Nyagorot était content. Il ne savait pas pourquoi mais il était content. Il remarquait que son entourage semblait surpris de ce qu'il faisait. Cela ne l’inquiétait pas outre mesure. Il était bien. Il était sorti sur le pas de la grotte qui lui servait de logement. Il avait vu le soleil se lever inondant de reflets violines la surface du glacier.
- Mlion, prépare un gruau, j'ai faim !
Il n'avait pas vu le regard étonné de son serviteur qui arrivait avec la chicha du matin. Nyagorot était parti en petites foulées faire le tour du camp. Il n'avait pas trop la forme. Il se sentait essoufflé alors qu'il ne courait pas très vite. Ce fut comme un nuage dans un ciel bleu. À son retour, il dévora la bouillie chaude qui l'attendait. Tout en mangeant, il réfléchissait. Le moment décisif approchait. Il le sentait.
- Mlion !
- Oui, mon Prince.
- Convoque les princes, tous les princes ! Les ordres vont arriver, je le sens. Nous devons être prêts à faire mouvement.
Le regard posé sur le lointain Nyagorot ne vit pas le regard une nouvelle fois étonné de son aide de camp. Celui-ci partit porter les ordres avec une célérité qu'il n'avait pas connue depuis bien longtemps.
- Grard ! Grard !
- Te voilà bien essoufflé, Mlion ! Où cours-tu comme cela ?
- Il faut convoquer les princes, tous les princes. Le Prince Nyagorot a changé depuis ce que je t'ai raconté. Pas une goutte de chicha ce matin, pas un mouvement d'humeur !
- Pas une goutte ?
- Non, il a voulu du gruau.
- Du gruau ?
- Oui, je suis sûr que c'est un signe du Dieu-Dragon. Notre Prince a été choisi...
Mais déjà Mlion était reparti vers les tentes des princes-troisièmes. À chaque fois il dut s'expliquer et vit le regard inquiet du prince. Qu'arrivait-il à Nyagorot ? Jamais il n'avait fait cela.
Assis face au soleil qui montait à l'orient, Nyagorot était loin de se douter de ce qu'il déclenchait. Il méditait. Il s'en trouvait bien. Il se dit qu'il devrait faire cela plus souvent. Il vit arriver les princes les uns derrière les autres. Il se mit debout. Son aspect frappa ses interlocuteurs et alimenta la rumeur de la visite du Dieu-Dragon.
Il mena sa réunion de bout en bout sans s’asseoir et sans boire. Les princes-troisièmes échangèrent des regards. Eux qui avaient pris l'habitude de faire un peu comme ils l'entendaient, se retrouvaient face à un prince exerçant pleinement son autorité. Ils firent comme si tout était naturel et qu'ils ne se disputaient jamais pour prendre la place de Nyagorot. Quand les messagers de Jorohery arrivèrent, ils trouvèrent les phalanges prêtes à bouger. Nyagorot eut un sourire en entendant les ordres, il avait bien anticipé. Les phalanges devaient se positionner là où il l'avait prévu. Au centre du dispositif, Jorohery serait avec ses gardes, autour les trois princes-seconds et leurs phalanges. Nyagorot aurait Vrestre à sa droite et Falker à sa gauche. C'est lui qui recevrait le premier le choc de l'attaque des Gowaï. Si les informations étaient justes, ils avaient commencé à bouger pour prendre position. Nyagorot pensa qu'on allait vers une bataille de plaine. Il fit équiper ses hommes dans ce sens. La seule inconnue était de savoir s'ils pourraient utiliser ces javelots noirs pour autre chose que tuer le dragon de l'imposteur.
Dans l'après-midi, il apprit que des crammplacs avaient été aperçus du côté du désert mouvant. Nyagorot ne fut pas étonné. Ils avaient disparu des combats un moment mais leur haine devait être grande et ils revenaient pour participer au carnage. Il rangea l'information dans un coin de sa tête. Comme ils avaient été vus du côté du désert mouvant, c'est Vrestre qui avait à gérer cette question. Du côté du glacier, tout semblait calme. C'est tout juste si on signalait quelque chose. Nyagorot ne croyait pas que tout y soit clair. L'étroitesse des chemins et le dédale des crevasses permettaient à un petit groupe de tenir en respect toute une armée. Il chargea un aide de camp de voir avec Falker s'il avait plus de nouvelles.
Quand la nuit tomba, les hommes étaient là où ils devaient être pour faire face à l'ennemi. Les rumeurs se précisaient. Jorohery gratifia les troupes d'une apparition. Toujours aussi maigre et encore plus impressionnant maintenant qu'il avait une manche vide, le Bras du Prince Majeur, fit sensation en annonçant la capture de l'imposteur par la phalange noire. Puis il fit signe aux princes-seconds de le suivre.
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