Yaé regardait le ciel rouge. La
tempête approchait. Il jura. Il aurait voulu que Jorohery voie les
traces du dragon. Quelque chose n'allait pas. Quand ils avaient
quitté les Montagnes Changeantes, ils n'étaient pas arrivés où
ils devaient aller. Ils avaient été désorientés jusqu'à la
vision au loin d'un grand traîneau. Yaé avait alors compris qu'ils
étaient dans la plaine des Grands Vents, sur le territoire des
Matrones des Grands traîneaux. Il avait été très surpris de se
retrouver là. Ce qu'il venait de vivre n'était pas un rêve puisque
tous ses hommes et lui-même étaient maintenant revêtus de noir.
Ils se détachaient sur la neige comme le nez au milieu de la figure.
S'ils avaient vu le grand traîneau, les gens du grand traîneau les
avaient vus. Puisqu'ils ne pouvaient se cacher, Yaé avait décidé
de jouer sur sa présence. Il avait envoyé ses guerriers noirs
patrouiller dans la plaine et relever les traces. Ils revenaient avec
leur moisson d'informations. Les Gowaï étaient manifestement très
présents dans ce lieu. Ils allaient et venaient en nombre, en grand
nombre. C'était une véritable armée qui avait bivouaqué ici. Les
pisteurs estimaient leur départ à une main de jours. Yaé avait
redoublé les précautions. Un des pisteurs avait découvert une
cache de vêtements. Une phalange avait mis là un dépôt de vivres
et de matériel de rechange. Les Gowaï, malgré leur nombre, ne
l'avaient pas trouvé, preuve de la qualité de ceux qui avaient
préparé la cache. Le matériel avait des marques. Yaé reconnut la
marque de Quiloma. Il sourit devant cette coïncidence. Quiloma était
une légende vivante. Ses hommes lui étaient plus que dévoués. Son
habilité et ses connaissances du terrain dépassaient celles de tous
les autres princes-dixièmes. S'il avait ramené l'imposteur, il
aurait été richement récompensé. Au lieu de cela, il s'était
inféodé à ce dragon. Il avait scellé son sort, il était perdu,
jamais le Bras du Prince-Majeur ne lui pardonnerait, à moins que ce
ne soit le roi-dragon. Yaé avait repoussé cette idée. Il avait
utilisé les vêtements blancs pour camoufler ses hommes. Ils avaient
pu aller plus loin, plus discrètement. Les nouvelles qu'ils avaient
ramenées n'étaient pas bonnes. Il avait vu l'armée des Gowaï non
loin. Elle semblait attendre. Yaé était prêt à se retirer quand,
enfin, ils avaient découvert les traces du dragon. Non seulement il
voulait accaparer le trône, mais il pactisait avec les Gowaï. C'est
du moins ce que les pisteurs avaient conclu en analysant les marques
laissées. Jorohery lui avait donné des javelots noirs. Ils avaient
deux utilités. La première était d'être les armes capables de
venir à bout du dragon et la deuxième était de pouvoir envoyer un
signal. Yaé avait suivi les ordres. Le dragon traînait par là, il
fallait prévenir. La Blanche était plus loin de la Plaine des
Grands vents que l'autre côté des Montagnes Changeantes. Yaé ne
savait même pas si le Bras du Prince-Majeur saurait où il devait se
rendre, mais avec Jorohery tout était possible et puis le
Prince-Majeur le guiderait. S'il était bien le Prince-Majeur... Yaé
avait repoussé aussi cette idée. Lui qui n'avait jamais douté de
ses missions et de son engagement sentait en lui monter des
interrogations. Il était mal à l'aise avec lui-même. Pour
combattre cet ennemi intérieur, il appliquait, renforçait la
discipline et appliquait à la lettre les ordres.
Le signal était parti, comme un trait
de lumière dans le ciel. Yaé avait été heureux de voir qu'il
prenait la direction de la capitale. Il le suivit des yeux aussi
longtemps qu'il put.
- Voilà, le Bras du Prince-Majeur est
prévenu. La plaine des Grands Vents est à quinze mains de jours de
marche. En attendant, nous allons chasser le dragon, dit-il à son
second.
- Il y a beaucoup de Gowaï, avait
répondu celui-ci.
- Ils sont nombreux, mais nous sommes
les meilleurs. Nous sommes noirs, alors nous agirons dans la nuit.
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