Lyanne avait appris beaucoup sur son clan, sa famille et ses parents par Bouyalma. Rétrogradé au rang de konsyli quand Lissouis avait pris le commandement, lui qui avait été second du prince-dixième Galvir, était d'une famille au service des Louny depuis des générations et des générations. Si Galvir était un cousin de Lyanne, le Prince-Majeur était un oncle. Tout en marchant Lyanne écoutait Bouyalma lui raconter son pays. Ce dernier racontait avoir souffert de voir la dérive du pouvoir et sa captation par Jorohery. Il rattachait la mort du père de Lyanne à son arrivée. Un guerrier comme lui n'aurait pas pu disparaître comme cela lors d'une chasse au crammplacs poilu. Il y avait eu autre chose. Ses soupçons se portaient sur le Prince-Majeur, dont le pouvoir à l'époque était assez faible puisqu'il ne possédait pas l'anneau. Bouyalma raconta comment son ami, Halsim, avait enlevé en plein hiver nourrice et enfant. Il reconnut devant Lyanne qu'il faisait partie de ceux qui savaient. Halsim était un des protecteurs. On appelait ainsi les guerriers d'élite de la famille Louny. Véritables héros dans le clan, on leur confiait les tâches et les combats les plus difficiles. C'est le père de Lyanne qui avait donné les ordres aux protecteurs de protéger l'enfant coûte que coûte s'il lui arrivait malheur. Le jour de la disparition de l'enfant, Galvir s'était beaucoup agité pour lancer les recherches. Bouyalma ne l'avait jamais vu faire les erreurs qu'il avait faites ce jour-là. Il l'avait interrogé. Le sachant lié par son chant du serment, Galvir qui avait eu besoin d'aide, lui avait fait assez de sous-entendus pour qu'il comprenne. Bouyalma avait alors lui aussi, laissé délibérément de côté les pistes les plus intéressantes. C'est le Prince-Majeur lui-même qui était venu pour coordonner les efforts des pisteurs. S'il avait soupçonné le clan Louny d'être à l'origine de la disparition, il n'en avait rien laissé paraître. Il avait lancé ses meilleurs limiers sur la piste dont Quiloma. Lyanne sourit à l'évocation de ce nom.
Il s’arrêta en haut de la colline et regarda le chemin parcouru. Il eut conscience qu'à cette vitesse là, il risquait de ne pas être où il sentait devoir aller. Si sa phalange, comme il pensait avec plaisir, marchait bien, ainsi que les autres guerriers et les Gowaï, les prisonniers libérés n'avaient pas la force de mener ce train-là. Il voyait les portes du pays des orgres. Il les avait à peine franchies que déjà, les orgres avaient commencé le chantier pour les réparer. Il sourit. Ils allaient s'activer, prendre du mal pour essayer de réparer de vieilles défenses alors que lui leur avait joué un tour dont ils ne se remettraient pas. Il avait planté un arbre en plein milieu de leur royaume. Bien sûr, ils ne seraient pas changés en un instant, mais cette vie têtue et tranquille qui allait irradier depuis le cœur du royaume, allait les faire évoluer plus sûrement qu'une campagne militaire.
Pendant que les moins rapides arrivaient en bas de la côte, il regarda devant lui. Il y avait les collines qui bordaient le pays des orgres et des montagnes fumantes. Après il faudrait traverser le Grand Plateau. Ce n'était pas un bon lieu pour un affrontement. De plus en plus, Lyanne sentait que son histoire ne pourrait finir que par un combat contre Jorohery. C'est lui qui avait vraiment le pouvoir, le Prince-Majeur ne faisait plus rien. Il restait dans ses appartements sous la garde d'une phalange toute aux ordres du Bras du Prince-Majeur. Bouyalma lui en avait parlé. Si la terreur régnait, une opposition existait. Elle n'avait pas pris les armes car il n'y avait pas de chef reconnu. Jorohery avait suscité les plus vils pour former ses troupes et noyauter les phalanges. Quand la phalange de Bouyalma était partie de la Blanche, Jorohery rassemblait ses troupes et attendait des nouvelles de la phalange noire pour savoir où était l'imposteur. Lyanne lui demanda d'où venaient les javelots noirs. Bouyalma ne savait pas. La garde du Prince-Majeur les fournissait en grand nombre. Les bruits couraient que le Bras du Prince-Majeur les ensorcelait lui-même.
- Tout le monde est là ? demande Lyanne en regardant autour de lui.
Il vit tous les regards tournés vers lui. Il sentit le poids des décisions à prendre, mais il savait. Il l'avait expérimenté dans les Montagnes Changeantes. Il était le roi-dragon, maître du royaume blanc. Le grand dragon blanc et noir lui avait enseigné les voies du royaume, ne lui interdisant que la porte des dieux. Alors il se déplaça. Il vit les regards étonnés de uns et des autres quand il ouvrit le passage. Il y avait maintenant comme un portail de pierre. On voyait de l'autre côté un autre paysage.
- Venez, dit-il, Sonfa nous attend.
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