Lyanne avait volé une bonne partie de cette journée brumeuse. Il avait vu les princes-second mais il manquait un élément à son puzzle. S'il sentait la présence des différents protagonistes, il en cherchait un particulièrement. Il le repéra alors que se couchait le soleil. Il eut un sourire. Il vira sur l'aile et cracha son feu, illuminant les nuages. Les guetteurs de la phalange Louny verrait le signal et préviendrait Bouyalma qui allait pouvoir agir.
Il se laissa tomber pour atterrir dans une petite clairière. Il s'immobilisa, tous les sens en alerte. Il resta un moment comme cela. Rien ne bougeait. Il ne ressentait aucune présence en dehors des animaux. Lentement, il se mit en marche. La lumière diminuait rapidement maintenant. Pas gêné par la nuit, il avança d'un bon pas. Il ralentit en sentant la présence qu'il recherchait. Il sourit. Il allait rencontrer celui qu'il était venu voir. Il s'arrêta pour ressentir ce qu'il se passait. Ceux qu'ils cherchaient étaient un peu plus loin. Il réfléchit à ce qu'il devait faire. Il ne voulait pas trop les surprendre...
Les guerriers de la phalange noire retournaient vers le camp. Ils venaient de faire une patrouille sur les bords de la plaine. Ce qu'ils avaient vu les inquiétait. Le prince voudrait sûrement en informer le Bras du Prince-Majeur. Les Gowaï allaient faire mouvement. Le temps du combat approchait. Silencieux et invisibles dans la nuit, ils progressaient sur un tapis d'aiguilles de résineux. Ils se bloquèrent soudain. Ils venaient de sentir la fumée d'un feu. Quelqu'un bivouaquait dans ces collines. Avec d'infinies précautions, ils s'approchèrent. Ils n'étaient que deux mains d'hommes. En cette période, tout ce qui n'était pas ami était ennemi. Ils découvrirent un homme seul qui se chauffait à un feu. Il était sous un surplomb à l'abri du vent. Un homme seul ici ! Ils pensèrent à un messager, mais un messager n'aurait pas fait du feu. Le bonhomme semblait tranquille avec son bâton de marche posé à côté de lui. À un moment il se leva pour aller chercher du bois et en remettre dans le feu. Le konsyli faillit s'étrangler. L'imposteur ! C'était l'imposteur, là devant eux, seul. Il devait avoir sacrément confiance en lui pour faire cela. Il fallait réfléchir à la manière de le capturer ou de le tuer. Ils se retirèrent plus loin pour mettre au point une tactique. Les konsylis voulaient le capturer vivant pour le ramener au prince. Lui saurait ce qu'il fallait faire. Vu la configuration du terrain, il fallait essayer de le prendre en tenaille. Les buissons étaient très proches de l'abri. La surprise pourrait être totale. Ils décidèrent d'envoyer Filmon sur le rocher au-dessus à tout hasard. Il fut décidé d'agir avec précaution sans précipitation, la nuit était jeune et le temps était avec eux. Si l'imposteur s'endormait sa capture n'en serait que plus facile.
Avec beaucoup de précautions, ils se remirent en position autour de l'abri sous roche. L'homme s'était appuyé sur la paroi. Il avait rassemblé des aiguilles en un matelas et semblait somnoler. Sa tête dodelinait doucement. Les guerriers noirs attendirent, immobiles. Le temps passa. Les nuages couraient dans le ciel, découvrant ou cachant la lune. L'homme ne bougeait pas.
Quand le signal arriva, tous les guerriers se mirent en mouvement sans bruit. Les konsylis se retinrent de pousser un cri de joie quand ils virent que l'homme était maîtrisé. Filmon avait recouvert la tête et les épaules d'une toile pour entraver tous les mouvements.
Ils sursautèrent en entendant la voix de l'homme. Elle était douce et calme.
- Savez-vous ce que vous faites ?
Un des konsylis lui répondit :
- Tu te croyais très fort, mais ici dans cette forêt, tu t'es bien fait avoir !
- Et si je me révoltais ?
- T'as pas intérêt, dit l'autre en pointant son arme sur lui, j'ai un javelot noir et si je le plante, t'es mort ! C'est le Bras du Prince-Majeur qui l'a dit.
- Si le Bras du Prince-Majeur l'a dit...
Le konsyli posa son arme sur la toile qui immobilisait Lyanne :
- Tiens-toi tranquille ou gare à toi ! Le prince te préfère vivant mais mort tu feras aussi bien l'affaire
Il n'y eut pas de réponse.
Les ordres claquèrent brefs et précis. Lyanne fut emporté comme un paquet. La marche fut rapide et les arrêts courts. Au matin, ils furent en vue du camp de la phalange noire.
Après s'être identifiées, les deux mains d'hommes se présentèrent devant la tente du prince. Ils avaient remis leur prisonnier sur ses deux pieds. Un konsyli tenait toujours un noir javelot contre le flanc de Lyanne. Filmon portait le bâton de pouvoir, le marteau de combat et le couteau trouvés. Ils patientèrent ainsi un bon moment. Puis brusquement la toile de tente s'entrouvrit laissant le passage à Yaé :
- Alors ?
Après avoir fait le salut rituel, un konsyli s'approcha :
- Nous avons l'imposteur, mais les Gowaï font mouvement.
- Enlevez-lui la toile, mais gardez le javelot.
Pendant que les hommes s’exécutaient, Yaé donna des ordres pour faire mouvement. Le camp ressembla bientôt à une fourmilière. Chacun à sa place préparait le départ.
Yaé regarda Lyanne debout devant lui. Il soutint le regard d'or. Ses yeux se troublèrent légèrement. Il se ressaisit.
- Jorohery sera content, dit-il d'une voix qu'il voulait ferme.
- Et toi, prince, le seras-tu quand le pays que tu aimes sera devenu aussi noir que tes habits ?
Yaé se mit à rire :
-Tes paroles sont sans effet sur moi ! J'ai vu le Prince-Majeur devenu Roi-dragon, Jorohery me l'a montré. Il sera très content de te voir. Tu es la pièce manquante pour que puisse venir le règne du Roi-dragon.
- Et tu crois ce prince du mensonge ? Que sais-tu de lui ?
Yaé ne répondit rien. Il se tourna vers le konsyli :
- On part. Il faut rejoindre le Bras du Prince-Majeur. Allez maintenant, nous suivons dès que nous sommes prêts.
Ayant dit cela, il se retourna et partit vers d'autres tâches.
- T'as entendu, dit le konsyli en appuyant un peu plus dort le javelot sur le dos de Lyanne, En route !
Sans plus attendre, ils se mirent en route.
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