La fête avait duré jusqu’au petit matin. L’aube pâle répandait sa clarté et sa lumière prenait le pas sur celle des feux. Tous les présents dans l’oasis avaient défilé pour venir lui toucher les pieds. Storguez était le marabout de ce peuple. Il était parti se reposer en milieu de la nuit. Lyanne était sur une des dunes entourant l’oasis quand il entendit la vibration. Immédiatement Braeguen surgit à ses côtés.
- Les cordes-son vibrent tôt ce matin. C’est mauvais signe.
- Qu’est-ce que des cordes-son ?
- Les nomades les utilisent pour communiquer. Ils tendent une grande corde entre deux piquets devant une sorte de tambour. Cela s’entend de très loin. La venue d’un homme-oiseau leur fait peur.
- Est-ce la guerre entre vous ?
- Non et oui. Ils viennent chercher de l’eau et nos lois nous interdisent de leur refuser, mais souvent des bêtes disparaissent quand ils sont là, voire des gardiens sont tués et cela est punissable. Nous faisons une expédition punitive mais ils sont maîtres dans le grand désert et nous n’allons jamais bien loin.
Braeguen regarda autour de lui.
- Les hommes sont fatigués avec la fête. S’ils viennent chercher le combat, cela sera difficile.
Lyanne soupira. Il se trouvait à nouveau dans une situation délicate. Son arrivée faisait bouger des équilibres. Un sentiment de nostalgie l’envahit. Parfois, il avait le désir d’une vie un peu plus calme.
Avant qu’il n’ait pu se laisser aller à cet état d’esprit, il ressentit l’approche des gens du désert. Il le signala à Braeguen qui fit la grimace.
- Je vais aller à leur rencontre, ajouta Lyanne.
- Seul ?
- Oui, Braeguen, je suis Homme-oiseau.
Braeguen le regarda partir. Dans le dos de Lyanne, les mouvements du manteau donnait vie au dessin de l’oiseau rouge et jaune.
Lyanne marcha un moment passant d’une dune à l’autre. Il était hors de vue de l’oasis quand eut lieu la rencontre. Il sentit leur présence avant de les voir. Certains étaient presque enterrés, d’autres juste derrière un repli de terrain. Le piège n’attendait que lui.
L’homme qui l’avait déjà interpellé s’avança :
- T’aurais mieux fait de ne pas te montrer, marabout !
Dans sa bouche, les mots prenaient une connotation injurieuse.
- Contrairement à ton opinion, je crois que je suis là où je dois être.
Lyanne avança presque au centre du dispositif qu’ils avaient mis en place.
- T’as peur de te battre que t’approches pas !
- Je voudrais vous laisser une chance de vie.
L’homme du désert ricana.
- J’vais m’occuper de toi puis on ira voir les éleveurs.
- Tu as mal compris, homme du désert. Soit toi et les tiens vous partez, soit vous êtes morts.
De nouveau l’homme ricana. Il siffla un signal et d’autres guerriers apparurent tout autour de Lyanne.
- Vous ignorez ce que vous combattez. C’est une erreur fatale.
Derrière lui, petits pas par petits pas, il sentait approcher les combattants. Dans quelques pas, ils seraient à portée d’armes.
Lyanne releva le pan du manteau, dégageant son marteau. Ce fut comme un signal, tous se précipitèrent en hurlant.
Leurs armes frappèrent le vide. Lyanne avait décollé. Le vent de son envol les envoya tous à terre. Le temps qu’ils comprennent, un déluge de feu vitrifiait le sable autour d’eux. Ils hurlèrent de peur, rampant les uns vers les autres dans une recherche illusoire de protection.
Le dragon rouge se posa devant eux.
- Tu vois petit homme, il est des jours où la guerre est une mauvaise chose. Vous allez fuir vers vos tentes. Peut-être y arriverez-vous… sans eau !
- TU… VOUS… vous… vous pouvez pas faire ça.
- Tu voulais bien me tuer, petit homme et tuer les éleveurs qui osent accueillir l’inconnu. Je te laisse une chance… une petite chance de vivre mais… peut-être préfères-tu mourir tout de suite ?
Une langue de feu vint lui roussir la tête, le faisant crier de peur.
- Le cercle de feu est incomplet. Fuyez maintenant… ou mourez !
Le sable en fusion rendait l’air quasi irrespirable. Les plus proches étaient déjà morts. Ceux qui restaient en vie, se précipitèrent dans le goulot froid que Lyanne avait laissé.
- Ne revenez pas, hommes du désert. Je ne serai pas aussi clément la prochaine fois.
Lyanne les regarda fuir. Ils ne s’arrêteraient pas de si tôt.
Derrière lui montèrent les acclamations de joie. Braeguen était sorti avec ses guerriers qui criaient leur joie de cette victoire.
Braeguen s’inclina devant le dragon rouge qui le surplombait de toute sa hauteur :
- C’est une chose d’entendre les récits, c’en est une autre de les voir prendre vie!
- Avant nous étions aussi sauvages que les hommes du désert et puis est arrivé le premier homme-oiseau.
Ainsi parlait Storguez dans la pénombre de sa tente. Lyanne l’écouta lui faire le récit de l’histoire des Muranu. Leur tradition orale parlait de temps très lointain sans préciser le nombre de générations. Dans ce désert, l’évolution se faisait lentement. De loin en loin, dans le temps, passaient des hommes-oiseaux. Voilà ce que retint Lyanne du récit. Personne ne les avait décrits précisément. Ils étaient hommes et ils volaient, comme lui. C’était le seul point commun à diverses légendes. Lyanne s’inscrivait dans cette tradition. Les dragons n’étaient qu’une sorte d’oiseau aux yeux des Muranu. Storguez parlait toujours quand tombèrent les premières gouttes de pluie. Comme cela coïncida avec la légende de l’homme-oiseau faiseur de pluie, il leva vers Lyanne un regard étonné.
- Serais-tu le plus grand des hommes-oiseaux ? demanda-t-il.
Lyanne n’eut pas besoin de répondre. La pluie tombait maintenant en cataracte. Le vent avait soufflé toute la journée poussant devant lui des hordes de nuages qui crevaient maintenant au-dessus de leurs têtes. Dehors c’était de nouveau des cris de joie, entrecoupés de cris d’alerte et de cavalcades des uns et des autres pour mettre les affaires à l’abri. La tente de Storguez présentait des gouttières que le vieil homme regardait avec bonheur. Lyanne le voyait imaginer l’avenir, l’herbe serait au rendez-vous, les bêtes seraient grasses. En le regardant sourire ainsi béatement devant des gouttes d’eau qui s’écrasaient sur un sol maintenant détrempé, Lyanne imaginait Storguez en train de composer le prochain épisode de l’épopée des hommes-oiseaux.
- Je suis un passant, dit-il à Storguez. Mon chemin continue. Il me faut aller vers la côte.
- Oui, oui, je sais. Tu iras chez les Cousmains dès que la pluie aura cessé.
- Comment sais-tu que je vais là ?
- Tous les hommes-oiseaux ont été vers le soleil levant, là où habitent les Cousmains.
- Les légendes disent-elles quelque chose sur leur devenir ?
- Elles ne parlent que des Muranu…
La porte de la tente se souleva brutalement :
- Il nous faut vous déménager, dit Braeguen, les fleuves morts reprennent vie. Bientôt ici vous serez dans l’eau.
Lyanne sortit en même temps que Braeguen. La pluie était dense. Tout autour, les gens s’agitaient pour vider le centre de l’oasis de tout ce qu’il contenait. Avec des protections de fortune, ils vinrent chercher les affaires de Storguez et ils l’aidèrent à traverser l’eau qui commençait à ruisseler partout. Lyanne comprit qu’il était sur la passage de la rivière. Il pensa que, comme toute rivière, celle-ci finirait dans la mer. Il en fit part à Braeguen.
- Pas toujours, répondit ce dernier. Parfois elle se perd dans les sables. Si la pluie continue comme cela, l’eau atteindra la mer cette année.
- Alors, je vais tenter ma chance et me laisser porter par le courant. Les forces de la terre sont avec moi… Elles me conduiront.
L’eau montait de plus en plus. Il en avait déjà jusqu’aux chevilles et cela continuait à grimper. Lyanne fit ses adieux à Braeguen et attrapa un morceau de bois entraîné par le courant.
- Voilà mon guide ! Que tes jours soient prospères et ton chemin tranquille !
Braeguen répondit par un grand signe du bras, criant quelque chose que le bruit de l'eau emporta.
Ainsi Lyanne quitta l’oasis à cheval sur un morceau de bois emporté par le flot.
- Les cordes-son vibrent tôt ce matin. C’est mauvais signe.
- Qu’est-ce que des cordes-son ?
- Les nomades les utilisent pour communiquer. Ils tendent une grande corde entre deux piquets devant une sorte de tambour. Cela s’entend de très loin. La venue d’un homme-oiseau leur fait peur.
- Est-ce la guerre entre vous ?
- Non et oui. Ils viennent chercher de l’eau et nos lois nous interdisent de leur refuser, mais souvent des bêtes disparaissent quand ils sont là, voire des gardiens sont tués et cela est punissable. Nous faisons une expédition punitive mais ils sont maîtres dans le grand désert et nous n’allons jamais bien loin.
Braeguen regarda autour de lui.
- Les hommes sont fatigués avec la fête. S’ils viennent chercher le combat, cela sera difficile.
Lyanne soupira. Il se trouvait à nouveau dans une situation délicate. Son arrivée faisait bouger des équilibres. Un sentiment de nostalgie l’envahit. Parfois, il avait le désir d’une vie un peu plus calme.
Avant qu’il n’ait pu se laisser aller à cet état d’esprit, il ressentit l’approche des gens du désert. Il le signala à Braeguen qui fit la grimace.
- Je vais aller à leur rencontre, ajouta Lyanne.
- Seul ?
- Oui, Braeguen, je suis Homme-oiseau.
Braeguen le regarda partir. Dans le dos de Lyanne, les mouvements du manteau donnait vie au dessin de l’oiseau rouge et jaune.
Lyanne marcha un moment passant d’une dune à l’autre. Il était hors de vue de l’oasis quand eut lieu la rencontre. Il sentit leur présence avant de les voir. Certains étaient presque enterrés, d’autres juste derrière un repli de terrain. Le piège n’attendait que lui.
L’homme qui l’avait déjà interpellé s’avança :
- T’aurais mieux fait de ne pas te montrer, marabout !
Dans sa bouche, les mots prenaient une connotation injurieuse.
- Contrairement à ton opinion, je crois que je suis là où je dois être.
Lyanne avança presque au centre du dispositif qu’ils avaient mis en place.
- T’as peur de te battre que t’approches pas !
- Je voudrais vous laisser une chance de vie.
L’homme du désert ricana.
- J’vais m’occuper de toi puis on ira voir les éleveurs.
- Tu as mal compris, homme du désert. Soit toi et les tiens vous partez, soit vous êtes morts.
De nouveau l’homme ricana. Il siffla un signal et d’autres guerriers apparurent tout autour de Lyanne.
- Vous ignorez ce que vous combattez. C’est une erreur fatale.
Derrière lui, petits pas par petits pas, il sentait approcher les combattants. Dans quelques pas, ils seraient à portée d’armes.
Lyanne releva le pan du manteau, dégageant son marteau. Ce fut comme un signal, tous se précipitèrent en hurlant.
Leurs armes frappèrent le vide. Lyanne avait décollé. Le vent de son envol les envoya tous à terre. Le temps qu’ils comprennent, un déluge de feu vitrifiait le sable autour d’eux. Ils hurlèrent de peur, rampant les uns vers les autres dans une recherche illusoire de protection.
Le dragon rouge se posa devant eux.
- Tu vois petit homme, il est des jours où la guerre est une mauvaise chose. Vous allez fuir vers vos tentes. Peut-être y arriverez-vous… sans eau !
- TU… VOUS… vous… vous pouvez pas faire ça.
- Tu voulais bien me tuer, petit homme et tuer les éleveurs qui osent accueillir l’inconnu. Je te laisse une chance… une petite chance de vivre mais… peut-être préfères-tu mourir tout de suite ?
Une langue de feu vint lui roussir la tête, le faisant crier de peur.
- Le cercle de feu est incomplet. Fuyez maintenant… ou mourez !
Le sable en fusion rendait l’air quasi irrespirable. Les plus proches étaient déjà morts. Ceux qui restaient en vie, se précipitèrent dans le goulot froid que Lyanne avait laissé.
- Ne revenez pas, hommes du désert. Je ne serai pas aussi clément la prochaine fois.
Lyanne les regarda fuir. Ils ne s’arrêteraient pas de si tôt.
Derrière lui montèrent les acclamations de joie. Braeguen était sorti avec ses guerriers qui criaient leur joie de cette victoire.
Braeguen s’inclina devant le dragon rouge qui le surplombait de toute sa hauteur :
- C’est une chose d’entendre les récits, c’en est une autre de les voir prendre vie!
- Avant nous étions aussi sauvages que les hommes du désert et puis est arrivé le premier homme-oiseau.
Ainsi parlait Storguez dans la pénombre de sa tente. Lyanne l’écouta lui faire le récit de l’histoire des Muranu. Leur tradition orale parlait de temps très lointain sans préciser le nombre de générations. Dans ce désert, l’évolution se faisait lentement. De loin en loin, dans le temps, passaient des hommes-oiseaux. Voilà ce que retint Lyanne du récit. Personne ne les avait décrits précisément. Ils étaient hommes et ils volaient, comme lui. C’était le seul point commun à diverses légendes. Lyanne s’inscrivait dans cette tradition. Les dragons n’étaient qu’une sorte d’oiseau aux yeux des Muranu. Storguez parlait toujours quand tombèrent les premières gouttes de pluie. Comme cela coïncida avec la légende de l’homme-oiseau faiseur de pluie, il leva vers Lyanne un regard étonné.
- Serais-tu le plus grand des hommes-oiseaux ? demanda-t-il.
Lyanne n’eut pas besoin de répondre. La pluie tombait maintenant en cataracte. Le vent avait soufflé toute la journée poussant devant lui des hordes de nuages qui crevaient maintenant au-dessus de leurs têtes. Dehors c’était de nouveau des cris de joie, entrecoupés de cris d’alerte et de cavalcades des uns et des autres pour mettre les affaires à l’abri. La tente de Storguez présentait des gouttières que le vieil homme regardait avec bonheur. Lyanne le voyait imaginer l’avenir, l’herbe serait au rendez-vous, les bêtes seraient grasses. En le regardant sourire ainsi béatement devant des gouttes d’eau qui s’écrasaient sur un sol maintenant détrempé, Lyanne imaginait Storguez en train de composer le prochain épisode de l’épopée des hommes-oiseaux.
- Je suis un passant, dit-il à Storguez. Mon chemin continue. Il me faut aller vers la côte.
- Oui, oui, je sais. Tu iras chez les Cousmains dès que la pluie aura cessé.
- Comment sais-tu que je vais là ?
- Tous les hommes-oiseaux ont été vers le soleil levant, là où habitent les Cousmains.
- Les légendes disent-elles quelque chose sur leur devenir ?
- Elles ne parlent que des Muranu…
La porte de la tente se souleva brutalement :
- Il nous faut vous déménager, dit Braeguen, les fleuves morts reprennent vie. Bientôt ici vous serez dans l’eau.
Lyanne sortit en même temps que Braeguen. La pluie était dense. Tout autour, les gens s’agitaient pour vider le centre de l’oasis de tout ce qu’il contenait. Avec des protections de fortune, ils vinrent chercher les affaires de Storguez et ils l’aidèrent à traverser l’eau qui commençait à ruisseler partout. Lyanne comprit qu’il était sur la passage de la rivière. Il pensa que, comme toute rivière, celle-ci finirait dans la mer. Il en fit part à Braeguen.
- Pas toujours, répondit ce dernier. Parfois elle se perd dans les sables. Si la pluie continue comme cela, l’eau atteindra la mer cette année.
- Alors, je vais tenter ma chance et me laisser porter par le courant. Les forces de la terre sont avec moi… Elles me conduiront.
L’eau montait de plus en plus. Il en avait déjà jusqu’aux chevilles et cela continuait à grimper. Lyanne fit ses adieux à Braeguen et attrapa un morceau de bois entraîné par le courant.
- Voilà mon guide ! Que tes jours soient prospères et ton chemin tranquille !
Braeguen répondit par un grand signe du bras, criant quelque chose que le bruit de l'eau emporta.
Ainsi Lyanne quitta l’oasis à cheval sur un morceau de bois emporté par le flot.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire