lundi 15 février 2016

Les mondes noirs : 25

Après ce qu'ils venaient de vivre, personne n'était prêt à partir. Quand la lumière du jour revint, ils restèrent à l'abri du riek. Sous cet arbre, les scorpions volants hésitaient à venir. On pouvait rester un moment sans masque. Il suffisait de le mettre quand on entendait le bruit du vol d’un scorpion. En dehors de Tordak, il ne restait que deux combattantes. Chimla regarda les serviteurs survivants. Ils n’avaient pas fière allure. Tous avaient la mine défaite des vaincus. Ils avaient perdu le contact avec leurs guerriers et ne pensaient pas même plus sortir vivants des mondes noirs. Elle pensa à Karabval qui était à l’origine de ce voyage sans retour...

    Il avait eu du mal à grimper dans l’arbre à épines. Karabval appelait comme cela les arbres dans lesquels il trouvait refuge chaque jour. Il manquait des branches basses et il avait été difficile de couper assez d’épines pour se faire des prises sans se blesser. Il avait dû sacrifier une cape pour y arriver. Il était maintenant bien installé sur le tapis d’aiguilles intérieur. Il ne lui restait plus qu’à se reposer. Il pensa à tous les évènements qui l’avaient conduit là où il était. Jamais il n’avait pensé qu’il quitterait le royaume et encore moins par les mondes noirs. Petit, il avait rêvé un temps de voyager vers les montagnes, celles qui bordaient le pays là où le soleil se couche. Il avait interrogé les grands sur ces contrées étranges d’au-delà des monts. Il savait que les gardiens venaient de par là, que les gardes noirs venaient d’encore plus loin. Il savait aujourd’hui que ce n’étaient que des rêveries d’enfant. La réalité s’était imposée à lui. Il avait un rôle à jouer. Le plus important était devenir mâle premier. Il avait de la chance, comme le lui répétaient ses maîtres. Il était né dans un des grands clans, un des clans du premier cercle. La Dame du clan discutait presque d’égale à égale avec la reine. Cela faisait la fierté de tous.
Karabval avait passé son enfance comme tous les jeunes mâles, entre exercices et corvées. Il avait un don particulier pour se mettre dans des situations impossibles. Il aimait passer derrière les barrières, faire ce qu'on ne doit pas faire. Il évitait autant de corvées qu'il avait de punitions. Ce qui le rendait intouchable était la protection dont il bénéficiait. Dame Longpeng le considérait suffisamment pour le saluer quand elle le croisait. La première fois que son groupe d'adolescents avait croisé la dame du clan, alors que tous s’agenouillaient pour la saluer, Karabval était resté debout. Tout le monde s'attendait à une sévère punition. Ils eurent la surprise de voir celle dont on disait qu'elle valait la reine pour la cruauté de ses punitions, s'arrêter, le regarder un moment et lui dire :
- N’exagère pas !
Karabval avait alors incliné la tête comme le premier des mâles.
La dame avait eu un sourire forcé et avait continué son chemin. Cette rencontre avait ouvert la porte à toutes les spéculations.

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