mercredi 28 janvier 2015

Modtip tremblait de tous ses membres. La terre tremblait, le volcan explosait. L’atmosphère elle-même était sens dessus dessous. Malgré la chaleur et les vapeurs délétères, il ne ressentait aucune douleur mais préférait rester derrière le rocher sans rien voir. Le fils du roi était recroquevillé en boule dans un coin sanglotant comme un enfant. Cappochi avait jeté un regard de mépris vers le fils du roi et avait hurlé sa joie face au chaos.
- Enfin, la force est pour moi.
Cappochi se sentait régénéré par cette chaleur et la force du volcan. Il s’approcha de la gueule du volcan qui crachait sa lave vers le ciel. Il ne bougea même pas quand une partie de la roche en fusion lui retomba dessus. Les bras en croix, il reçut comme un cadeau cette lave qui lui brûla la chair, mettant les os à nu. En se dégoulinant, la roche dessina les contours improbables d’un être qui hurlait:
- JE SUIS LE ROI ! LE MONDE EST À MOI !
Et puis Cappochi sembla devenir comme une flamme jaune, jaune et noire. L’être innommable qui l’habitait prenait pied sur la terre des hommes. Une silhouette qui ne cessait de grandir se tourna vers le fils du roi.
- Tu voulais régner … et bien, tu vas régner… mais tu vas apprendre à obéir. DEBOUT !
Le fils du roi resta prostré. Cappochi fit un geste de son bras de feu. Ce fut comme si le fils du roi avait pris un coup de fouet. Il hurla de douleur lui qui ne l’avait jamais connue.
- DEBOUT !
Il se mit tant bien que mal debout et retomba immédiatement quand la terre se mit de nouveau à trembler. Le corps difforme de Cappochi fermement campé sur des membres griffus resta debout. Il leva de nouveau le bras :
- Le roi est parti sans sa couronne ! dit Cappochi, la chaîne des successions est brisée. Mon temps est venu….
Il n’acheva pas sa phrase. Un choc le fit tomber. Un grand dragon blanc et or venait de le mettre à terre. Il se retourna fouettant l’air d’un grand filament zébrant une nouvelle colonne de lave d’une grande trace noire. Sentant une présence derrière lui, il vit le dragon blanc et or se saisir des deux fils du roi et plonger vers la vallée. L’être immonde hurla. Bondissant à son tour, il sauta dans le vide.
Plus bas au pied du Frémiladur, tout le monde se cherchait un abri. Des pierres tombaient du ciel, brûlantes et mortelles. Plus loin, sur les contreforts, la colonne des courtisans s’était prudemment arrêtée, attendant que le danger s’éloigne.
- Regardez ! Qu’est-ce que c’est ?
Sur le fond noir des fumées du Frémiladur, une ombre blanche se découpait. Derrière elle, semblant jaillir de la colonne de lave et de vapeur dont elle reprenait les couleurs, une forme indistincte dévala les pentes du volcan. Bien peu remarquèrent la petite forme rouge qui planait en arrière.
Louvoyant entre les bombes et les maelströms de vent, ce qui était une forme lointaine devint :
- Un oiseau de feu ! C’EST UN OISEAU DE FEU !
Ce fut comme un feu d’herbe dans un prairie sèche, tout le monde vint voir ce qui se passait, malgré la peur et le danger. Les soldats de la garde rapprochée qui avaient accompagné le roi au pied du Frémiladur, virent le grand dragon blanc et or cabrer brutalement les ailes pour poser à leurs pieds deux silhouettes recroquevillées.
Les soldats se précipitèrent pour les mettre à l’abri. Au-dessus d’eux dans un fracas qui dépassait le bruit de l’éruption, une avalanche de pierres arrivait. Le dragon déjà repartait, reprenant de la hauteur en donnant de grands coups d’ailes. Le flot de rochers chutant s’éloigna pendant que la terre se mit à trembler. Et puis ils virent quelque chose qu’ils ne purent décrire. Ça descendait de la montagne en rabotant la paroi, entraînant les arbres comme les roches vers le bas. Une sorte de pulsation malsaine faisait vibrer un ectoplasme jaune sale zébré de noir. Un hurlement en sortit.
- JE T’AURAI ET JE SERAI LE MAITRE !
Terrés sous l’auvent de pierres qui leur servait d’abri, les soldats se mirent à trembler en s’interrogeant.
- Mais c’est quoi ?
- C’est Cappochi, répondit le fils du roi, assis le dos appuyé à la paroi.
Le chef du détachement se retourna :
- Cappochi ! Mais c’est pas possible !
- Hélas si ! Sans l’arrivée de l’oiseau de feu, je serais, nous serions tous devenus ses esclaves.
- C’est l’oiseau de feu des légendes ?
- Je le crois, mais là-haut, le roi et Moayanne sont tombés dans la gueule du volcan.

mardi 20 janvier 2015

Le départ se fit avant l’aube. C’est Lyanne qui hérita du bois à porter. Cappochi transporta les bouteilles. On prit le chemin traditionnel. La montée en était régulière. La terre vibrait sous les pieds en même temps que la montagne semblait grommeler. Les deux mille premiers pas furent faciles et puis Lyanne commença à sentir le poids de la charge. On lui avait fixé une sorte de harnais sur lequel on avait entassé le bois. C’étaient les peuples de la grande plaine qui régulièrement l’amenaient. Il était dense et donnait un beau feu sans fumée. Cela avait fait sourire Lyanne qu’on le charge de combustible pour le feu. Mille pas plus loin il ne souriait plus. Il avait les épaules cisaillées par les sangles trop étroites. Cappochi caracolait en tête non loin du roi. Il semblait parfaitement remis. Les quelques flacons qu’il transportait ne le gênaient pas. Le roi ne marchait plus. Ses soldats le portaient. De nouveau son teint terreux et ses gémissements involontaires lors des cahots, trahissaient sa souffrance. Moayanne était une boule d’anxiété regardant son père. Le fils du roi gardait un visage impassible et avançait sans regarder ni à droite, ni à gauche. 
Au milieu de la matinée, Lyanne ne sentait plus ses épaules. La progression qui jusque là avait été bonne devint subitement impossible. La chaleur venant de la roche devant eux était telle que pas un homme ne pouvait se risquer à passer.
- Il faut trouver un autre chemin, Majesté. La lave est encore brûlante.
Le découragement se peignit sur le visage du roi.
- Il faut passer, tu entends, il faut !
Le chef du détachement fit signe aux hommes de poser le roi du mieux qu’ils pouvaient. Puis il envoya vers le haut quelques éclaireurs. Pendant ce temps, il donna à boire le remède contre la douleur. Lyanne posa sa charge et bougea les épaules pour les décontracter.
- Alors, on fait moins le fier, lui fit remarquer Moayanne.
- Le bois est lourd et le chemin bien long pour ceux qui souffre. Il existe des passages plus faciles.
- Qu’en sais-tu, toi qui es étranger à ces lieux ?
- Mon instinct me guide quand je l’écoute.
- Et que te dit-il ?
- Un pas plus loin, juste un pas après l’impossible, il y a un passage.
Moayanne se retourna vivement regardant les ondes de chaleur s’élever dans le ciel gris. Elle planta ses yeux dans ceux de Lyanne :
- Cappochi a raison : tu es fou ! Aller par là c’est la mort !
- Je dirai que c’est juste ta peur.
- Le fils du roi dit que c’est trop dangereux.
- Le fils du roi ou Cappochi ?
 Moayanne foudroya du regard Lyanne. Elle fit demi-tour et se dirigea vers la coulée de lave. La chaleur était infernale. Elle ferma à moitié les yeux pour se protéger, tout en baissant la tête. Elle pensa : “Encore un pas et mes cheveux vont prendre feu ou ma figure se couvrir de cloques !” Elle hésita. Pensant au regard moqueur que lui lancerait sûrement l’homme-oiseau, elle fit un pas de plus et vit le trou dans le sol. Elle s’y engouffra, heureuse d’être à l’abri de la fournaise. Ces yeux s’habituèrent au manque de lumière. Elle découvrit un tunnel qui montait en ligne presque droite. Ses parois étaient presque lisses comme si une rivière avait coulé là. Aussi loin qu’elle pouvait voir, le tunnel où sa monture serait passée sans se baisser allait dans la bonne direction.
Elle courut porter la nouvelle. L’homme-oiseau n’était pas là. C’est Modtip qui l’accueillit :
- Mais t’étais où ?
- Là en dessous, il y a un passage, lui répondit-elle en l’entraînant vers son père.
Bien que somnolant par l’effet de la drogue, le roi n’hésita pas. Il donna l’ordre d’emprunter le tunnel. À son fils et à Cappochi qui lui recommandaient la prudence, il ne répondit même pas. Ses soldats coururent avec lui pour atteindre l’entrée. Une fois à l’abri, ils se moquèrent les uns des autres, leurs cheveux avaient roussi. Ils reprirent la progression, jetant des regards étonnés tout autour.
- Qu’est-ce que c’est ? demanda Modtip, jamais une rivière n’aurait pu couler ici !
- Tu as raison… et tort… mon fils…, répondit le roi. La tradition parle de ces tunnels où ont coulé des fleuves de roches en fusion. C’est un excellent présage pour nous. Il va là où nous devons aller.
- Et si la lave décidait de reprendre ce chemin, Majesté… que deviendrions-nous ? demanda Cappochi.
- Le frémiladur se calme pour le jour de Bevaka. Écoute, il grommelle mais n’éructe plus. Fais confiance…
Le roi se laissa aller au balancement de ses porteurs, somnolant de plus en plus. Ils avancèrent ainsi à la lueur des torches dans cette roche noire et lisse reflétant la lumière presque comme un miroir. Lyanne suivait. Il utilisait le bois pour en faire des torches qu’il fournissait au fur et à mesure de leur avancée. Ça faisait toujours ça de moins à porter !
Moayanne marchait devant, impatiente d’avancer. Modtip la suivait comme son ombre. Les soldats portaient leur souverain sur un brancard fait de lances et de manteaux. Ils toussaient de plus en plus, incommodés par les émanations venues des roches. Le fils du roi suivi de Cappochi avec lequel il parlait sans cesse venaient après. Lyanne, que les autres considéraient comme un portefaix, fermait le convoi.
- LÀ ! DE LA LUMIÈRE ! hurla Moayanne.  
La chaleur augmenta de nouveau brusquement. Heureusement le courant d’air moins chaud qui les poussait dans le dos, montrait une voie possible. Une partie du tunnel s’était effondrée. Un trou grand comme deux hommes surplombait une rivière de lave coulante. C’est avec beaucoup de crainte qu’ils passèrent sur la partie restante. Les soldats y perdirent leurs cheveux. Les plus près du trou eurent la peau couverte de cloques en raison de la puissance de la chaleur. Lyanne dut abandonner son chargement qui avait pris feu. Il rattrapa le groupe au moment où il débouchait en haut du tunnel. Le courant d’air devenait si violent, qu’ils furent presque éjectés sur une étroite plateforme qui se révéla être le chemin traditionnel. Quand Lyanne émergea, cherchant comment expliquer qu’il avait perdu le bois pour le sacrifice, les soldats toussaient à en perdre la respiration. Sans l’air frais venant du tunnel, ils auraient été immédiatement asphyxiés. Le roi était assis le dos contre un rocher. Il buvait à petites gorgées le remède contre la douleur. Son fils était à côté de lui. Cappochi regardait tout autour comme s’il cherchait la suite du sentier. Modtip discutait avec Moayanne.
- On ne peut pas continuer avec les soldats, fit remarquer le roi. Je vais renvoyer les hommes.
- Mais vous ne pouvez pas marcher !
- Regarde ! Ni Cappochi, ni l’homme-oiseau ne toussent ! Pour Cappochi, je ne suis pas étonné !
- Pourquoi ? demanda le fils du roi.
- On dit qu’il ne serait pas le fils de son père… et que sa mère a beaucoup aimé mon frère…
- Je n’ai jamais entendu cela…
- Tout cela s’est passé avant ta naissance.
Le roi posa la tête sur le rocher en fermant les yeux un instant. Puis il reprit :
- Nous manquons de temps. On va repartir. Cappochi et l’homme-oiseau vont me porter. Nous ne sommes plus très loin.
Le voyage reprit. La journée était bien avancée. Cappochi avait passé une sangle sur ses épaules et tirait devant. Lyanne était devenu le porteur arrière. Le fils du roi ouvrait la marche. Sa crainte de voir le bord du cratère détruit par les éruptions se révéla infondée. Le chemin montait rapidement, épuisant pour les porteurs. Sous leurs pieds la terre vibrait toujours. On en sentait la puissance. Moayanne était devant, répétant :
- Plus vite, plus vite !
Modtip suivait avec les flacons qui s’entrechoquaient à chacun de ses pas.
Hahanant, Cappochi tirait et Lyanne poussait. Les muscles souffraient. Aucun des deux ne voulaient avouer sa fatigue. Cappochi cherchait une manière d’en finir. Il avait bien essayé de trébucher mais Lyanne avait réussi à maintenir la stabilité de leur étrange attelage. Si la terre tremblait un peu plus, il réussirait. En attendant, il tirait mettant toute son énergie à cette tâche.
Tout changea quand ils atteignirent la berge du cratère. Ils eurent l’impression d’entrer en enfer. Non seulement la chaleur était violente mais les vapeurs épaisses et piquantes les assaillirent. Moayanne fit deux pas en arrière. Elle se retourna pour attendre le brancard. Son père dodelinait de la tête, dans un sommeil artificiel. Elle vit sur sa poitrine le flacon vide du remède contre la douleur. Elle eut envie de pleurer. Lui seul savait ce qu’il convenait de faire, à moins qu’il ne l’ait dit à son fils. Elle l’interpella.
- Non, Père ne m’a rien dit pour après, répondit-il. On va dans le cratère près de la lave mais après je ne sais pas. Il disait toujours, tu verras quand tu y seras.
Lyanne avait posé une des lances qui servait pour la civière sur un rocher pour se reposer. Cappochi avait fait de même. Pendant qu’il reprenait son souffle, Lyanne observa autour de lui. Ils étaient juste sur la ligne de crête. Moayanne se disputait avec le fils du roi, pendant que Modtip s’était assis le souffle court.
- On n’a qu’à redescendre, disait le fils du roi. Je mettrai la couronne et tout le monde sera content.
- C’est impossible, lui répondit Moayanne, La couronne resterait sans force et tous nos ennemis pourraient en profiter.
- Tu rêves, ma pauvre fille ! Toutes ces histoires de puissance et de gloire ne sont que des légendes. Je n’ai jamais vu Père s’en servir.
- Les temps ont changé, autour de nous de nouvelles puissances se lèvent. Nous devons être forts pour les combattre.
Le fils du roi se mit à rire :
- Et tu crois que ces bouts de métal peuvent aider !
- Tout semblait perdu et le mal semblait triompher quand la reine a reçu la puissance de l’oiseau aux plumes d’or pour vaincre le chambellan.
- Tout cela remonte si loin, soupira le fils du roi. Je ne crois plus aux contes de mon enfance, ni à l’oiseau aux plumes d’or qui viendra dans le soleil. Je ne crois qu’à ma force et à ma ruse.
Lyanne vit sourire Cappochi. Son plan allait enfin marcher. Le fils du roi serait sa créature. Encore un effort, et il serait le maître. Lyanne vit presque distinctement l’ombre jaune sombre prête à dévorer l’âme du fils du roi…
- Je suis l’héritier, alors obéis. Nous redescendons et tout se passera bien.
- Je refuse ! dit Moayanne.
- Il a peut-être raison, dit la petite voix de Modtip. La nuit arrive et je commence à avoir très peur.
- Allez grandis, Moayanne, reprit le fils du roi. Je t’offrirai des robes et des bijoux.
Moayanne ne savait plus quoi faire. Au bord d’un gouffre de feu aux effluves asphyxiantes, elle se trouvait face à une réalité qu’elle n’avait jamais imaginée. Dans ses rêves, ils descendaient au bord du lac de lave et lançait la couronne qui revenait sous la forme de l’oiseau aux plumes d’or tout auréolé de soleil se poser sur la tête de l’héritier qui recevait sagesse et force. Elle sentit sa détermination fléchir. Elle qui s’était assise pour se reposer les épaules du fardeau du coffret, se mit debout, vaincue par le discours du fils du roi, ne voyant pas ce qu’elle pourrait faire d’autre. Elle s’approcha de son père qui avait les yeux fermés. La chaleur évaporait ses larmes.
- Père, Père, sans tes conseils, nous sommes perdus.
Cappochi, derrière elle, sourit. Il avait fait boire tout le flacon au roi, sachant l’effet du médicament, pour mieux influencer le fils. Il allait triompher.
Lyanne écarta le pan de son manteau et dégagea son bâton de pouvoir. Il le décapuchonna tout en le posant par terre.
Alors le monde explosa. Un jet de lave jaillit du cratère dans une explosion assourdissante. Le Frémiladur entrait en éruption. L’étroite bande de terre où ils se reposaient se mit à pencher dangereusement vers l’intérieur. Le roi glissa de son brancard et tomba pendant que les autres s’accrochaient à tout ce qu’ils pouvaient.
- PÈRE ! PÈRE ! hurla Moayanne en tendant un bras comme pour le saisir.
Puis le silence se fit.
- Là ! Regardez ! Père est là ! Vite allons le secourir.
Le fils du roi ne fit pas un geste. Modtip serrait convulsivement un rocher les yeux fermés. Cappochi, arc-bouté, essayait de se dégager des sangles de la civière. Voyant que personne ne bougeait, Moayanne sauta sur une roche en contre-bas.
- RESTE ICI ! lui hurla le fils du roi, FUYONS SI NOUS VOULONS VIVRE !
Moayanne n’écoutait rien et descendait encore. Cappochi, qui s’était dégagé, fit signe au fils du roi, désignant la descente. Celui-ci fit oui de la tête.
À Nouveau la terre trembla. On entendit alors distinctement la voix du roi :
- LE JOUR DE BEVAKA !
Et ce fut le chaos.
Le roi, de nouveau, se mit à tomber, Moayanne aussi. Elle glissait sur la pente de pierres, déchirant ses vêtements et sa peau. Le coffret de la couronne s’arracha, continuant sa dégringolade, rebondissant de pierre en pierre. Il y eut comme un éclat blanc quand il explosa, libérant son contenu. Moayanne qui s’était tant bien que mal accrochée à un rocher, lâcha prise quand une nouvelle explosion envoya des montagnes de lave dans les airs.
Lyanne plongea, devenant rouge dragon, immense et chargé de la puissance du Dieu Dragon, pour affronter la puissance des forces de la terre.
Le lac de lave tout en bas semblait se rétracter, comme s’il prenait son élan pour mieux se projeter. Entre deux panaches de fumées, il vit la silhouette de Moayanne. Il se précipita.
En bas, il vit la lave exploser. Ce fut comme si un soleil éclatait sous ses yeux. Rouge dragon, il ferma ses paupières de feu, celles qui lui permettaient de regarder le soleil en face. Alors il vit. Il vit l’incroyable silhouette d’un oiseau de feu aux ailes immenses se précipitant vers le haut. Il vit la gueule grande ouverte de l’oiseau qui ressemblait de plus en plus à un dragon blanc aux reflets d’or. Il vit le dragon engloutir le corps de Moayanne qui chutait.
Lyanne hurla :
- SHANGAAAAAAAAAA...

jeudi 15 janvier 2015

Moayanne s’inquiétait. Malgré les soins du guérisseur, l’état de son père empirait. L’odeur de la plaie était épouvantable, son aspect repoussant. Le tissu du pantalon était distendu par l’œdème de la jambe. Son père tentait de faire bonne figure. Malgré toute sa volonté, son visage était gris de douleur et de fatigue. En plus, il ne voulait rien entendre et obligeait à un train d’enfer. La seule consolation de Moayanne était que son père refusait d’écouter ce … Cappochi et même son propre fils. Chaque foulée de leurs montures les rapprochait du Frémiladur. Il lui avait confié la vraie date du jour de Bevaka. Il fallait serrer les dents encore un peu et la puissance de nouveau coulerait dans les veines d’un roi coiffé de sa couronne. Alors ce Cappochi n’aurait qu’à bien se tenir… Enfin elle espérait. Moayanne avait bien vu les manœuvres de cet arriviste pour séduire son aîné. Tout fils de roi qu’il était, il manquait de jugement pour donner ainsi tant d’importance à ce personnage.
À la nuit tombante, quand arriva l’ordre de bivouaquer, Moayanne se laissa tomber plus qu’elle ne descendit de sa selle. Elle soutint du mieux qu’elle put la boîte contenant la couronne. Le poids en devenait trop lourd pour elle. Il fallait qu’elle la pose. Ses servantes étaient restées avec le gros de la troupe. Si les soldats étaient gentils et attentifs, elle ne pouvait en attendre aucune aide pour elle-même. Elle s’écroula dans sa tente, ôtant juste ses habits de journée pour ne garder que sa fine chemise.
Cette nuit-là, elle fit un rêve étrange, ou plutôt un cauchemar. Un bruit l’avait alertée. Elle était dans un espace sombre dont les parois semblaient battre au rythme de son cœur. Regardant autour d’elle, elle vit la boîte contenant la couronne royale. “Où suis-je ?” se demanda-t-elle. Elle remarqua alors qu’elle voyait aussi la couronne qui semblait luire d’une douce lumière comme une braise dans un feu qui s’éteint. Un mouvement à la limite de son champ de vision lui fit tourner la tête. Elle fixa l’endroit sans rien voir. Elle reprit sa contemplation de la couronne, détaillant chaque décoration, chaque pierre et jusqu’à ce curieux oiseau qui était au milieu. De nouveau, elle eut l’impression de voir quelque chose, une forme, une silhouette à la limite de sa vue sur la gauche. Tournant son regard vers ce qui bougeait, elle ne vit rien. Elle prit peur, sentant une présence qu’elle ne voyait pas. Elle essaya de se calmer. Elle allait se réveiller et tout allait rentrer dans l’ordre. C’est alors que prit naissance cette chose hideuse qui lui fit pousser un petit cri. Elle ne la voyait qu’à la condition de ne pas la regarder en face. Si elle braquait son regard dessus, elle devinait avec peine une brume jaune sale. Ce qu’elle apercevait lui rappela les arbres des marais, sortes de totems chétifs couverts de lichens moussus aux silhouettes torturées.
Son malaise augmenta devant cette magie à l’oeuvre au sein même de sa tente. Une pensée lui vint, elle devait ouvrir la boîte qui contenait la couronne. Elle avança la main presque sans y penser. C’est en touchant le coffret qu’elle prit conscience de ce qu’elle faisait. Elle fit un effort pour arrêter sa main qui déjà commençait à jouer avec la serrure. Ce coffre de voyage était en lui-même une protection contre tout ce qui pouvait atteindre la puissance qui y habitait. Elle savait que seule l’union de son père et de la couronne pouvait résister aux êtres maléfiques. Elle cria à nouveau, luttant avec elle-même pour retenir sa main qui semblait ne plus vouloir lui obéir. En périphérie de son champ de vision la chose hideuse s’agitait comme habitée de convulsions. Moayanne connut la panique. Elle avait perdu le pouvoir sur son corps qui semblait ne plus lui obéir. C’était maintenant la deuxième main qui tentait de faire jouer la serrure. Elle banda ses forces pour résister mais rien n’y fit. Le premier verrou venait de jouer quand souffla le vent le plus glacial qu’elle n’ai jamais connu. Comme au pire de l’hiver, elle se mit à tant frissonner que ses mains ne purent continuer leur mouvement. À la seule lueur émanant de la couronne, elle vit l’hideuse créature se recroqueviller. Touchée de plein fouet par ce vent plus froid que la mort, la forme jaune sale convulsa une dernière fois avant de s’abattre par terre. Moayanne sentit alors la pression mentale la quitter brusquement. Elle put attraper un manteau pour couvrir son frêle vêtement de nuit. Elle parcourut la tente qui l’abritait pour voir d’où venait ce vent qui soufflait ainsi. Elle repéra sans peine la déchirure dans la paroi de sa tente par où il pénétrait. Et brusquement tout cessa.
Moayanne bondit de son lit. Le noir était absolu. Tout semblait calme. Un rêve ! Elle avait simplement cauchemardé tout cela. Demain le voyage reprendrait et son père pourrait régénérer sa puissance en faisant le rite de Bevaka. Elle souleva le pan de sa porte, dehors l’air était tiède. La pluie avait cessé. Un rayon de lune éclairait le paysage. Elle examina sa tente, tout était en ordre. Les verrous du coffret à leur place. Elle retourna se coucher. Elle avait rêvé, simplement un mauvais rêve. Une seule chose la dérangea, pourquoi faisait-il aussi froid dans sa tente ?
Lyanne était assez content de lui. Il avait réussi à intervenir encore une fois en évitant la confrontation directe avec Cappochi. Il savait maintenant que l’être sombre serait en rage. celui-ci avait été mis en échec trop de fois pour que ce soit le hasard. Le jour de Bevaka approchait, l’obligeant à prendre plus de risques. Lyanne pensa que la discrétion restait sa meilleure arme. Il avança prudemment dans la nuit. Les soldats abrutis de fatigue dormaient. Les sentinelles elles-mêmes, somnolaient. Lyanne, rouge dragon de glace et de feu, marchait dans l’entre-deux mondes, comme savent le faire les dragons. C’est à peine si on le remarquait dans le monde des hommes. Il était comme une brume légère aux reflets rouges. Sa taille ne le gênait pas. Les objets matériels n’étant pas sur le même plan que lui, n’étaient pas un obstacle. Lyanne repéra la tente de Cappochi. Celui-ci la partageait avec un petit hobereau qui lui était tout dévoué. Aussi noir de cœur que son maître, il surveillait le corps physique de l’être sombre quand celui-ci en sortait. Lyanne sourit en les voyant. Cappochi grelottait de ce qu’il avait vécu dans la tente de Moayanne. Il ne serait pas opérationnel avant le jour. Son alter ego l’avait couvert et tentait de faire prendre un feu avec du bois trop humide. Lyanne pensa qu’il aurait pu éliminer l’être sombre là maintenant en finissant de geler le corps de Cappochi. Ayant perdu son ancrage physique, l’être sombre aurait été neutralisé. Il ne fit rien. Ce n’était pas son combat. Il passa son chemin pour aller plus loin. Il s’était rapproché de la tente du roi. Il entendit bientôt le gémissement que le blessé laissait échapper. Il sonda le corps du roi. Il y trouva le mal. La jambe était marbrée, tendue, violine et jaune. Non seulement l’infection avait fait gonfler les chairs, mais déjà le crépitement de sa fermentation s’étendait vers le ventre. Lyanne ne pouvait pas le sauver. Le roi allait mourir. Il pensa qu’il pourrait peut-être soulager ses douleurs. Il fit appel à sa magie. Lentement le froid s’insinua dans le membre malade, insensibilisant les nerfs et paralysant les muscles. Quand le rouge dragon s’éloigna, le roi dormait d’un sommeil calme et sans rêve.
Le matin venu, il fallut aider le roi à se mettre en selle. À Moayanne qui s’inquiétait, il répondit qu’il n’avait plus de douleurs, signe que les choses allaient mieux. À son fils qui le suppliait de se reposer, il répondit que le jour de Bevaka n’attendrait pas. À Modtip qui ne savait que croire, il lui dit de chevaucher à côté de lui.
- Et ne traînons pas. Ce soir nous serons au pied du Frémiladur.
Gather ne comprenait pas. Il n’avait jamais vu cela. Il mit ce membre devenu froid et raide sur le compte de la magie propre au roi et à sa couronne. Il remarqua bien que Cappochi grelottait malgré la douceur du vent de la mer, qui poussait les lourds nuages du Frémiladur loin devant eux. Il avait voulu l’aider mais le courtisan avait refusé toute aide.
- Le roi devrait se reposer et il ne le fait pas. Je ne vais pas me plaindre pour un rhume.
Gather doutait des paroles de Cappochi. Il n’avait jamais vu de rhume faire autant grelotter. Il pensa que Cappochi devait être brûlant de fièvre.
En fait Cappochi se sentait encore gelé. L’être avait passé la nuit à chasser les esprits mineurs pour leur voler leur énergie. Mais la chasse avait été médiocre. Il rageait d’autant plus qu’il commençait à manquer de temps. Il avait compté sur l’infection royale pour ralentir le voyage. Il avait prévu de neutraliser la couronne. Rien n’avait fonctionné comme prévu. Tous ses plans avaient échoué. Un autre esprit, puissant et glaçant, le poursuivait. Il en était sûr. Il avait sondé tous les gens de l’expédition sans trouver l’accroche de son ennemi dans le monde des hommes. Même celui qu’on appelait l’homme-oiseau était trop réel pour être un avatar. Les soldats avaient parlé de loups noirs avec beaucoup de crainte. Il avait lui-même vu les traces. Une meute complète pouvait très bien contenir la puissance pour un tel esprit.
Moayanne s’était positionnée derrière son père. Elle n’avait pas du tout été rassurée par ses explications. Elle ne le quittait pas des yeux, guettant les signes annonciateurs de la catastrophe. La seule chose qui lui arrachait une sourire était de voir le fils du roi, son demi-frère, aller et venir. Régulièrement il se laissait distancer pour prendre des nouvelles de Cappochi et revenait prendre sa place non loin du roi. Sa grise mine réjouissait Moayanne. Tant que cela serait ainsi, Cappochi ne pourrait plus influencer personne.
Le vent était assez fort, rendant la pluie cinglante. C’était une pluie grise des poussières venues des nuages vomie par le Frémiladur. Quand arriva le soir, le roi eut un sourire las. Ils étaient aux pieds du grand volcan qui grondait sans cesser de fumer.
- Les anciens chemins ont disparu, mon Père, dit le fils du roi. Demain  nous enverrons des éclaireurs pour trouver le meilleur passage.
- Non, mon fils, tes conseils de prudence sont inutiles. Nous serons pas sages, nous irons directement.
Le fils du roi eut un frémissement de peur, à l’idée de s’aventurer sans reconnaissance sur ces pentes changeantes.
- Il faut préparer les offrandes ce soir. Nous partirons avant l’aube.
La nuit était tombée quand, sous des abris humides, ils finirent les préparatifs. Le roi ne porterait rien. Ses soldats les plus anciens s’étaient portés volontaires pour le soutenir pendant la montée. Ils allaient mourir au service du roi pour que le rite soit accompli. Ils y allaient sans rechigner, ils avaient tant et tant risqué leurs vies pour lui qu’ils étaient prêts à la donner. Derrière le fils du roi monterait avec les herbes à faire fumer ainsi qu’avec les bouteilles pour les libations. Moayanne, fidèle à sa mission, porterait la couronne dans son écrin de voyage. Modtip porterait les ustensiles pour les autels. Pour le bois destiné au feu des offrandes, Cappochi s’offrit spontanément pour le porter. Il fit tout un discours sur son attachement au jour de Bevaka et aux traditions, au possible don de sa vie pour la grandeur du roi que ce dernier en fut ému et qu’il le remercia chaleureusement. Seule Moayanne se tint en retrait des louanges. Elle ne lui faisait pas confiance. La soirée était bien avancée quand il y eut des cris puis, on amena Lyanne près du feu.
- Majesté, nous l’avons trouvé avançant vers le camp.
Cappochi fit la grimace, mettant en doute la compétence des soldats qui l’avaient attaché lors d’un précédent arrêt.
Moayanne se glissa derrière son père et lui chuchota quelques mots. Le roi se redressa :
- L’homme-oiseau est là, alors il portera les offrandes. S’il survit, il aura la vie sauve.
Personne n’avait fait de commentaires. Pour Lyanne la simple vue de chaque visage était éloquente. D’autant plus que dans cette nuit où le feu rougeoyait plus qu’il n’éclairait, chacun pensait son visage invisible.

samedi 10 janvier 2015

Lyanne se posa sur un arbre près de l’endroit le plus susceptible d’être le lieu de l’attaque. Il avait un moment avant que n’arrive le roi. Il observa la topographie avec précision. Il repéra d’où pourraient venir les assaillants. Il ne fut pas déçu en voyant les restes de leurs traces au sol. On avait essayé de cacher le passage en balayant la cendre. La pluie qui tombait doucement depuis plusieurs heures allait finir le travail. De nouveau il décolla. Il repéra sans peine les hommes de Cappochi. Ils discutaient entre eux tout en affûtant leurs armes. Seul un guetteur surveillait le marais. Personne ne regardait dans sa direction. C’était une bonne chose. Il pourrait intervenir plus facilement. Il se posa derrière un bosquet d’arbres sans se faire remarquer. Il ne lui restait plus qu’à attendre.
- “Ils ne vont pas tarder”, ronronna une voix derrière lui.
- Hapsye ! que fais-tu là.
- “J’ai senti ton combat, depuis je cours.”
- Es-tu fatiguée ?
- “Les miens sont prêts. Cette meute est mauvaise. Il faut l’éliminer.”
- Oui, Hapsye. Tu attendras, je te dirai quand tu pourras combattre. Il y a là un puissant esprit mauvais. Reposez-vous.
- “La meute n’attendra pas longtemps, je sens arriver les bêtes !”
- Hapsye, ton rôle sera de poursuivre les fuyards pour que leur fuite soit sans fin, ou qu’ils soient morts.
La grande louve ronronna de plaisir. Lyanne lui donnait une chasse. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir.
Il y eut un mouvement dans le camp des hommes de Cappochi. Le guetteur venait de repérer les arrivants. Les soldats se défirent de leurs manteaux. La pluie qui tombait avait tout trempé. Ils n’envisageaient pas de se battre revêtus des lourds habits de pluie. Ils en firent un tas sur un arbuste bas. Ils étaient à l’abri des regards des cavaliers. Ils en profitèrent pour s’échauffer. C’est à ce moment-là que Lyanne vit arriver cette traînée jaune qu’il abhorrait. Elle prit possession des soldats dont les yeux perdirent leur brillance.
- Et pas de quartier, chuchota le chef à ses hommes. Il ne faut pas que la couronne nous échappe.
Lyanne sentit la colère monter en lui. Moayanne était en danger. Elle fut d’autant plus forte qu’il supportait mal l’idée de ne pas avoir pu protéger le roi.  Hapsye en la ressentant, s'aplatit au sol, la queue entre les pattes. Le ciel gris sembla se mettre à l’unisson de son humeur en déversant des cataractes.
Cela dura un moment et puis le guetteur fit un geste. Le roi et son escorte étaient passés, ainsi que le fils du roi. Modtip était plus loin en arrière. Moayanne et son entourage arrivaient près de la levée de terrain qui les séparaient des hommes aux yeux vitreux. Comme mûs par une seule volonté, ils se lancèrent en avant en hurlant.
Au moment où débuta la charge, Lyanne planta son bâton de pouvoir et de toute la puissance de sa colère, il souffla le vent le plus froid qu’il put faire. Le sol détrempé, gela immédiatement, les attaquants suivirent de près, la pluie ayant imprégné leurs vêtements. Leurs cris eux-mêmes, gelèrent avec leur gorge. Il n’y eut plus que ceux de l’entourage de Moayanne puis de l’escorte du roi quand on comprit ce qui se passait. Seul le guetteur et quelques hommes restés près des affaires survécurent. Lyanne les vit partir en courant, la meute à leurs trousses. Ce fut le moment que choisirent les soldats du roi pour mener une contre-charge. Ils renversèrent et sabrèrent les silhouettes un instant avant de prendre conscience qu’ils ne bougeaient pas. Le chef du détachement mit pied à terre et immédiatement se cassa la figure sur le sol gelé. Cela fit rire Lyanne qui en profita pour s’éclipser. Si les montures avaient cassé la mince couche de glace, les hommes ne faisaient pas le poids.
Lyanne qui pensait rejoindre le convoi peu après, vit les différents groupes continuer leur progression presque sans s’arrêter. Il observa un long moment, indécis sur ce qu’il devait faire. Le roi et ses enfants semblaient ne plus rien risquer. Hapsye pourchassait les derniers survivants du groupe des attaquants. Les bateaux avaient tous coulé avec leurs passagers. Pourtant la menace pesait toujours. Il le sentait. Il se mit en marche au petit trot. Le gros du convoi suivait de loin. Il repéra les traces tout en courant. Cela le fit grimacer. Il accéléra.
La chose était menacée et risquait de vouloir se venger… Ces traces jaunes sales par terre ne pouvaient être interprétées autrement. 
Quand la nuit tomba, il courait toujours. Sans témoin pour voir, il prit son envol. Il repéra rapidement le bivouac. Les gardes étaient sur le qui-vive. Au centre du dispositif sous une simple toile tendue comme un auvent, le roi tentait de se reposer. Ses enfants, non loin, mangeaient. Même du ciel, Lyanne vit les traits tirés et le teint cireux d’un homme qui était au plus mal. Il repéra aussi quelques nobles dont Cappochi qui regardait en l’air semblant chercher quelque chose. L’aura jaune qui s’en dégageait était aussi sale que les traces qu’il avait repérées sur le chemin. Son attaque froide avait dû le blesser. Maintenant, il était sur ses gardes, cherchant à se protéger d’un ennemi qu’il ne voyait pas même s’il le sentait.
Lyanne se posa hors de vue sur le chemin qu’avaient suivi les cavaliers. Il fut arrêté dès qu’un garde l’aperçut. Son apparition troubla les gardes. Ils semblaient ne pas savoir quoi faire. Ils bloquèrent Lyanne aussi loin que possible du campement et lui firent signe d’attendre.
Le temps passa lentement avant que n’arrive un gradé.
- Tu devrais être avec les autres, dit-il à Lyanne. Tu n’as pas suivi les ordres.
- J’étais absent du camp quand les ordres furent donnés. J’ai suivi le groupe du roi quand j’ai vu qu’il partait, sans revenir au camp.
Le gradé sembla contrarié. 
- Ne bouge pas ! dit -il en s’éloignant.
En voyant les soldats se réajuster, Lyanne comprit que le gradé était parti chercher plus gradé que lui.
Le temps de nouveau s’écoula doucement. Les gardes ne rectifièrent la position qu’en entendant des pas. Celui qui arrivait n’était pas le gradé que Lyanne pensait attendre. Ce fut Cappochi en personne qui se présenta :
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il
- C’est l’homme-oiseau qui a suivi le roi, répondit le garde.
- Les ordres étaient pourtant clairs… Pas d’accompagnement ! Le roi doit aller vite et ne peut s’encombrer de sa suite.
- Je sais, Seigneur Cappochi, mais c’est celui qui doit porter les offrandes pour le jour de Bevaka.
Cappochi fusilla le garde du regard et se tourna vers Lyanne pour l’examiner tranquillement. Lyanne ressentait les pulsations de haine qui habitaient Cappochi. Il se félicita d’avoir décapuchonné son bâton de puissance. Il entreprit de regarder Cappochi directement dans les yeux. Ce dernier avait un regard fixe et la lueur qui y brillait avait plus à voir avec la méchanceté qu’avec la bienveillance. Il vit les yeux de Cappochi le dévisager. Il vit aussi la contrariété de ce dernier :
- D’où viens-tu vraiment, demanda-t-il à Lyanne.
- Je viens de lointaines montagnes et j’ai beaucoup voyagé pour arriver ici. Ma présence semble déranger ? ajouta-t-il avec un air de grande candeur.
À présent, il sentait la colère de son interlocuteur dont la seule prestance ne suffisait pas à réduire Lyanne au silence.
Cappochi se tourna vers un garde :
- Mettez-lui des fers et attachez-le à un arbre. Je n’ai pas le temps de m’occuper de lui.
Plein de rage et de morgue, il fit demi-tour et s’en alla.
Lyanne eut un sourire. Cappochi ne semblait pas avoir pris la dimension de la puissance de Lyanne. Lui avait pu ressentir les sombres désirs de l’être au cœur jaune sale. Le roi était mourant. Son fils était sous sa coupe, restaient les deux autres et surtout Moayanne qui se refusait à lâcher la couronne. Si le fils du roi la ceignait au jour de Bevaka, il aurait le pouvoir de repousser l’être sombre. Ses hommes avaient failli. Entre un monstre marin et un génie qui avait figé ses combattants, l’être sombre cherchait un adversaire comme lui qui contrecarrait ses plans. Lyanne ne lui était apparu que comme une quantité négligeable qu’il ne pouvait pas manipuler. Il avait commencé à enrôler les propres soldats du roi. S’il arrivait à retarder le roi de deux jours voire (même) d’un seul, personne ne serait au bord du lac du Frémiladur au jour de Bevaka.  
Les gardes regardaient Lyanne d’un drôle d’air. Ils avaient un ordre à appliquer et la peur au ventre. Le plus gradé des gardes s’approcha de Lyanne :
- On n’a rien contre toi, mais t’as entendu les ordres.
- Penses-tu avoir la force de l’appliquer ? demanda doucement Lyanne en recapuchonnant son bâton de pouvoir.
Le soldat se mit à suer.
- Non, homme-oiseau, mais nous essayerons, car tels sont les ordres.
- Alors, je vais faire quelque chose pour toi, si tu me promets d’être fidèle à ton roi et pas à cet intrigant de Cappochi.
- Ma famille est loyale au roi depuis plus de vingt générations. On dit même qu’elle était de celles qui ont suivi la reine quand elle a repris le pouvoir au chambellan.
- Bien. Je vais te laisser me lier, mais surtout, laissez mon bâton à terre, cela évitera les morts.
Les soldats échangèrent des regards anxieux. Ils s’activèrent en même temps et faisant un détour pour ne pas passer près du bâton de pouvoir que Lyanne avait posé sur le sol.
Lyanne se retrouva solidement fixé à un tronc décapité par une pierre venue du Frémiladur. Ses grondements omniprésents occupaient l’espace sonore. Le roi et son entourage étaient repartis. La pause avait été courte. Cappochi conseillait au roi la prudence et le repos, mais ce dernier, malgré la douleur et la fièvre, avait tenu à repartir très vite. Si tout le monde craignait sa chute, seul Cappochi l’espérait.
Lyanne avait compris que le reste de l’expédition marchait plus lentement. Le roi n’avait pas besoin d’eux avant le jour de Bevaka. Si le roi maintenait sa vitesse, il arriverait ce soir. Lyanne en doutait. La chute interviendrait avant. Il soupira et devint dragon. Les liens se rompirent d'eux-mêmes incapables qu’ils étaient de bloquer un être aussi grand.

lundi 5 janvier 2015

Au matin, Lyanne découvrit les montures blessées. Ce qu’il vit lui fit peur. On avait parqué à part celles qui avaient été blessées dans l’échauffourée de la veille. Les plaies avaient gonflé. Un liquide jaunâtre s’écoulait en sérosités épaisses, répandant une odeur nauséabonde repoussant les autres animaux. Les palefreniers les regardaient et parlaient entre eux à voix basse. Lyanne les entendit parler de magie noire, de mauvais sort. On allait les isoler et les abattre après les avoir désenvouter. Le mal était présent. Le présage était mauvais. Certains opposaient que le volcan se calmait à l’approche du jour de Bevaka mais cela ne suffisait pas à rassurer la majorité.
On regarda Lyanne de travers quand il s’approcha de la monture royale. La pauvre bête boitait bas. L’antérieur droit ayant triplé de volume. Il la siffla doucement. C’était une bête magnifique rendue difforme. Elle s’approcha de Lyanne hésitant à s’appuyer sur sa patte à chaque pas. Lyane passa sous la corde qui marquait le corral. La réprobation des palefreniers monta d’un cran. Il planta son bâton de pouvoir devant le mufle de la bête quand elle fut assez près et en retira le capuchon. Il vit le regard de l’animal devenir fixe.
- Bien, dit-il, on va regarder cela.
Il flatta la bête à l’encolure et se pencha pour voir les dégâts. Lui seul voyait les volutes dorées se répandre tout autour de la monture, comme une caresse. Quand l’une d’elle toucha la plaie, elle s’y fixa, les autres firent de même faisant disparaître l’animal dans un brouillard doré. Autour d’eux les palefreniers regardaient cela en faisant des gestes conjuratoires. Ils entendirent Lyanne marmonner des paroles indistinctes qui firent réagir l’animal. Puis certains jurèrent avoir vu la monture du roi disparaître un instant. L’instant d’après, elle était là, belle et fringante, piaffant du désir de galoper sur ses quatre pattes intactes. Les spectateurs en oublièrent Lyanne qui s’éloignait discrètement en pensant au roi. Il se dirigea vers la partie du camp où il campait quand il fut refoulé par les gardes.
- Le périmètre est interdit à tous, lui signifia-t-on.
Puis le chef des pisteurs vint le chercher pour se remettre en route. C’est ainsi qu’il se retrouva au bord d’un bras du marais à chercher le passage. Voyant fuir un poisson aux reflets jaunes, il pensa à ce qu’il avait fait dans le corral le matin. Quand l’animal était parti galoper plus loin, il avait vu à terre une espèce de tache jaune qui avait disparu rapidement comme si elle s’était enfoncée sous la terre. Les palefreniers avaient raison. Il y avait de la magie malfaisante là-dessous.
Il eut des nouvelles du roi vers la mi-journée. Ils avaient fait une pause sur une île du marais. Lyanne était monté sur le sommet de la bosse. Le groupe du roi arrivait. L’organisation était la même que la veille. Deux rangs de cavaliers protégeaient la monture du roi. Ce dernier avait les traits tirés. Il montait la monture que Lyanne avait guérie et semblait peiner à tenir sur sa selle. Derrière lui, le fils du roi bénéficiait de la même protection. Il chercha des yeux Moayanne et Modtip sans les voir. Plus loin, une autre troupe soulevait un nuage de cendres. Il pensa qu’ils étaient là. Il s’inquiéta pour Moayanne. C’est elle qui portait la boîte contenant la couronne. Il se mit à réfléchir. À la place de Cappochi, que ferait-il ? Le roi était presque hors jeu. Vu son état, atteindre le Frémiladur devenait difficile. Le Fils du roi était déjà sous la coupe de Cappochi. Il ne restait de la famille royale que les deux derniers, dont la porteuse de la boîte. La couronne y était bien à l’abri. Seul celui qui avait passé le jour de Bevaka pouvait l’ouvrir. La magie qui la protégeait était puissante mais ne dépassait pas la boîte. Malgré le revers subi, il était tentant d’essayer de la voler. Lyanne se remémora rapidement le trajet du matin. Il ne vit pas de position facile pour une embuscade. Il passa en revue les différents segments de chemin de l’après-midi. Il pensa à un endroit particulier, juste à la fin quand on arrivait sur la terre ferme. Oui, c’était un bon endroit pour une attaque. Les gens se relâcheraient en sortant de ce monde dangereux qu’était le marais. Il ne poussa pas plus loin son raisonnement car le roi venait manifestement de glisser de sa monture.
L’agitation gagna le groupe de ses gardes du corps. Le guérisseur accourut avec ses remèdes. À le voir, Lyanne comprit son impuissance. Il allait tenter, juste tenter, de soulager le roi. Si le pantalon semblait flotter sur la jambe gauche, il semblait prêt à craquer du côté droit. Autour de lui, tous semblaient courir. Même les gardes, tenus de rester immobiles, donnaient cette impression de vitesse. Le roi grimaça, mais se releva. Il repoussa le guérisseur, et donna l’ordre de la pause avant de retomber.
- Mettez-le à l’abri, dit le chef de la garde. Il lui faut du repos.
- Je vais lui donner un calmant, ajouta le guérisseur.
- Suffit Gather… dit le roi dans un souffle. Donnez-moi de quoi tenir en selle et on repart. On ne peut plus attendre.
- Mais, Majesté…
- SUFFIT !….
L’effort de crier épuisa le roi. Gather le soutint immédiatement aidé par les autres. Lyanne voulut s’approcher mais se fit repousser par un garde qui lui lança un regard de défi. Sa remarque qu’il pouvait aider lui attira une réponse autoritaire d’aller voir les pisteurs. Cela peina Lyanne. Il n’insista pas. Il n’allait pas se battre avec eux. Quand il retrouva le groupe des pisteurs, il ne trouva que des visages fermés. Leur chef lui fit un signe.
- Tu nous as bien aidés, mais maintenant que le roi est blessé, nous allons nous débrouiller. À partir d’ici, le chemin est facile à trouver même avec toute cette cendre. Nous n’avons plus besoin de toi.
Et il le planta là en retournant vers les autres pisteurs. Lyanne les jugea pleins d’ingratitude et d’orgueil. Là non plus, il ne désirait pas la bagarre. Il prit du recul.
Le terrain était maintenant plus ferme, composé d’îles plus ou moins reliées entre elles et pour certaines, couvertes d’arbustes plus ou moins grands. Lyanne n’attendit pas et se mit en marche. Personne ne lui adressa la parole. Personne ne l’empêcha de partir. Dès qu’il fut hors de vue, derrière un bosquet dans l’île d’à côté, il s’envola.

jeudi 1 janvier 2015

Le lendemain matin, le vent venu du large avait dégagé le ciel qui restait gris. Les cendres volaient maintenant de l’autre côté. Le Frémiladur semblait se calmer. Les explosions devenaient plus rares mais toujours aussi tonitruantes. Le camp bruissait des rumeurs sur la santé du roi. Les uns disaient qu’il avait trop forcé au repas, d’autres que ce voyage était le voyage de trop et que jamais le fils du roi ne serait roi car le jour de Bevaka allait arriver avant qu’il ne soit là où il devait être. D’autres enfin, invoquaient les esprits mauvais des marais. Un serviteur qui avait approché celui qui servait le roi, racontait que ce dernier lui avait confié comme un secret que le roi était d’une pâleur à faire peur. Lyanne alla près d’un des feux pour déjeuner. Déjà le camp se mettait en configuration de marche. Les bêtes étaient chargées, les paquets ficelés, sans savoir si on partait ou pas. Quand le soleil se leva, vinrent les ordres. Le convoi partirait. Lyanne et les pisteurs auraient à charge de tracer la route. Les cavaliers plus rapides, partiraient plus tard et rejoindraient le gros de la troupe pour le bivouac. Lyanne grimaça intérieurement. Le chemin longeait la mer sur un bon moment et on passait à gué un petit estuaire. C’était le lieu idéal pour une attaque. Les montures seraient ralenties par l’eau et un attaquant arrivant vite par la mer avait toutes les chances de réussir. Il n’osa rien faire et, sur un signe du chef des pisteurs, il se mit en route.
- Moins vite, lui dit le pisteur en chef, au bout d’un moment. On a du temps. Le roi ne nous rejoindra que ce soir.
- Peut-être mais cet air frais venu du large me stimule, répondit Lyanne. Je tiendrai mon rythme. La couche de cendre est assez épaisse, mes traces resteront gravées.
Le pisteur avait fait la moue mais n’avait rien ajouté. Lyanne atteignit le gué en milieu de matinée. L’eau était haute. La marée allait descendre. C’était une bonne chose pour les cavaliers, moins d’eau et plus de difficultés pour des assaillants venus de la mer, le courant ne leur serait pas favorable. Quand le groupe de tête fut passé, Lyanne reprit son rythme. Les pisteurs, qui connaissaient bien ces marais, avaient décrit l’endroit du bivouac du soir. Lyanne, qui avait distancé tout le monde, l’atteignit alors que le soleil était encore haut dans le ciel. Il se retourna et contempla ses traces. Il avait tenu le petit trot comme Quiloma lui avait appris. Maintenant qu’il était là, il pensa au roi qui devait avoir commencé son voyage. Marchant dans ses traces, il retourna à un petit cours d’eau. Il l’emprunta, sûr que personne ne le suivrait. Quand les premiers pisteurs haletant arrivèrent, ils ne purent que s’interroger sur cette piste qui stoppait brutalement sur un monticule. Où avait pu passer l’homme-oiseau ? Le pisteur fouilla le ciel sans rien voir.
Lyanne était déjà au-dessus de la mer. Il repéra de loin les voiles grises des bateaux qui déjà s’approchaient de l’estuaire. Repliant ses ailes, il plongea dans l’eau, traversant la couche de cendres qui la recouvrait. Aussi rapidement qu’il put, il remonta vers l’embouchure se guidant sur les bancs de sable du fond. Quand il rejoignit les bateaux, ils étaient déjà à portée de tir pour les archers. Il ne chercha pas à savoir et attaqua.
Pour ceux qui étaient en surface, la situation était difficile. Le roi bloqué au milieu du gué se trouvait pris sous le tir des archers des bateaux que personne n’avait vu venir. Le fils du roi n’était pas encore dans l’eau et criait des ordres aux soldats qui étaient encore à terre. Leurs armes ne portaient pas assez loin pour atteindre la flottille. C’étaient des cris de rage ou de lamentation. Le roi éperonna sa monture qui nageait aussi vite qu’elle pouvait. Derrière lui, Moayanne et Modtip encourageaient les leurs pour essayer de venir en aide à leur père. Les gardes qui entouraient le roi, tombèrent les uns derrière les autres, incapables de résister à la pluie de flèches qui s’abattait sur eux. Quand le premier bateau bondit en l’air dans un grand bruit de fracas, personne ne comprit ce qu’il se passait. Au deuxième, quelqu’un cria :
- Un monstre attaque !
Au troisième, ils virent une grande forme rouge qu’ils n’identifièrent pas. Malgré cela en soldats aguerris, les autres embarcations continuaient leur attaque. Sous l’eau, il y eut un mouvement étrange et la mer gela. Cela fit comme un rempart translucide entre eux et les assaillants. L’eau du fleuve qui continuait à arriver faisait grandir la muraille jusqu’à la rendre verticale. À travers la paroi, le roi et sa suite virent les embarcations glisser en arrière et une forme rouge gigantesque surgir et réduire en morceaux ce qui se trouvait de l’autre côté. Moayanne et Modtip se précipitèrent pour aider leur père qui semblait en difficulté. C’est arrivé sur le bord qu’ils virent avec horreur que le sang ne venait pas que de sa monture mais que lui aussi était blessé. Derrière eux les soldats de la garde s’étaient jetés à l’eau traversant aussi vite que possible pour venir aider leur roi. Ce fut le moment que choisit une bande de vauriens venus par la terre pour attaquer. Le combat fut violent, mais au fur et à mesure que les soldats royaux arrivaient les assaillants perdaient du terrain. Ils cédèrent bientôt la place, s’enfuyant à toutes jambes poursuivis par des soldats ivres de vengeance. Les courtisans à leur tour se précipitèrent. Certains armés participèrent aux combats.
Brusquement tout se calma. Il y eut un grand craquement quand l’étrange banquise se cassa et partit vers le large. On scruta l’horizon sans trouver trace du monstre.
- C’était un léviathan ?
- Peut-être, les légendes en parlent mais personne n’en a jamais vu. Il valait mieux que ce ne soit pas nous qu’il chassait.
- En tout cas, il nous a bien rendus service.
- Que devient le roi ?
Les guetteurs repartirent vers le bivouac de fortune qu’on avait dressé. Le roi était allongé. Il avait une flèche dans la jambe et une grande estafilade sur le côté. Le guérisseur était là. Il récupéra la flèche, retira la pointe et grimaça.
- Qu’est-ce qui se passe, Gather ?
- Je n’aime pas ces armes, Majesté. Je crains du poison ou pire que la flèche vous donne un mauvais mal.
- Allons Gather, rassure-toi. S’il y avait du poison je serai en train de mourir. Quant au reste, j’en ai vu d’autres et j’ai toujours survécu. J’arriverai bien jusqu’au jour de Bevaka. Qu’on me remonte en selle. Le temps nous manque.
Moayanne prit Gather par le bras, planta ses yeux dans les siens :
- Si tu me caches quelque chose, je saurai te châtier!
- Mais princesse, je ne cache rien. Cette flèche est mauvaise. Elle porte des traces d’excréments. C’est pire que le poison. Si cela est, c’est une mort pire que la mort qui attend le roi.
Moayanne lâcha le guérisseur. Elle réajusta la sangle qui tenait la boîte où était la couronne. Mais pourquoi, la couronne ne donnait-elle plus son pouvoir au roi ? Elle repensa aux dires de Lyanne. Le traître ! Cela ne pouvait être que cela. Tout ce qui arrivait ne pouvait avoir d’autre cause.
On remit le roi en selle. Sa monture fut étroitement entourée par les soldats qui firent une barrière autour de lui sur deux rangs.
La nuit tombait quand ils arrivèrent. Les messagers avaient prévenus. Tout le monde scrutait le roi qui se tenait très droit sur sa monture. Seuls ses proches virent qu’il démontait du côté qui lui était inhabituel. Il salua les uns et les autres et se rendit à sa tente, toujours bien droit, ne laissant paraître qu’une légère boiterie. Ses enfants le suivirent ainsi que son guérisseur. Les autres furent arrêtés par les gardes en faction, même Cappochi n’insista pas. Lyanne qui avait profité de l’obscurité pour revenir, sentit sa jubilation. Lui fit la grimace. La mission qu’il s’était donnée, n’était pas une réussite. Le roi était blessé.