mercredi 24 juillet 2019

Ainsi parla Rma, le fileur de temps...84

Kaja était fatigué. Par l’Arbre Sacré, que la journée avait été longue : son second, Selvag l’avait réveillé avant l’aube. Le noctambule baron Zwarch avait prévenu que quelque chose de grave se passait. Kaja, entouré d’une escouade de gayelers, avait pris la route vers une des maisons discrètes où l’on accueillait ceux qui voulaient faire la fête sans contrainte. À son arrivée, un policier l’attendait. Il se mit au garde-à-vous :
   - Le lieutenant est à l’intérieur, Mon Colonel !
Autour, tout semblait calme. Le quartier était composé de belles demeures entourées de jardins et, plus ou moins protégées par de hauts murs. Devant lui, Kaja découvrit un porche. On ne découvrait la maison qu’une fois la porte poussée. Il y avait une vaste cour permettant aux carrosses et berlines de manœuvrer. Elle était vide. La maison, sans grâce, devait dater du siècle dernier. Kaja nota que l’entretien extérieur laissait à désirer. Il monta quatre à quatre les marches du perron. un autre policier lui ouvrit la porte. Kaja entra. Il n’eut aucun doute. Cela sentait la mort.
   - Où, demanda-t-il ?
   - En haut, Mon Colonel !
Kaja allait se précipiter dans l’escalier quand un lieutenant vint à sa rencontre. Après un bref salut, il s’adressa à Kaja :
   - J’ai été prévenu au deuxième tiers-temps de la nuit, Mon Colonel. Quand nous sommes arrivés, nous avons rapidement circonscrit le début d’incendie, mais j’ai manqué d’hommes pour poursuivre les fuyards.
Kaja tiqua. le lieutenant reprit :
   - Nous ne sommes qu’une petite unité. Ce quartier est d’habitude très calme. Il n’y a que des bourgeois et cette maison de plaisir.
   - Continuer les faits, Lieutenant.
   - Oui, Mon Colonel. Des hommes fuyaient par les jardins. Ils sont passés de propriété en propriété. Quand ils ont passé le ruisseau plus bas, ils ont retiré ce qui servait de pont. C’est à ce moment-là que mes deux hommes les ont perdus.
   - Bien, Lieutenant, l’interrompit Kaja qui se tourna vers un de ses adjoints. Talpen, vous prenez des hommes et vous suivez la piste.
Puis se retournant vers le lieutenant, il l’invita à continuer.
   - Dès que le feu fut sous contrôle, nous avons fouillé la maison. Dès le palier nous avons trouvé des corps.  
Kaja, qui avait atteint le palier, regarda le spectacle qui s’offrait à ses yeux. On avait procédé là à un massacre systématique. Il dévisagea un ou l’autre des personnages. S’ils n’étaient pas très en vue, c’étaient de bonnes lames. Ceux qui avaient fait cela étaient nombreux et très bien entraînés. La tenue plus que légères des hommes et les corps à moitié dénudés des femmes montraient que l’attaque avait eu lieu pendant une de ces orgies coutumières dans cette maison.
   - Nous avons trouvé la tenancière dans ce salon, dit le lieutenant en désignant une porte. Mais le plus grave est dans le boudoir après le grand salon.
Kaja suivit son subordonné dans la grande pièce d’apparat. Partout, il découvrait le même spectacle,  des corps entremêlés, gisant sur les nombreux canapés ou à même le sol.
   - Pas de survivants ?
   - Non, Mon Colonel. Ceux qui ont fait cela, ont bien pris soin d’achever tout le monde.
   - Un coup au cœur ?
   - Pour la plupart, quelques uns ont été égorgés.
Kaja suivit le lieutenant jusqu’au boudoir. On appelait ainsi, une pièce encore plus discrète que les autres où se vivait tout ce qu’on pouvait désirer… Il fut étonné de ne voir que des corps habillés et aucune femme. Le lieutenant le conduisit jusqu’à la cheminée. Il fit signe au policier présent de retourner le corps. Kaja sursauta. L’épée à la main, Jobau gisait dans une mare de sang.
   - C’est la seule pièce, où ils ont essayé de se défendre. 
   - Il est habillé, fit remarquer Kaja. Il n’était pas la pour la bagatelle, pas plus que les autres.
   - Ils venaient peut-être d’arriver, fit remarquer un sergent.
   - Non, Sergent, le Baron Jobau commençait ses fêtes dès la tombée de la nuit.
Kaja se tourna vers Selvag :
   - Il m’avait parlé d’empêcher Reneur d’arriver au pouvoir. N’était-il pas en train de comploter ?
   - Ceux qui le surveillaient n’entraient pas dans les officines privées comme celle-ci. Je vais me faire amener les rapports et relire. 
Kaja désigna Jobau et demanda :
   - Qui sait ?
   - Seulement ceux qui sont dans cette pièce et moi, Mon Colonel.
Kaja se tourna vers le lieutenant :
   - Bien, Lieutenant. Sur votre vie, vous êtes tenus au secret jusqu’à ce que la nouvelle soit publique. Nous n’avons pas besoin d’une guerre civile.
Puis il se pencha sur Jobau et examina ses plaies.
   - Au moins, ils ne l’ont pas égorgé, dit-il en découvrant la fine trace de la blessure de la poitrine.
Il écarta un peu les vêtements et découvrit, maculé de sang une lettre que la lame avait traversée. Il la récupéra et la déplia. Bien que tachée, on pouvait en lire la majeure partie.
   - Y-t-il d’autres documents ?
   - Pas ici, Mon Colonel, mais ils ont essayé d’en brûler en bas.
   - Bien , allons voir, dit Kaja puis se tournant vers Selvag, il ajouta : mettez tout le monde en alerte.
Kaja redescendit l’escalier et suivit le lieutenant dans les pièces communes. Les serviteurs gisaient dans des mares de sang. Ici les exécuteurs avaient fait le travail au sabre et non à la dague. Plus ils avançaient dans les couloirs et plus on sentait la fumée.
   - Le feu a été mis ici, dit le lieutenant, en désignant un coin de la grande cuisine.
Au premier regard, Kaja ne comprit pas pourquoi avec tout le bois sec présent, le feu n’avait pas pris davantage..
   - Pendant qu’un des leurs mettait le feu, les autres massacraient les cuisiniers. C’est probablement en plantant son sabre dans ce poteau, qu’il a fait basculer les réserves d’eau stockées. Sur les autres étagères, il y a de l’huile ou des alcools...
Kaja regarda ce qui restait de toutes les étagères et suspentes et sans plus s'appesantir sur leur chance, il alla voir les restes de parchemins trouvés dans le foyer. L’eau avait tout trempé. Sur les lourdes feuilles, l’encre coulait. Il donna des ordres pour qu’on les mette à plat et qu’on les emmène sous bonne garde au quartier général. Peut-être y aurait-il des explications sur ces documents ? Il soupçonnait Jobau d’avoir comploté contre Reneur et de s’être fait surprendre par ce dernier. Les seuls à pouvoir faire une action pareille étaient les buveurs de sang. Les manières de faire collaient bien.
Il lui fallait prévenir Gérère.
Suivi de Selvag, il partit vers le palais du vice-roi. Des messagers étaient en route. Kaja avait décidé de contrôler tout la région. Avant la fin de la matinée, toutes ses unités seraient sur le pied de guerre.
Il arriva en milieu de journée à la capitale. Le palais du vice-roi Gérère était dans le quartier des barons sur la colline près du fleuve. Ils traversèrent une bonne partie des faubourgs avant de l’atteindre. Il vit qu’il y régnait une certaine agitation. Tout en avançant, il donna des ordres à un de ses lieutenants pour que se déploient toutes les garnisons. Plus ils se rapprochaient des hauts quartiers, plus Kaja sentait le danger. Ils furent presque bloqués au passage des remparts. Tout le monde semblait vouloir sortir. Kaja pensa au pire. Reneur avait-il décidé de tuer Gérère après avoir tué son fils? Il forcèrent le passage, bousculant toute la piétaille qui d’habitude se pressait près des palais pour obtenir quelques subsides. Kaja s’arrêta au niveau du poste et interpella le policier :
   - Qu’est-ce qui se passe ?
   - Les gens hurlent qu’on se bat dans les palais, mais personne ne sait rien !
Kaja éperonna sa monture et se lança dans la montée vers le palais de Gérère. Curieusement, plus il s’en approchait, plus les rues étaient calmes. Quand il fut à proximité, il fut rassuré de voir le palais dans son aspect habituel. Seul un garde se tenait à l’entrée. Kaja l’interrogea. Il apprit que le vice-roi n’était pas là. Un cavalier était arrivé très tôt dans la matinée et peu après, Gérère et toute sa garde personnelle étaient partis, harnachés pour le combat. Dans le palais, ne restaient que les serviteurs et une poignée de gardes. Kaja blémit. Gérère aurait-il mis sa menace à exécution ? Il l’avait souvent entendu dire après une réunion houleuse qu’un jour, il éliminerait manu militari cet imposteur de Reneur.
   - Vite ! Au Grand Palais !
En haut de la colline, se dressait le Grand Palais. On appelait ainsi le siège du gouvernement. Gérère y avait des appartements mais il préférait sa demeure familiale. C’est vers elle que Kaja avait dirigé ses pas en premier. Gérère avait dû apprendre la mort de son fils et décider de le venger. Kaja et ses hommes partirent à bride abattue vers le Grand Palais. Ils entendirent le bruit des combats avant de les voir. La situation était confuse. Des hommes se battaient. Il y avait des corps allongés et du sang partout. Kaja s’interposa entre deux combattants.
   - Baron Tougfou ! Baron Kétil ! Qu’est-ce à dire ?
   - Cette engeance de vipères tente de prendre le pouvoir. Le Vice-roi est retranché dans la grande salle.
L’autre tint à peu près le même discours. Kaja les fit taire et posa des questions. L’un était pour Reneur et l’autre pour Gérère. Kaja les connaissait. C’était des barons de petites fortunes. Ils suivaient la cour et étaient allés chercher leurs gardes quand ils avaient entendu les premiers combats. Chaque clan avait fait de même. Bons derniers à arriver sur les lieux, ils avaient commencé à se battre sans trop savoir où en était le reste de l’affrontement.
Kaja vit entrer une première unité de policiers. Il leur fit prendre position dans la cour. Il avait fait désarmer les deux barons et leurs quelques gardes. Et quand sa garde de gayelers arriva, ils pénétrèrent dans le Grand Palais. Leur irruption mit fin aux combats, au fur et à mesure qu’ils progressaient. Les gayelers réduisaient par la force tous ceux qui refusaient de poser les armes. Kaja, à leur tête, monta quatre à quatre le grand escalier enjambant les corps. Il reconnut la livrée de la garde personnelle de Gérère. Les combats avaient été violents. Il repéra un ou deux cadavres de buveurs de sang. Il pensa que Batogou ne les avait pas tous emmenés à sa chasse aux rebelles. Il espérait ne pas avoir à les affronter. Il arriva dans l’antichambre de la grande salle. Les portes étaient grandes ouvertes, il n’y avait plus aucun serviteur visible. Kaja, l’épée à la main, s’avança. Au fond de la salle, un des deux trônes était renversé et sur l’autre, Reneur faisait un discours, en face de lui pêle-mêle des barons, des gardes, des buveurs de sang. Dans un coin, rassemblés comme des prisonniers, d’autres barons, des fidèles de Gérère, et leurs hommes étaient gardés par des buveurs de sang. Tous écoutaient :
   - En ce jour néfaste, où le baron Gérère a tenté de prendre le pouvoir par la force...
Kaja s’arrêta entre les deux battants de la porte. On s’était battus dans la grande salle. Il y avait de nombreux corps à terre. Il fit signe à ses gayelers de passer par les couloirs latéraux et de prendre position. Il chercha des yeux Gérère parmi les prisonniers sans le voir. Personne ne faisait attention à lui. Tous écoutaient Reneur continuant à discourir sur la nécessité qui avait été la sienne de défendre le royaume contre les ennemis de l’intérieur qui s’étaient révélés au grand jour. Kaja pensa qu’il s’écoutait parler. Il suivit la progression de ses hommes qui, furtivement, entouraient la grande salle de réception. Il sursauta en entendant Reneur continuer à parler :
   - … et la mort de ce renégat qui depuis toutes ces années abusait de son autorité, détournant à son profit les biens réservés au roi, nous libère d’un joug, nous redonnant la liberté face à cette populace qu’il laissait prospérer. Nous allons pouvoir avec la fin de son règne, rétablir le droit du roi et acquérir ce qui nous revient sans se laisser détourner …
Gérère était mort. Vu le discours de Reneur, cela ne faisait aucun doute. Kaja vit rouge. L’épée à la main, il allait s’avancer quand il entendit Reneur commencer à prononcer les paroles du serment de commandement :
   - … et aujourd’hui, je prête le serment d’assumer cette fonction pour le bien du peuple et la gloire du roi. Si quelqu’un s’y oppose qu’il le dise maintenant ou se taise à jamais !
Alors que les premiers applaudissements s’élevaient, Kaja déclara d’une voix forte :
   - Moi, je m’y oppose.
Tous les regards se tournèrent vers lui.
   - Que...? Que…, bafouilla Reneur.
   - Si je suis chef de la police,  je suis aussi le gardien de la loi. Et la loi dit qu'une enquête doit avoir lieu quand meurt un vice-roi.
Reneur changea. Se reprenant, le vice-roi se tourna vers le buveurs de sang et cria :
   - EMPAREZ-VOUS DE LUI ! Il EST À LA SOLDE DE GÉRÈRE !
Immédiatement les buveurs de sang se mirent en mouvement. Il y eut un grand remue-ménage quand les gayelers sortirent des couloirs pour investir la grande salle. Les archers furent les premiers à entrer en action et les quelques buveurs de sang qui s’étaient rapprochés de Kaja furent transpercés de plusieurs flèches.
Les buveurs de sang, sûrs de leur victoire, se ruèrent en avant. Le choc fut d’une extrême violence. Les gayelers les égalaient au combat. Kaja avait fait se déplacer toutes ses forces. S’il avait donné ordre de quadriller la ville, il avait aussi donné l’ordre d’envoyer tout le régiment des gayelers au Grand Palais. Leur nombre et leur vaillance au combat fit la différence. Pour la première fois, les buveurs de sang combattaient des gens qui n’avaient pas peur d’eux. Certains, parmi les gens de cour, participèrent à la bataille, d’autres tentèrent de fuir les lieux sans y parvenir. Toutes les issues étaient gardées. C’est ainsi que fut arrêté Reneur, qu’un groupe de fidèles, voyant la tournure des événements, essayait de mettre à l’abri. 
La bataille du Grand Palais dura jusqu'à la nuit.  Kaka avait quitté les lieux avant, laissant Selvag en finir avec les buveurs de sang. Il emmenait Reneur prisonnier, ainsi que les barons qui l’avaient aidé. Dans la caserne des gayelers, les cellules se remplirent. Pendant que ses adjoints s’en occupaient, Kaja fit le tour des généraux. Il leur mit le marché en main. Soit ils ne participaient à rien et on ne touchait pas à leurs prébendes, soit ils prenaient parti et ils rejoignaient Reneur. Un seul répondit qu’au nom de sa fidélité à Reneur et Batogou, il préférait la prison. Les autres, devant le coup de force des policiers qui maintenant quadrillaient la capitale, bloquant toute possibilité de rébellion, choisirent de rester neutres. Kaja étudiait les documents pris le matin sur les lieux de la mort de Jobau quand Selvag entra. Kaja l’interrogea du regard :
   - Tout est calme et sous contrôle, Colonel.
   - Je viens de parcourir ces parchemins. Les choses étaient bien plus avancées que nous le pensions. Jobau était bien près de déclencher une révolte.
Selvag tendit d’autres documents à Kaja :
   - Reneur savait. Voici les preuves…
Kaja se pencha sur ce que lui tendit Selvag. Ils étudièrent les rapports d’enquêtes qui arrivaient petit à petit. La victoire des gayelers sur les buveurs de sang avait fait l’effet d’un électrochoc sur la population. Les invincibles étaient vaincus. Un vice-roi était mort, l’autre aux arrêts. Partout des patrouilles de police sillonnaient la capitale. Un de ses aides de camp entra.
   - Mon colonel, j’ai trouvé cela dans le palais de Gérère…
De nouveau Kaja se pencha sur les documents qu’on lui ramenait. Son visage s’assombrit au fur et à mesure de sa lecture. Il découvrit que Gérère lui-même, préparait un coup d’état… Il pensa que tout était pourri dans ce royaume. Il toucha sous sa chemise la branche de son Arbre Sacré qui ne le quittait jamais. Qu’allait-il pouvoir faire ?
   - Mon colonel, commença Selvag, le code de la Loi est clair. Vous devez assurer la stabilité et la sécurité du royaume en attendant que les enquêtes soient terminées.
Kaja le regarda. Il le sentit rayonner. Il soupira. Il douta un instant de la fidélité de Selvag. Lui aussi avait-il projeté de prendre le pouvoir ?
   - Mon Colonel ?
   - Oui, Fraimag, répondit Kaja à son serviteur.
   - Il se fait tard, Mon Colonel. J’ai préparé vos appartements dans la caserne. Puis-je me retirer ?
   - Tu as raison, Fraimag. Il se fait tard. Tout cela peut attendre demain.
Kaja se leva et dit :
   - Messieurs, allons nous reposer, demain nous prendrons les décisions qui s’imposent.
Il distribua ses ordres pour la nuit. L’heure de l’étoile de Lex était passée depuis longtemps. Le temps du calme était arrivé. Une fois dans ses appartements, il s’assit sur le lit. Il était fatigué. Par l’Arbre Sacré, que la journée avait été longue...

mardi 9 juillet 2019

Ainsi parla Rma, le fileur de temps...83

Bulgach dit à son fils :
 -  Il va faire beau… mes vieux os me le disent… il faut se préparer. Ils seront bientôt là.
Comme la neige avait commencé à fondre, Bulgach avait repris les préparatifs de la guerre. Dans toutes les tribus, on préparait des armes. Quant à celles qui habitaient les bords des gorges, elles se préparaient à encaisser le premier choc avec l’ennemi. Tout le monde y allait de son analyse. Les hommes du baron Corte seraient là. C’était sûr. Les buveurs de sang n’avaient aucune idée de la topographie des montagnes. Les montagnards préparaient la guerre depuis des générations. À l’arrivée des envahisseurs ils avaient repoussé les quelques escouades qui étaient venues dans leurs montagnes. Si eux trouvaient leur pays merveilleux, les autres le trouvaient trop rude et trop pauvre. Seul le baron Corte s’était installé sur les contreforts et faisait quelques incursions. Dans leurs légendes, le Mont des vents était le centre du monde et ils en étaient les gardiens. Un Sachant l’avait dit. Un jour, viendraient ceux qui voulaient conquérir le monde. Et ce jour-là, malheur à ceux qui ne seraient pas prêts. Depuis, les montagnards préparaient leur défense. Les grottes étaient pleines de pierres ainsi que la montagne au-dessus du lac aux eaux mortes. Bulgach avait placé ses guetteurs et préparé les cordes. Les femmes et les enfants partirent pour les tribus plus éloignées dans la montagne. Ne restèrent que les hommes prêts à combattre. Bulgach vivait dans l’exaltation. Sa tribu tenait l’entrée des gorges. Les avalanches étaient prêtes pour emporter quiconque tenterait de passer par ailleurs que les gorges de Tsaplya. Il suffisait d’un homme ou deux pour tenir ces passages pendant des jours. Il avait peu neigé cette année. Les gorges étaient comme une faille d’est en ouest entaillant le massif. Le ruisseau qui y courait sur la partie la plus basse était tiède. Les montagnards n’y touchaient pas. Elle était pour eux signe de ce qui sortait des entrailles de la terre, comme l’urine sort des entrailles des hommes. Cette chaleur faisait fondre très vite toute la neige accumulée entre les parois. Un micro-climat y régnait. Bien que tortueuses, les gorges à cet endroit avaient assez de largeur pour que Bulgach et ses hommes s’y installent sans risque de toucher à l’eau interdite. Leur rôle était d’attirer par leur fuite les ennemis assez loin dans les gorges pour pouvoir les piéger. Le Sachant l’avait dit. Si les tribus combattaient seules, elles seraient toutes vaincues. Si elles combattaient toutes ensemble comme une seule, alors la victoire leur reviendrait. Et le miracle avait eu lieu. Il y avait eu beaucoup de rencontres pour se mettre d’accord, mais les montagnards face aux buveurs de sang agiraient comme un seul homme.
Ce matin-là, au lever du jour, Bulgach avait dit à son fils en voyant le ciel clair et le soleil dans toute sa splendeur :
   - C’est une belle journée pour mourir !
   - Oui, Père, nous nous couvrirons de gloire et nos noms seront chantés jusqu’à la fin des temps.
Comme tous les matins, ils avaient pris leur repas, couvert le feu, vérifié les pièges et les armes. C’est au milieu de la matinée que résonna comme le cri de l’effraie. Bulgach déclara :
   - L’ennemi est là ! Les guetteurs l’annoncent ! 
Immédiatement, tout le monde fila à son poste. Ils connaissaient tous les codes des guetteurs imitant les différents oiseaux. Le cri de la buse qui chasse leur indiqua que l’attaque était lancée. Tous les montagnards de la tribu de Bulgach burent la fiole que le chaman leur avait donnée. “ Du pur extrait de rage” leur avait-il dit, “ Avec ça vous ne connaîtrez ni la peur, ni la douleur !”

Corte marchait en tête avec le colonel. Après son échec avec le général, il avait descendu ses ambitions. Il avait obtenu de diriger les opérations face aux montagnards et de garder tous les terrains conquis pour lui. Il était certain que les montagnes renfermaient de minéraux précieux. Il se voyait déjà riche de l’exploitation des mines qu’il découvrirait. Avant cela, il devait gérer le bataillon de buveurs de sang que le général lui avait confié. Le colonel Sachdo avait lu la lettre de mission que Corte avait ramenée avec lui après l’histoire de Stradel. Il avait dit :
   - Les ordres sont clairs. J’obéirai.
Il s’était tourné vers son aide de camp et avait ajouté :
   - Mender, traitez-la comme les autres courriers et mettez-là en lieu sûr.
Corte ignorait que les buveurs de sang utilisaient un code dans leur missive. Un texte qui n’apparaissait qu’en traitant le courrier avec un révélateur spécial. Sachdo avait pris connaissance après sa réunion avec Corte des ordres véritables. Il avait beaucoup ri :
   - Je reconnais bien là le général, avait-il dit à Mender, il veut qu’on joue la comédie pour que les hommes de Corte soit notre première ligne. Le général dit qu’il n’est pas nécessaire de perdre des camarades alors que nous avons les amateurs de Corte pour faire cela.
Si tous les buveurs de sang étaient au courant, Corte et ses hommes se sentaient flattés de la sollicitude qu’on leur témoignait. Les exercices étaient communs et l'entraînement rude.
Le jour de l’attaque, Corte marchait en tête avec le colonel. Ils discutaient de tactique et surtout de l’après victoire. Ils s’arrêtèrent devant l’entrée des gorges de Tsaplya. Les troupes se déployèrent pendant que les deux chefs observaient le passage.
   - C’est le seul accès pour une armée. Les autres passages sont escarpés et ne conviennent pas à des hommes en armes.
   - J’ai quand même fait préparer quelques commandos. Leur rôle comme nous avons décidé sera de nettoyer les hauts des gorges pour que l’armée puisse passer tranquille.
Les groupes d’attaque partirent. Ils suivaient un des hommes de Corte qui leur servait d’éclaireur. Pendant ce temps, les autres commencèrent à faire mouvement. Sachdo avait envoyé des patrouilles de reconnaissance qui n’avaient vu personne. Elles étaient remontées jusqu’à une source chaude sans rencontrer âme qui vive. Corte avait pris la tête de ses hommes. Ils avaient amené les chiens de guerre, qui faisaient régner la terreur dans le fief. Ils avancèrent prudemment. Ils étaient le premier groupe d’attaque. Le colonel avait expliqué qu’en faisant cela, Corte aurait la gloire de la victoire. Il serait celui qui a emmené les buveurs de sang à la victoire. Sa troupe comportait une cinquantaine d’hommes.  Il y avait les archers en retrait et les porteurs de piques qui ouvraient la marche. Au milieu, Corte et ses gardes proches, avec les chiens. Quand ils atteignirent les premiers rochers, commencèrent les premiers ennuis. Ce fut d’abord un piqueux qui se fit écraser en passant entre deux rochers. Puis deux hommes hurlèrent de douleur. Ils étaient tombés dans une chausse trappe et s’étaient embrochés sur des roches coupantes comme des rasoirs. La progression fut très ralentie. Faisant attention où ils mettaient les pieds, ils ne virent pas les pièges qui les atteignirent qui, au niveau du ventre, qui, au niveau de la poitrine.
En arrière le colonel comptait les cris et les blessés.
   - Reste à savoir où sont les montagnards, dit-il à Mender. Leurs pièges ne servent qu’une fois. Corte et ses guignols vont les avoir fait jouer. Nous serons tranquilles. Faites démarrer le premier groupe.
Une centaine d’hommes en armure se mit en marche. Leur rôle était d’obliger l’ennemi à se découvrir et à le fixer pour pouvoir l’exterminer.
Devant, l’hécatombe continuait. Les pièges avaient mis hors de combat presque la moitié des hommes de Corte. Maintenant ils progressaient sur une prairie qui longeait la rivière. Corte avait donné l’ordre de marcher sur deux colonnes pour éviter les pièges. À cette époque de l’année, l’herbe était couchée et jaunâtre formant des sortes de monticules, quelques arbres poussaient çà et là. Il y avait aussi des rochers partout qui servirent rapidement de protection quand les premières flèches tombèrent. Corte n’en crut pas ses yeux quand il vit un rocher bouger et se transformer en être humain qui égorgea un de ses soldats en hurlant avant de s’enfuir en zigzagant entre les rochers devant lui. Un peu plus loin, ce fut un arbre mort qui s’ouvrit en deux, dévoilant un montagnard qui eut le temps de mettre trois hommes hors de combat avant que les archers n’en viennent à bout.
   - Dix flèches, il a fallu dix flèches pour l’arrêter ! On est mal barré, Baron.
Corte jeta un regard noir à son sergent. Il allait le sermonner quand il le vit faire un pas en arrière. Une lourde flèche à pointe de pierre venait de l’atteindre à la limite de sa cotte de maille. Le sergent émit une sorte de gargouillis avant de tomber à genou pendant que le sang lui giclait de la bouche.  Corte regarda le spectacle un instant, sidéré. Puis se tournant vers les gorges, mettant son bouclier devant lui il se mit à courir en hurlant :
    - À L’ATTAQUE !
Rockbrice en profita. Bandant son arc, il décocha une flèche. Celle-ci frappa de plein fouet le baron, traversa son bouclier, son plastron et lui défonça le sternum pour finir dans le coeur.
Pour les soldats de Corte qui le virent tomber mort avec une seule flèche, ce fut la débandade. Ils se mirent à fuir et se heurtèrent aux buveurs de sang qui arrivèrent. Ceux-ci n’avaient que mépris pour les fuyards. Les quelques survivants de la première vague furent massacrés dans leur fuite.
Ce fut à ce moment qu’on entendit un bruit d’avalanche venant du haut d’un versant. Le colonel regarda dans la direction. Il vit le nuage de poussière. Cela ne pouvait pas être naturel. Il pensa qu’un des groupes prévus pour nettoyer le haut des gorges s’était fait prendre dans un piège. Il jura. Sans personne pour couvrir les hauteurs, ils allaient être très vulnérables au fond de la gorge. Il n’avait pas le choix. Le général avait été clair. L’échec lui était interdit. Les rapports lui arrivaient. Si la mort de Corte ne le troubla pas, la présence d’archers le contraria. Il fit mettre tous les siens  en position. Ils avaient ordre d’éliminer les archers adverses. Très rapidement, un messager revint faire son rapport. Malgré leur supériorité numérique, ils étaient inefficaces. Leurs arcs ne portaient pas assez loin. Les montagnards avaient des armes de plus grande portée et beaucoup plus puissantes. Sachdo prit la décision d’engager le deuxième groupe. Rapidement la situation des buveurs de sang s’améliora. Leurs adversaires n’étaient pas assez nombreux. Ils commencèrent à perdre des hommes. Les corps à corps étaient féroces et les montagnards qui montraient leur supériorité dans les duels, commencèrent à céder du terrain quand ils durent se battre à deux ou trois contre un. Ils se replièrent derrière une première ligne de fortifications.Le capitaine, qui avançait avec ses troupes, les jugea médiocres. Leur premier assaut fut malgré tout un échec. Une pluie de pierres coupa leurs élans. Si les buveurs de sang étaient plus grands que leurs ennemis, ils n'en avaient pas la force physique. Aucun d'eux ne pouvaient soulever de telles masses et encore moins les jeter avec une telle puissance. Le capitaine fit rompre le combat et reculer ses troupes. Il envoya un émissaire en arrière avec un des arcs ramassés et avec le plastron d'un combattant. En attendant les nouveaux ordres, il commença une guerre d’usure. Un groupe se lançait à l'assaut pour provoquer une réaction des défenseurs et de loin les archers décochaient leurs volées de flèches pour en éliminer le plus grand nombre.
Le colonel examina avec attention les armes des montagnards. Il fallut deux hommes pour arriver à bander l’arc. Le plastron résista facilement à une flèche. Si la pointe perça, elle n’alla pas plus loin. Sachdo jura. Le cuir de cet animal était vraiment particulier pour résister ainsi. Ce plastron valait presque l’armure de ses soldats. Comme si ces mauvaises nouvelles ne suffisaient pas, les rapports d’échec des groupes partis pour conquérir les hauteurs arrivèrent. Tous les guerriers avaient été blessés ou tués par des avalanches provoquées. Ceux qui survivaient étaient hors de combat, un bras ou une jambe cassés quand ce n'était pas les deux. Le colonel se trouvait devant un dilemme : renoncer et encourir les foudres du général ou poursuivre et risquer l’échec. Sa réflexion fut courte. L’échec était encore préférable au général en colère. Il lança toutes ses troupes dans la bataille.
Les montagnards durent battre en retraite. Ils se déplaçaient vite mais pas assez. Les pertes commençaient à être conséquentes. Sachdo menait l’assaut. Le groupe de tête attaquait et était relayé par un deuxième puis un troisième et ainsi de suite. Les montagnards fatiguaient. Il le sentait. Ils dépassèrent la source chaude. Devant eux, c’était la débandade parmi les ennemis. Certains étaient encore très dangereux comme cet archer qui courait à toute vitesse se mettre hors de portée des arcs des buveurs de sang, puis qui décochait quelques traits. Il était impressionnant de précision. Quant à ses flèches, elles perçaient les armures. Si toutes n’étaient pas mortelles, elles blessaient suffisamment pour mettre hors de combat. Les gorges devinrent plus étroites et plus tortueuses. Le colonel hurla pour que ses troupes accélèrent. Elles ne devaient pas perdre de vue l’ennemi. C’est pourtant ce qui arriva. Quand Sachdo arriva au tournant, il vit les montagnards saisir des lianes et s’élancer vers les hauteurs. L’archer était déjà en position et décochait de nouvelles flèches. En bas les archers furent assez près pour blesser sérieusement plusieurs montagnards.
Bulgach serra les dents quand la flèche lui entra dans l’épaule. Il ne pouvait plus grimper. Il lâcha la liane et retomba lourdement sur le sol. Un buveur de sang leva sa lance pour le transpercer. Bulgach tenta de se relever. Il entendit un bruit métallique et le buveur de sang tomba à genoux sans finir son geste. Une flèche dépassait de son casque. Bulgach reconnut les pennes de Rockbrice. Il eut un sourire mauvais. Le sachant avait raison. Il allait se couvrir de gloire et mourir en combattant. Il attrapa la lance de son ennemi et chargea. L’extrait de rage lui faisait oublier et douleur et prudence. Il embrocha un puis deux buveurs de sang, évita la charge de deux autres, récupéra une arme ennemie qu’il trouva aussi légère qu’une plume, lui qui était habitué aux armes d’obsidienne. Il fit un carnage malgré les flèches qui tentaient de transpercer son plastron et ses protections en cuir de sanglier des montagnes. Seul Rockbrice et quelques autres avaient assez de force pour les tuer. Bulgach n’oubliait pas pour autant le plan. Il reculait tout en se battant attirant les ennemis toujours plus avant dans les gorges. D’autres flèches le touchèrent. Son sang coulait maintenant par de multiples endroits. Les hommes qu’il combattait rompirent le combat. Il faillit les poursuivre. Il n’en eut pas la force. Une nouvelle vague d’assaillants se précipita sur lui en hurlant. Une lance puis deux le transpercèrent. Dans ses oreilles, il entendit comme des tintements. Il sut que la mort était là. Le bruit d’une avalanche lui arracha un dernier sourire.
Quand Sachdo entendit tomber les premières pierres, il hurla les ordres de repli contre les bords de la montagne. Puis il y eut le bruit énorme d’une avalanche avec de la poussière qui remonta la vallée les mettant dans un brouillard épais. On n'en voyait plus rien. Il entendit tomber des poteries qui se brisaient au sol projetant leur contenu tout autour. Ce fut des cris et des hurlements. Si certaines poteries ne contenaient que du liquide d’autres étaient emplies de serpents. La panique se répandit dans la troupe. L’air devenant un peu plus transparent,
Sachdo put tuer plusieurs serpents avant qu’ils ne l’attaquent.
    - Regroupez-vous, hurlait-il, regroupez-vous au pied des falaises !
La pluie de poteries cessa à son tour. Le silence se fit.
Sachdo scrutait le ciel vers le haut. Les hommes se reprenaient. Il lui fallait des informations sur l’état des gorges en aval pour pouvoir se replier. Il transmit l’ordre à un capitaine d’aller voir. C’est alors que tombèrent les premières torches. Ce furent des hurlements quand tout le fond de la gorge s’embrasa. Sachdo jura. Ce liquide qui était tombé était comme inflammable comme de la poix. Les hommes couraient dans tous les sens. Certains étaient de véritables torches vivantes transmettant le feu de flaque en flaque.
Marest chanta le chant de l’aigle. Aussi grand que Rockbrice, il était le chef d’une tribu loin dans l’intérieur du massif. Sa bravoure était légendaire et il avait presque tué à lui tout seul assez de sangliers des montagnes pour faire tous les plastrons et les protections de ceux qui avaient eu pour mission d’aller en bas. Il avait été élu chef de toutes les tribus pour mener cette guerre. Avec les autres chefs, il avait préparé le plan. Marest tendit l’oreille. Un hululement lui amena la réponse. Les choses se passaient comme prévue. Ceux qui avaient tenté de passer par les petits chemins étaient tous hors d’état de nuire sauf un petit groupe qui fuyait. Tous les autres combattants étaient dans les gorges. Il vit arriver le fils de Bulgach hors d’haleine :
   - Comme l’avait dit le sachant, mon père est resté en bas.
   - Alors c’est le moment !
Marest attrapa un rocher de bonne taille et le lança dans la gorge. Ce fut le signal. Tous, du plus petit au plus grand, participèrent. Les femmes n’étaient pas en reste. Elles transportaient des centaines de cruches dans lesquelles elles avaient mis l’huile qui leur servait à faire briller les lampes. Elles avaient bravé l’hiver de nombreuses fois pour aller en recueillir là où elle coulait du rocher.
Marest regarda vers l’ouest monter la colonne de poussière.
   - Kaskis a fait son travail ! Les gorges sont bloquées. Ils ne pourront pas fuir. Qu’on lance les torches !
On raviva le feu et on distribua les torches. Bientôt on entendit les premiers hurlements. Marest, qui était parti voir au bord des gorges comment ça se passait en bas, revint vers le feu.
   - Ils croient vivre l’enfer mais ils n’ont encore rien vu… Burch envoie les signaux à la tribu du lac des eaux mortes. Qu’ils fassent ce qu’ils ont promis.
Burch jeta la paille mouillée dans le feu. Une épaisse fumée blanche s’éleva qu’il modula à l’aide d’une peau d’animal.
Marest rejoignit les bords de la gorge et attendit. On entendait que les hurlements venus d’en bas. Et puis… Marest sourit, c’était cela. Le grondement devint audible par tous puis devint assourdissant. Tous se penchèrent pour regarder dans les gorges. Ils virent le mur d’eau arriver comme un cheval au galop, balayant tout sur son passage arbres, hommes, et roches. Le chef de la tribu du lac des eaux mortes lui avait dit qu’il y avait assez d’eau dans ce lac pour remplir les gorges et qu’un secret s’échangeait de chef en chef depuis la nuit des temps sur ce qu’il fallait faire pour libérer la fureur des eaux.
La vague passa puis on la vit remonter car elle avait rencontré le barrage que Kaskis avait fait en bloquant le passage. Le grondement reprit de plus belle et tous virent jaillir de l’eau en dehors des gorges quand la vague montante rencontra la nouvelle vague venue du lac. Les eaux montaient de manière vertigineuse dans les gorges au point que certains crurent que tout allait déborder.
Le barrage de Kaskis céda sous la pression et le bruit s’entendit de très loin. En contrebas, les buveurs de sang qui étaient restés en arrière et tous ceux qui leur servaient d’intendants furent balayés à leur tour par le mur de roches et d’eau qui s'abattit sur eux.
Rockbrice s’approcha de Marest :
   - Le sachant avait raison… nous sommes les gardiens de la montagne !