vendredi 22 mars 2013

Quiloma n'avait pas bien compris l'agir de ce roi-dragon. Qunienka était de son avis. Il avait essayé d'en parler avec la Solvette mais elle avait donné raison au roi-dragon. Selon le code de l'honneur en usage dans le pays Blanc, les trois princes et leurs phalanges étaient coupables et auraient dû être châtiés. Non seulement il avait fait grâce aux guerriers mais il avait rendu leur rang et leur commandement à Saÿnnu et à Bagochalis. Quiloma avait été très réticent à cette démarche. Mais le roi-dragon avait donné des ordres. On avait séparé les trois princes et mis chacun dans une salle sous haute surveillance. Accompagné de Quiloma, toujours sous sa forme simplement humaine, le roi-dragon était entré là où l'on retenait Saÿnnu. Celui-ci s'était mis au garde-à-vous en le voyant entrer. Tous les gardes sortirent. Il ne resta que Saÿnu, Quiloma et le roi-dragon.
- Bien, très bien, Prince Saÿnnu. Vient le moment pour moi de choisir ton avenir.
Saÿnnu avait avalé sa salive tout en regardant le roi-dragon enlever le fourreau qui recouvrait son bâton de pouvoir. Les arabesques dessinées dessus capturèrent ses yeux.
- Bien, Prince Saÿnnu. Regarde bien les lignes. Tu vois comme elles sont belles. Elles sont le reflet de ton chemin.
Sous les regards capturés des princes, des lignes sinueuses s'élevèrent du bâton pour se tordre, s’enlacer, se tresser dans les airs en un scintillement coloré fait de bleu, de vert, de blanc et d'un peu de noir qui venait souligner la brillance des autres couleurs.
- Bien, Prince Saÿnnu, maintenant, chante ton chant propre.
Il y eut comme une hésitation chez Saÿnnu. Le chant propre d'un prince est le chant du serment, le chant de sa vassalité. Propre à chacun, il est inconnu des autres et si nul ne doit le chanter en dehors de la cérémonie d'initiation, tous pourtant, doivent le répéter chaque jour pour être prêt à le proclamer si le roi ou le Prince-majeur le demande. Ce chant était tombé en quasi désuétude depuis l'arrivée au pouvoir de ce Prince-majeur. Saÿnnu lutta, fronçant les sourcils, pour se rappeler ce qu'on lui avait appris. Sur son visage, les sentiments s'exprimaient sans retenue. La peur y succédait à la surprise. Il balbutia :
- Je... Je...., non, je ne m'en souviens pas....
Des larmes coulèrent sur ses joues.
- Bien, Prince Saÿnnu, entre dans la confiance, regarde et chante !
Les arabesques s'enrichirent d'autres couleurs, changèrent de rythme. Puis un fin filet doré qui prit de l'ampleur vint se mêler aux dessins complexes qui flottaient dans l'air.
Un sourire apparut sur le visage de Saÿnnu :
- Yolo cum ba yolo
Simba Saÿnnu
Yalo tim sa Yalo
Vinca Saÿnnu...
La pièce se remplit des images du pays des vents.
- Quand souffle le Yolo,
Viens maintenant Saÿnnu.
Quand brûlent les combats,
Vaincs maintenant Saÿnnu.
Les plaines blanches brillent
de l'éclat de tes armes.
L'honneur du roi est tien.
La gloire du Dragon est tienne.
Que viennent les ennemis.
Que coule leur sang.
Rouge est le roi-dragon,
Dorée est sa victoire.
À jamais Saÿnnu est son sang !
À jamais Saÿnnu est sien !
Le chant continua pour s'achever dans un murmure.
Quiloma prit conscience du silence. Le roi-dragon avait recouvert le bâton de pouvoir. Il porta la main au morceau de bois sculpté qu'il avait dans son étui rouge. Plus précieux que le morceau du bâton brisé qu'il avait, le roi-dragon lui avait remis un cylindre de bois ouvragé porteur de pouvoir. Il vit que le roi-dragon remettait un insigne semblable au prince-dixième Saÿnnu.
- Allons voir ta phalange ! dit le roi-dragon.
Les trois hommes sortirent pour découvrir, impeccablement alignés, tous ceux qui avaient survécu au combat.
Saÿnnu montra le signe de son adoubement. Quand ils virent le morceau de bois, tous les guerriers mirent genou à terre et prononcèrent le serment de fidélité à leur prince. Toutes les têtes baissées brillaient dans le soleil du jour sauf une par-ci, par-là. D'un ordre geste Qunienka fit intervenir ses guerriers qui les firent mettre à part. Quiloma jeta un regard interrogatif au roi-dragon.
- Leur cœur est impur. Leurs voix sonnent comme un gong désaccordé. Ils seront infidèles. Allons voir Bagochalis.

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