Les commentaires allaient bon train tandis qu’ils marchaient. Les gardiens échangeaient sur l’exploit de Lyanne. Tuer une telle bête d’un seul coup de dague et survivre à une rencontre avec la meute, leur semblait impossible pour le commun des mortels. La question de qui était Lyanne, commença à se poser. Pour Zounka et Ziepkaar, les choses étaient différentes. Un homme oiseau ne pouvait avoir que de tels pouvoirs et bien d’autres. Lyanne ressentait la différence, les armes étaient rangées, les gardiens déférents. Il avait noté qu’il en manquait un autre. Katvia devait avoir envoyé encore un messager.
La marche était agréable. On sentait des bouffées d’air du large qui commençaient à annoncer la mer. Les deux Cousmains retrouvaient une certaine joie de vivre. Ils s’étaient vus prisonniers bons à enchaîner et maintenant, ils marchaient en hommes libres entourés de gardiens pleins de bonhommie.
Quand le soir arriva, le soleil éclaira la masse lointaine de la forteresse. Katvia la contempla aussi. Si Lyanne pensait à Hapsye, à quoi pensait Katvia ? Il y avait dans cette forteresse quelque chose à la fois d’attirant et de dangereux. L’instinct de Lyanne ne savait pas choisir.
Ils furent accueillis dans un fortin. D’autres gardiens y logeaient. Lyanne nota l’organisation. Ce pays ne semblait pas avoir d’armée organisée. Les gardiens lui rappelèrent la police dans certaines villes qu’il avait traversées. L’armement restait léger. Après quelques mots de Katvia, ils furent acceptés et invités à partager le repas.
- Alors Katvia, dit le chef de la tablée, tu as ramené un drôle d’invité aujourd’hui.
Ce dernier fronça les sourcils. Manifestement, il aurait préféré que le repas se passe sans évoquer ces événements.
- Tu sais qu’on a vu passer une meute de loups, ce matin. Ils couraient comme s’ils avaient eu la queue en feu.
- Ska, tu n’as jamais su tenir ta langue, répondit Katvia. Nous sommes fatigués ce soir. Demain, une longue marche nous attend.
- Allons Katvia, une bonne histoire, on refuse pas de la raconter. J’ai entendu dire qu’un loup était mort…
- C’était une louve…
La voix de Lyanne fit venir le silence.
- C’était une louve qui ignorait ce que doivent savoir les loups. Elle en est morte. Faut-il se réjouir de la mort ?
Le dénommé Ska vida une nouvelle fois sa coupe et la remplit à nouveau :
- Quand c’est la mort de mes ennemis alors je me réjouis. Qui peut aimer les loups ? On ferait mieux d’extirper cette engeance de la terre, voilà c’que j’dis.
Et il vida sa coupe d’un trait sans quitter Lyanne des yeux.
- Que sais-tu de la vie et de la mort ? As-tu l’oreille des dieux ?
- D’abord t’es qui pour m’parler comme ça ? répondit Ska en se levant. T’es qu’un sale voleur d’étranger qui te crois plus malin parce que t’as tué un loup, mais tu fais pas peur…
Autour de lui certains s’étaient levés pour essayer de le calmer. Il les avait repoussés violemment, vidé une nouvelle fois sa coupe et s’était mis debout. Il était grand et massif. Il dégaina une dague :
- T’vois moi aussi j’ai une dague et j’fais faire un trou, comme ça on pourra faire un manteau d’ta peau. Il s’était rué sur Lyanne qui était encore assis.
Comme à chacun de ses combats, son temps intérieur s’accéléra. Pour Lyanne, Ska bougeait comme un escargot. Il eut le temps de se lever, de sortir son marteau, d’exploser la lame en la frappant et d'assommer son propriétaire d’un autre coup. Ska s’étala par terre renversant tables et tabourets. Lyanne eut même le temps de ranger son marteau avant que son temps propre ne rejoigne le temps commun.
- Je crois qu’il a trop bu pour combattre, ajouta Lyanne en relevant son tabouret.
Les autres présents regardèrent Lyanne, puis Ska, puis Lyanne, pour finir par regarder Katvia.
- Dégagez-le, dit ce dernier. Que trois hommes le couchent… et surveillez-le. Il est aux arrêts. Je ferai un rapport en arrivant là-bas.
Puis se tournant vers Lyanne, il déclara :
- Ça n’aurait jamais dû arriver !
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