Bagochalis se tenait bien droit, les mains attachées derrière le dos.
Le konsyli chargé de sa garde s'avança vers le roi-dragon et dit :
- Il a tenté de prendre une épée pour s'enfuir.
- Bien, dit le roi-dragon, déliez-le et sortez.
Bagochalis frotta ses poignets, tout en se tournant vers Quiloma et le roi-dragon.
- Explique ! dit ce dernier.
- Le Prince Sanki a reçu mon chant et il avait donné le sien au Prince-majeur. Mon serment n'est pas pour vous.
- Tu es de la famille de Coïtti. Elle a toujours été fidèle aux rois-dragon dans les temps anciens. Pourquoi changerait-elle aujourd'hui ?
L'homme tournait doucement autour de la pièce. La lumière était très faible. Les guerriers étaient sortis avec les torches. Quiloma pensa à un crammplac en cage. Bagochalis ne s'était pas soumis, il attendait le moment favorable.
- Le Bras du Prince-majeur a parlé de vous au Prince Sanki. Il a parlé de votre magie. Il a dit qu'elle n'était qu'illusion. Je crois mon Prince.
- Le bout de bâton de ta ceinture, où est-il ?
- Il a brûlé à votre arrivée, encore une magie.
- Qu'attends-tu ?
- Mon maître !
- Bien alors regarde !
Il dévoila le bâton de pouvoir à l'instant même où Bagochalis venait de décider d'attaquer le roi-dragon. L'homme sembla se bloquer sur place alors que les volutes de lumières s’élevaient dans la pièce jetant des lueurs changeantes sur les murs. Le rouge se mélangeait à du gris. Du orange vint s'ajouter à des arabesques dont la complexité défiait l'esprit humain.
- Bien, très bien ! Avance maintenant Prince Bagochalis.
Les yeux fixés sur le jaune qui venait d'arriver dans les tourbillons aériens, il approcha du centre de la pièce. Quiloma se tenait contre le mur, immobile, le regard aussi fixe que celui du prince-dixième. Le roi-dragon se mit en mouvement. Reculant doucement, il guida Bagochalis jusqu'au centre de la pièce.
- Plus profond, Prince Bagochalis, va encore plus profond et écoute ce que disent en toi ceux qui ont vécu avant toi.
Les volutes se teintèrent de bleu, de violet, et de vert. Elles se tordaient, tourbillonnaient évoquant les fumées d'un feu de bois. Bagochalis se mit à haleter comme s'il souffrait. Il tomba à genoux en se prenant la tête dans les mains.
- Qu'entends-tu, homme fils de prince ?
- Bioulo tamakatis
Casamta bigalis
Sinatal Bagochalis
Le chant était saccadé, grinçant.
- Au pouvoir tu seras
Ton bras tu donneras
Bagochalis ainsi tu vivras
Combattant tu seras
Ta vie tu donneras
Bagochalis tu seras
En chemin tu seras
Ton destin tu donneras
Bagochalis tu seras
Prince tu seras
Ton pouvoir tu donneras
Bagochalis tu seras
Alors que son chant continuait tel un courdy désaccordé, le roi-dragon s'approcha de l'homme à terre et le toucha. Ce dernier hurla et de nouveau les arabesques changèrent. Le noir vint se mêler aux autres couleurs, les altérant, leur faisant perdre leur brillance. D'une voix grave et douce, le roi-dragon se mit à chanter comme une berceuse :
- Tial ban cha, Bagochalis,
Tial ban cha...
Coum tel gat, Bagochalis,
Coum tel gat...
- Sois qui tu es Bagochalis,
Sois qui tu es...
Avec fidélité, Bagochalis
Avec fidelité...
De tes aïeux, Bagochalis
De tes aïeux...
Reçois la vie, Bagochalis
Reçois la vie...
Autour de toi, Bagochalis
Autour de toi...
Regarde-les, Bagochalis
Regarde-les...
Du bâton de pouvoir s'élevait un arc en ciel ourlé d'or. Il sembla se tordre pour se lover dans les creux des volutes qui déjà volaient dans la pièce. Leur rencontre faisait éclater des symphonie de couleurs plus riches les unes que les autres. Bientôt une voix s'éleva, timide au départ, elle gagna en assurance :
- Milta gama voya chima
Milta choya gami chayo...
- Quand naît la lumière se lève l'homme.
Les yeux de lumière révèlent le vrai.
Quand des racines montent la sève,
Plus beau est le litmel.
D'or seront mes rêves
Puisque d'or sont les yeux qui m'ont regardé.
Simple et serein le chant s'éleva pendant que spiralaient les couleurs. Il prit le temps de se dire. Il prit le temps de se recevoir. Le roi-dragon termina la cérémonie par le don d'un cylindre de pouvoir.
Puis de nouveau, il fit jurer la phalange de Bogachalis, tout en écartant ceux qui ne pourraient tenir leur serment.
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