vendredi 5 avril 2013



- Tu vas te battre ?
- Oui, le choix s'impose à moi. La loi dit et même le roi fait.
- Ces combats ne cesseront-ils jamais ?
- L'homme peut être pacifique mais il est souvent violent. S'il ignore sa violence comment peut-il être en paix ?
- Je sais, Tandrag, je sais. Je comprends ma mère quand elle me parle de sa fatigue à réparer ceux que les autres abîment.
La pièce était dans la pénombre, juste éclairée par le feu. Sabda avait accueilli le roi-dragon pour le dîner. Elle lui avait demandé cette rencontre dès son arrivée. Il était parti pour Tichcou trop vite pour l'honorer.
- Mon nom est autre maintenant, Sabda, comme ton nom devient autre.
- Je ne dois plus t'appeler Tandrag.
- Si cela t'aide, tu as cette possibilité.
- Te rappelles-tu nos rêves quand on voyait le dragon ? « Bô le dragon ! »
Le roi-dragon sourit :
- Oui, « Bô le dragon ! »
Sabda avait avancé sa main et l'avait posée sur la main du roi-dragon.
- Je connais ton désir, Sabda, mais c'est devenu impossible même si un jour cela a pu sembler possible.
Sabda ne bougea pourtant pas sa main.
- Tu as raison, Tandrag, roi-dragon, mais j'aime toucher ta main et me dire que je touche le dragon.
- Tu m'offres le merveilleux, Sabda. Tu es la seule à me regarder avec des yeux où crainte et envie sont absentes. Même la Solvette me regarde différemment d'avant. Quiloma l'influence.
Le roi-dragon referma sa main sur celle de Sabda et la porta à ses lèvres :
- Nos natures sont trop différentes. Si je t'accordais ce que Quiloma a donné à ta mère, tu en mourrais. Une telle pensée m'est intolérable. Un jour tu trouveras le compagnon qui t'est accordé. Tu découvriras alors la richesse de la vie en toi.
Le roi-dragon laissa le silence retomber, seul le feu crépitait. Doucement, il se mit à fredonner, dans le foyer, les flammes prirent de l'ampleur et commencèrent une danse joyeuse. Sabda ouvrit de grands yeux. Son regard alla du feu au roi-dragon qui chantonnait.
- Merveilleux, Tandrag ! dit-elle en osant poser sa tête sur les genoux du roi-dragon.
Longtemps le roi-dragon murmura les airs brûlants du feu, longtemps après que Sabda se soit endormie. Il laissa ses pensées suivre les flammes et se réfléchir dans le feu.
Le prince Yaé était parti. Est-ce un bien ou un mal ? Il était dans l'incertitude. Tichcou semblait être stable. Il allait partir derrière Yaé. Il pouvait compter sur Sstanch et sur Quiloma. Kaltrim serait-il fidèle à sa parole ? Il en avait l'impression comme pour Saÿnnu et Bogachalis. L'avenir demeurait incertain. Il avait rencontré Kyll. Le maître-sorcier n'avait pas pu être rassurant. « Là-bas, avait-il dit, se concentre une force maléfique. Les esprits eux-mêmes en ont peur. »
Le roi-dragon retournait ce qu'il savait en tous sens. Il lui fallait suive Yaé et aller aux cavernes des dragons. Là étaient les réponses ! Au moins quelques-unes.
Quand le matin était arrivé, Sabda s'était levée.
- Merci de ce que tu m'as donné, dit le roi-dragon.
- J'ai fait si peu, dit Sabda.
- Ce que tu as fait est immense. Tu as fait pousser une graine d'humanité dans un cœur de dragon. Pour te remercier, je te laisse mon compagnon.
Le feu rugit dans l'âtre.
- Regarde-le ! Il est heureux d'habiter chez toi. Toujours, il t’accueillera. Toujours, il te chauffera. Toujours, il te défendra.
Sabda se jeta au cou du roi-dragon :
- Merci Tandrag, roi-dragon.
- Les marabouts sont aussi indispensables que l'air, Sabda. Quand tu seras prête, je souhaite que tu tiennes ce rôle dans la ville. Que tes jours soient prospères, Sabda et ton chemin tranquille.
- Que tes jours soient prospères et ton chemin tranquille, roi-dragon.

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