Se tournant vers son compagnon, Trascoïa grondait sa colère.
- Traiter le Roi-dragon comme cela ! Je les aurais bien déchiquetés !
- Je sais, dit Sagria, mais ce sont ses ordres. Cela se passe comme prévu. Il nous faut rejoindre les autres.
Le grand crammplacs se mit en mouvement. Ses foulées rapides et bondissantes l'éloignèrent rapidement du lieu de la rencontre. Ils devaient rejoindre la horde. Ils avaient bien travaillé, rassemblant le plus grand nombre possible de guerriers et de crammplacs. Les Grands Traîneaux avaient fourni la majorité des hommes, un peu trop jeunes peut-être pour être de parfaits combattants, mais déjà très endurants et s'entendant parfaitement avec les grands fauves qu'ils montaient.
Leurs rôles étaient de se positionner entre les phalanges et le grand désert mouvant. Ils avaient repéré l'endroit. Une petite colline était le centre prévu du dispositif. Un premier groupe devait l'escalader et parader en haut pour qu'on le voie. Les autres devaient se mettre en retrait en bas sans se cacher en une ligne de part et d'autre.
- Le Manonka a dit. Ceux qui sont habillés comme la nuit sont passés à côté de nous. Ils pensent que nous ne les avons pas vus.
- Ceux qui sont habillés comme la nuit sont stupides. Le dagon a dit et nous avons écouté. Nul ne peut nous compter. Afysi sait et guide bien...
La conversation entre les deux chefs de pods continua pendant qu'ils marchaient. Ils étaient l'élite des Gowaï. Afysi, le roi de toutes les tribus avait donné à chacun des ordres de marche. Ils devaient se déployer comme un mur entre les phalanges et le reste du pays. La plaine devait avoir l'air couverte de Gowaï. Les Manonka bruissaient régulièrement.
Les deux pods avaient relevé les traces des guerriers noirs et fait vibrer leur Manonka pour prévenir. Afysi avait interdit d'intervenir. Le dagon avait dit que tout se jouerait à la lumière du jour. Il avait dit les paroles et le chant de confiance. Le peuple Gowaï devait tenir la parole donnée. Même si tout ne se déroulait pas comme prévu, l'homme au cœur noir qui présidait aux destinées du peuple du dagon, ne ferait pas le poids devant la puissance de tous les Gowaï, même avec toutes ses phalanges.
La conversation s'orienta après sur ce qu'il fallait faire quand le soleil se lèverait. Les chefs des pods n'avaient pas bien compris. Afysi demandait que l'on fasse du bruit, beaucoup de bruit, comme un défi. Ils avaient transporté les grands tambours de la saison chaude. C'est avec eux qu'ils allaient faire savoir à l'homme au cœur noir qu'il allait mourir.
Bouyalma avait vu arriver le grand crammplacs et son cavalier. Ils avaient discuté un moment des différentes options stratégiques. La phalange Louny ne pouvait pas tenir un grand territoire. Ils avaient choisi de tenir le passage qui menait au grand glacier. Si quelqu'un voulait se sauver par là, il passerait devant eux, obligatoirement. Bouyalma avait même déclaré qu'il espérait que Jorohery passerait par là... qu'il puisse lui régler son sort une fois pour toutes. En faisant cela, il n'avait fait que résumer le sentiment de tous les guerriers de sa phalange. Le second de Sagria l'avait écouté et avec un sourire lui avait dit que non. Jorohery fuirait par le désert mouvant et ce serait eux, l'armée de hommes-crammplacs qui lui réglerait son sort. Tout le monde avait ri à cette boutade. Chacun était bien conscient des forces en présence. Les phalanges ensemble étaient une armée redoutable et Jorohery en était le chef. Tout le monde savait que les princes avaient prêté serment au Prince-Majeur et que ce dernier avait donné l'ordre d'obéir à son Bras. Bouyalma voulait croire à la force du Roi-dragon mais il ne voyait pas comment il allait faire sans combattre.
Il avait mis la phalange en marche à la première veille de la nuit. Ils étaient sur le bord du glacier et ne risquaient pas de rencontrer une crevasse. Monocarna avait trouvé des lichens phosphorescents dans une grotte non loin de leur lieu de campement. Ils avaient bricolé des lanternes qui leur donnaient une lumière juste suffisante pour voir en pleine nuit où ils mettaient les pieds. Il y avait eu quelques chutes sans gravité. Un konsyli avait soulevé la question du manque de discrétion. Même faibles, ces lueurs pouvaient se voir de loin. Bouyalma avait répondu :
- Le Roi-dragon y compte bien. S'ils nous croient nombreux, cela n'en sera que mieux.
Pour essayer de le faire croire, Bouyalma avait imposé de laisser de l'espace entre chaque guerrier quand ils avaient franchi le col qui menait vers la plaine en contrebas.
- Il faut que cela dure longtemps et que les guetteurs en bas pensent à une grande troupe qui descend.
Pendant qu'ils faisaient cela, Bouyalma et certains konsylis étaient descendus reconnaître le passage plus bas. Ils avaient trouvé ce qu'ils cherchaient. Le terrain formait une cuvette que surplombaient des rochers, idéal pour un combat. Bouyalma commença son inspection pour voir comment il allait pouvoir disposer ses hommes. Ici les combats seraient rudes mais ils avaient une chance de bloquer la progression des autres. Il restait une inconnue : comment ses guerriers se comporteraient-ils face à ceux qui étaient comme eux ?
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