Le roi-dragon avait tenu à prévenir Sméloeb qu'il allait dans la montagne avec Monocarna sans lui préciser ni pourquoi ni pour où. Ils avaient marché une bonne partie de la nuit et avaient trouvé un abri aux petites heures du matin.
- Tu sais que je pourrais te porter et pourtant tu nous fais marcher. Pourquoi ?
- Il y a des esprits noirs qui rôdent entre les grottes et nous. S'ils te voient passer, ton combat sera plus rude.
Le roi-dragon n'avait pas insisté. Le lendemain, ils avaient repris leur progression. Monocarna ne marchait pas très vite mais régulièrement. Derrière eux, restait la trace de leurs pas dans la neige.
- Celui qui veut peut nous suivre, dit le roi-dragon.
- Oui, majesté. Sméoleb ne pourra prévenir son Styrlming que demain. Ses messagers n'atteindront pas la capitale avant notre arrivée aux grottes.
- Il peut envoyer des poursuivants.
- C'est ce qu'il fera. Son amour du pouvoir a noirci son âme. Il fera sûrement arrêter Sméoleb et enverra ses troupes sur nos traces.
- Ils iront vite, plus vite que nous.
- J'y compte bien, majesté. Nous allons arriver au bord du gouffre de Vorjiak.
- Qu'est-ce que le gouffre de Vorjiak ?
- C'est une sombre faille dont nul n'a sondé le fond. Ses ramifications sont tordues et nombreuses. Les légendes en font la cicatrice du combat des dieux.
- Tu connais le gouffre.
- Personne ne connaît le gouffre de Vorjiak hormis celui qui l'a fait. Ses parois sont si abruptes que les poursuivants ne nous suivront pas. Il n'est pas dans la direction des grottes. Si nous en suivons les méandres nous pourrons ressortir loin d'ici sans que personne ne sache où.
Ils continuèrent à marcher sous le couvert des arbres. À la fin du deuxième jour, on entendit au loin une sonnerie de trompe.
Monocarna s'arrêta et écouta. Le roi-dragon fit de même. Il y avait dans ces modulations quelque chose d'organisé.
- C'est un message, majesté. Il signale que deux hommes et peut-être un dragon sont en route vers les hauts monts. Ils veulent que tous se mettent à leur recherche et les signale.
Quand l'écho eut fini de renvoyer le premier message, un second résonna. Il venait de plus près.
- Ce sont les gens de Sméoleb qui répondent qu'ils voient nos traces dans la neige.
- La chasse va partir, dit le roi-dragon. Sommes-nous loin du gouffre ?
- Nous y serons avant la tombée de la nuit.
Le roi-dragon ne s'attendait pas à ce qu'il vit. Dans la pénombre du soir, le gouffre de Vorjiak apparut. Il comprit la description que Monocarna en avait faite. Ce n'était pas un gouffre, c'était une plaie béante faite dans la terre. La nuit y régnait déjà. Il laissa ses perceptions s'étendre vers cet espace. La vie semblait y être absente. La roche y était noire et même la neige présente partout ailleurs, ne s'y accrochait pas. Des ondes de chaleur émanaient du fond de la faille. Des courants chauds ascendants faisaient vibrer l'air.
- Le vol dans cet espace va être difficile.
Monocarna regarda le roi-dragon penché au-dessus du gouffre. Il percevait la présence du grand-être avec une joie presque douloureuse. Il n'avait jamais osé rêver ce qui allait lui arriver. Il allait voler avec un dragon. Avant qu'il n'ait compris ce qui se passait, il n'y avait plus d'homme à côté de lui mais une massive présence aux écailles chatoyantes. Toutes les fibres de son être vibraient à cette proximité.
La tête du dragon se mit à sa hauteur.
- Regarde, être debout Monocarna, entre mes griffes, tu verras un espace où tu pourras t'asseoir et t'attacher. Je préférerais éviter de te voir tomber.
Monocarna escalada la patte du dragon. Il trouva un endroit resserré où il se logea du mieux qu'il put. Des excroissances sur les griffes lui permirent d'attacher une corde pour s'assurer. Il ferma les yeux pour ne pas voir le saut dans le vide. Comme rien ne se passait, il ouvrit les yeux. En face de lui la prunelle dorée du grand saurien le dévisageait.
- Bien, être debout Monocarna, te voilà bien accroché. Nous partirons à la nuit noire. Des yeux nous observent. Ils sont inamicaux. Sans lumière, ils seront comme des aveugles.
Monocarna prit son mal en patience. Lui qui n'avait pas autant marché depuis longtemps se mit à somnoler. C'est le vent qui le réveilla. Autour de lui tout était ténèbres. Il n'avait même pas senti l'envol. Il espérait que le roi-dragon avait pris la bonne direction. Ils avaient longuement discuté du plan de vol pendant le dernier jour. Monocarna s'était aperçu, au cours de la discussion, que grâce à son bâton de pouvoir, le roi-dragon savait la direction des grottes. Il avait expliqué ce que la tradition des marabouts disait du gouffre de Vorjiak et l'itinéraire qu'il leur faudrait suivre.
Emporté par le mouvement, il se laissa aller. Il avait fait tout ce qui était en son pouvoir. Mandihi, son maître pourrait être fier de lui.
Le dragon au regard d'or lisait la nuit et les vents. Si voler lui plaisait, voler dans cette faille le mettait mal à l'aise. Il sentait autour de lui des présences inamicales. Il lança une flamme bleue comme celle qui avait révélé les silhouettes noires lors de son combat avec les hommes de Jorohery. Si la nuit resta la nuit, il vit des formes luminescentes aux contours improbables qui s'écartaient devant lui. Était-ce cela les entrailles de la terre ? Le territoire des spectres et des esprits évanescents. Il continua son vol repérant et évitant les présences qui tardaient à s'éloigner. Cela rendait son vol chaotique. Il vérifiait de temps à autre comment se sentait son passager. Bien que secoué en tous sens, Monocarna trouvait l'expérience plutôt plaisante. S'il sentait des forces autour d'eux, il n'en voyait pas les formes.
Le roi-dragon commençait à trouver que le voyage était trop long. Il aurait dû trouver une faille dans la faille partant vers la gauche. Alors qu'il se posait la question de faire demi-tour, il la vit. L'entrée en était étroite et c'est par un virage serré sur l'aile qu'il put s'y glisser. Moins large que la faille principale, elle semblait aussi moins peuplée. Le vol était plus régulier. Pourtant son malaise augmentait à chaque battement d'ailes. Il lança une nouvelle flamme bleue. Ce qu'il vit le fit se cabrer et bloquer son vol. Une silhouette immense bloquait tout le passage. Battant des ailes sur place, il tourna la tête en tous sens pour chercher une issue. Il vit que la forme iridescente s'étendait aussi derrière lui. Avant qu'il n'ait pu réagir, il se retrouva cerné.
Une vibration prit naissance. Il en comprit le sens. C'était comme un langage. Le roi-dragon chercha l'esprit de Monocarna. Il le découvrit inanimé. Il écouta la vibration :
« - Qui es-tu, toi qui viens troubler mon repos ? »
- Je suis le roi-dragon du royaume blanc.
« - Si telle est ta fonction, quel est ton nom ? »
Le roi-dragon resta interloqué. Il avait eu tellement de noms, qu'il ne pouvait en garder un seul. Devant son silence, la voix vibration reprit :
« - L'autre être, celui que tu portes, possède le droit nom de celui qui refuse le mal. Il est déjà venu se pencher au bord du gouffre. Toi que dis-tu de toi ? »
- Je suis qui je suis et mon nom est caché. Ma famille est le clan Louny. Mon père était le prince Virnia et ma mère la princesse Okongwou.
« Le premier dragon-homme s'appelait Louny. On lui donna le surnom de Tracmal pour son courage au combat. Si tu es son descendant, tu sais qui je suis. »
De sinueux tracés vinrent à la mémoire du roi-dragon. Dans les grottes, Ses yeux de dragon avaient vu cette silhouette éthérée. Mandihi lui avait raconté.
- Tu es l'ombre de l'ombre du Dieu dragon. Lors du combat des dieux, le Dieu dragon t'a mis ici comme le signe de son emprise sur la terre que se partageaient Sioultac et Cotban.
La forme autour de lui se mit en mouvement, vibrant sur un mode jubilatoire.
« - Joie pour moi ! Joie pour le Dieu dragon ! Les vibrations du monde disaient vrai, un nouvel âge des dragons arrive ! »
Le roi-dragon vit un espace, assez grand pour lui, bien que sinueux. Rapide, il s'y glissa. L'ombre iridescente ne le suivit pas, semblant toute occupée à vibrer de joie
« Que la force du Dieu dragon soit avec toi, sinueux roi-dragon du clan Louny
Monocarna reprit conscience quand le roi-dragon posa les pattes au sol. Quand il se fut libéré, il attendit la transformation du roi-dragon.
- Je crois que j'ai perdu conscience dans le gouffre de Vorjiak.
- Il est des choses que l'homme doit ignorer. Ton sommeil était une bonne chose. Sommes-nous où nous devons ?
Le jour se levait doucement. Ils étaient sur l'adret de la faille. La neige n'avait pas tenu sur la roche à cet endroit-là. Monocarna en fut heureux. Personne ne verrait les traces d'un dragon. Il se repéra, mais déjà le roi-dragon était parti dans la bonne direction. Il fut dans la joie. Mandihi avait bien lu les signes du monde. Cet homme-dragon était bien ce qu'il semblait être.
Il pensa : « Vivement les grottes ! ».
Quand se promènent les mots, des histoires prennent corps. Que ce lieu leur serve de repos.
vendredi 19 avril 2013
mardi 16 avril 2013
La fête avait duré une main de jours. Les clans les plus proches étaient venus. La parole de Sméloeb avait suffi à les convaincre de déposer les javelots noirs. Seul le groupe de Sméloeb en avait reçu beaucoup, les autres clans n'en possédaient qu'un ou deux.
En attendant que les invités arrivent, le roi-dragon s'était dégourdi les ailes et avait chassé le macoca perdu. Comme il l'avait dit, il en avait mangé trois et avait rabattu une petite harde vers le fond de la vallée. Sméloeb et sa famille vivaient dans des tentes faites de peaux de macoca. Ils avaient une technique particulière pour superposer les peaux qui donnait de l'épaisseur à la paroi et les protégeait bien du froid. Il suffisait d'un peu de bois pour bien chauffer la tente.
Pour la fête, ils avaient coupé des résineux et fait un grand feu. Les macoca avaient cuit sous les cendres et on avait bu plus que de raison.
La nuit était bien avancée quand une silhouette apparut à la périphérie du feu. Personne n'y fit attention à part le roi-dragon. Son œil ne pouvait se détacher de cet homme avançant courbé. Un marabout ! Son aura particulière irradiait dans la pénombre. Il avança dans la lumière. Quand Sméloeb le vit, il se leva aussi brutalement qu'il le put. Titubant, il s'avança vers le marabout et lui dit :
- Fuis avant que le malheur n'arrive ! Le prince-dixième nous a dit que toi et les tiens vous ameniez le malheur ! Par respect pour ton clan, je n'ai pas voulu que tu meures, mais maintenant je ne pourrais retenir mon bras.
- Les choses ont changé Sméloeb ! Par le maître des dragons je n'ai jamais voulu le mal. Aujourd'hui il est là et nous chasse mais viennent les temps où les vieux savoirs seront indispensables et ces temps sont maintenant. Crois-tu que ton jeune roi puisse faire tout sans eux ?
Le roi-dragon s'était levé aussi. Il n'avait que très peu bu. Il s'avança. Le marabout s'inclina quand il le vit.
- Mandihi m'avait prévenu. Son savoir est grand. Que ses jours soient heureux et son chemin tranquille ! Moi aussi je pourrais partir le cœur en paix maintenant que je t'ai vu. Écoute ma parole, roi-dragon, elle t'est nécessaire.
Sméloeb regardait les deux hommes alternativement. Il ne semblait pas comprendre ce qui se passait.
- Les princes nous ont dit de chasser ceux qui sont comme lui et vous, majesté, vous lui parlez !
- Oui, Sméloeb. L'ombre noire qui fait les javelots, est sans puissance contre les marabouts. Elle a choisi d'autres moyens pour s'en débarrasser. Le mensonge et la haine sont aussi ses armes au même titre que les noirs javelots qu'elle vous a fait parvenir. Aujourd'hui ma parole est : Que vivent les marabouts et qu'ils soient ce qu'ils ont toujours été. Que les lois du royaume redeviennent ce qu'elles étaient. Que la malédiction des dragons frappent ceux qui porteraient la main sur un marabout.
Sméloeb s'inclina. Soulagé, il rangea son arme.
- Bien, laisse-nous maintenant.
Quand il se fut éloigné le roi-dragon se tourna vers le marabout :
- Quelle est ton nom et ta parole pour moi ?
- Mon « non » est : refuse le mal. C'est pour cela qu'on m'appelle Monocarna. Mandihi est mon maître. Il a compris quand l'enfant a été enlevé que les temps arrivaient. Il a été là où le jeune dragon était et il lui a transmis ce qui pouvait être transmis. Maintenant Shanga est arrivé, il te faut retourner aux grottes pour y acquérir ce qui te manque.
- Que me manque-t-il Monocarna ?
- Le savoir ! Tu es né dans la famille du Prince-majeur dans la lignée des princes Louny. Ton père a disparu dans une chasse au crammplac et ta mère est morte de la fièvre des glaces. Tu es le successeur du Prince-majeur. Seulement tu es différent. Shanga a tout changé. Tu es le roi-dragon, héritier de la longue tradition des rois-dragons. Ton pouvoir est grand mais tu ne sais pas l'essentiel, tu ne sais pas ton nom.
Devant le regard interrogatif du roi-dragon, le marabout poursuivit.
- Il te faut aller aux grottes pour le recevoir. Il te faut y aller vite avant que le mal qui court dans ce pays ne finisse par les pervertir.
- Me guideras-tu ?
- Oui, mon roi, mais il faut partir.
- Nous verrons cela demain.
- Non, mon roi. Il faut partir tout de suite. Même si Sméloeb est fidèle, il se trouvera des gens pour ne pas l'être dans ces montagnes.
En attendant que les invités arrivent, le roi-dragon s'était dégourdi les ailes et avait chassé le macoca perdu. Comme il l'avait dit, il en avait mangé trois et avait rabattu une petite harde vers le fond de la vallée. Sméloeb et sa famille vivaient dans des tentes faites de peaux de macoca. Ils avaient une technique particulière pour superposer les peaux qui donnait de l'épaisseur à la paroi et les protégeait bien du froid. Il suffisait d'un peu de bois pour bien chauffer la tente.
Pour la fête, ils avaient coupé des résineux et fait un grand feu. Les macoca avaient cuit sous les cendres et on avait bu plus que de raison.
La nuit était bien avancée quand une silhouette apparut à la périphérie du feu. Personne n'y fit attention à part le roi-dragon. Son œil ne pouvait se détacher de cet homme avançant courbé. Un marabout ! Son aura particulière irradiait dans la pénombre. Il avança dans la lumière. Quand Sméloeb le vit, il se leva aussi brutalement qu'il le put. Titubant, il s'avança vers le marabout et lui dit :
- Fuis avant que le malheur n'arrive ! Le prince-dixième nous a dit que toi et les tiens vous ameniez le malheur ! Par respect pour ton clan, je n'ai pas voulu que tu meures, mais maintenant je ne pourrais retenir mon bras.
- Les choses ont changé Sméloeb ! Par le maître des dragons je n'ai jamais voulu le mal. Aujourd'hui il est là et nous chasse mais viennent les temps où les vieux savoirs seront indispensables et ces temps sont maintenant. Crois-tu que ton jeune roi puisse faire tout sans eux ?
Le roi-dragon s'était levé aussi. Il n'avait que très peu bu. Il s'avança. Le marabout s'inclina quand il le vit.
- Mandihi m'avait prévenu. Son savoir est grand. Que ses jours soient heureux et son chemin tranquille ! Moi aussi je pourrais partir le cœur en paix maintenant que je t'ai vu. Écoute ma parole, roi-dragon, elle t'est nécessaire.
Sméloeb regardait les deux hommes alternativement. Il ne semblait pas comprendre ce qui se passait.
- Les princes nous ont dit de chasser ceux qui sont comme lui et vous, majesté, vous lui parlez !
- Oui, Sméloeb. L'ombre noire qui fait les javelots, est sans puissance contre les marabouts. Elle a choisi d'autres moyens pour s'en débarrasser. Le mensonge et la haine sont aussi ses armes au même titre que les noirs javelots qu'elle vous a fait parvenir. Aujourd'hui ma parole est : Que vivent les marabouts et qu'ils soient ce qu'ils ont toujours été. Que les lois du royaume redeviennent ce qu'elles étaient. Que la malédiction des dragons frappent ceux qui porteraient la main sur un marabout.
Sméloeb s'inclina. Soulagé, il rangea son arme.
- Bien, laisse-nous maintenant.
Quand il se fut éloigné le roi-dragon se tourna vers le marabout :
- Quelle est ton nom et ta parole pour moi ?
- Mon « non » est : refuse le mal. C'est pour cela qu'on m'appelle Monocarna. Mandihi est mon maître. Il a compris quand l'enfant a été enlevé que les temps arrivaient. Il a été là où le jeune dragon était et il lui a transmis ce qui pouvait être transmis. Maintenant Shanga est arrivé, il te faut retourner aux grottes pour y acquérir ce qui te manque.
- Que me manque-t-il Monocarna ?
- Le savoir ! Tu es né dans la famille du Prince-majeur dans la lignée des princes Louny. Ton père a disparu dans une chasse au crammplac et ta mère est morte de la fièvre des glaces. Tu es le successeur du Prince-majeur. Seulement tu es différent. Shanga a tout changé. Tu es le roi-dragon, héritier de la longue tradition des rois-dragons. Ton pouvoir est grand mais tu ne sais pas l'essentiel, tu ne sais pas ton nom.
Devant le regard interrogatif du roi-dragon, le marabout poursuivit.
- Il te faut aller aux grottes pour le recevoir. Il te faut y aller vite avant que le mal qui court dans ce pays ne finisse par les pervertir.
- Me guideras-tu ?
- Oui, mon roi, mais il faut partir.
- Nous verrons cela demain.
- Non, mon roi. Il faut partir tout de suite. Même si Sméloeb est fidèle, il se trouvera des gens pour ne pas l'être dans ces montagnes.
vendredi 12 avril 2013
Le roi-dragon était parti. Quiloma l'avait vu une dernière fois.
- Yaé n'a pas pris par le col de l'homme mort. Pourtant il sait que je peux voler plus vite que lui ne marche. Que cherche-t-il ?
- Son avantage est de connaître le pays Blanc. Mais je ne sais pas ce qu'il cherche. Il existe de nombreux chemins.
- Je vais les découvrir, Quiloma. Je te confie la région. Tu as ma confiance. Je sais que tu feras ce qui est bien.
Comme à chaque fois que cela se produisait, Quiloma fut impressionné de voir l'homme au bâton devenir le dragon rouge. De ses puissants battements d'ailes, il prit de la hauteur.
Le roi-dragon appréciait le vol. Il y avait un plaisir certain à sentir les courants du vent qui le portaient. Où pouvait être Yaé ? Si son corps de dragon profitait pleinement des sensations du vol, son esprit d'homme était préoccupé par ce qu'il devait faire.
Il survolait des montagnes entrecoupées de vallées plus ou moins profondes. Les pics rocheux alternaient avec ceux couverts de neige et de forêts. Dans les creux, il distinguait parfois des villages et des macoca. Cela réveilla sa faim. Il repéra une vallée plus large. Un troupeau de ces délicieuses bêtes était à l'orée d'une forêt. Il distingua sans peine celle qui grattait encore la neige sur l'espace dégagé de ce qui devait être une prairie en été. Il fit un cercle descendant sans que la bête ne bouge. N'écoutant que sa faim, il plongea. Au moment où ses griffes attrapèrent le macoca, lui brisant l'échine, il sentit le sol se dérober sous lui. Déséquilibré, il se sentit tomber sans pouvoir jouer de ses ailes. Un piège ! Son instinct le fit se débattre. Il sentit de lourds filets lui tomber dessus et l'entraîner plus bas. Il heurta violemment le sol. S'il ne se fit pas mal, cela attisa sa colère. Il était mal positionné, sur le flanc, la tête coincée dans les larges mailles. La neige avait volé partout, l'enveloppant de brouillard. Il sentit plus qu'il ne vit les lourds javelots. Il les sentit se planter tout autour de lui puisqu'il avait repris sa forme humaine. Il était debout au milieu de filets bien trop grands pour l'enserrer. Le marteau dans une main et le bâton de pouvoir dans l'autre. Il scrutait autour de lui. Les javelots étaient aussi noirs que ceux de Sanki. La neige autour de lui devint noire. Le roi-dragon se mit en mouvement. Il avait repéré un escalier qui allait lui permettre de sortir de cette fosse. Alors que la neige finissait de retomber, il atteignit le bord du piège. Des hommes s'avançaient tout autour tenant d'autres javelots. Personne ne fit attention à l'ombre rapide qu'il était quand il combattait. Les hommes étaient maintenant tout autour de la fosse, javelots prêts
à partir.
- Tu vois quelque chose ?
- Non, y a que la carcasse du macoca.
À cette réponse plusieurs se mirent à regarder en l'air autour d'eux. Le roi-dragon s'était assis sur une souche un peu plus loin pour les observer.
- C'est de la magie ! Un truc aussi gros peut pas disparaître comme ça.
- Le Bras du Prince-majeur nous a prévenus. Sa magie est puissante. Seuls nos javelots peuvent l'atteindre.
- Il faut aller les récupérer.
- Non, ce n'est pas la peine. Dès qu'ils touchent quelque chose, ils le détruisent mais perdent leur pouvoir.
- Il est reparti ?
- Sûrement, je ne vois pas où il pourrait être.
Le roi-dragon détailla l'homme qui venait de parler. Il portait un anneau de pouvoir. Ce n'était ni celui d'un konsyli, ni celui d'un prince. Il était plus grand que la moyenne, plus large aussi. Pour le reste, il était habillé de fourrure de macoca comme les autres. Le roi-dragon pensa que pour avoir été aussi rapides à arriver, les hommes devaient être à l'affût non loin. Ils n'avaient pas l'allure des guerriers. Il pensa à des éleveurs. Quiloma et surtout Éeri lui en avaient parlé. Le pays blanc était composé de provinces avec des éleveurs de macoca assez nombreux, vivant en tribus et se déplaçant beaucoup. Ils étaient la principale source de nourriture. Ailleurs dans certaines plaines plus chaudes l'été, ils y avaient des agriculteurs. Ils faisaient pousser une sorte d'herbe portant des petites graines dont on faisait la farine des galettes. Éeri lui avait expliqué qu'on ne la trouvait que sur ces terrains proches des glaces.
- On refait le piège, Sméloeb ?
- Non, ce n'est pas la peine, il ne reviendra sûrement pas, dit l'homme à l'anneau.
- Je serais vous, je serais moins sûr.
Tous les hommes sursautèrent en entendant la voix du roi-dragon. Tous les regards convergèrent vers lui et vers le bâton de pouvoir qui sembla scintiller. Les javelots qui s'étaient levés, redescendirent. Des spirales colorées jaillissaient des tracés du bâton. Elles firent comme un ruisseau de lumière qui coula vers les hommes qui s'étaient figés, hypnotisés. Bientôt de leurs bouches sortirent comme de légères fumées aux couleurs irisées qui se réunirent pour aller à la rencontre du flot de luminescence issu du bâton. Quand les deux courants se réunirent, il y eut un tourbillon ascendant mélangeant les deux en une colonne qui se mit à briller quand le soleil éclaira le fond de la vallée. En haut la lumière retomba en une fontaine de gouttelettes qui illumina le groupe. Il y eut des cris. Chaque homme touché par cette pluie lumineuse, lâchait son arme et mettait genou à terre. Quand tous furent ainsi soumis, le roi-dragon s'avança. Du bout de son bâton, il toucha l'homme à l'anneau :
- Debout Sméloeb !
Ce dernier se releva en regardant autour de lui. Dans ses yeux on pouvait lire la surprise de ce qu'il voyait.
- Mon roi, dit-il en faisant mine de se remettre à genoux.
- Ça suffit ! Qui t'a donné ces javelots noirs ?
- Une phalange est passée, il y a une lunaison. Elle faisait le tour des campements pour remettre ces javelots. Quand ils ont vu la plaine, ils nous ont fait creuser la fosse et préparer le piège. Il disait qu'un mage allait venir, monté sur un dragon pour se faire passer pour le roi-dragon et qu'il nous fallait les détruire si notre piège attirait le dragon.
- Et maintenant que dis-tu ?
- La lumière du roi a ouvert mes yeux. J'ai vu et je sais. Ma fidélité est à vous.
- Qui es-tu ?
- Sméloeb, du clan des éleveurs des montagnes vertes. Nos macoca sont les plus beaux et nous avons toujours fourni le palais du Prince-majeur. Toutes nos bêtes sont vôtres, majesté, si vous le désirez.
- Je mangerais tes macoca avant de partir. Trois me seront nécessaires. Combien y a-t-il de clans comme le tien ?
- Les montagnes vertes abritent autant de clans qu'une phalange a de guerriers. Chaque clan fait vivre autant de gens que deux phalanges.
- Ton anneau est différent de celui des princes.
- Oui, Majesté, je suis chef de mon clan, et responsable de cette partie de la montagne. J'ai deux mains de clans sous ma surveillance et je dois respect au Styrlming qui dirige notre région. Lui rend compte directement au prince-cinquième Kinrom. Nous fournissons chaque année des guerriers pour les phalanges et les phalanges nous protègent contre les forces du mal.
- Les forces du mal ?
- Oui, majesté, parfois nous avons des attaques des Gowaï, surtout depuis le dernier été et il y a toujours les crammplacs. Heureusement, ils sont moins nombreux.
- Les légendes disent que les crammplacs poilus nous sont soumis.
- C'est vrai, majesté, mais pas quand il n'y a pas de roi-dragon.
- Je suis là ! La paix va revenir.
- Par le maître des dragons que les choses soient comme vous le dites !
- Yaé n'a pas pris par le col de l'homme mort. Pourtant il sait que je peux voler plus vite que lui ne marche. Que cherche-t-il ?
- Son avantage est de connaître le pays Blanc. Mais je ne sais pas ce qu'il cherche. Il existe de nombreux chemins.
- Je vais les découvrir, Quiloma. Je te confie la région. Tu as ma confiance. Je sais que tu feras ce qui est bien.
Comme à chaque fois que cela se produisait, Quiloma fut impressionné de voir l'homme au bâton devenir le dragon rouge. De ses puissants battements d'ailes, il prit de la hauteur.
Le roi-dragon appréciait le vol. Il y avait un plaisir certain à sentir les courants du vent qui le portaient. Où pouvait être Yaé ? Si son corps de dragon profitait pleinement des sensations du vol, son esprit d'homme était préoccupé par ce qu'il devait faire.
Il survolait des montagnes entrecoupées de vallées plus ou moins profondes. Les pics rocheux alternaient avec ceux couverts de neige et de forêts. Dans les creux, il distinguait parfois des villages et des macoca. Cela réveilla sa faim. Il repéra une vallée plus large. Un troupeau de ces délicieuses bêtes était à l'orée d'une forêt. Il distingua sans peine celle qui grattait encore la neige sur l'espace dégagé de ce qui devait être une prairie en été. Il fit un cercle descendant sans que la bête ne bouge. N'écoutant que sa faim, il plongea. Au moment où ses griffes attrapèrent le macoca, lui brisant l'échine, il sentit le sol se dérober sous lui. Déséquilibré, il se sentit tomber sans pouvoir jouer de ses ailes. Un piège ! Son instinct le fit se débattre. Il sentit de lourds filets lui tomber dessus et l'entraîner plus bas. Il heurta violemment le sol. S'il ne se fit pas mal, cela attisa sa colère. Il était mal positionné, sur le flanc, la tête coincée dans les larges mailles. La neige avait volé partout, l'enveloppant de brouillard. Il sentit plus qu'il ne vit les lourds javelots. Il les sentit se planter tout autour de lui puisqu'il avait repris sa forme humaine. Il était debout au milieu de filets bien trop grands pour l'enserrer. Le marteau dans une main et le bâton de pouvoir dans l'autre. Il scrutait autour de lui. Les javelots étaient aussi noirs que ceux de Sanki. La neige autour de lui devint noire. Le roi-dragon se mit en mouvement. Il avait repéré un escalier qui allait lui permettre de sortir de cette fosse. Alors que la neige finissait de retomber, il atteignit le bord du piège. Des hommes s'avançaient tout autour tenant d'autres javelots. Personne ne fit attention à l'ombre rapide qu'il était quand il combattait. Les hommes étaient maintenant tout autour de la fosse, javelots prêts
à partir.
- Tu vois quelque chose ?
- Non, y a que la carcasse du macoca.
À cette réponse plusieurs se mirent à regarder en l'air autour d'eux. Le roi-dragon s'était assis sur une souche un peu plus loin pour les observer.
- C'est de la magie ! Un truc aussi gros peut pas disparaître comme ça.
- Le Bras du Prince-majeur nous a prévenus. Sa magie est puissante. Seuls nos javelots peuvent l'atteindre.
- Il faut aller les récupérer.
- Non, ce n'est pas la peine. Dès qu'ils touchent quelque chose, ils le détruisent mais perdent leur pouvoir.
- Il est reparti ?
- Sûrement, je ne vois pas où il pourrait être.
Le roi-dragon détailla l'homme qui venait de parler. Il portait un anneau de pouvoir. Ce n'était ni celui d'un konsyli, ni celui d'un prince. Il était plus grand que la moyenne, plus large aussi. Pour le reste, il était habillé de fourrure de macoca comme les autres. Le roi-dragon pensa que pour avoir été aussi rapides à arriver, les hommes devaient être à l'affût non loin. Ils n'avaient pas l'allure des guerriers. Il pensa à des éleveurs. Quiloma et surtout Éeri lui en avaient parlé. Le pays blanc était composé de provinces avec des éleveurs de macoca assez nombreux, vivant en tribus et se déplaçant beaucoup. Ils étaient la principale source de nourriture. Ailleurs dans certaines plaines plus chaudes l'été, ils y avaient des agriculteurs. Ils faisaient pousser une sorte d'herbe portant des petites graines dont on faisait la farine des galettes. Éeri lui avait expliqué qu'on ne la trouvait que sur ces terrains proches des glaces.
- On refait le piège, Sméloeb ?
- Non, ce n'est pas la peine, il ne reviendra sûrement pas, dit l'homme à l'anneau.
- Je serais vous, je serais moins sûr.
Tous les hommes sursautèrent en entendant la voix du roi-dragon. Tous les regards convergèrent vers lui et vers le bâton de pouvoir qui sembla scintiller. Les javelots qui s'étaient levés, redescendirent. Des spirales colorées jaillissaient des tracés du bâton. Elles firent comme un ruisseau de lumière qui coula vers les hommes qui s'étaient figés, hypnotisés. Bientôt de leurs bouches sortirent comme de légères fumées aux couleurs irisées qui se réunirent pour aller à la rencontre du flot de luminescence issu du bâton. Quand les deux courants se réunirent, il y eut un tourbillon ascendant mélangeant les deux en une colonne qui se mit à briller quand le soleil éclaira le fond de la vallée. En haut la lumière retomba en une fontaine de gouttelettes qui illumina le groupe. Il y eut des cris. Chaque homme touché par cette pluie lumineuse, lâchait son arme et mettait genou à terre. Quand tous furent ainsi soumis, le roi-dragon s'avança. Du bout de son bâton, il toucha l'homme à l'anneau :
- Debout Sméloeb !
Ce dernier se releva en regardant autour de lui. Dans ses yeux on pouvait lire la surprise de ce qu'il voyait.
- Mon roi, dit-il en faisant mine de se remettre à genoux.
- Ça suffit ! Qui t'a donné ces javelots noirs ?
- Une phalange est passée, il y a une lunaison. Elle faisait le tour des campements pour remettre ces javelots. Quand ils ont vu la plaine, ils nous ont fait creuser la fosse et préparer le piège. Il disait qu'un mage allait venir, monté sur un dragon pour se faire passer pour le roi-dragon et qu'il nous fallait les détruire si notre piège attirait le dragon.
- Et maintenant que dis-tu ?
- La lumière du roi a ouvert mes yeux. J'ai vu et je sais. Ma fidélité est à vous.
- Qui es-tu ?
- Sméloeb, du clan des éleveurs des montagnes vertes. Nos macoca sont les plus beaux et nous avons toujours fourni le palais du Prince-majeur. Toutes nos bêtes sont vôtres, majesté, si vous le désirez.
- Je mangerais tes macoca avant de partir. Trois me seront nécessaires. Combien y a-t-il de clans comme le tien ?
- Les montagnes vertes abritent autant de clans qu'une phalange a de guerriers. Chaque clan fait vivre autant de gens que deux phalanges.
- Ton anneau est différent de celui des princes.
- Oui, Majesté, je suis chef de mon clan, et responsable de cette partie de la montagne. J'ai deux mains de clans sous ma surveillance et je dois respect au Styrlming qui dirige notre région. Lui rend compte directement au prince-cinquième Kinrom. Nous fournissons chaque année des guerriers pour les phalanges et les phalanges nous protègent contre les forces du mal.
- Les forces du mal ?
- Oui, majesté, parfois nous avons des attaques des Gowaï, surtout depuis le dernier été et il y a toujours les crammplacs. Heureusement, ils sont moins nombreux.
- Les légendes disent que les crammplacs poilus nous sont soumis.
- C'est vrai, majesté, mais pas quand il n'y a pas de roi-dragon.
- Je suis là ! La paix va revenir.
- Par le maître des dragons que les choses soient comme vous le dites !
mercredi 10 avril 2013
Quiloma était perplexe. La mort des quatre guerriers dans le combat contre le roi-dragon était normale. Ce qui le mettait mal à l'aise était ce qu'il avait vu. Que représentaient les pantins noirs que la flamme pâle avait mis en évidence ? Il en parlait avec la Solvette qui lui répondit :
- Les charcs sont perturbés depuis l'arrivée du roi-dragon. Ils vont et viennent entre ici et le monde blanc. Il y a une force là-bas qui les attire et les repousse à la fois. Le roi-dragon est venu. Avant lui, le mal est entré dans le monde. Est-il la réponse au mal ? À moins que le mal ne soit venu parce que le roi-dragon arrivait ?
- Jorohery !
- Quoi Jorohery ?
- Il est apparu dans l'entourage du Prince-majeur au moment de la naissance de l'enfant disparu.
- Que veux-tu dire ?
- Avant c'était un obscur serviteur sans importance. Il est devenu le Bras du Prince Majeur rapidement, trop rapidement à cette époque quand a été lancée la chasse aux ravisseurs. Je suis certain que celui que vous appeliez Tandrag est l'enfant disparu et que Jorohery le cherchait. Je ne sais comment il est arrivé chez Chountic, mais je sais qu'il est l'enfant innommé qui a disparu quand le prince-majeur a voulu le recueillir chez lui.
- Et tu n'as rien fait.
- Non, ma persuasion ne date que du retour du roi-dragon. Je l'ai envoyé vers le dragon quand Yas a attaqué sans être sûr de ce que je faisais.
- Comme toujours, tu as bien agi...
- Je ne sais, la Solvette. Les forces en jeu me dépassent, nous dépassent.
À ce moment là, Sabda entra. La Solvette la regarda :
- Que se passe-t-il ? Tu sembles triste.
- Il part demain ! dit-elle en se réfugiant dans les bras de sa mère.
Discrètement, Quiloma quitta les deux femmes.
- Les charcs sont perturbés depuis l'arrivée du roi-dragon. Ils vont et viennent entre ici et le monde blanc. Il y a une force là-bas qui les attire et les repousse à la fois. Le roi-dragon est venu. Avant lui, le mal est entré dans le monde. Est-il la réponse au mal ? À moins que le mal ne soit venu parce que le roi-dragon arrivait ?
- Jorohery !
- Quoi Jorohery ?
- Il est apparu dans l'entourage du Prince-majeur au moment de la naissance de l'enfant disparu.
- Que veux-tu dire ?
- Avant c'était un obscur serviteur sans importance. Il est devenu le Bras du Prince Majeur rapidement, trop rapidement à cette époque quand a été lancée la chasse aux ravisseurs. Je suis certain que celui que vous appeliez Tandrag est l'enfant disparu et que Jorohery le cherchait. Je ne sais comment il est arrivé chez Chountic, mais je sais qu'il est l'enfant innommé qui a disparu quand le prince-majeur a voulu le recueillir chez lui.
- Et tu n'as rien fait.
- Non, ma persuasion ne date que du retour du roi-dragon. Je l'ai envoyé vers le dragon quand Yas a attaqué sans être sûr de ce que je faisais.
- Comme toujours, tu as bien agi...
- Je ne sais, la Solvette. Les forces en jeu me dépassent, nous dépassent.
À ce moment là, Sabda entra. La Solvette la regarda :
- Que se passe-t-il ? Tu sembles triste.
- Il part demain ! dit-elle en se réfugiant dans les bras de sa mère.
Discrètement, Quiloma quitta les deux femmes.
lundi 8 avril 2013
Les quatre guerriers furent amenés sur la grande esplanade. Un mur de neige avait été construit pour délimiter l'arène. Ils pâlirent en voyant l'espace qui avait été dégagé. On les descendit sur la neige durcie où étaient posées les armes. Toutes les phalanges étaient présentes ainsi que certaines personnes de la ville. Les condamnés s'équipèrent avec les deux épées et le bouclier rond et petit sur le bras gauche. Ils s'installèrent dos au mur regardant autour d'eux pour voir d'où viendrait l'attaque. Ils sursautèrent quand une grande ombre les survola. Il y eut une grande clameur quand le grand dragon rouge se posa au centre de l’arène. Les combattants étaient face à face. Tous les spectateurs hurlaient aussi fort qu'ils pouvaient. Les quatre hommes se mirent en mouvement. Le dragon se baissant, souffla une flamme claire, presque transparente. Les hommes se protégèrent derrière leurs boucliers. Étonnés, ils se redressèrent. La flamme ne brûlait pas. Devant le spectacle offert, les spectateurs se turent. Devant le dragon, les silhouettes humaines avaient disparu. On ne voyait que quatre pantins noirs s'agitant en tout sens. Quand cessa le souffle, les quatre guerriers réapparurent regardant autour d'eux, surpris du silence. C'est alors qu'on entendit la voix du dragon :
- Regardez bien, vous, loyaux serviteurs. Ces hommes au cœur noir sont nos ennemis. Ce qui les habite est mauvais. Nulle vérité en eux, mais mensonge et violence pour le pouvoir. Qu'ils soient purifiés !
Le souffle brûlant du dragon fit tout fondre, hommes, pantins et neige. Quand il s'arrêta, il ne restait rien. Quiloma hurla :
- Graph ta cron ! Graph ta cron Mjatsa !
Tous mirent genoux à terre en baissant la tête. Ils ne la relevèrent qu'en entendant les puissants battements d'ailes du dragon qui s'élevait dans le ciel.
- Regardez bien, vous, loyaux serviteurs. Ces hommes au cœur noir sont nos ennemis. Ce qui les habite est mauvais. Nulle vérité en eux, mais mensonge et violence pour le pouvoir. Qu'ils soient purifiés !
Le souffle brûlant du dragon fit tout fondre, hommes, pantins et neige. Quand il s'arrêta, il ne restait rien. Quiloma hurla :
- Graph ta cron ! Graph ta cron Mjatsa !
Tous mirent genoux à terre en baissant la tête. Ils ne la relevèrent qu'en entendant les puissants battements d'ailes du dragon qui s'élevait dans le ciel.
vendredi 5 avril 2013
- Tu vas te battre ?
- Oui, le choix s'impose à moi. La loi
dit et même le roi fait.
- Ces combats ne cesseront-ils jamais ?
- L'homme peut être pacifique mais il
est souvent violent. S'il ignore sa violence comment peut-il être en
paix ?
- Je sais, Tandrag, je sais. Je
comprends ma mère quand elle me parle de sa fatigue à réparer ceux
que les autres abîment.
La pièce était dans la pénombre,
juste éclairée par le feu. Sabda avait accueilli le roi-dragon pour
le dîner. Elle lui avait demandé cette rencontre dès son arrivée.
Il était parti pour Tichcou trop vite pour l'honorer.
- Mon nom est autre maintenant, Sabda,
comme ton nom devient autre.
- Je ne dois plus t'appeler Tandrag.
- Si cela t'aide, tu as cette
possibilité.
- Te rappelles-tu nos rêves quand on
voyait le dragon ? « Bô le dragon ! »
Le roi-dragon sourit :
- Oui, « Bô le dragon ! »
Sabda avait avancé sa main et l'avait
posée sur la main du roi-dragon.
- Je connais ton désir, Sabda, mais
c'est devenu impossible même si un jour cela a pu sembler possible.
Sabda ne bougea pourtant pas sa main.
- Tu as raison, Tandrag, roi-dragon,
mais j'aime toucher ta main et me dire que je touche le dragon.
- Tu m'offres le merveilleux, Sabda. Tu
es la seule à me regarder avec des yeux où crainte et envie sont
absentes. Même la Solvette me regarde différemment d'avant. Quiloma
l'influence.
Le roi-dragon referma sa main sur celle
de Sabda et la porta à ses lèvres :
- Nos natures sont trop différentes.
Si je t'accordais ce que Quiloma a donné à ta mère, tu en
mourrais. Une telle pensée m'est intolérable. Un jour tu trouveras
le compagnon qui t'est accordé. Tu découvriras alors la richesse de
la vie en toi.
Le roi-dragon laissa le silence
retomber, seul le feu crépitait. Doucement, il se mit à fredonner,
dans le foyer, les flammes prirent de l'ampleur et commencèrent une
danse joyeuse. Sabda ouvrit de grands yeux. Son regard alla du feu au
roi-dragon qui chantonnait.
- Merveilleux, Tandrag ! dit-elle
en osant poser sa tête sur les genoux du roi-dragon.
Longtemps le roi-dragon murmura les
airs brûlants du feu, longtemps après que Sabda se soit endormie.
Il laissa ses pensées suivre les flammes et se réfléchir dans le
feu.
Le prince Yaé était parti. Est-ce un
bien ou un mal ? Il était dans l'incertitude. Tichcou semblait
être stable. Il allait partir derrière Yaé. Il pouvait compter sur
Sstanch et sur Quiloma. Kaltrim serait-il fidèle à sa parole ?
Il en avait l'impression comme pour Saÿnnu et Bogachalis. L'avenir
demeurait incertain. Il avait rencontré Kyll. Le maître-sorcier
n'avait pas pu être rassurant. « Là-bas, avait-il dit, se
concentre une force maléfique. Les esprits eux-mêmes en ont peur. »
Le roi-dragon retournait ce qu'il
savait en tous sens. Il lui fallait suive Yaé et aller aux cavernes
des dragons. Là étaient les réponses ! Au moins
quelques-unes.
Quand le matin était arrivé, Sabda
s'était levée.
- Merci de ce que tu m'as donné, dit
le roi-dragon.
- J'ai fait si peu, dit Sabda.
- Ce que tu as fait est immense. Tu as
fait pousser une graine d'humanité dans un cœur de dragon. Pour te
remercier, je te laisse mon compagnon.
Le feu rugit dans l'âtre.
- Regarde-le ! Il est heureux
d'habiter chez toi. Toujours, il t’accueillera. Toujours, il te
chauffera. Toujours, il te défendra.
Sabda se jeta au cou du roi-dragon :
- Merci Tandrag, roi-dragon.
- Les marabouts sont aussi
indispensables que l'air, Sabda. Quand tu seras prête, je souhaite
que tu tiennes ce rôle dans la ville. Que tes jours soient
prospères, Sabda et ton chemin tranquille.
- Que tes jours soient prospères et
ton chemin tranquille, roi-dragon.
mardi 2 avril 2013
Les préparatifs pour le départ
demandèrent du temps. Quiloma avait pris la direction des choses. Si
Bogachalis et Saÿnnu avaient tout de suite trouvé leurs marques,
Yaé restait à distance. Le roi-dragon avait demandé à ce que sa
phalange et lui soient cantonnés dans un camp provisoire en
attendant le départ. Le froid restait très présent à cette
altitude, alors qu'à Tichcou, le dégel arrivait.
La phalange noire avait fait un fort de
blocs de neige sur l'esplanade qui avait été dégagée près de la
pierre qui bouge.
Le roi-dragon avait fait un séjour à
Tichcou pendant que Quiloma planifiait l'expédition. Klatrim et
Sstanch avait bien commencé l'organisation. Un nouveau convoi de
flamintiens était arrivé, avec des vivres et des nouvelles du monde
extérieur. La coalition des Izus et du général Saraya réorganisait
ses forces pour la nouvelle campagne. Altanayo aurait trouvé refuge
près de la côte de la mer sauvage. Dans son cas, les informations
manquaient de précision. Le roi-dragon en avait conclu qu'il avait
du temps pour régler les problèmes dans le pays blanc. Il avait
donné des ordres à Kaltrim pour renforcer Tichcou et en faire une
ville royale. Ce dernier avait des idées précises de ce que devait
devenir la bourgade. Il demanda l'autorisation au roi-dragon de
convoquer les ouvriers nécessaires. Il l'obtint sous-réserve de ne
pas vider les coffres et de ne pas présurer la ville avec des impôts
trop lourds. Il nomma Sstanch responsable du suivi des comptes. Avant
de repartir, il lui fit cadeau d'un cylindre de pouvoir comme à tous
les princes-dixième.
- Il sera notre lien. Si tu le prends
dans tes deux mains comme ceci et que tu le poses sur ton front. Ta
parole me trouvera où que je sois. Tu me feras un rapport chaque
fois que deux mains de jours seront passées.
Le roi-dragon était reparti à pied
avec l'équipe qui ramenait des vivres à la ville. Suivre le chemin
qui remontait la vallée lui permettait de renouer avec certains de
ses souvenirs. Il en fut heureux. En arrivant près de la cascade de
son enfance, il sentit l'appel. Il s'arrêta au bord du chemin.
Fermant les yeux, il posa le front sur le haut du bâton de pouvoir.
Dans son esprit, vinrent les paroles de Quiloma lui apprenant que la
phalange noire avait disparu. Il vit Quiloma ayant posé son cylindre
de bois sculpté sur son front pour lui transmettre l'information.
Plus que cela il sentit la culpabilité que ressentait Quiloma pour
ne pas l'avoir vu plus tôt. Le roi-dragon sourit. Le vieux prince ne
changerait pas. Les intérêts du royaume passaient avant son
honneur.
Quand il arriva à la porte de la
ville, Quiloma l'attendait.
- J'ai failli, mon Roi !
- Tu te tourmentes pour avoir obéi à
mes ordres, Prince Quiloma. Yaé devait faire un choix. Il l'a fait.
Depuis quand est-il parti ?
- Au moins trois jours ! Il a
laissé quatre mains d'hommes derrière lui pour faire croire à sa
présence.
- Les as-tu interrogés ?
- Oui, ce sont les transfuges des
autres phalanges. Ils ont parlé d'un langage codé propre à la
phalange noire et se sont sentis exclus. Yaé leur a laissé le choix
de prononcer le serment noir ou de rester pour jouer la comédie.
- Tu vois, Prince Quiloma, eux aussi
ont choisi. Savaient-ils ce qu'ils risquaient ?
- Oui, le konsyli qui est resté, m'a
dit préférer la justice du roi à la soumission au maître de Yaé.
- Où sont-ils ?
- Je les ai fait enfermer dans la
prison.
- Combien sont partis ?
- Une phalange et deux mains d'hommes.
Les deux hommes remontèrent vers
Montaggone. Sabda s'approcha :
- Restes-tu avec nous ?
demanda-t-elle.
- Les évènements m'obligent à
changer mes projets, Sabda.
- Je ne te verrais pas, alors,
ajouta-t-elle, l'air déçu.
- Espère, Sabda. Je te ferai savoir.
Elle les quitta en arrivant à la
hauteur de la forge de Kalgar. Le roi-dragon regarda l'intérieur de
l'atelier avec nostalgie. Il aurait bien aimé s'arrêter un peu pour
s'occuper du feu. Il fit un geste à Kalgar qui lui rendit son
bonjour avec un sourire.
Arrivé à la citadelle, le roi-dragon
se fit amener le konsyli et les guerriers prisonniers. Le konsyli dès
qu'il fut en présence du roi-dragon, mit un genou à terre et posant
le poing fermé sur le cœur, il inclina la tête :
- Mon Roi, à toi je me soumets. Mes
actes sont sincères et ma fidélité entière.
- Ta salutation est-elle vérité ?
- J'ai douté, mon Roi, mais
aujourd'hui, ma soumission est totale.
- Alors approche ! Viens et touche
le bâton de pouvoir. Si tes paroles sont vraies, tu vivras. Si tu
mens, tu brûleras.
Le konsyli avala sa salive, se leva et
s'avança. Levant la main, il la posa sur le sommet du bâton. Il y
eut un éclair. L'homme cria en retirant sa main. Il regarda sa
paume. Au centre de sa paume, un dragon rouge pulsait ses ondes de
douleur.
- Ton serment est vérité, konsyli. Ma
marque est sur toi.
On fit avancer les autres guerriers. Si
certains avancèrent sans crainte, d'autres refusèrent. Il ne resta
bientôt que quatre guerriers, les bas croisés sur la poitrine
refusant de prêter serment et de toucher le bâton de pouvoir.
- La loi demande l'épreuve du combat,
dit le roi-dragon. Elle aura lieu demain sur l'esplanade du bas.
Emmenez-les !
Pendant qu'ils sortaient Quiloma
s'approcha :
- Quelles seront leurs armes ?
- Deux épées à chacun.
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