vendredi 25 juillet 2014

Le soleil brillait le lendemain. Lyanne alla se promener sur la plage alors que la mer était haute. Il regarda l’horizon. Il ne vit pas de voile au loin. Il se promena ainsi se laissant bercer par le bruit des vagues et le souffle du vent. Cela dura un moment. Quand le soleil approcha du zénith, il remonta vers la ligne des bâtiments.  C’est alors qu’il vit arriver la princesse. Elle avançait toujours suivie par sa suivante et par ses guerriers.
- Ah ! yous aussi, yous yous promenez.
- Le soleil est haut. L’oracle nous attend bientôt. Avez-vous vu quelque chose en mer ?
- Non, le prince mon père ne les attend que demain. Nous sommes partis précipitamment.
- Votre histoire semble mouvementée.
- Ye sens la vôtre aussi très yntéressante. 
Les guerriers s’étaient remis en cercle autour d’eux, l’arme au poing.
- Ils vous protègent beaucoup, dit Lyanne.
- Sans eux, ye ne serais pas là.
- Vous pourrez me raconter cela.
Voyvoylin ouvrit la bouche pour répondre quand le chef des guerriers dit quelque chose tout en montrant l’homme qui venait d’arriver au bord de la plage. La princesse eut l’air contrarié. Elle fit une petite moue et dit :
- Mon père me demande de rentrer. À bientôt.
- À bientôt, princesse Voyvoylin.
Lyanne la regarda s’éloigner en se posant des questions sur les intentions de la jeune femme et sur l’attente qui était la leur.

Quand il regagna sa maison, Trend l’attendait.
- L’oracle m’a envoyé. Il vous demande de vous joindre à sa personne maintenant. Si vous le désirez, il a mis ce vêtement à votre disposition. Mon maître a choisi du rouge.
- Tu remercieras l’oracle, serviteur de l’oracle. Le rouge est une bonne couleur pour moi.
- Dès que vous êtes prêt, je vous montrerai le chemin, dit Trend en s’inclinant.
Lyanne s’habilla rapidement. Trend attendit devant la porte que Lyanne soit prêt. Il s’inclina devant lui quand il sortit puis se retournant le guida vers l’esplanade. Lyanne fut amusé par tout ce cérémonial. Les habitations formaient comme un hameau où il aurait été difficile de se perdre. Non loin du kiosque où se tenait l’oracle pour prophétiser, avait été posés des tables basses et de multiples coussins formant des espaces qu’on devinait doux.
Un des espaces était déjà occupé par la princesse. Derrière elle se trouvait sa servante, et encore derrière Myinda raide comme une lance et ses guerriers aussi immobiles que les colonnes du bâtiment des fumées où se tenait l’oracle. Si les convives allaient manger allongé, l’oracle état déjà assis sur un curieux siège bas en bois dont on devinait la richesse des sculptures. 
Voyvoylin était allongée face à l’oracle, à sa droite et à sa gauche les places étaient libres. D’autres emplacements étaient disponibles un peu en retrait. Moins richement décorées, elles attendaient d’autres convives.
- You êtes là… mais ye ne sais même pas votre nom...
- Mon nom est Louny, princesse Voyvoylin.
- Yous êtes au moins prince…
- Oui, princesse, au moins. Je suis en quête et mon royaume est loin d’ici.
- UNE QUête, c’est passionnant.. Nous yaussi.
- J’ai cru comprendre en arrivant que justice venait d’être rendue…
- Oui, cher prince… Yustice fut rendue. Il y a bien longtemps que cela aurait dû être fait… Mais yous-même… Ye n’ai pas vu de bateau.
- J’ai abordé l’île de l’autre côté et je suis venu en suivant la plage.
- Et yous yavez survécu à tous ces yorribles monstres qui grouillent dessus.
- Ils sont plus souvent absents que présents. J’ai choisi les moments.
Lyanne sentait la princesse très curieuse d’en savoir plus sur sa quête. Il éluda encore une ou deux questions quand apparurent des gardes.
- Voilà mon père, dit Voyvoylin en se redressant.
Lyanne se leva aussi, seul l’oracle resta assis. Ce dernier avait écouté l’échange sans dire un mot, le visage caché sous la capuche.
Kayallin était grand et large d’épaules.
“ Superbe guerrier !” pensa Lyanne. La démarche souple lui rappela celle des loups noirs. À sa ceinture une épée longue lui battait les jambes comme mue par une volonté propre. Derrière lui venaient deux autres personnages lui ressemblant par leur allure, encore après venait la garde. Kayallin vint s’incliner devant l’oracle.
- Y’espère ne pas être en retard ?
- Rassurez-vous, roi Kayallin, vous arrivez au bon moment.
- Ye ne suis pas encore roi. Tant que le conseil ne m’aura pas reconnu…
- Les bateaux arrivent, prince futur roi. Nous monterons alors au sommet pour un grand oracle.
Kayallin s’inclina à nouveau et se dirigea vers la place restée libre. Les autres se répartirent sur les sièges dans un ballet bien réglé. Lyanne nota ce détail. Ils savaient tous comment se comporter.
Avant de s’installer, Kayallin se tourna vers Lyanne.
- Ye vous salue, noooble étranyer.
- Je vous salue, prince, futur roi Kayallin.
- Êtes-yous familier de ces lieux comme l’est mon peuple.
- Je suis en quête et passe par ici en suivant les signes que m’adresse le destin.
- Une quête ? Nous réservons ça aux enfants ! Les hommes faits ont d’autres ambitions.
- Comme celle de devenir roi ?
- NON ? Comme celle de la yustice ! Nous nous battons pour la yustice !
Lyanne n’insista pas. Il ne sentait pas chez son interlocuteur assez d’humour pour supporter la discussion.
L’oracle intervint :
- Prenez place, vous êtes mes invités.
Après un dernier échange de regard, Kayalin et Lyanne prirent place.
Aussitôt un gong résonna. Ce fut le signal. Les premiers plats arrivèrent. Devant la qualité de ce qui était servi le prince qui attendait d’être roi se détendit.
L’oracle reprit la parole :
- Le prince Louny qui cherche ce qu’il ne sait pas nous racontera sa quête plus tard. Il serait bon qu’il entende la vôtre prince, futur roi Kayalin.
Ce dernier fit un signe de tête d’approbation.
- Mon pays est à trois yours de bateau de cette île. Depuis touyours nous entretenons des relations étroites avec l’oracle. Quand il exiSte plusieurs prétendants au trône, nous venons iCi. Souvent nous avons évité des guerres. Nous faisons de même quand menaCent les catastrophes. Quand Yourtalin arriva sur le trône, il était yeune et puissant. Il était notre yespoir face à la menaCe des Sérinya. Ils avaient déjà envahi la vallée de Stiefline et nous allions manquer de vivres. Il a trouvé les mots pour que tous nous avancions ensemble. On n’avait pas vu ça depuis… depuis… Ye crois que le grand oracle était encore vivant.    
- Qui est le grand oracle ? interrompit Lyanne.   
Ce fut l’oracle qui lui répondit :
- Il fut le premier et sa vie fut longue et riche de toutes les paroles qu’il a dites. Quand les bateaux seront là, nous irons au pied de la statue que lui a faite la montagne pour la grande divination.
Kayalin reprit la parole :
- Y’étais yeune mais déyà, ye servais. Ye portais les flèches pour les guerriers. Y’ai assisté à la bataille. Les Sérinya étaient comme des sauterelles dans un nouage, avec des lances. Leur armée couvrait la plaine à la sortie de la vallée de Stiéfline. Y’ai cru que yamais ye ne verrai le soleil se lever le lendemain…
Kayalin s’interrompit la gorge serrée à l’évocation de ce souvenir. Il reprit après quelques instants :
- Les Sérinya nous ont laissé nous mettre en place. Yourtalin avait mis en avant tous les porteurs de lances. Il les avait ranyés sur la colline qui fermait la vallée. Face à la marée des ennemis, nous n’avions que dix rangs de guerriers. Voyant notre faiblesse, c’est en hurlant que les Sérinya sont montés à l’assaut. Mais Yourtalin avait misé sur les arcs de sa tribu. Derrière la colline, tous les hommes et toutes les femmes capables de tirer à l’arc s’étaient groupés. Ces arcs étaient si puissants que malgré la distance, ils firent des ravayes dans les rangs des Sérinya qui durent se replier. À chaque assaut,  les archers les ont repoussés. Entre deux nous courions récupérer les flèches. Malgré notre vitesse  et notre souplesse, nombreux furent les yeunes qui tombèrent.
De nouveau Kayalin s’interrompit. Un voile passa devant ses yeux à l’évocation de cette journée.
- Quand se coucha le soleil… la vallée était yonchée des corps des Sérinya. Personne n’a su qui avait lancé la flèche qui avait tué leur roi. Sa mort alors que le soleil disparaissait derrière l’horizon, nous a donné la victoire. Ainsi commença le règne de Yourtalin.
L’arrivée de serviteurs les bras chargés de nouveaux plats interrompit Kayalin. Il fit silence quelques temps puis après avoir bu, reprit son récit.
- Le début du règne de Yourtalin fut un temps de paix. Le peuple Sérinya avait été repoussé loin des frontières. On pouvait voyayer et faire du commerce. Les paysans faisaient leurs récoltes en temps et en heure… C’est à cette époque que y’ai épousé ma bien aimée Voylin. Ye suis parti avec elle sur l’île de Beryam pour la gouverner au nom de Yourtalin le bien aimé. Nous avons passé les plus belles années de notre vie. Et puis, Yourtalin a fait ce qui est mauvais aux yeux des dieux, mais ye ne le savais pas. Y’ai pris le jour de la grande tempête pour un your de malchance. Dans les yours qui ont suivi, nous avions trop à faire pour nous interroyer. Il nous a fallu une saison complète pour tout remettre en ordre et une année entière pour avoir le temps de penser à autre chose. C’est alors que nous a frappés la deuxième catastrophe. La saison de la pluie avait été abondante, nous nous réjouissions de ce que donnerait la moisson quand sont arrivés les piqueurs. Avec les piqueurs sont arrivées les fièvres. Ye fus le premier touché. Voylin m’a soigné de toutes ses forces avant de tomber malade elle-même. Heureusement nous avions envoyé Voyvoylin sur le mont de l’ïle car les piqueurs n’y allaient pas. Cette saison fut pire que la guerre. Des bateaux partaient tous les yjours pour immeryer les corps au larye. Arriva même le jour, où il n’y eut plus assez de marins pour le faire. Ce furent les yours noirs. Avec la chaleur de la saison du grand soleil, les corps se putréfièrent. Ce fut l’enfer. On ne compta plus les morts, on compta les vivants. Un jour, leur nombre ne diminua pas. Ce fut le premier your de la renaissance. Nous n’étions plus que des squelettes qui bouyeaient encore. Quand nous nous sommes rassemblés dans le palais, toutte la population tenait dans la salle d’audience. C’est alors que Cagnylia, le seul prêtre survivant déclara qu’une faute avait été commise, une faute tellement grande qu’elle avait entraîné notre châtiment à tous. Tout le monde a fait silence pour l’écouter. “Nous sommes passés par le feu de l’épreuve, a-t-il déclaré. Nous sommes purs”. Puis il nous a exhortés à chercher autour de nous ceux qui avaient fait un pacte avec les démons. Notre seule yoie a été de découvrir que ceux que nous avions envoyé sur le mont de l’île étaient presque tous vivants et surtout ma bien-aimée Voyvoylin.
De nouveau Kayallin s’arrêta de parler,la voix trop chargée d’émotions. Puis il reprit :
- Y’avais perdu sa mère. Voylin a été exemplaire jusqu’à ce que les fièvres ne l’emportent. Elle a aidé tous ceux qu’elle pouvait et même au-delà. Ye ne voulais pas perdre ma fille. Y’ai cherché qui pouvait ainsi avoir passé un pacte avec les démons. Les malheurs nous frappaient encore. Nos eaux qui nous avaient donné tant et tant de poissons, étaient maintenant presque désertes. Ce fut une rumeur qui m’alerta. Un de mes serviteurs en parlait avec un autre pendant que ye passais non loin d’eux. Un marin lui aurait dit qu’il avait entendu parler du retour des Sérinya. Ye les ai interrogés moi-même, mais ils ne savaient rien de plus. La nouvelle était assez grave pour que y’en parle avec Cagnylia. Il a intercédé pour nous. Les dieux ont donné leur réponse. Ye devais y aller.
Y’ai réuni des hommes, les plus valides et les plus vaillants. Nous avons embarqué dans la dernière barcasse qui nous restait et nous sommes partis vers la grande terre. La traversée fut longuye et difficile. Les vents nous étaient contraires comme si les démons de la terre et de la mer nous repoussaient autant qu’ils pouvaient. Nous n’avons pas réussi à atteindre le port au cinquième your, alors y’ai donné l’ordre d’accoster. Nous avons touché terre dans les landes de Ryalmak. Ye pensais qu’elles seraient désertes. Les légendes en font la terre des malheurs. Y’ai eu la surprise de la voir couverte de feux de camp. Nous avons presque dû nous battre quand s’est avancé celui dont la mère avait nourri ma jeunesse. Tous ici étaient des réfuyiés qui avaient fui devant les Sérinya. Devant mes reproches d’avoir fui sans se battre, on m’a répondu qu’on ne pouvait pas combattre les siens. Ye suis resté sans voix, yusqu’à ce qu’on m’explique que Yourtalin avait vendu la terre aux Sérinya, mais une terre vide. Son armée, notre armée avait chassé notre peuple, mon peuple pour laisser la place à nos ennemis…
Lyanne sentit la colère vibrer dans les paroles de Kayallin à l’évocation de ce désastre. Nombreux avaient été les morts. Nombreux étaient-ils encore dans ces landes de Ryalmak tout juste bonnes pour abriter les bêtes sauvages.
- C’est alors que y’ai vu un groupe de soldats qui maltraitaient une pauvre femme. Y’ai même pas réfléchi… Ye les ai tous tués. Autour de moi, tous m’ont acclamé. D’autres soldats sont arrivés pour venyer les morts. Ce fut une bataille yénérale que nous avons gagnée. Derrière mes quelques hommes se tenait une foule armée de bric et de broc prête à en découdre pour se venyer de tout ce qu’elle avait subi…
De nouveau Kayallin s’arrêta de parler comme si trop d’émotions l’envahissaient.
- C’est alors que la reconquête a commencé. Ye suis parti des landes de Ryalmak avec quelques escouades et ye suis arrivé devant la capitale avec toutes les troupes que nous avions rencontrées.
Dans la ville, ne restait que la garde proche, tous les autres avaient déserté pour nous rejoindre. C’est alors que nous avons vu les Sérinya. Ce fut un hurlement qui fit trembler les murs de la ville quand ceux qui me suivaient les virent. Y’ai dû batailler ferme pour les retenir et les faire ranyer en ordre de bataille. Notre fougue les a balayés. Eux qui venaient pour défendre Yourtalin furent tous décapités. On fit des pyramides de leurs têtes. Avec la nuit, on fit des feux et ce fut la fête seulement ternie par la disparition de Yourtalin. Certains disaient qu’il avait quitté le fort bien avant que nous arrivions, qu’il était en route pour les terres occupées. Mais personne ne savait. Y’ai laissé la foule se réjouir. Y’ai mis mes hommes à la recherche de Yourtalin. Toute la nuit, ils l’ont cherché sans le trouver. Au petit matin, ils m’ont ramené un serviteur tout tremblant qui nous a avoué l’avoir vu partir. Toute la foule hurla sa colère le lendemain quand y’ai annoncé l’absence de Yourtalin. Tous voulurent partir à sa poursuite. Y’ai dû les ralentir et les organiser. Nous sommes partis dix yours plus tard avec armes et bagayes pour reconquérir notre terre. Sur le chemin nous avons vu arriver l’armée. Ye me suis avancé seul devant eux. Leur chef m’a reconnu. Il est venu parlementer. Cela a pris deux yours mais il s’est ranyé à nos côtés. C’est plein de cette force que nous avons atteint la plaine où nous attendaient les Sérinya. Ce fut une bataille terrible qui dura plusieurs yours. À un moment, nous avancions, à un autre, nous reculions… Et puis, et puis des forces nouvelles sont arrivées. Toutes les tribus étaient là. Ce fut une immense clameur sur le champ de bataille. Alors les combats ont tourné à notre avantage. Plus nombreux que les Sérinya, nous tenions le fleuve. Leurs renforts ne pouvaient pas traverser. Nous les avons massacrés une ligne après l’autre yusqu’au dernier carré.
De nouveau Kayallin s’arrêta pour se désaltérer. Seul l’oracle semblait ne pas être sensible au récit. Lyanne se demanda s’il le connaissait déjà. Son attention se reposa sur l’orateur quand il reprit la parole.
- Y’ai alors découvert Yourtalin au milieu. Y’ai fait arrêter les combats. Ye leur ai laissé le choix, la vie et l’esclavaye, ou la mort. Ils ont choisi la mort. Nous les avons abattus de loin. Les archers à chaque volée, décimaient les rangs encore debout. Seul Yourtalin restait étranyement indemne. À la fin, il ne resta que lui, blessé mais debout. Aucun archer n’osait le mettre en joue. Alors y’ai dit qu’on devait en appeler à l’oracle. C’est comme cela que nous sommes arrivés ici et que Yourtalin a été yugé.
Ce fut le silence derrière ces paroles. Puis, sur un signe de l’oracle, des musiciens se mirent à jouer un air aux harmoniques étranges. Lyanne en sentit le bercement. Ce fut pour lui, comme la voix d’une mère qui console son petit enfant. Il revit la Ville et Talmab quand elle l’avait accueilli pour son apprentissage. “ Quelle étrange musique !” pensa-t-il. Il regarda les autres qui semblaient eux aussi perdus dans des souvenirs aussi doux que les siens.
Voyvoylin prit la parole d’une voix pleine de cette douceur pour demander à Lyanne de parler de sa quête. Cela fit se renfrogner son père pour qui le mot sonnait comme un enfantillage.
La musique s’était arrêtée sans que personne ne remarque à quel moment. Lyanne regarda tour à tour l’oracle, Kayallin et Voyvoylin. Il ne savait pas trop quoi dire après cela.
- Je cherche ce que je ne sais pas. Ma route ne fait que suivre les signes que j’y découvre sans savoir où ils me conduisent. Votre fille, futur roi Kayallin, me demandait si j’étais prince. Je peux dire que je suis roi. Mon royaume est loin d’ici. J’ai déjà beaucoup voyagé pour atteindre cette île.
- Ye n’ai pas vu votre navire, l’interrompit Kayallin.
- Je suis arrivé sur l’autre versant de la montagne et j’ai fait le tour pour arriver ici. J’ai déjà beaucoup appris. J’attends comme vous la montée au sommet. Aurais-je la réponse ? Ou bien encore une fois aurais-je simplement la direction vers où aller ?
Voyvoylin eut une petite moue charmante devant cette réponse. Elle minauda :
- C’est avec plaiyir que ye ferais cette escalade avec vous !
La soirée s’écoula doucement. Voyvoylin semblait tester ses charmes sur Lyanne sous le regard réprobateur de son père qui ne cachait pas son animosité envers cet étranger.
Quand tout le monde se retira, Lyanne partit vers sa chambre et après avoir renvoyé le serviteur, se coula dehors dans l’ombre. Il allait s’envoler quand il entendit des bruits de pas, furtifs. Se perchant sur une branche basse, il examina la silhouette qui s’avançait en rasant les murs. Il sourit de tous ses crocs en voyant la suivante de Voyvoylin qui cognait à sa porte en l’appelant à voix basse. Il l’entendit dire que sa maîtresse l’invitait mais devant son silence, elle repartit tout aussi discrètement.
Lyanne, déployant ses ailes, prit son envol et plongea vers l’endroit qu’il avait repéré. Les Montagnes Changeantes l’attendaient…

lundi 14 juillet 2014



Le premier matin, les serviteurs de l’oracle regardèrent Lyanne d’un drôle d’œil. Il les vit s’interroger. Il entendit même un bout de conversation entre deux hommes qui n’avaient pas conscience qu’il était dans la pièce d’à côté. Ils s’étonnaient de sa présence. Comment avait-il pu arriver sur l’île ? Son arrivée dans le couloir les avait fait fuir. L’oracle, dont il ne savait toujours pas si c’était un homme ou une femme, avait donné l’ordre de le loger dans une des petites maisons qui bordaient la forêt. De l’autre côté de l’esplanade, il vit un groupe de gens. Il pensa aux occupants du bateau. Il n’eut pas le temps de s’interroger sur ce qu’il allait faire. Quelqu’un lui amena à manger. Il s’installa sur un morceau de tronc coupé qui servait de tabouret pour déguster un brouet fait de soupe de crabes. Cela le fit sourire. En face de lui, il vit les autres invités faire comme lui. Pensaient-ils à l’individu dans le sable ? S’il en avait l’occasion, il pensa qu’il lui serait profitable de savoir l’histoire. Quand il eut terminé, un serviteur s’avança :
- L’oracle m’a demandé d’être à votre service et de répondre à vos questions. Mon nom est Trend.
- Bien, Trend. D’où viennent les gens d’en face ?
- Leur royaume est à des jours de navigation sur une grande terre. Ceux-là ont fui en emmenant un personnage qui était garrotté quand ils ont débarqué. L’oracle les a reçus immédiatement. Je ne suis pas autorisé à écouter ce qui est dit quand l’oracle respire les vapeurs de la terre. Je ne sais pas ses paroles. J’ai entendu leurs cris et j’ai vu leur colère. Ils ont immédiatement emmené le prisonnier sur la plage. Je n’en ai pas vu plus. Mais on m’a dit qu’il avait été enterré dans le sable devant la marée montante. Ceux qui logent sur le devant, m’ont dit qu’il avait hurlé jusqu’à ce que l’eau le recouvre.
- Sais-tu pourquoi cela ?
- Non, invité de l’oracle. Seul notre maître le sait et ceux du bateau.
Puis le serviteur lui fit les honneurs de l’habitation. Lyanne en profita pour se glisser dans la vasque naturelle qui était en bordure de la forêt. L’eau qui y coulait était chaude et cela lui détendit bien les muscles. Il se laissa aller. Il aimait ces moments de pure sensation. Ce flottement lui était plus qu’agréable. C’est dans cet état un peu second qu’il entendit arriver d’autres personnes. Elles marquèrent un temps d’arrêt en le voyant, puis leurs pas reprirent leur progression. Ils les entendit échanger des paroles dans une langue chantante. Quand il ouvrit les yeux, il vit deux jeunes femmes habillées de grandes étoffes chatoyantes.
- Bonjour, dit-il.
- Bonyour, répondit la plus jeune.
Son corps mince était enveloppé d’une étoffe aux reflets verts qui s’harmonisait avec ses yeux. Sa compagne beaucoup plus effarouchée, faisait deux fois sa taille. Son habit tirait sur les bruns. Derrière elles, apparurent des guerriers, grands et élancés, armés de lances. Fermant la marche, un grand gaillard portait un casque de fibres séchées orné de plumes. Il regarda Lyanne semblant soupeser en tant que combattant. Il s’adressa à la jeune femme dans une langue aussi chatoyante que son étoffe. Elle se renfrogna et lui répondit sur un ton sans équivoque. Elle était le maître, pas lui. Cela fit sourire Lyanne. Elle le regarda et lui sourit en retour. Puis d’un geste gracieux, elle dénoua le noeud sur son épaule et dans une superbe nudité, se mit à l’eau. Le chef des gardes aboya des ordres et ses guerriers se mirent en faction autour de la vasque dans laquelle il barbotait. L’autre femme, que Lyanne estima être une suivante, fit de même. Puis sans autre cérémonie, elle entreprit de laver la chevelure de sa maîtresse.
- Yous êtes là depuye longtemps ? demanda la jeune femme.
- Je suis arrivé après vous, répondit Lyanne en se redressant.
Son mouvement provoqua une réaction des guerriers qui se mirent en garde.
- Myinda trouve que you êtes danyereux.
- Il a raison. Je suis un être dangereux.
- Ye ne vous ressens pas comme ça. Ye me trompe yamais.
- Vous avez raison aussi. Je suis sans violence envers vous. Vous êtes une belle inconnue.
- Ye suis Voyvoylin, fille de Kayallin et nièce de Yourtalin qui fut yugé et puni.
- L’homme de la plage est… était votre oncle.
- Oui, mon père l’a amené pour le yuyement de l’oracle et l’oracle l’a yuyé mauvais. Il a subi le sort des mauvais.
- Votre peuple aime la justice.
- La yustice est nécessaire, sinon c’est la guerre.
Elle se tourna brutalement vers sa suivante et lui dit d’un ton sec, une phrase qui la fit rougir. Lyanne en profita pour sortir de l’eau.
- Princesse Voyvoylin, nous aurons sûrement l’occasion de nous revoir. Que le jour vous soit favorable.
Lyanne se retourna mais pas assez vite pour ne pas voir la déception qui traversait le visage de la princesse. Il décida de s’enfoncer dans la jungle derrière. Il n’avait pas fait plus de dix pas que Vimes le rattrapa.
- Il ne faut pas, invité de l’oracle !
- Quoi ? demanda Lyanne.
- Il ne faut pas s’enfoncer dans la jungle sans guide ni armes. Il existe trop de mauvaises choses.
- Sois sans crainte, serviteur de l’oracle, toutes ces mauvaises choses m’éviteront.
Devant un tel aplomb, Vimes en resta interdit. Lyanne en profita pour s’éloigner. La végétation était dense et rapidement, il ne vit plus ni les gens ni les bâtiments. Les sens en alerte, il progressa jusqu’à tomber sur une piste. Le soleil était haut dans le ciel. Il s’arrêta au bord. La visibilité était très réduite. D’un côté comme de l’autre, des virages bloquaient toute visibilité. Il examina le sol. Il en déduisit que la pente allait descendant vers sa gauche. Il prit à droite. Bien qu’étroite, la piste était bien marquée. Il monta ainsi un moment sans rencontrer personne. Il trouva la marche monotone. La végétation de part et d’autre était tellement dense qu’il ne voyait rien. Il avait l’impression de marcher dans un couloir dont le ciel serait le plafond. Quand il ressentit la faim, il décida de prendre son envol. Il se retrouva bientôt au-dessus de la forêt. Battant des ailes, il se dirigea vers la mer. Les quelques heures de marche qu’il avait faites, l’avait éloigné de la maison de l’oracle et l’avait rapproché de la montagne fumante. Son instinct lui disait qu’il lui faudrait aller au sommet. Il pensa qu’il était préférable de suivre ce que lui avait dit l’oracle. Inclinant ses ailes, il vira vers la mer. Il monta plus haut dans le ciel jusqu’à être au niveau du sommet. De nouveau, il entraperçut cette silhouette qui l’intriguait. Pourtant son attention fut attiré par une forme au loin. Il battit des ailes pour s’en rapprocher, survolant la mer et ses nuages bas. Il repéra le bateau et comprit pourquoi son oeil avait été attiré. Sa voile était rouge. Le vent bien établi, le poussait à une bonne allure. Lyanne pensa encore une fois aux paroles de l’oracle. Il faudrait bien deux jours pour que ce bateau arrive sur l’île. Cela le rendit joyeux. Voulant éviter de se faire remarquer, il s’éloigna, cherchant dans l’eau une forme allongée caractéristique de ces poissons goûteux qui lui plaisaient bien.
C’est rassasié qu’il retourna vers l’île. Jetant un dernier coup d’oeil en arrière, il remarqua d’autres voiles, rouges elles aussi. Les évènements allaient devenir intéressants. Il atterrit sur la piste près de l’endroit d’où il avait décollé. Reprenant la marche, il se mit à descendre vers les habitations.
Il arriva à la nuit tombée. Sa maison était ouverte, sur le banc, un plateau avec des victuailles et à côté, Trend qui l’attendait.
- Vimes a été inquiet de vous voir partir ainsi, invité de l’oracle, mais notre maître l’a rassuré. Selon lui, vous ne risquiez rien tant que les bateaux ne sont pas là. Demain, il y aura un repas donné quand le soleil sera au zénith. Notre maître vous invite. Il m’a dit de préciser que le prince Kayallin et sa fille serait avec vous.
- Bien, dis à ton maître que je serai présent. Maintenant, serviteur de l’oracle, tu peux te retirer. Je peux me débrouiller seul.
Trend le salua et à reculons, partit vers le grand bâtiment. Lyanne mangea un peu tout en se demandant ce que voulait l’oracle avec cette rencontre. Se retirant dans le noir de sa chambre, il prit son bâton de pouvoir et entra en contact avec les siens.

jeudi 3 juillet 2014

ERREUR

J'ai fait une erreur dans l'ordre des parutions...
Je rectifie en ajoutant celle qui manque et en corrigeant les dates

 

Lyanne se chauffait au soleil. Allongé sur le dos, il laissait la chaleur l’envahir. Le soleil au zénith lui intima de baisser les paupières. Doucement, il se laissa aller. Se retrouver homme lui était agréable surtout sous cette lumière qui irradiait. Il avait chassé la nuit dernière. Les poissons gris argent qu’il affectionnait, venaient plus souvent à la surface la nuit. Il laissa ses pensées aller sur tout ce qu’il avait déjà traversé pour se retrouver sur cette île où vivait un peuple perdu. Où était le signe pour continuer sa quête ?
La variation de lumière lui fit ouvrir les yeux. Un lourd nuage noir passait devant le soleil. Il réalisa que c’était de la fumée. Bientôt l’odeur fut sur lui, une odeur âcre et lourde. Il se leva, s’approchant du bord de la corniche. En bas, au bord de l’eau, brûlait un grand feu. Il fut étonné que le peuple aux yeux noirs fit un tel brasier. Le bois était rare. Ils récupéraient le bois flotté qu’ils utilisaient avec parcimonie. Que devaient-ils ainsi consumer pour faire un tel feu ? Une longue file se dirigeait vers le foyer, y jetait du combustible et repartait. Vu d’en haut, cela faisait comme une flèche tracée sur le sol. Il suivit du regard la direction ainsi donnée. Au loin, très loin, il sentit comme l’idée d’une présence. Il eut un sourire. Son cœur battit plus vite. Après tous ces jours passés, bloqué ici, un chemin se présentait à lui. Il prit conscience de son erreur. En voulant ne pas effrayer T’mag et les siens, il s’était enfermé dans une seule de ses natures. Il n’avait pu sentir ce qui, ici, lui semblait évident. Il plissa les yeux en reportant son regard vers la longue file près du feu. Les silhouettes étaient grandes comme des fourmis et il ne distinguait pas ce qu’il mettait dans le feu. Il voyait seulement la combustion brutale et la fumée noire qui s’élevait. Son esprit déjà tourné vers autre chose, il décida de partir sans plus de cérémonie. En redevenant dragon pour prendre son envol, il eut une pensée pour T’mag. Peut-être l’enfant pourrait faire autre chose que ses parents. Il en avait le potentiel, en aurait-il l’audace ? Il donna un grand coup d’ailes pour s’élancer et se laissa aller dans la pente avant de reprendre de l’altitude. Sous cette forme, sa vision était beaucoup plus précise. Tout en battant des ailes pour maintenir sa vitesse, il regarda une dernière fois le peuple aux yeux noirs. Il fut étonné de ce qu’il vit. La longue file qui attendait avant le feu n’était pas passive. Celui qui suivait rasait la tête de celui qui précédait. Le plus proche du feu jetait ainsi sa chevelure en offrande dans le feu puis repartait tout en psalmodiant. Lyanne ne pouvait pas comprendre cette folie. Où s’arrêteraient-ils ? Il chassa l’idée de son esprit pendant qu’il vérifiait son cap. Son avenir était là-bas.
Il lui fallut deux jours de vol avec un vent de travers pour apercevoir quelque chose. Ce fut étonnant pour lui de voler aussi longtemps en allant presque comme les crabes. Au loin fumait une montagne. Il pensa être revenu près de îles Waschou. En s’approchant, il vit des différences. Il avait atteint un autre lieu, à un autre endroit. Il pensa que les volcans étaient beaucoup plus nombreux qu’il ne le pensait. C’était une grande île avec un cône de belle taille. Il avait dû connaître de nombreuses éruptions car son flanc était entaillé et à ses pieds s’élevait une forêt lui donnant de loin un aspect vert et noir. Le soleil était encore haut dans le ciel quand il approcha. Il décida de faire le tour pour chercher un endroit pour se poser. Il fit deux fois le tour de l’île avant de repérer la construction sous les frondaisons. Il ne vit pas âme qui vive. Il décida de se poser sur un piton rocheux plus haut et de descendre à pied pour se rapprocher de ceux qui habitaient là, si toutefois quelqu’un y habitait. Il longea la pente. En passant à côté de la déchirure dans le cône, il crut voir une silhouette qui le fit sursauter. Son imagination devait lui jouer des tours. Il ne sentait pas de présence. Les roches noires pouvait prendre des formes bizarres. Pourtant, il sut qu’il viendrait voir ce qu’il avait seulement aperçu.
Il termina par un vol plané et se posa en cabrant brusquement ses ailes pour casser ce qui lui restait de vitesse.
La pierre était tiède, incontestablement tiède. Le feu de la terre devait être proche. La dalle surplombait la forêt. Il chercha un chemin pour descendre. Des pierres s’étalaient en pente douce. En sautant de l’une à l’autre, il descendit jusqu’au sol, au pied des grands arbres. Il continua à suivre la pente. La végétation était dense. Il décida de suivre la ligne de pente. Un fond de ruisseau lui servit de fil conducteur. Il atteignit le bord de la mer à la nuit tombée. La bâtisse devait être plus loin sur la droite. La soirée était douce. Le mieux était de se reposer là et de repartir le lendemain. Avec son couteau, il se coupa des branchages aux grandes feuilles pour s’en faire une litière. Il manipulait avec de grands gestes quand un serpent en tomba. Se dressant de toute sa hauteur, le reptile siffla. Lyanne le regarda et lui parla doucement :
- Je sais bien que je te dérange. Va en paix. Ton chemin est dans les arbres et le mien sur la plage.
Ils se regardèrent un moment sans bouger. Ce fut le serpent qui se remit en mouvement le premier. Il commença par se laisser aller au sol sans quitter des yeux Lyanne qui ne bougeait pas. Sans se presser le reptile retourna vers la forêt. Quand il eut disparu dans la végétation, Lyanne termina son couchage. Il ne vit pas d’autres menaces. Il laissa ses muscles endolori par le vol se reposer tout en regardant le soleil se coucher. Les pourpres du ciel le disputèrent un moment avec les bleus profonds de la nuit, puis les étoiles régnèrent en maître sur le paysage. C’est alors que commencèrent les bruits et les mouvements. Émergeant du sable des crabes par milliers se mirent en mouvement. Derrière lui, la forêt s’anima aussi. Entre les cris et les mouvements des branchages, c’est toute une vie qui se faisait entendre. Lyanne en fut étonné. Pendant sa traversée, s’il avait entendu des oiseaux, il n’avait pas remarqué autant d’être vivants. Si certains cris lui semblèrent familiers, la plupart lui étaient étrangers. Il devinait tout un monde de chasses, de fuites, de luttes. Il laissa son esprit vagabonder sur ce paradoxe de ces morts qui permettaient à d’autres de vivre.
Quand l’aube arriva, il vit les crabes s’enfoncer sous le sable de la plage. Il remarqua que toutes les bêtes avaient évité la proximité de son couchage. Cela le fit sourire. Il se mit en marche en suivant le bord de l’eau. Tout, autour de lui, semblait paisible. Même le ruissellement, pourtant sonore, semblait se fondre avec la sérénité du lieu. Lyanne en sentit toute l’ambivalence. Les nuits étaient fureur quand les jours étaient paradisiaques. Il profita du soleil pour avancer plus vite. Régulièrement il pataugeait pour traverser un ruisseau qui venait se jeter dans la mer. Le sable crissait sous ses pas le reste du temps. Le chant des oiseaux l’accompagnait même s’il ne les voyait pas. Il marchait depuis le matin quand il aperçut une voile au loin. Le vent bien établi, le faisait avancer rapidement. Lyanne le regardait se diriger vers la berge plus loin. Il pensa qu’il allait vers l’habitation qu’il avait vue depuis le ciel. Il reprit sa marche. Il estima qu’il arriverait là-bas au coucher du soleil.
Plus tard, il vit disparaître le bateau derrière un cap de roches noires qu’il atteignit alors que le soleil commençait à être bas sur l’horizon. Il fut heureux de sentir sous ses pieds quelque chose de plus dur que le sable. Il reconnut les mêmes roches que celles qui étaient sorties en feu lors de l’éruption. Refroidies depuis longtemps, elles se perdaient en mer. Il se mit à marcher en évitant les arêtes les plus coupantes. Il repéra le bateau au loin qui balançait doucement à quelques encablures du rivage. Il peina à avancer puisqu’il devait regarder où il mettait les pieds pour éviter de se faire mal. Le soleil bientôt arriva sur l’horizon plongeant dans la mer dans un superbe flamboiement. La nuit allait être belle. Il continua son chemin, il ne devait plus être très loin de son but. La lune se leva éclairant d’une lumière pâle ces roches sombres. De petites plages de sable aussi noir que les roches entrecoupaient les coulées qui faisaient comme autant de monticules sur son chemin. Il ne découvrait la suite de son parcours qu’à chaque sommet, découvrant une nouvelle difficulté ou une nouvelle plage. Les crabes commençaient à sortir. Son arrivée sur leur territoire mettait la panique dans le peuple des crustacés. C’est à celui qui fuirait le plus vite.
Au milieu de la nuit, il gravit une dernière coulée de lave, découvrant une plage au sable plus clair et un peu au large, le bateau à l’ancre. La plage était couverte de crabes comme les autres. La mer s’était retirée avec la marée, laissant un espace plus vaste. Quelque chose attirait les crabes qui semblaient former un monticule. Cela l'intrigua. Il se dirigea vers ce phénomène curieux. De nouveau sa présence les fit fuir. Un peu plus loin, il découvrit les bâtiments de pierre claire se détachant sur le vert de la végétation. Aucune lumière n’en émanait. Tout le monde devait dormir. Il reporta son attention sur la plage. Les crabes s’écartaient aussi vite qu’ils pouvaient de son chemin. Quand il arriva près de l’entassement de carapaces, ils mirent du temps à laisser la place, refusant de quitter l’endroit. Lyanne s’approcha pour découvrir ce qui les retenait là. Il sursauta et se pencha pour regarder de plus près. Dépassant du sable, il ne vit que le crâne presque complètement nettoyé par les crabes. Ils avaient même commencé à s’enfoncer plus profond. Il comprit mieux la réticence des crustacés à quitter ce lieu de nourriture. Il se releva. 
Il regarda à nouveau vers les bâtiments, s’interrogeant sur ce qui s’était passé. Il se remit en marche vers le littoral. Il atteignit la partie sèche de la plage. Il détailla les constructions qu’il découvrait plus en détail. Un long bâtiment bas se dressait le long de la plage. Au bout, une jetée s’enfonçait dans la mer. Plus loin, le bateau se balançait mollement. Une légère lueur clignotait le long d’un mât. Cela évoqua une lanterne oscillant au rythme des vagues. Lyanne s’avança en contournant le bâtiment. D’autres maisons plus petites s’étalaient sous les arbres derrière. Au milieu, il découvrit une esplanade couverte entourée de colonnes en bois. Il se dirigea vers cette construction. Une vasque en occupait le centre. En approchant, il vit des vapeurs qui s’en échappaient. Il se pencha pour mieux les sentir. Il plissa le nez. Cela sentait le feu et la terre brûlante. Il se releva.
- Que faites-vous ici, dit une voix dans son dos ? Vous n'étiez pas sur le bateau.
Lyanne se retourna vers l’origine de la voix. Il découvrit une petite silhouette assise dans le noir.
- Je suis venu par la plage, répondit-il.
- Alors vous avez vu.
- Pourquoi un tel sort ?
- Il était le passé.
Lyanne lui jeta un regard d’incompréhension.
- Qui est là ? demanda une voix grave.
- Moi, répondit la petite silhouette.
Un grand homme, large d’épaule, à la peau presque noire, s’approcha. Dans sa main, il tenait un solide gourdin.
- Vous n’êtes pas seule, ô oracle.
- Non, Vimes, je suis avec celui qui voit dans le noir. Tu peux continuer, il n’y a pas de danger ici.
Vimes s’inclina et se fondant dans les ombres des bâtiments faiblement éclairés par la lune, il reprit sa ronde.
- Parfois des animaux s’approchent trop près des maisons. Vimes les écarte.
Lyanne détailla mieux la silhouette quand elle se mit debout. L’aspect ne le renseigna pas plus que la voix, homme ou femme ? Il ressentait un être double.
- Vous me regardez et vous vous interrogez. Il est préférable d’ignorer ce que je suis vraiment. Personne n’arrive là où je suis, sans avoir traversé d’épreuves. Quand les gens du bateau m’ont demandé un oracle, j’ai senti que vous arriveriez bientôt. La respiration de la terre ne ment jamais. Un être de puissance était en chemin et vous arrivez.
- Je suis un simple voyageur en quête…
- Arrivant par la plage sans peur des myriades de crabes qui dévorent tout ce qu’ils trouvent.
Lyanne eut un sourire.
- Tous viennent me trouver pour trouver les réponses qu’ils ont déjà en eux. Les vapeurs de la terre me donnent la clairvoyance nécessaire. Votre arrivée est pourtant entourée de mystère.
- J’ai vu la montagne qui fume là-haut et comme une grande silhouette.
- Vous avez bien vu. Il fut un temps, très long, où l’oracle de la montagne siégeait sur le sommet de la montagne. C’était un grand être, grand comme une colline et sage comme la terre. A sa mort, le feu de la terre l’a transformé en pierre. Il avait formé le premier oracle humain. Là-haut est le grand sanctuaire. Les mystères y sont nombreux et les forces puissantes. Rares maintenant sont ceux qui s’y osent. La montagne est dangereuse pour les présomptueux.
- Mon désir me pousse à y aller, oracle.
- J’ai vu cela. Quand le soleil se sera levé trois fois, arriveront les bateaux. Alors viendra pour vous le temps d’escalader la montagne.