelque chose… Je suis sûr que Gérère se frotte les mains...
   - Il est comme vous, Majesté, il ne sait rien et s’inquiète. Les jeunes barons disparus viennent aussi des clans qui lui sont fidèles.
La discussion entre le baron Reneur et son espion continua un moment sur le même ton. Mais au bout du compte il dut se rendre à l’évidence. Kaja avait disparu de tous ces lieux habituels comme les autres jeunes barons.
   - Trouve ce qui se passe, Winge !
Ayant dit cela, le vice-roi Reneur s’en alla rejoindre la salle de réception. Avec Gérère, il devait recevoir la grande prêtresse du peuple pour l’autorisation d’organiser leur migration. La réunion n’était que formelle. Un refus de leur part et le pays s’embraserait. Il ne pouvait pas se le permettre, pas tant qu’il partageait le pouvoir. Plus tard, quand il serait seul maître, il aurait la puissance pour montrer à ces gueux qui était le maître.
Pendant ce temps, Kaja était sur les routes. Il allait d’un poste à l’autre inspectant une caserne ici, un fort un peu plus loin, revenant parfois sur ses pas. Son parcours était imprévisible. Encore plus rapide que lui, la rumeur de son passage se mit à courir chez les policiers. Nombreux furent ceux qui les virent s’affairer à nettoyer et remettre de l’ordre. La rumeur parlait du colonel et surtout des sanctions.  L’histoire du fort d’Esda fut rapportée, amplifiée, déformée. On y racontait comment le colonel Sink avait débarqué au fort. La sentinelle, avachie sur la pierre où elle somnolait, avait vu arriver en trombe une poignée de cavaliers. Elle avait à peine eu le temps de se mettre debout qu’elle avait été assommée. En cette heure matinale, la porte était simplement ouverte pour faciliter l’accès de ceux qui préféraient habiter en ville. Kaja avait ravagé le fort avant qu’il n’y ait un semblant de réponse. Les Gayelers surentraînés avaient fait prisonniers tous les soldats présents, sans que ceux-ci n’opposent une résistance réelle. Il y avait quelques blessés mais pas de mort. Kaja avait débarqué dans les appartements du commandant du fort, le trouvant encore dans son lit et c’est quasi nu, qu’il s’était retrouvé dans la cour avec ses hommes. Seul un homme avait une tenue complète et propre ainsi qu’une arme entretenue. Il venait de la ville et avait tenté de se battre dès qu’il avait vu la scène dans la cour. Kaja s’était interposé et lui avait intimé l’ordre de ranger son épée au fourreau après avoir décliné son identité. Devant son chef suprême, l’homme avait obéi :
   - Mon nom est Arko, soldat de première classe du deuxième régiment de la police, mon colonel.
Arko s’était retrouvé au garde-à-vous devant le mur. Kaja s’était alors approché des autres.
   - Ce fort est sale ! Vous êtes sales ! Ce qui vient de se passer est intolérable.
Kaja, rouge de colère, s’adressait aux prisonniers à genoux les mains sur la tête. Il leur adressa une longue diatribe et fustigea leur chef. Alors qu’il commençait à leur parler de punition, le lieutenant gayeler qui l’accompagnait sortit des bâtiments en portant un coffret. Le commandant de la place devint livide. Kaja voyant cela s'interrompit pour l’examiner. Il y trouva des pièces d’or et un carnet. Quand il l’ouvrit, le commandant de la place émit un petit cri. Kaja regarda une page puis deux, en feuilleta quelques autres et, d’un coup d’épée, décapita le commandant de la place.
Il se retourna vers les soldats agenouillés qui tremblaient de peur.
    - Qui savait, demanda-t-il ?
Un silence de mort régnait sur le groupe.
   - Tout le monde savait, mon colonel. 
Kaja se retourna pour regarder le soldat qui avait parlé. Arko, toujours au garde-à-vous, avait fait un pas en avant pour se décoller du mur.
   - Tout le monde savait ?
   - Oui, mon colonel. Tout le monde savait que le commandant monnayait ses faveurs. Notre rôle était de mettre des amendes qu’il annulait si vous veniez avec une pièce d’or.
   - Tu confirmes les écrits que tu as adressés au quartier général ?
   - Oui, mon colonel, mais je n’avais eu de réponse.
Kaja montra le corps se vidant de son sang :
   - Tu as ta réponse. En vertu des pouvoirs qui sont les miens, je te nomme commandant de cette place avec le grade de lieutenant.
Kaja se tourna vers un gayeler :
   - Reb, vous resterez en soutien ici avec vos hommes. Vous connaissez mes ordres.
   - Oui, mon colonel, Justice et discipline !
   - Lieutenant Arko votre mission sera de faire de cette place un exemple pour tout le régiment.
   - Oui, mon colonel, oui !
La rumeur avait fait de ce récit un massacre où un colonel assoiffé de justice décapitait tous les corrompus. La panique avait alors saisi tous les postes au fur et à mesure que la rumeur se répandait.
Kaja se déplaçait tous les jours. Si les commandants de place essayaient de deviner ses mouvements, ils se trompaient le plus souvent. Kaja surgissait quand on ne l'attendait pas, montrant les failles des défenses, et éliminant les plus corrompus. Dans la population générale, on appréciait de voir la police faire son travail. À la cour, c’était différent. Certains profitaient de cet argent. Kaja s’en faisait de solides ennemis. Selvag lui envoyait régulièrement des rapports. Ils avaient mis au point un code entre eux. Ils étaient ainsi les seuls à savoir ce qui était écrit.
Toutes ses inspections l’amenèrent petit à petit vers Clébiande. Il voyait passer les chariots de nonnes et les colonnes de tous ces gens qui allaient vers la haute plaine pour leur cérémonial. Kaja n’avait jamais prêté beaucoup d’attention à cette manifestation. Pour lui, elle tenait plus du folklore que d’autre chose. Pourtant à voir tous ces gens en transhumance, il sentait monter en lui des questions. Il se renseigna sur le roi Riou et la dame blanche, apprenant au détour d’une conversation que les cheveux blancs dans ce pays n’étaient pas ceux de la sorcière blanche mais ceux de la divinité. Il trouva l’idée ridicule. Il se remémorait le récit de la sorcière.
Payatseze, la sorcière, était redoutée de tous les enfants. C’est de sa venue qu’on menaçait les enfants remuants. “ Si tu n’es pas sage, Payatseze t'emmènera dans son pays noir…”. En général cela suffisait à faire tenir l’enfant tranquille. Il y avait pire. La légende du royaume de Tisréal racontait qu’avant, le monde était noir car Payatseze se nourrissait de lumière et seule sa chevelure blanche se voyait. C’est la venue de l’Arbre sacré qui avait levé la malédiction… sur la terre mais pas dans ses profondeurs. On trouvait toujours un conteur pour raconter ce qui arrivait à certains voyageurs imprudents. Les grottes étaient les lieux de prédilection de Payatseze. Elle y venait pour boire la lumière sans oser sortir. Un dénommé Pesoch avait raconté son histoire. Un jour qu’il voyageait d’une province à l’autre pour louer ses bras à la saison des récoltes, il avait été pris par l’orage et s’était réfugié dans une grotte. La nuit était arrivée avant la fin de la pluie. Pesoch ne s’en fit pas, il avait des provisions, du bois sec et même une chandelle de cire pure. Il finissait de manger quand le noir était arrivé. Le feu n’éclairait plus et la chandelle elle-même ne perçait pas ces ténèbres. Pesoch s’était levé brusquement. Il avait tendu les bras en avant et avait senti la chaleur du feu. Ses souvenirs d’enfant avaient refait surface et le nom de Payatseze était venu à son esprit. Il avait décidé de sortir de la grotte. Le feu était devant lui, la sortie juste derrière. Il essaya d’en faire le tour. Avançant à tâtons, agitant les bras devant lui et glissant les pieds au sol, il fit plusieurs pas sans rien voir et sans trouver la sortie. C’est alors qu’il eut la vision qui lui glaça le sang. Une chevelure blanche semblait flotter. N’écoutant que son instinct, il se mit à courir, tombant à plusieurs reprises, s’écorchant et se meurtrissant sur la pierre. Pesoch avait ainsi couru jusqu’à ne plus voir les cheveux blancs de Payatseze. Quand essoufflé, il s’était arrêté, il ne savait plus où il était et encore moins comment sortir. Il s’était assis, essayant de réfléchir. Il avait eu beau retourner le problème dans tous les sens, il n’avait trouvé qu’une solution : trouver la sortie. Il avait, à quatre pattes, chercher un mur. Il s’était alors remis debout. Lentement, en palpant devant lui des mains et des pieds, il avait commencé à suivre la paroi. Au bout d’un long moment, fatigué, il s’arrêta. Il n’en savait toujours pas plus. S’était-il rapproché de la surface ou bien était-il encore plus perdu ? Il était juste épuisé. Il décida de dormir. Dans le noir et le silence, et malgré le froid, il ferma les yeux. Si le sommeil fut long à venir, il fut aussi noir que les couloirs. Il se réveilla ayant perdu toute notion du temps et de l’espace. Le deuxième jour, si on peut appeler ce temps entre deux sommeils, jour, il reprit sa marche. Puis vint le troisième, rien ne semblait bouger, même l’air semblait figé. Dans ce monde immobile, il fut empli de désespoir. Il allait mourir là, dans le monde de Payatseze et on rajouterait son nom à la longue liste des disparus. Il se mit à pleurer de lourds sanglots comme ceux des enfants car Pesoch avait gardé un cœur d’enfant. Il se mit à rêver de forêt et d’arbres. Ses larmes en tombant se mirent à briller. Ce fut comme un chemin lumineux au sol. Il se leva et le suivit. Il avançait rapidement, si rapidement qu’il ne vit pas la roche qui dépassait du plafond et la heurta de plein fouet. Il entendit le bruit, comme un glas qui sonne et perdit connaissance.
L’eau froide le réveilla avant qu’il ne se noie. Se débattant en tous sens, il fut emporté par le courant et alors qu’après avoir craint de mourir sous terre, il se voyait mourir noyé, il vit une lueur. Bientôt, il émergea dans un bassin entouré d’arbres. Le courant le déposa sur une petite plage et là, Pesoch perdit à nouveau connaissance. Il se réveilla dans la cabane d’un paysan. Ce dernier l’avait trouvé alors qu’il menait son troupeau pour boire. L’ayant chargé sur une de ses bêtes, il l’avait ramené chez lui et l’avait soigné.
   - Où suis-je, demanda Pesoch ?
   - Tu es dans la vallée de la Sacro, répondit le paysan. Et toi, qui es-tu ?
   - Je suis Pesoch, je viens de Temor et j’allais à Romate pour les récoltes.
Le paysan le regarda avec des yeux ronds.
   - Mais Romate est à des jours et des jours de marche d’ici et il y a bien longtemps que les récoltes sont finies. On attend la neige.
Pesoch était resté sans voix. Il avait essayé de se lever sans y parvenir. Il avait alors découvert ses jambes. Elles étaient plus fines que des jeunes troncs. Il avait perdu toute force et tous ses cheveux.
Il avait été le premier d’une série. Les gens disparaissaient pour réapparaître une saison plus tard à des jours et des jours de marche du lieu de leur disparition, maigres, décharnés et chauves. Tous avaient parlé de cette chevelure blanche vue dans les ténèbres.
Bien sûr c’était une légende et Kaja n’y croyait qu’à moitié. Cela l’influençait quand même. Comme tous les seigneurs, il n’aimait pas les femmes aux cheveux trop blancs. Il avait d’ailleurs, parmi toutes les missions que ses soldats devaient accomplir, celle de retrouver les femmes à la chevelure blanche et de les arrêter. Elles devaient être conduites dans un endroit secret. Un de ces endroits où seul le vice-roi savait ce qui s’y passait.

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