Le jour se leva sur le fort. Un soleil
rouge apparut.
- C'est signe de tempête, dit un des
guerriers.
- Oui, d'ailleurs les Gowaï sont
partis. Ils ont dû le sentir, répondit l'autre sentinelle.
Un bruit les fit se retourner. Lyanne
inspectait les travaux qu'il avait lancés. Il avait décidé de
faire du fort de glace un lieu de résidence. Il discutait avec Moune
qui se révélait un excellent architecte. À côté du fort de
glace, on commençait à deviner la forme que prendrait le bâtiment.
La forêt non loin, fournissait les troncs nécessaires à la
construction. Moune faisait partie des prisonniers délivrés. Il
était très diminué à l'arrivée du roi-dragon au pays des orgres.
Persuadé que sans cette intervention et son passage par une porte
changeante, il serait mort, il avait fait de Lyanne plus que le roi.
Il était prêt à tout pour le servir. Moune avait entendu les
réflexions de Lyanne sur la beauté du lieu et sur la paix qu'elle
engendrait en lui. Il s'était approché et ayant mis genou à terre,
il lui avait proposé de construire une résidence. Lyanne l'avait
regardé en silence un moment et lui avait dit oui. Moune était
devenu le plus heureux des hommes. Le roi-dragon ne lui avait demandé
ni ce qu'il avait fait, ni s'il avait des connaissances pour faire ce
qu'il avait à faire. Le roi-dragon lui avait fait confiance. Il se
rappelait de ce jour comme le plus beau de sa vie.
- Tu as le temps et la place, Moune. Je
sais que tu aimerais faire un palais. Mon désir est autre, un lieu
de repos serait parfait.
- Mais, mon roi, comment manifester
votre grandeur sans faire d'étage ?
- J'entends le souci que tu as de ma
gloire. Mon désir reste un lieu de repos.
Bouyalma attendait Lyanne à quelques
pas. Il avait la responsabilité de la phalange Louny et maintenait
entraînement et discipline. Il voulait que tous les guerriers soient
dignes de leur roi. Il ne comprenait pas pourquoi Lyanne attendait.
Il pensait que Jorohery avait tout le temps pour aller aux Grands
Vents. Il voyait mal comment avec une phalange, ils allaient
combattre l'armée. Lyanne ne semblait pas inquiet et s'occupait de
la résidence.
Monocarana comme Lyanne, aimait ce
lieu. Il y trouvait paix et équilibre. Il partait le matin vers un
rocher non loin et restait immobile une bonne partie de la journée à
méditer.
Le temps pour Lyanne s'était écoulé
tranquillement entre la phalange qu'il entraînait, la construction
qu'il surveillait et les vols qu'il allait régulièrement faire vers
les Montagnes Changeantes.
La question que tous se posait était :
« Qu'attend-il ? ». Jorohery avait eu tout le temps
d'organiser sa riposte.
Dans le soleil rouge du matin, une
silhouette apparut.
Un des gardes donna l'alerte.
Tout le monde fut sur le rempart sauf
Lyanne qui était parti dans la plaine à la rencontre des arrivants.
Voyant cela, tous coururent pour se mettre derrière le roi en
position de combat. Lyanne fit un geste ordre. Comme un seul homme,
ils obéirent, interloqués.
C'est au garde-à-vous qu'ils virent
arriver une meute de crammplacs poilus. Des formes humaines
chevauchaient certains d'entre eux. Arrivés à proximité de Lyanne,
un homme démonta à la volée et mit genou à terre pendant que le
crammplacs se mettait en position de soumission.
- Le seigneur Trascoïa et moi-même
avons accompli la mission, oh mon roi ! dit Sagria.
Lyanne sourit en entendant cela. Ni
Sagria, ni Trascoïa ne le virent, mais ils sentirent en eux le
sentiment de plénitude d'avoir fait ce qui devait être fait.
Les deux mains d'hommes qui suivaient
et les crammplacs qu'ils montaient se firent aussi soumission.
Le peuple des grands traîneaux avait
répondu. Lyanne donna l'ordre du repos, puis fit rompre les rangs.
Il sentit ceux de sa phalange mal à l'aise de la présence des
grands crammplacs. Ceux-ci vivaient tranquillement la situation. Le
roi-dragon était là. L'ordre revenait. Lyanne fit signe aux
messagers de le suivre. Ils se dirigèrent à l'écart. Dans la glace
on avait creusé des sièges et une table. Lyanne s'y installa, fit
signe à Sagria qui s'assit pendant que Trascoïa prenait place à
côté.
- « Tu as bien choisi,
roi-dragon, l'homme aux cheveux de la couleur de nos fourrures est un
cœur droit qui ne connaît pas le mensonge »
- Tu es un roi sage, mon roi !
J'étais un homme seul, je suis maintenant riche d'une amitié.
Lyanne sourit à nouveau :
- Celle dont la sagesse est grande,
a-t-elle été heureuse de te voir ?
- Oui, mon roi. Une fois la surprise
passée de voir les crammplacs nous avons été accueillis en ami.
- « Celles dont la sagesse est
grande, ont partagé leur pêche avec nous. Nous avons partagé notre
chasse avec elles »
Lyanne écouta Trascoïa et Sagria
raconter leur mission. Les matrones qui dirigeaient le peuple des
grands traîneaux avaient fêté la bonne nouvelle de l'arrivée d'un
roi-dragon. On s'était réjoui plusieurs jours. La Matrone des
matrones avait donné son accord au plan du roi-dragon. Les grands
traîneaux étaient partis accomplir sa volonté. Trascoïa et Sagria
étaient restés jusqu'à l'arrivée de la phalange noire. Après ils
avaient repris le chemin du fort de glace pour rendre compte. Comme
prévu, ils avaient laissé des traces pouvant faire penser qu'un
dragon avait piétiné la neige.
Cachés de loin, ils avaient observé
les guerriers noirs aller et venir. Ils les avaient vus découvrir
les traces. Cela avait donné lieu à de multiples signes de
réjouissances. Ils n'avaient pas compris ce que faisaient les
guerriers noirs avec les javelots. Ils en avaient joint plusieurs en
un faisceau. Puis le prince-dixième Yaé avait allumé un feu
en-dessous. Une longue flamme orange avait jailli vers le ciel.
Sagria l'avait suivie des yeux. Elle avait fait un grand signe dans
les nuages allant vers la Blanche.
Lyanne se fit préciser les temps.
- Cela correspond, dit-il, au moment où
Jorohery a mobilisé les phalanges. En combien de jours êtes-vous
revenus ?
- « Nous avons couru trois mains
de jours en portant les guerriers »
- Bien, cela nous laisse encore un peu
de temps. Vous avez bien agi. Maintenant vous allez vous reposer
quelques jours et puis vous rejoindrez le peuple des Grands
Traîneaux.
Lyanne regarda s'éloigner Sagria et
Trascoïa. Ils ressemblaient à deux vieux compagnons de route. La
magie des rois-dragons opérait. Bientôt dans la région du désert
mouvant, il aurait une armée de crammplacs poilus et de guerriers
blancs. La Matrone des matrones avait donné son accord. Les jeunes
qu'elle n'avait pas envoyés aux phalanges depuis une saison
intégreraient cette force pour la grande rencontre. Les phalanges
allaient mettre douze à quinze mains de jours pour arriver dans la
plaine des Grands Vents.
Lyanne regarda le ciel. De lourds
nuages accouraient. Le vent forçait. Rester dehors allait devenir
dangereux. Il rentra.
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