dimanche 28 février 2016

Les mondes noirs : 30

Karabval observait encore une fois le temple. Cela faisait des jours que tous les soirs, il venait sur ce haut mur pour regarder la masse imposante du temple et de ses dépendances. Les goulques et les gardiens suffisaient à décourager tout le monde. Il n'était pas tout le monde. C'est ce qu'il se répétait pour s'encourager. Apprendre que Touasmi avait réussi était aussi un puissant stimulant. Comme tous les soirs, il vit arriver le vieux prêtre. Il ne savait ni son nom ni son rang. Il le voyait sortir quand le soleil était bas sur l'horizon et rentrer une fois la nuit tombée. Le vieil homme montait la pente qui menait à la petite porte latérale, celle que personne n'utilisait à part lui, quand il glissa. Répondant à une intuition, karabval se précipita pour l'aider. Le vieil homme se laissa aider. Karabval se posa un instant la question de savoir s'il agissait bien. Le vieux prêtre, avec une force qui étonna le jeune mâle, lui prit le bras en disant d'une voix éraillée :
- Viens, entrons !
La peur s'insinua dans l'esprit de Karabval. Il sentit le piège. Avant qu'il puisse se dégager, un gardien et une goulque apparurent non loin. Le vieux prêtre fit un signe au gardien qui s'inclina et s'éloigna. Karabval vit la goulque renifler son odeur. Elle gronda sourdement avant de suivre son gardien.
 - Parfois, ils en font trop, commenta le vieux prêtre.
Ils passèrent la porte, bras dessus, bras dessous. Un gardien ouvrit et ferma sans rien dire. Toujours fermement entraîné par le vieil homme dont il sentait la force, Karabval ne savait quoi penser. Il mémorisa les couloirs, comme il mémorisait tous ses trajets, sans y faire attention. Ils marchèrent ainsi un moment croisant différentes personnes qui tous s'arrêtèrent pour saluer le vieux prêtre. Karabval s'inquiétait de plus en plus. Il devait être maintenant au

ur du temple, à la merci de quelqu'un dont il ne comprenait pas les intentions.
- Entre, lui dit le vieux prêtre en soulevant une tenture.
Karabval entra d'autant plus vite qu'il entendit le glapissement d'une goulque non loin de là. Il y faisait complètement noir. Derrière lui, le vieux prêtre laissa retomber le lourd tissu, supprimant le peu de lumière. Karabval avait entraperçu quelques étagères couvertes d'objets qu'il n'avait pas eu le temps d'identifier.
- Dès le deuxième jour, les goulques avaient repéré ta présence. Tu as de la chance que je t'aie attendu.
Karabval fut étonné de ces paroles.
- Vous m'avez attendu ?
- Crois-tu que ton mentor soit le premier à envoyer ses jeunes mâles chez les autres ?
Karabval n'avait jamais pensé à cela.
- Alors je ne suis pas le premier.
Cela fit rire le prêtre. Dans le noir, cela avait un côté angoissant.
 - Que sont devenus les autres ?
 - Certains ont rencontré les goulques avant moi, d'autres n'ont pas survécu à l'épreuve...
- L'épreuve ?
- Oui, celle que tu vas passer, ricana le vieux prêtre.
- Et si je refuse, dit Karabval en dégageant son épée.
Seul un rire qui s'éloignait lui répondit. Il resta un moment immobile, essayant de repérer où était l'entrée. Il fit un pas dans la direction qu'il estimait la bonne. Il se heurta à un obstacle bas, faisant un bruit de frottement qui le fit s'immobiliser. Il écouta longuement. Les sons étaient lointains. Le temple bruissait. Personne ne semblait réagir au boucan qu'il avait fait. Il utilisa son épée pour tâter le terrain devant lui. Il pensa qu'il fallait qu'il trouve un mur. Une fois au contact de la paroi, il arriverait à trouver la sortie. Là ce serait une autre histoire. "Mais une chose à la fois ! " pensa-t-il. D'obstacle en obstacle, il avança. Il toucha enfin un mur. Vint la question de la direction. Il tata son amulette comme si elle pouvait l'aider. Il allait prendre à gauche quand un bruit le fit sursauter. Cela lui évoqua le raclement d'une griffe sur le sol. Il prit à droite pour s'en éloigner. Une main sur le mur et l'épée dans l'autre, il avança plus vite. Le noir était toujours aussi profond. Ses pas, qu'il essayait de faire aussi discrets que possible, lui semblaient aussi bruyants que les tambours lors des fêtes. Bientôt il eut l'impression de marcher dans un couloir. Il connut la peur. Les paroles du vieux prêtre lui revinrent à la mémoire. Allait-il survivre à l'épreuve ?
Maintenant il touchait les deux bords du tunnel qui continuait à se rétrécir. Il en était à marcher en crabe quand il arriva dans une pièce. Il prit d'un côté, touchant encore le mur. Il fit un pas, puis deux. Son pied heurta une masse souple qui se mit à gronder. Karabval fit un bond sur le côté. Une goulque !
   - Je serais toi, je n'énerverai pas Ruegos. Il a beau être vieux comme moi, il a encore les crocs solides.
La voix éraillée du vieux prêtre le fit sursauter. Karabval entendit le choc des silex et vit les étincelles à quelques distances de lui. Un brasero se mit à jeter quelques lumières. Il était dans une grande pièce au plafond bas. Deux piliers la séparaient. Il se retourna. Une goulque mâle au poil blanchi se tenait dans un renfoncement de la paroi. Bien que son mufle soit posé sur ses pattes avant, il ne quittait pas Karabval des yeux. Près du brasero se tenait le vieux prêtre.
- Si tu es là, c'est que tu as choisi l'épreuve.
- Ai-je le choix ?
- Oui, tu peux préférer discuter avec Ruegos.
Katabval haussa les épaules. Il rengaina son épée.
- Que dois-je faire ?
- Toi, presque rien. Simplement, je vais faire une cérémonie.
- Je veux en savoir plus.
Le vieux prêtre resta un moment immobile. Il réfléchissait. Ruegos eut un glapissement doux.
- Oui, je sais. Tu as sûrement raison, dit le vieil homme à la goulque.
Il se tourna vers Karabval.
- Tu as de la chance. Mon temps est compté. Je vais t'expliquer ce que j'attends de toi.
Le vieux prêtre s'assit sur un tabouret. Il commença son récit. Il était l'ancien grand prêtre. Il avait été évincé par le parti du nouveau grand prêtre. Depuis il voulait se venger. Il avait mis des années à préparer ce qu'il allait faire. Puis il avait attendu des années avant de pouvoir sortir comme il sortait. Le nouveau grand prêtre, cet imposteur se battait maintenant avec ses anciens alliés. Dans le temple, il existait plusieurs factions soutenues par différents clans. Le clan bleu était plutôt de son côté à son époque. Il avait déjà utilisé d'autres jeunes mâles d'autres clans, comme le orange ou le rouge, sans qu'ils survivent. Aujourd'hui les augures étaient favorables, et Karabval était du clan bleu. Le vieux prêtre ne cherchait pas à tuer mais voulait que sa vengeance s'accomplisse.
- Quelle vengeance cherches-tu ?
- Que le pouvoir leur échappe et que cela les détruise comme je l'ai vécu et même pire.
- Quel est mon rôle dans ton plan ?
- Tu seras celui par qui les choses arriveront.



Le souvenir de la cérémonie le réveilla. Il souffla bruyamment. Le cauchemar était récurrent. Ce souvenir était le pire de sa jeunesse. Il avait tellement souffert. Le vieux prêtre l'avait attaché sur une pierre. Karabval s'en rappelait comme si les événements étaient arrivés hier. Il se souvenait du contact de la pierre froide sur sa peau nue. La goulque s'était enfoncée dans son recoin en émettant de petits glapissements craintifs quand le vieil homme avait jeté des herbes sur les braises. Une fumée dense et plutôt âcre avait envahi la pièce. Karabval toussa un moment et puis commença à se sentir nauséeux. Quand son estomac se mit à se révulser, il tira sur ses liens sans pouvoir bouger. Même sa tête était entravée. Le prêtre, sans s'occuper de ce qu'il vivait, dessina sur son corps. Karabval ne pouvait voir. Il en sentait toute la sinuosité. Le doigt parcourait son corps suivant un trajet anguleux. Il perdit la notion du temps. Bientôt il eut la sensation qu'on le brûlait. Partout où était passé le doigt du prêtre, sa peau semblait cuire. La douleur devint intense. Le prêtre chantait et karabval criait, puis il hurla. Tout semblait se confondre dans un brouillard orangé, pulsant des ondes douloureuses dans tout le corps. Enfin tout devint noir…

- Oui, Ruegos, il a l'air d'avoir survécu. Oui, je sais, c'est le premier.
Telles furent les premières paroles dont se souvenait Karabval. Son corps était comme une plaie à vif. Sans y penser, il essaya de bouger. Il était libre. Quand il s'assit, ce fut pire. La douleur augmenta au-delà de l'imaginable. Il retomba en arrière.
- Reste tranquille ! Prends ton temps.
Karabval fit un nouvel essai. La tête lui tournait, il avait envie de vomir et souffrait comme il pensait impossible de souffrir. Il vit le vieux prêtre assis non loin, caressant la goulque. Il semblait avoir vieilli énormément. Ses traits étaient creusés. Ses yeux enfoncés dans les orbites, au point de le faire ressembler à un vautour au souffle court.
- Qu'avez-vous fait ? susurra-t-il dans un effort.
Le vieillard leva la tête. Il regarda Karabval un moment et articula d'une voix fatiguée :
- Je ne sais pas... je croyais savoir mais là, je ne sais plus.
Karabval voulut bouger. Un voile noir lui ferma les yeux.

Il était resté inconscient un moment avant de se réveiller à nouveau. La douleur avait diminué. Il était de nouveau couché sur la table en pierre. Il se bougea avec précaution. Le vieux prêtre était là, la tête posée sur son énorme bête. Les deux monstres semblaient dormir. Quelques braises donnaient encore une lueur rougeoyante dans la pièce. Le froid l’avait réveillé. Il resta assis un moment sans bouger. La douleur était encore violente. Toutes les traces de peinture étaient des brûlures à vif. La peau avait disparu. Karabval attendit que les vertiges cessent avant de se mettre debout. Il ne pouvait pas rester là. Il fallait qu’il retourne au château de son clan. Le vieux prêtre allait devoir l’aider. Quant à sa vengeance, il pouvait se la mettre où il voulait.
Une fois debout, il dut encore attendre un bon moment avant de pouvoir bouger. D’appui en appui, de table en mur, il progressa. Il dut s’arrêter une ou deux fois pour vomir et autant pour s’asseoir. C’est dans la nuit quasi complète qu’il arriva près du vieux prêtre. La souffrance le rendait insensible à la peur. Son esprit émergeait avec peine du brouillard de douleur. La présence de la goulque était un détail. Sa seule pensée était "rentrer" et le prêtre devait le conduire. Il se reposa à nouveau avant de pouvoir faire les derniers pas qui le séparaient de son but.  Quand les battements diminuèrent dans son crâne, il s’appuya sur la paroi pour s’aider à avancer. Le vieil homme était toujours immobile. Karabval trébucha sur une irrégularité du sol. Il ne put se retenir. Son pied frappa le sol avec violence lui arrachant un cri. Il tomba en avant droit sur le mufle de la goulque. Les cornes lui enfoncèrent les côtes. Le souffle coupé, il se retrouva à terre incapable de bouger. Il eut de nouveau un moment d’inconscience. À son réveil, il avait soif. Péniblement, il se mit à quatre pattes. Le prêtre et sa goulque étaient là, à deux pas. Il les fit se remettre debout.
- Il faut me ramener chez moi, murmura-t-il.
Cela n’eut aucun effet. Karabval le secoua. Le vieil homme tomba, il était froid. Karabval jura. Il mit sa main devant le mufle de la goulque. Il ne sentit aucune respiration. Il jura à nouveau. Alors c’était vrai, quand une goulque mourait, son maître mourait avec… ou le contraire. Karabval ne savait plus bien. Il s’adossa à la bête et de nouveau se sentit glisser dans l'inconscience. Il vécut plusieurs épisodes de réveils et d’endormissements successifs. La soif se fit plus présente à chaque fois.
À son nouveau réveil, son corps réclamait de l’eau. Il tâta le corps raide du prêtre, trouva la petite gourde qu’il portait à la ceinture et la vida d’un trait. Un peu plus lucide, il fit le point. Il était au milieu du temple dans une pièce, ne connaissant pas les lieux et sans lumière. Il manquait d’eau, de vivres. Son corps était une plaie et il était nu. Il pensa que cela ne pouvait pas être pire. Il se mit à rire quand la pensée de Gambayou lui revint. Il ne fallait pas qu’il oublie de ramener quelque chose pour prouver qu’il avait réussi sa mission. Cette pensée lui donna le fou rire. Il fallait qu’il ramène un souvenir pour le mentor ! Quand il se calma, toujours secoué de hoquets de rire, il pensa à ses habits et à ses armes. Le tas qu’il en avait fait ne devait pas être très loin. Évitant de se mettre debout, c’est à quatre pattes en explorant le sol devant lui qu’il se mit en mouvement. Il trouva ses affaires là où il pensait qu’elles étaient. Il en fut heureux. Il se rhabilla. Toujours à quatre pattes, il repartit vers la goulque et son maître mort. Il se retrouva contre la paroi et dut chercher un peu pour sentir les poils de la bête. L’idée lui traversa l’esprit d’en prendre quelques uns et de les mettre dans son sac à amulettes. Les poils de goulque avaient la réputation de faire de bonnes amulettes de protection. Il bougeait doucement. La douleur était toujours importante. En évoluant avec lenteur, il avait moins mal. Il lui fallait de la lumière. Il fouilla les poches du prêtre cherchant un briquet. Il trouva une gourde. En la secouant, il entendit qu’elle contenait encore du liquide. Prudent, il l’accrocha à sa ceinture. Il continua sa recherche. Il trouva ce dont il avait besoin dans un sac posé près du corps. Il battit le briquet, faisant naître une petite flamme bleutée. Il se dirigea vers le brasero et bientôt il eut une lumière suffisante pour voir ce qui était dans la pièce. Il trouva de l’eau dans un bassin. Il but beaucoup, tellement il était assoiffé. Puis il s’assit. Il se sentait épuisé au moindre effort. De nouveau il dormit. Quand il se réveilla, le brasero ne contenait presque plus de bois. Il en rajouta. Il se posa la question du temps passé et comment sortir. Au clan bleu, il devait le croire mort. Il eut un petit rire. Il était là enfermé dans une pièce avec une goulque et un prêtre mort. Entre lui et son clan, il y avait tout le temple et ses gardiens. Il peinait à voir comment il allait en sortir.
Un raclement de pied se fit entendre. Karabval se dépêcha de se lover dans le recoin le plus sombre derrière la goulque. Un homme entra en portant un plateau. Il se dirigea vers une petite alvéole dans le mur opposé. Il tâta la paroi et posa son fardeau. Quand il se retourna, Karabval vit ses yeux blancs. Un aveugle ! L’homme sembla écouter quelque chose. Karabval retint sa respiration. Cela dura quelques secondes, puis le serviteur repartit aussi silencieusement qu’il était  venu. Karabval attendit un moment avant de sortir de son abri. Comme tout semblait calme, il se dirigea vers le mur opposé. Le serviteur avait déposé des vivres. Karabval se jeta dessus. Plus il mangeait et plus il prenait conscience de sa faim.
De nouveau, la fatigue le submergea. Il trouva un coin près de la goulque avec une couverture. Il s’y lova. À son réveil, il allait mieux. La douleur était importante. Malgré cela, il bougeait mieux. Certains mouvements lui étaient interdits. Les croûtes, qui parsemaient son corps, craquaient s’il les faisait. Il explora un mieux la pièce. Des tentures cachaient des alcôves dans lesquelles était entassé tout un fatras de vases, coupes et autres objets de cérémonie. Karabval en manipula quelques uns. En retournant une urne, des amulettes tombèrent. En en ramassant une, elle était lourde dans la main. Cela l’étonna pour une aussi petite chose. Il la regarda. Elle était cousue. Il essaya de savoir ce que le sachet de cuir contenait en le triturant sans y arriver. Elle avait un cordon. Il la passa autour de son cou. Il la trouva étonnamment légère. La reprenant en main, il fut étonné de retrouver cette sensation de poids. Il associa à sa découverte l’idée de la puissance. Il fit les gestes d’appropriation qu’on lui avait appris et la remit autour de son cou.
Explorant une autre alcôve, il découvrit des offrandes. Une d’elles était au couleur de son clan. C’était une poupée habillée comme la dame du clan. Cela le fit sourire. Voilà ce qu’il allait rapporter. Il l’enveloppa dans un tissu et la glissa entre sa peau et sa tunique avec d’infinies précautions. Il ne voulait pas réveiller la douleur.
Une autre tenture occultait un couloir. En la soulevant, il avait eu la sensation d’un air plus frais. Aucune lumière n’éclairait ce couloir. Il s’y engagea en espérant que c’était le couloir qu’il avait emprunté pour venir. Il avança à tâtons mais sans trébucher car le sol était lisse. Il jura intérieurement. Ce n’était pas le bon couloir. Il fit demi-tour. Alors qu’il allait soulever la tenture, il entendit :
-  Le vieux est mort ! Va prévenir le grand prêtre !
Il y eut un bruit de pas et de griffes raclant le sol. Rapidement Karabval s’enfonça dans le sombre couloir. La nuit et l’incertitude étaient préférables aux goulques. Il avança rapidement et silencieusement. Il se heurta à la paroi quand le boyau fit un coude. Il jura à mi-voix. La lumière brusquement augmenta. Le gardien qui était resté dans la pièce avec le cadavre, cria à sa goulque :
- T’as entendu quelque chose, ma grosse ? Allez va voir !
Karabval ne hurla pas de terreur mais se mit à courir. C’était complètement irrationnel. Une goulque court tellement vite. Il n’avait pas fait cinq pas qu’il s’écrasait sur la paroi dans un nouveau tournant. Il se fit très mal. L’esprit complètement embrumé par la douleur, il se retourna juste à temps pour se retrouver face au mufle d’une goulque. Karabval se colla le dos au mur, trop douloureux pour avoir peur. Il sentait l’horrible odeur de la gueule à quelques centimètres de son visage. Elle le renifla. Le sourd grondement d’alerte se transforma en une sorte de petit glapissement joyeux quand les naseaux de la bête se furent approchés de sa nouvelle amulette. La goulque qui ne pouvait faire demi-tour dans cet étroit couloir repartit en marche arrière négociant difficilement le tournant. Karabaval en profita pour s’éloigner, plié en deux par la douleur qui le taraudait. Il marchait lentement une main en avant. Il évita ainsi d’autres surprises. Ce couloir accumulait les virages à angle droit. Il passa devant quelques embranchements sans s’arrêter. Il ne savait pas où il allait quand il entendit la rumeur. Ce fut comme un bruissement fluctuant prenant de l’ampleur à chaque pas. Dans sa mémoire, surgirent des images de cérémonies. Il se heurta à une tenture. Elle était lourde et épaisse. Il la souleva. Elle sentait la poussière. Il se retrouva dans une petite pièce à l’air stagnant. D’autres tapis étaient suspendus au mur. Une vague lumière venait d’en haut. Il souleva une des tapisseries, derrière, un tissu léger bougea. Il s’approcha doucement. L’écartant, il jeta un coup d’œil. Il referma bien vite en découvrant la grande salle du temple. Un office avait lieu. Il retourna dans la petite pièce. Il prit une autre issue. Il trouva un escalier derrière le tapis. Les marches étaient hautes. À chacun de ses pas, il sentait sa peau lui faire mal. Les croûtes tiraient, se détachaient, saignaient. Ses vêtements, poisseux de sang, collaient.
Heureusement cela ne dura pas. Il trouva une nouvelle tenture. Il la poussa avec précaution. Il était sur un petit balcon. Il entendait les chants de l’assemblée. Il mit un moment à comprendre et quand il comprit, il eut un mouvement de recul.
Il était derrière l’Idole, à hauteur de sa tête. Son cœur se mit à battre très fort. L’anathème n’était pas loin. Il se renfonça dans une encoignure de la paroi. Rien ne se passa. Les chœurs continuaient. Il risqua de nouveau un œil. Tout était calme autour de lui. Il détailla l’arrière de l’Idole. Lui, qui n’en avait vu que les pieds, en voyait maintenant la tête. Immense et dorée, elle était terrifiante. Quelque chose dans ses traits lui évoqua les goulques. Il s’en voulut immédiatement de penser cela. Il n’aurait jamais dû être là. Quelle punition l’attendait ? Une idée s’imposa à lui. La faute en revenait au vieux prêtre. C’est lui qui avait fait ce qu’il avait fait. C’est à cause de lui que Karabval était sur ce balcon avec autour du cou cette amulette qui amadouait les goulques. Il détailla encore l’Idole. Peut-être était-ce cela la vengeance ? Il remarqua une petite trappe sous l’épaule de l’Idole. En tendant le bras, il pouvait presque  l’atteindre. Elle était intrigante cette trappe. Que pouvait-elle contenir ? Il tenta de la toucher mais faillit tomber. Il chercha autour de lui quelque chose pour s’accrocher. Il trouva alors un crochet de métal posé sur le sol. En l’utilisant, il pouvait forcer l'ouverture. Il fut étonné de la facilité de l’ouverture. Dedans il vit une cavité où reposait quelque chose qu’il prit pour une amulette. Il allait tenter de l’attraper quand son regard fut attiré par deux silhouettes se dirigeant vers le rideau cachant la cavité où il était passé. Son instinct lui dit qu’ils venaient sur le balcon. Il repoussa la trappe, posa la barre rapidement et se dépêcha de rentrer dans le couloir. Pouvait-il descendre ? Il tendit l’oreille tout en se plaquant contre la paroi. Il entendit le bruit des pas dans l’escalier. Il fallait qu’il se cache.
- Je te dis que c’est l’autre qui aurait dû te passer la panière.
- Oui, mais ce n’est pas bien grave, ce ne sont que des amulettes de nourrissons. Même si le rite n’est pas parfait, ça ira bien.
- Le vieux serait encore là, tu ne dirais pas ça.
- Oui, mais depuis que Fasruc est devenu grand prêtre, on fait comme ça et ça marche.
Karabval entendit les deux prêtres se disputer à mi-voix tout en montant les escaliers. Ils poussèrent la lourde tenture qui pivota pour venir s’appuyer sur la paroi. Karabval retenait le plus qu’il pouvait sa respiration pour ne pas se faire remarquer derrière. Il espérait que le couloir et le balcon étaient assez sombres pour qu’ils ne voient rien. En entendant jurer un des prêtres, il risqua un œil.
- C’est encore cet idiot de Brastil qui n’a pas remis le crochet à sa place, dit l’un des deux en cherchant la tige que Karabval avait utilisée.
- Et en plus il a mal refermé la trappe, dit l’autre.
- Même si t’es pas d’accord, je le signalerai à Fasruc.
- Je ne dis rien, moi ! Tu sais qu’il est du parti dominant.
- Et alors, on peut pas le laisser traiter l’Idole comme ça !
Sous les yeux de Karabval, les deux prêtres avaient ouvert la trappe. Ils firent des génuflexions et récitèrent des mantras. Puis l’un d’eux, avec le crochet, sortit le contenu de la cavité. Dans la pénombre, Karabval ne vit pas distinctement. Il vit juste les prêtres toucher chaque amulette de nourrisson avec ce qu’ils maniaient avec beaucoup de déférence, tout en marmonnant des paroles indistinctes. Cela dura un moment, puis ils remirent tout en place. Murmurant encore des prières, ils sortirent à reculons fermant la tenture derrière eux. Karabval se retrouva seul face au balcon et à la mystérieuse trappe. Il souleva la tenture et silencieusement se mit à descendre les marches derrière les prêtres.
Arrivé dans la petite pièce, il se dirigea vers l’issue donnant sur la grande salle. Derrière la lourde tapisserie, le rideau bougeait encore. Il se risqua dehors. Il faisait sombre. Les deux prêtres contournaient l’Idole pour rejoindre l’autel. Karabval se glissa le long de la paroi la plus sombre. Il appréciait aujourd’hui que cet immense espace soit aussi mal éclairé. Il glissa un long moment d’ombre en ombre. Il voyait de mieux en mieux l’assemblée en prière. Il se rappela ce qu’il avait déjà vu. Il pensa se glisser au fond de la foule et sortir sans se faire remarquer. L’encenseur occupait l’espace faisant monter des volutes de fumées odorantes devant l’Idole. Un des prêtres qui étaient montés sur le balcon, se tenait prêt à intervenir.
- Je serais toi, je retournerais bien vite à ma place…
Karabval sursauta en entendant cette voix grave derrière lui. Tout occupé à surveiller la salle, il venait de passer devant un gardien et sa goulque. Celle-ci était debout et le regardait sans bruit.
- … tu dois être jeune mâle très pieux pour que ma goulque ne dise rien. Alors file sans faire de bruit.
Karabval ne se le fit pas dire deux fois et se dirigea vers le fond de l’assemblée. Comme certains jeunes mâles faisaient au cours de retraites dans le temple. En approchant des gens agenouillés, il reconnut la couleur de son clan. Il chercha des yeux les jeunes mâles et les aperçut un peu plus loin. Sans bruit, il se glissa au dernier rang.

vendredi 26 février 2016

Les mondes noirs : 29

Karabval se réveilla épuisé. Il avait déjà vécu cela. Dans les mondes noirs, l'eau était un problème. Il y en avait beaucoup d”imbuvable. Quelques plantes contenaient de l'eau au milieu de leurs feuilles. La veille, il n'avait pas trouvé celle qui lui semblait la meilleure. Il avait dû se rabattre sur une plante en forme d'entonnoir. L'eau y avait un goût douceâtre. Il avait déjà vécu cet état une fois. Il savait qu'il allait devoir attendre pour émerger de cette somnolence. De nouveau il laissa remonter ses souvenirs.
Il se revit debout, au garde à vous. Gambayou arriva en grande tenue. Les jeunes mâles échangèrent des regards furtifs. Le voir apparaître en grande tenue était mauvais signe. Cela signifiait une nouvelle épreuve. Carnaval sentit son ventre se nouer. À chaque fois, il y avait eu un mort.
- On va voir ce que vous avez dans le ventre, commença Gambayou.
Le noeud se resserra autour du nombril de Karabval, d'autant plus que le mentor laissa un temps de silence.
 - Chacun de vous va tenter de pénétrer sur le terroir d'un clan. Charge à lui de me ramener un trophée !
Il vit au regard catastrophé des jeunes mâles qu'il avait atteint son but. Il n'y avait pas besoin de préciser que celui qui échouait, serait renvoyé chez les serviteurs. Quant à celui qui se faisait prendre, la seule sanction serait la mort.
 - J'ai préparé une cruche. Elle contient des boules de couleurs. Chacun va venir en tirer une. Ainsi il saura où aller.
Il fit un signe et deux serviteurs amenèrent une grande jatte. Avant de la poser au sol sur un signe de Gambayou, ils la secouèrent. Une fois posée, ils retirèrent le bouchon. Le mentor avait surveillé les opérations avec attention. Redressant la tête, il regarda le premier jeune mâle du premier rang et lui fit signe. Auroux avala sa salive et s'avança. Sentant tous les yeux braqués sur lui, il plongea la main, remua les boules et en sortit une. Elle était bleu vert. Il soupira de soulagement. Gambayou eut une légère contraction des mâchoires. Le second fit de même. Il tira une boule orange. À voir son visage se décomposer, tout le monde comprit. La peur monta d'un cran dans les rangs. Si le clan bleu vert entretenait des relations avec le clan bleu, autant le clan orange vivait pour l'éliminer. Les suivants eurent plus ou moins de chance. Touasmi tira la boule du plus petit clan, celui qu'on appelait parme. Larjai eut droit à une boule verte, vaste clan possédant beaucoup de terres. Il eut le sourire. Il pourrait mener sa mission sans avoir à rentrer dans le château du clan. Quand Karabval s'approcha, il sentit ses jambes trembler. Beaucoup de clans redoutables n'étaient pas sortis. Il plongea la main. Sous ses doigts les boules roulèrent. À la première tentative, elle lui échappa. Il replongea la main pour en saisir une fermement. Il la sortit et la montra à tous. Au cri qu'il entendit, il la regarda. Il ne comprit pas. Elle était noire. Et puis toute l'horreur de la situation lui apparut. Le noir n'était pas la couleur d'un clan mais celle du temple et de ses gardiens.

mercredi 24 février 2016

Les mondes noirs : 28

Au deuxième printemps, ils restaient une dizaine. Gambayou en semblait content. Il avait eu une fois ce commentaire :
- Il vaut mieux pas beaucoup sûrs que beaucoup incertains.
C'est Larjai qui l'avait entendu. Larjai était le plus petit du groupe. Si ça petite taille était un handicap pour les combats, c'était un avantage pour passer inaperçu. Comme les autres, il s'était endurci physiquement et moralement. Il avait appris les règles. Demander de l'aide était devoir à un autre. C'était une faiblesse. Rien n'était gratuit. On voyait bien la trame complexe des relations ainsi créées. Y manquer entraînait d’immédiates sanctions. Plus celui qui aidait était puissant et plus cela coûtait. Plus Larjai aidait les autres et moins il risquait. Seulement Larjai avait une dette. Karabval l'avait aidé. Pendant un des entraînements, Larjai avait perdu pied en traversant une rivière. Karabval lui avait tendu la main. Dans un geste réflexe Larjai l'avait attrapé. Depuis il enrageait. Même si Karabval n'était qu'un jeune mâle, se faire sauver la vie vous enchaînait à votre sauveur. Karabval qui avait fait ce geste sans calculer, avait demandé à Larjai, qui semblait toujours au courant de tout, de le tenir informé.
C'est par Larjai que Karabval avait appris que sans une bonne amulette, on ne pouvait pas conjurer le mauvais sort. Tous les habitants du clan bleu avaient reçu à la naissance une amulette. Elle était dans un petit sac accroché au cou de l'enfant. Elle éloignait le mauvais oeil. Celle du clan bleu était puissante. Nombreux étaient les bébés qui survivaient. Plus tard, elle avait moins bonne réputation. C'est pour cela que les jeunes mâles tentaient d'en avoir une autre. Certains accumulaient les amulettes. C'est ce que faisait Touasmi en volant celles des vaincus dans les combats.
Larjai avait entendu un des gardiens de l'Idole dire que cela ne servait pas à grand chose. L'amulette protégeait mieux ce qu'elle savait protéger. Pour protéger autre chose, il en fallait une autre. Chaque clan faisait ses gri-gris. Chaque couleur avait son domaine. Le clan rouge était réputé pour son efficacité au combat. Larjai était à la recherche d'une de ces amulettes. Karabval avait compris que le pouvoir venait de l'Idole. Il ne savait pas comment l'Idole faisait mais elle donnait du pouvoir à chaque amulette.
À chaque passage dans le temple, il observait. Il avait, comme tout le monde, assisté à la consécration des amulettes de son clan. Il avait vu la dame du clan de près. Pour une raison qui lui échappait, elle avait voulu que les jeunes mâles soient à côté de son siège. Il avait passé son temps à la regarder. Il avait senti sa puissance. Derrière elle, les dames premières semblaient beaucoup plus ternes. Dame Longpeng irradiait. Son magnétisme personnel était tel que personne ne pouvait contester sa place. Karabval avait senti le poids de son regard quand elle regardait vers eux. Jeune mâle, il avait tremblé, s'interrogeant sur ses manquements aux règles. Quand la cérémonie avait commencé, il s'était concentré sur ce que faisaient les officiants et particulièrement le porteur d'amulettes. Alors qu'un gardien de l'Idole attirait tous les regards par ses encensements, le porteur d'amulettes était passé derrière la statue. Il en était ressorti juste à temps pour voir se finir la grande prière.
Juste après dame Longpeng avait reçu les amulettes avec pour mission de les donner à ceux de son clan qui naîtraient.

dimanche 21 février 2016

Les mondes noirs : 27

Gambayou était dur, au-delà de la moyenne. Les exercices succédaient aux entraînements. Karabval ne se rappelait que la fatigue de cette période. Dès qu'ils avaient quelques instants de repos, ils s'effondraient pour dormir. Le premier accident arriva vite. Une épée en bois est faite pour éviter les blessures, sauf la pointe. Quand elle pénétra dans l'
œil de Harmi, il hurla sa douleur. Gambayou intervint immédiatement. Il lui asséna une gifle magistrale pour le faire taire. Puis ayant à peine pris le temps de lui faire un pansement sommaire, il le renvoyait du groupe. Karabval en fut horrifié. À la moindre de ses erreurs, il pouvait subir le même sort. Il se jura de ne jamais vivre ça.
Au deuxième accident, suivi du deuxième renvoi, il pensa que son vouloir ne suffirait peut-être pas. Bogueté s'était cassé la jambe lors d'une mauvaise chute lors d'un combat. Pourtant, il était bon, meilleur que lui mais il avait manqué de chance. Karabval se demanda où chercher de l'aide pour avoir un sort favorable. Il devint plus attentif aux temps passés dans le temple. L’’Idole avait sûrement ce pouvoir. Restait à trouver comment la rendre attentive à son destin.
Le troisième accident le toucha. Karabval se battait avec Touasmi. C'était un garçon vif et rapide. Karabval le jugeait sournois. Ses combats étaient toujours comme des combats à mort même si les armes étaient factices. Pour Karabval, c'était le signe que Touasmi essayait de rentrer dans le cercle des proches de Gambayou. Vu la dureté de leur mentor, éliminer un jeune mâle du groupe pour le redescendre parmi les serviteurs, faisait gagner des places dans la hiérarchie informelle du groupe.
Touasmi s'était procuré une dague en bois de noor. Tout le monde connaissait la dureté de ce bois. Normalement les armes des jeunes mâles étaient en bois blanc. Touasmi avait aiguisé son acquisition comme on aiguise du métal. Karabval s'était déjà battu avec Touasmi. Il était aussi rapide que lui. Leurs joutes étaient toujours impressionnantes. Dans la cour où ils s'entraînaient, les combats s'arrêtèrent pour les regarder. Katabval ne sentit pas la première coupure. C'est en voyant son sang couler qu'il avait compris que Touasmi avait triché. Il avait juré tout en reculant. Touasmi avait poussé un cri de victoire en voyant la blessure. Karabval avait rompu le combat. Il se mit à tourner en rond au milieu du groupe formant arène. Touasmi fit de même un moment, portant quelques attaques sans conviction. Karabval réfléchissait. S'il était blessé à droite, c'est que l'arme dangereuse était la dague. Il l'observa mieux. Ce n'était pas celle en bois blanc qu'il tenait dans sa main gauche. Elle était trop sombre. Il pensa à ce qu'il devait faire pour s'en débarrasser. En attendant l'ouverture favorable, il se contenta de parer les attaques, tournant  sans cesse dans le cercle.
C'est alors qu'arriva Gambayou. Le silence se fit, perturbant les combattants. Si Karabval nota le fait dans un coin de son esprit, Touasmi voulut briller aux yeux de son mentor. Il multiplia les attaques. Au début, Karabval para les coups de ses deux mains. Son bras droit lui faisait mal mais répondait bien. Il donna pourtant des signes de fatigue en parant juste à temps. De nouveau, il y eut des cris autour d'eux. Certains qui anticipaient la victoire de Touasmi, l'encourageaient ouvertement. D'autres ne criaient qu'au moment des engagements. Gambayou s'était croisé les bras, sans perdre une miette du combat, tout en restant silencieux.
Il y eut un cri de surprise quand Karabval passa son épée dans la main gauche et sa dague à droite. Touasmi fut un instant décontenancé. Ils firent presque un tour de l'arène avant qu'il ne remonte à l'assaut. Il pensa que Karabval fatiguait. Il allait montrer au mentor sa haute valeur. Multipliant les attaques, il voulait noyer son adversaire sous un déluge de coups.
Karabval para les coups. La dague en bois de noor passa très près, entamant son habit à l'épaule. C'était l'instant favorable. Il laissa Touasmi pousser à fond son mouvement. D'un coup de pied, il le déstabilisa. Quand son adversaire fut en déséquilibre, Karabval d'un mouvement tournant le frappa à l’entrejambe du plat de son épée de bois. L'autre poussa un cri de bête et tomba à terre, cisaillé de douleur. Karabval acheva l'action en l'assommant.
Ce combat fut le début de la haine que Touasmi voua à Karabval. Ce fut aussi le début de la suprématie de ce dernier sur le groupe. Quant à Gambayou, il ne fit aucun commentaire mais n'oublia jamais de rappeler ce combat à Touasmi, utilisant cette haine pour gérer le groupe.
Karabval s'était soigné tout seul. Il connaissait la règle. Demander de l'aide pour une blessure revenait à se faire renvoyer chez les serviteurs. Déjà dans le groupe, nombreux étaient ceux qui étaient partis, trop épuisés ou trop malades.

jeudi 18 février 2016

Les mondes noirs : 26

Karabval laissait remonter ses souvenirs.  Dans son abri d'épines, il se revoyait quand il venait de changer de niveau. Il quittait enfin la pouponnière, suivant le mentor des jeunes qui était venu les chercher. Tous ceux qui partaient avaient attendu ce moment avec espoir, impatience et anxiété. Le clan bleu était le meilleur des clans. On leur avait martelé cela depuis toujours. Ils devaient être les meilleurs. Dès qu'ils avaient su marcher, ils apprenaient à se battre et à faire les corvées. Rares étaient les répits.
Il revoyait ce mentor. Sa première impression avait été forte. Le mentor était arrivé en grande tenue avec ses armes. Ses deux épées lui battaient les jambes faisant un claquement à chacun de ses pas. À sa ceinture les dagues s’alignaient dans des fourreaux incrustés de métal brillant. Immédiatement tous les jeunes s'étaient mis à rêver de lui ressembler.
Gambayou n'aimait pas ce rôle de mentor qui l'éloignait des lieux de pouvoir. Il aurait préféré rester dans l'entourage Dame Longpeng. Le mâle premier lui avait rappelé sèchement devant tout le monde que c'était son tour. Il était resté de mauvaise humeur en venant chercher le groupe. Il les jugeait responsables de son éloignement. Il avait revêtu sa tenue d'apparat de façon à les impressionner. Quand il arriva dans la cour, en retard pour montrer son importance, et qu'il vit le groupe, il le jugea d'emblée antipathique. Les regards admiratifs que les jeunes mâles avaient, le confortèrent dans son opinion. Il n'y avait rien à en tirer de bon. Il aboya un ordre pour qu'ils se mettent en rang pour le suivre. La rapidité de leur réaction l'éc
œura. Des moutons ! Il allait devoir conduire des moutons.
karabval se dépêcha comme les autres de s'aligner pour faire un carré parfait. Il fallait faire bonne impression à ce mâle qu'on disait proche de la dame du clan. C'est lui qui devait tout leur apprendre de ce que doit savoir un bon mâle. Dans un coin de son esprit, il eut une pensée qui l'amusa. Gambayou était proche phonétiquement de grand bayou ce qui était une gentille insulte mais une insulte quand même. Il refoula avec horreur cette idée de comparer son mentor à un benêt…

lundi 15 février 2016

Les mondes noirs : 25

Après ce qu'ils venaient de vivre, personne n'était prêt à partir. Quand la lumière du jour revint, ils restèrent à l'abri du riek. Sous cet arbre, les scorpions volants hésitaient à venir. On pouvait rester un moment sans masque. Il suffisait de le mettre quand on entendait le bruit du vol d’un scorpion. En dehors de Tordak, il ne restait que deux combattantes. Chimla regarda les serviteurs survivants. Ils n’avaient pas fière allure. Tous avaient la mine défaite des vaincus. Ils avaient perdu le contact avec leurs guerriers et ne pensaient pas même plus sortir vivants des mondes noirs. Elle pensa à Karabval qui était à l’origine de ce voyage sans retour...

    Il avait eu du mal à grimper dans l’arbre à épines. Karabval appelait comme cela les arbres dans lesquels il trouvait refuge chaque jour. Il manquait des branches basses et il avait été difficile de couper assez d’épines pour se faire des prises sans se blesser. Il avait dû sacrifier une cape pour y arriver. Il était maintenant bien installé sur le tapis d’aiguilles intérieur. Il ne lui restait plus qu’à se reposer. Il pensa à tous les évènements qui l’avaient conduit là où il était. Jamais il n’avait pensé qu’il quitterait le royaume et encore moins par les mondes noirs. Petit, il avait rêvé un temps de voyager vers les montagnes, celles qui bordaient le pays là où le soleil se couche. Il avait interrogé les grands sur ces contrées étranges d’au-delà des monts. Il savait que les gardiens venaient de par là, que les gardes noirs venaient d’encore plus loin. Il savait aujourd’hui que ce n’étaient que des rêveries d’enfant. La réalité s’était imposée à lui. Il avait un rôle à jouer. Le plus important était devenir mâle premier. Il avait de la chance, comme le lui répétaient ses maîtres. Il était né dans un des grands clans, un des clans du premier cercle. La Dame du clan discutait presque d’égale à égale avec la reine. Cela faisait la fierté de tous.
Karabval avait passé son enfance comme tous les jeunes mâles, entre exercices et corvées. Il avait un don particulier pour se mettre dans des situations impossibles. Il aimait passer derrière les barrières, faire ce qu'on ne doit pas faire. Il évitait autant de corvées qu'il avait de punitions. Ce qui le rendait intouchable était la protection dont il bénéficiait. Dame Longpeng le considérait suffisamment pour le saluer quand elle le croisait. La première fois que son groupe d'adolescents avait croisé la dame du clan, alors que tous s’agenouillaient pour la saluer, Karabval était resté debout. Tout le monde s'attendait à une sévère punition. Ils eurent la surprise de voir celle dont on disait qu'elle valait la reine pour la cruauté de ses punitions, s'arrêter, le regarder un moment et lui dire :
- N’exagère pas !
Karabval avait alors incliné la tête comme le premier des mâles.
La dame avait eu un sourire forcé et avait continué son chemin. Cette rencontre avait ouvert la porte à toutes les spéculations.

mardi 9 février 2016

Les mondes noirs : 24

Le groupe repartit à la nuit tombante. On s’était partagé les vivres et les armes. Le moral était mauvais. Ils se retrouvèrent dans cette pâle lumière jaune-vert qui fatiguait les yeux. Mafgrok avait décidé de ne pas achever les blessés qui pouvaient survivre. Il avait donné ordre de les laisser là. Charge à eux, de rentrer au Royaume pour donner des nouvelles. C’est donc trente guerriers et amazones ainsi que dix serviteurs qui repartirent. Chimla était maintenant la seule servante. Elle portait à son bras le bouclier et tenait dans l’autre main une branche de riek. Plus légère que l’épée, elle était aussi moins longue et mieux adaptée. Elle retrouva avec désagrément le sol mou et spongieux. Elle marchait derrière Tordak. Il était manifestement le seul à connaître au moins théoriquement, ce qui vivait dans les mondes noirs. Ils étaient au milieu de la colonne. Mafgrok avait préféré nommer les amazones en arrière garde. Selon lui, si elles prenaient du retard, cela aurait moins d’importance. Son serviteur était blessé. Il l’avait laissé au riek. Il soufflait en portant une charge presque deux fois plus lourde que tout le monde. Les gardiens étaient devant. Les goulques étaient nerveuses. Chimla les entendaient renifler bruyamment. Elles cherchaient la piste de Karabval. Chimla n’avait même pas approché des gardiens. Sous leurs masques, elle ne savait même pas à qui elle avait à faire. Elle eut les mêmes pensées pour les autres. Elle n’avait vu que quelques amazones sans leur masque et des serviteurs. Les guerriers étaient bien trop fiers pour avoir la faiblesse de les enlever. Certaines voix ne lui étaient pas inconnues, mais ici dans les mondes noirs, elle n’arrivait pas à associer, nom, voix et visage.
Comme les autres, elle faisait surtout attention où elle mettait les pieds. L’humidité de la veille avait détrempé le cuir de ses bottes et de ses guêtres. Elle avait froid aux pieds et surtout elle commençait à avoir mal.
Ils marchèrent ainsi un long moment en silence. Chimla fatiguait. Mafgrok n’avait pas l’air de vouloir faire de pause. Elle serra les dents. Il fallait qu’elle pense à autre chose. L’amulette, elle se mit à penser à l’amulette qui pendait à son cou. Karabval avait l’amulette du clan bleu, Dame Longpeng avait celle de Karabval et elle avait celle de Dame Longpeng. D’ailleurs, elle était bien lourde. Elle sursauta comme si une mouche l’avait piquée. L’amulette tirait sur son cou de plus en plus fort. Elle qui laissait pendre ses membres comme des poids qu’on traîne, se ressaisit. Tordak sentit tout de suite la différence et se retourna.
- Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as vu quelque chose ?
- Non, mais ce que je sens ne me plaît pas.
Il prit la remarque au premier degré et se mit lui aussi à renifler :
- Les goulques ne sentent rien, mais t’as raison, il y a quelque chose dans l’air.
Chimla se mit aussi à renifler. Vaguement une odeur âcre semblait flotter.
- Ya quelque chose qui pourrit pas loin, dit Tordak.
Chimla ne le pensait pas. Ce ne sentait pas la décomposition. Cela sentait…
- On devrait s’arrêter, dit-elle. Ce que je sens n’est pas bon et ce n’est pas de la pourriture.
Elle avait joint le geste et la parole, bloquant ceux qui étaient derrière. Les guerriers devant continuèrent. Ils les perdirent rapidement de vue. Le brouillard s’épaississait, ouatant les sons. Tordak affermit la main sur son épée. Les serviteurs derrière, virent se regrouper autour d’eux.
- Qu’est-ce qui se passe ?
- Quelque chose vient, murmura Tordak.
Ce fut au tour de Chimla de prendre fermement son gourdin de riek en main.
- Prenez vos armes, ordonna Tordak. L’odeur vient par ici.
L’air autour d’eux devint fétide. Un des serviteurs se mit à vomir. D’autres l’imitèrent bientôt. C’était une odeur infecte qui emplissait l’air maintenant. Chimla avait des haut-le-cœur. Autour de son cou, l’amulette était lourde, trop lourde. Elle fit un pas dans un sens et puis dans un autre. Une direction rendait la charge moins pénible.
- Par là, dit-elle.
Elle partit en courant presque suivie par les autres. Leurs pas faisaient des éclaboussures bruyantes. Chimla n’en avait cure. On leur avait pourtant, intimé le silence et la discrétion avant de partir. Elle sentait une telle urgence qu’elle ne n’y pensait même pas. Autour de son cou l’amulette se balançait. Elle était moins lourde à droite. Elle tourna à droite, continuant sa course. Les autres derrière, s’accrochaient comme ils pouvaient. Soudain ses pas foulèrent ses aiguilles. Elle stoppa net. Tordak sur ses talons, l’évita de peu. Puis arrivèrent les serviteurs :
- Encore un riek ! dit l’un d’eux.
- C’est celui qu’on a quitté, cria un autre.
- Suffit ! dit Tordak. Ce n’est pas le même. Il est différent.  Regardez au lieu de dire n’importe quoi.
Tordak s’approcha du tronc et le scruta.
- Il n’y a pas de signe d’aménagement. Personne n’est venu ici.
Les derniers serviteurs s’avancèrent suivis des quelques amazones.
- Pourquoi nous faire courir comme ça ? demanda Traerts.
- Il fallait fuir, répondit Chimla.
- Qu’est-ce que tu fuyais, une odeur ? Une charogne quelconque ?
- Tu ne connais rien, Traerts du clan jaune d’or ! répliqua Tordak. Chimla a raison. Je sais ce qu’elle a fui. D’ailleurs vous allez bientôt le voir. Sentez !
Tout le monde renifla un grand cou. Certains poussèrent des cris de dégoût.
- Approchez-vous du tronc, ordonna Tordak et ne bougez plus. Ce riek a des branches basses, cachez-vous derrière.
- Les amazones ne se cachent pas, siffla Traerts.
- Oui, je sais, répliqua Tordak, Elles préfèrent finir comme Gietta !
Traerts rougit sous l’insulte, mais l’odeur qui devenait à nouveau insoutenable, l’empêcha d’insulter Tordak comme il l’aurait mérité. Elle avait les boyaux qui se tordaient dans des spasmes douloureux.
Si l’odeur était épouvantable, le bruit était léger. Tellement léger que personne ne l’entendit au début. Puis ce devint plus net. Un chuintement se rapprochait d’eux. Chimla associa ce bruit au traîneau qu’on pouvait tirer sur la paille pour la hacher.
- Là, dit un serviteur en tendant le bras.
Tous les yeux se tournèrent dans cette direction. Une forme dépassait du brouillard. Une forme molle se balançait largement au-dessus de leur tête. Le chuintement était maintenant très net et l’odeur à vomir. D’ailleurs beaucoup vomissaient. Un des serviteurs fit deux pas, s’éloignant du tronc pour s’écrouler à quatre pattes plus loin, vomissant ce qu’il n’avait plus dans l’estomac.
Chimla s’exclama :
- Ça nous a vus !
La forme molle se tournait vers eux, se penchant vers le riek.
- Ne bougez-pas, dit Tordak entre deux spasmes.
Des serviteurs partaient en tous sens pour fuir. Il essaya d’en retenir un d’une main tout en tenant son ventre de l’autre. Comme le serviteur tirait trop fort, il le lâcha, ne pouvant le retenir. Celui-ci déboucha en courant sur le tapis d’aiguilles. Il y eut comme un coup de fouet. On le vit porter ses mains à sa poitrine et il disparut comme happé par le brouillard. Tous ceux qui avaient quitté l’abri de la branche basse du riek subirent le même sort. Certains hurlèrent un temps, jusqu’à ce que le silence ne retombe dans un bruit de siphon.
- Qu’est-ce que c’est que cette horreur, demanda Traerts ?
- C’est un Gouam, dit Tordak entre deux spasmes.
- Alors ça se tue, hurla Traerts en dégainant ses deux épées.
Elle sortit en courant, hurlant sa haine et son dégoût. On entendit de nouveau ce bruit de coup de fouet et on vit se planter comme des harpons montés sur tentacules là où s’était tenue Traets. Dans le brouillard, la forme molle bougea plus rapidement. Les coups de fouet succédant aux coups de fouet.
Il y eut un cri horrible poussé par un gosier non humain.
- ELLE L’A TOUCHÉ ! hurla quelqu’un.
Depuis le riek, on entendait le combat. D’autres amazones se jetèrent dans la bataille. Le remue-ménage devint intense. On entendit un premier cri humain, celui-ci. On vit alors un des tentacules faire une boucle en l’air, entraînant dans sa course, une amazone transpercée au niveau de la cuisse. Elle se débattait tentant de frapper le tentacule qui l’emmenait. Son coup d’épée fit mouche mais n’alla pas plus loin. Un deuxième harpon venait de lui transpercer le thorax. Sous les yeux effrayés des serviteurs, on la vit disparaître dans la brume. Bientôt d’autres cris suivirent et le silence revint.
- Ne bougez-pas, redit Tordak, Ne bougez-pas !
Tous les présents étaient tétanisés, aplatis par terre de terreur. Un coup de fouet claqua, suivi du bruit d’un harpon tapant dans le riek.
- IL VEUT NOUS AVOIR, hurla quelqu’un.
Tordak ne vit pas qui c’était. Il entendit se lever l’homme et le bruit de sa course pour fuir les lieux. On entendit claquer le fouet et son cri quand il fut touché. Ce fut un long hurlement qui se termina en gargouillis horrible.
- On va tous y passer, si ça continue, dit Chimla.
- Pas si on ne bouge pas. Il ne peut pas venir sous le riek.
La tête molle se balançait comme si elle cherchait comment atteindre ses proies. Brusquement elle stoppa son mouvement.
Tout le monde retint sa respiration.
Lentement, la forme molle se pencha vers l’extérieur. Puis elle disparut. L’odeur enfin diminua.
Tout le monde tremblait maintenant.
- Pourquoi c’est parti, demanda quelqu’un ?
- Il a entendu ou vu ou senti d’autres proies. Les gouams sont insatiables, répondit Tordak.
Il se tourna vers Chimla.
- Merci, sans toi et ton odorat, on était tous morts. Tu ne sais peut-être pas te battre, mais tu sais survivre !

jeudi 4 février 2016

Les mondes noirs : 23

Les scales ! Voilà maintenant que Tordak lui racontait des histoires pour faire peur aux enfants. Tout le monde savait que les scales n’existaient pas. La légende racontait que chaque clan devait désigner un ou plusieurs chasseurs de scales. C’était les plus braves et les plus forts. Quand des scales entraient dans le royaume, il fallait les tuer. Malheur aux petits enfants qui traînaient dans les rues la nuit. Malheur aux autres aussi ! Les scales étaient sans pitié, dévorant tout et tous. La légende disait encore que sur dix guerriers partis à la chasse aux scales, seul un revenait. C’était le héros pour toute la durée des fêtes. Il fallait les cerner. Le cimetière était le meilleur endroit. Les scales ne sautant pas, les hauts murs étaient parfaits pour les cerner. Quand tout était enfin fini, on relevait les dépouilles et on faisait des trophées des têtes des monstres.
- Oui, mais ça c’est la légende, lui dit Tordak. Moi, j’ai lu !
Il n’alla pas plus loin. Le glapissement d’alerte des goulques retentit en bas. Il entendit en bas tous les vivants se regrouper.
- Ils ne risquent pas grand chose. Les scales auront assez avec les morts d’aujourd’hui. Et puis deux goulques...
Le rugissement d’une goulque l’interrompit. Chimla le pressa de questions.
- Les scales sont des nécrophages. Ils sentent la mort à des distances que tu ne peux même pas imaginer. Ils sont devenus une légende dans le royaume à cause des goulques. Elles sont plus fortes qu’eux, enfin en meute. Une goulque seule n’a aucune chance de survie si elle ne fuit pas. Les scales sont venus chercher les morts. Malheur à qui s’y opposera.
Chimla frissonna. On était loin de la légende qui disait qu’on avait installé des planches tout autour du cimetière, en haut des murs pour pouvoir venir voir le combat des héros et des scales quand ils étaient cernés.
En bas, à part les goulques qui glapissaient et rugissaient, on n’entendait aucun bruit. Tordak reprit :
- Ils ne vont pas les combattre, même avec deux gardiens et deux goulques.
De nouveau, il s’interrompit en tendant l’oreille. Chimla fit de même. Il y eut d’abord des petits cris rauques venant d’un peu partout. Puis on entendit des clac-clac comme deux planches qu’on entrechoquent.
- C’est quoi ça, murmura Chimla.
- Ils claquent des mâchoires pour communiquer, répondit Tordak. Ils s’approchent. D’abord, ils vont tourner autour du riek et puis, ils vont venir chercher les morts.
- Mais c’est terrible… et la coutume ?
- Non, c’est pas terrible, c’est même une bonne chose. Mafgrok et ses semblables vont arrêter de nous casser les pieds avec les morts.
Les claquements se rapprochèrent. Chimla les entendit tout autour. Les scales claquaient de différentes manières, plus ou moins fort, plus ou moins vite. La tonalité même de chaque claquement était différente. Cela en devint presque assourdissant d’autant plus que les goulques hurlaient maintenant. Le premier cri la surprit. C’était une amazone qui criait le nom de sa servante. Chimla entendit Mafgrok crier à son tour :
- NON !!!
Il y eut du remue-ménage en dessous et ce fut un bruit de curée fait de claquements de mâchoires et de hurlements humains. Puis ce fut le silence.
- J’ai toujours pensé que Liscat était stupide, dit Tordak comme oraison funèbre.
Mafgrok hurla à nouveau :
- Que personne ne bouge, laissez-les. Protégez-vous mais laissez-les !
Dans leur refuge, Chimla et Tordak entendirent en dessous d’eux, les bagarres entre scales pour une dépouille. L’air était rempli de l’odeur de la mort et des cris rauques des nécrophages.