Sur le chemin du passage vers les
grottes à Machpes, le Roi-dragon rencontra des guerriers blancs. Le
konsyli le regarda. Il arrêta son groupe de jeunes recrues.
- Nous nous sommes déjà rencontrés.
Il avait dit cela sur le ton de
l'évidence. Le Roi-dragon l'avait reconnu. Il s'agissait d'un plus
jeune que lui qui avait commencé sa formation à Montaggone après
lui.
- Oui, il y a bien des lunes,
répondit-il.
- Je ne me souviens pas que tu aies
participé aux combats. Un guerrier avec un marteau, cela se
remarque.
- Tu as raison. J'étais sur d'autres
combats.
- Bien éloignés, je ne t'ai jamais vu
aux rapports.
- Très éloignés ! J'ai été
envoyé pour m'occuper du dragon. Cela a pris beaucoup de temps.
Le konsyli se renfrogna.
- Le dragon a toujours été proche,
dans sa vallée. J'ai participé à plusieurs missions, dont la
dernière, il y a quelques jours pour détruire un détachement de
ces chasseurs en armure de métal. Je ne t'ai pas vu non plus là-bas.
Il fit un geste ordre de se préparer
au combat. Le Roi-dragon continua comme s'il ne remarquait rien.
- Quelques jours, dis-tu ? Le
temps est passé plus vite que je ne le pensais.
- Il serait bien que tu ailles te
présenter au Prince pour faire ton rapport.
- Oui, le Prince Quiloma m'espère
depuis longtemps. M'accompagnerez-vous ?
Il sentit le soulagement du konsyli qui
devait chercher comment le ramener sans combat.
- L'idée me semble bonne, dit ce
dernier.
Il donna des ordres à sa main de
guerriers qui fit demi-tour.
« Bien disciplinés ! Le
prince ne perd pas la main ! » pensa le roi-dragon. Il vit
les gestes ordres donnés. Au fur et à mesure qu'ils avançaient
dans les grottes, il les vit sortir qui une dague, qui une épée. Le
roi-dragon souriait. La situation l'amusait beaucoup. Quand ils
arrivèrent un peu plus loin dans les sombres couloirs, un brusque
courant d'air fit s'éteindre la lumière que portait le konsyli. Le
roi-dragon l'entendit jurer. L'obscurité était complète.
- Tiembo, prends le pot à feu et
rallume la lampe.
Le roi-dragon regardait le visage
anxieux de ces hommes et la maladresse du dénommé Tiembo qui
n'arrivait pas à faire ce qu'on lui demandait. Le konsyli avait tiré
son épée et tendait l'oreille, inquiet de la possible fuite de son
prisonnier.
- Un peu d'aide peut-être ? dit
le roi-dragon en touchant la lampe du bout de son bâton. La lumière
revint plus vive, plus claire. Le konsyli regarda le roi-dragon en
ouvrant des grands yeux.
- Qui es-tu ? demanda-t-il en
prenant du recul.
- Quelqu'un qui revient. Mais ne
faisons pas attendre le prince, allons !
Les hommes obéirent sans discuter. Ils
traversèrent les grottes à machpes. Ceux qu'ils rencontraient leur
jetaient un simple regard et retournaient à leur ouvrage. En cette
saison, les machpes étaient indispensables. Quand ils arrivèrent à
la lumière sous le porche, Tiembo souffla sur la flamme. Elle refusa
de s’éteindre même après plusieurs essais.
- Évite de la toucher, dit le
roi-dragon quand il vit que Tiembo voulait étouffer la flamme.
Il fit un geste et la lampe devint
obscure. Un charc perché non loin, décolla en criant.
- Allons, dit encore le roi-dragon, on
dirait que vous voulez prendre racine.
Le konsyli sembla se réveiller. Il
donna avec retard, des ordres pour aller vers Montaggone. Le
roi-dragon avait déjà pris le chemin vers la citadelle. Les
guerriers lui coururent après.
La ville avait connu des combats. Le
roi-dragon avait vu en bas des maisons détruites par le feu. Il
espérait que Sabda et sa mère étaient sauves. Quand il arriva
devant la porte de Montaggone, les sentinelles se mirent en alerte.
Le konsyli s'approcha d'elles en courant. Il leur parla à voix
basse. L'une d'elles se tourna vers le groupe et dit :
- Attendez-là !
L'autre était entrée dans la
citadelle. Il ne fallut que quelques instants à plusieurs mains de
guerriers pour arriver équipées et prêtes à en découdre.
Certains avaient pris position sur les remparts. Le roi-dragon eut un
sourire, certains qui avaient l'arc à la main et une flèche
encochée, baissèrent leur arme en se regardant. Il lut sur leurs
lèvres : « On dirait... ».
Qunienka sortit à ce moment-là. Il
regarda la situation. Son regard hésita un instant sur le
roi-dragon. Il y eut comme un voile, puis il se reprit :
- Que tout le monde reprenne son
poste ! Vous, dit-il en désignant le groupe qui accompagnait le
roi-dragon, et toi, venez !
Il fit demi-tour. Le roi-dragon entra à
son tour suivi par la main d'hommes. Ils se dirigèrent vers
l'habitation du prince. Alors qu'ils approchaient, Quiloma sortit. Il
donnait des ordres à quelqu'un qui s'éloignait vers la grande
salle. Il reporta alors son attention vers ceux qui arrivaient.
Brutalement, les présents le virent
arracher de sa ceinture l'étui contenant l'insigne de sa fonction et
le jeter à terre. Quiloma regarda le morceau de bois qui rougeoyait,
puis le roi-dragon, puis le bâton à terre. A l'étonnement de tous,
il mit genou à terre, le poing droit fermé sur le cœur en courbant
la tête.
Qunienka fut le premier à comprendre
et fit de même. Puis le mouvement s'amplifia. Tous les guerriers
venus du pays blanc mirent genou à terre. Les autres les imitèrent
sans comprendre. Quiloma releva la tête :
- Graph ta cron ! Graph ta cron
Mjatsa ! (Gloire au Dieu-dragon ! Gloire au fils du
Dieu-dragon!).
Qunienka et les guerriers blancs
reprirent en chœur. Seul le roi-dragon était debout appuyé sur son
bâton.
- Quiloma tra...( Prince Quiloma tu
m'as bien servi sans me connaître. Ta fidélité est un bien
précieux que je ne gaspillerai pas. Tes nombreuses cicatrices et les
blessures que tu portes encore sont les meilleurs des témoins de
l'attachement à ton roi. Maintenant il est temps de reconstruire ce
que d'autres ont détruit.)
S'approchant de Quiloma, il le toucha
de son bâton. Ce dernier sentit la force affluer en lui. Ces plaies
qui cicatrisaient mal se fermèrent.
- Rtem...(Tu as géré cette ville et
cette région. Tu as bien fait. Tu l'as bien fait. Tu as choisi de
m'éloigner quand ce fut nécessaire sans savoir si c'était un bon
choix. La fidélité au Dieu Dragon est forte en toi. Tu seras celui
sur qui je m'appuierai. Ton second Qunienka a suivi ton exemple, il
mérite d'être appelé prince...)
C'est alors qu'on entendit une voix :
- Et il est où le dragon ?
Le roi-dragon avait beaucoup ri en
entendant Sabda poser sa question.
- Il est moi ! avait-il répondu.
Elle l'avait alors regardé avec le
même regard que la Solvette.
- La puissance est en toi. Je souhaite
qu'elle ne corrompe pas ton cœur.
- C'est un cœur de dragon, lui dit-il.
Les charcs t'ont prévenue. Ils ont bien fait. Les charcs vont
répandre la nouvelle. C'est une bonne et une mauvaise chose. Tout
dépendra des oreilles qui écouteront.
Lui tendant la main, il ajouta :
- Si la force de la région est dans
les mains du prince, le cœur de cette région, c'est toi et celles
qui sont comme toi.
- Et tu fais quoi des sorciers ?
avait-elle répondu mutine.
- Ils ont leur rôle dans l'équilibre
de ce monde.
- Quel est ton nom ?
- Mon nom est un secret qui m'est
réservé depuis la nuit des temps. Il est bon pour l'instant qu'il
ne soit pas connu.
Le roi-dragon tenait la main de Sabda.
- Fêtons mon arrivée, dit-il.
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