- L’hiver est précoce, cette année !
La femme aux yeux noirs enveloppée dans une cape de fourrure regardait par la fenêtre le vent ramener de nouveaux nuages.
- Nous serons obligés de passer la mauvaise saison ici, ajouta-t-elle.
- On aurait pu tomber plus mal, répondit Saraya.
La ville était sur un plateau rocheux escarpé. La seule entrée se situait vers le ponant. C'était une longue crête étroite qui surplombait la vallée. Aucun soldat ne pouvait gravir ces pentes les armes à la main. Quelques chèvres et quelques moutons parvenaient à tenir l'équilibre précaire nécessaire pour atteindre quelques plateformes herbeuses qui faisaient leurs délices. À part dans la direction du soleil levant, où que se porte le regard, il voyait la tranchée profonde de la rivière. Étroite et encaissée, elle ne laissait que deux points de passage, le pont des soupirants au septentrion, appelé ainsi depuis que la princesse Davana, il y a bien longtemps, avait fait attendre des jours et des jours ses prétendants devant la poterne qui en défendait l'accès, et le vieux pont, ainsi appelé car nul ne savait qui l'avait construit. Étroit, il était fait d'une grande dalle de pierre que la légende disait avoir été apportée là par les êtres de légendes. On lui avait adjoint il y a peu, des rambardes en bois qui le rendaient plus sûr mais empêchaient le passage des chariots. La route elle-même était difficile. Après avoir traversé le pont des soupirants, elle serpentait en suivant le fond de la vallée jusqu'au vieux pont. Après avoir passé la deuxième poterne, elle s’élevait en lacets courts et pentus vers le haut de la crête puis après un dernier virage revenait vers la ville.
Saraya était dans un de ses fiefs traditionnels. Les hommes qui vivaient là, lui étaient dévoués et prêts à défendre la position contre tout ennemi. Yas ne l'avait pas conquise. La ville avait suivi Saraya quand il avait fait soumission au roi.
Sacha avait du mal à se résigner à l'inaction, comme toutes les folles de guerre, elle ne vivait que par et pour le combat. Elle pensa tout ce temps où elle allait devoir patienter simplement en s’entraînant sans connaître l'ivresse des vrais combats.
Saraya s'il aimait les combats, avait aussi le pouvoir et l'exerçait. Depuis leur rencontre et leur union, il était comblé. Son royaume s'agrandissait. Il y avait bien Altalanos pour s'opposer à lui. Mais l'un comme l'autre, dans une sorte de consensus, avaient mis l'accent sur la consolidation de ce qu'ils avaient. Saraya avait ainsi pris le contrôle de plus de la moitié du royaume de Yas. Quand reviendrait le printemps, il soumettrait les quelques royaumes qui se voulaient indépendants en commençant par ces gens de Flamtimo. Leur réputation était telle que les autres ne combattraient même pas. S'il avait écouté Sacha, ils auraient fait campagne immédiatement. Mais les hommes étaient fatigués et, qui se battait quand l'acier gelait ? Saraya avait renvoyé l'armée et les mercenaires, charge à eux de passer l'hiver dans leurs clans. Aux beaux jours, il savait qu'il les verrait tous revenir. La paye était bonne et la victoire, c'est-à-dire les pillages, quasiment assurée.
Sacha se retourna vers Saraya :
- Te rappelles-tu le jour de notre rencontre ?
- Rien ne saurait me le faire oublier, répondit Saraya en se levant.
Il vint enlacer Sacha et lui posa un baiser dans le cou.
- Je pense encore à notre combat-union.
Le repoussant doucement pour le regarder dans les yeux, elle lui dit :
- Aujourd'hui, j'ai ce même ressenti. Le monde change sous nos yeux,... Majesté, ajouta-t-elle avec un brin de moquerie.
Saraya essaya de l'embrasser à nouveau mais elle se dégagea.
- Non, je ne parle pas de ce combat-là..., dit-elle. Je ressens approcher le moment de la confrontation.
- De quoi parles-tu ?
- De mon ressenti ! Salcha vibre d'excitation. Je la sens.
Saraya regarda Sacha dans les yeux. Il y vit cette lueur qu'il connaissait bien, celle qui précédait les combats.
- Qui pourrait venir nous chercher querelle alors que la neige tombe ?
- Lui ! répondit Sacha en montrant le ciel du doigt.
Saraya regarda la direction que montrait sa compagne. Des nuages formaient des silhouettes mélangées et mouvantes dont certaines évoquant d'étranges créatures volantes.
- Ce ne sont que des nuages changeants !
- Ceux-là peut-être mais Il vient.
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