dimanche 21 février 2016

Les mondes noirs : 27

Gambayou était dur, au-delà de la moyenne. Les exercices succédaient aux entraînements. Karabval ne se rappelait que la fatigue de cette période. Dès qu'ils avaient quelques instants de repos, ils s'effondraient pour dormir. Le premier accident arriva vite. Une épée en bois est faite pour éviter les blessures, sauf la pointe. Quand elle pénétra dans l'
œil de Harmi, il hurla sa douleur. Gambayou intervint immédiatement. Il lui asséna une gifle magistrale pour le faire taire. Puis ayant à peine pris le temps de lui faire un pansement sommaire, il le renvoyait du groupe. Karabval en fut horrifié. À la moindre de ses erreurs, il pouvait subir le même sort. Il se jura de ne jamais vivre ça.
Au deuxième accident, suivi du deuxième renvoi, il pensa que son vouloir ne suffirait peut-être pas. Bogueté s'était cassé la jambe lors d'une mauvaise chute lors d'un combat. Pourtant, il était bon, meilleur que lui mais il avait manqué de chance. Karabval se demanda où chercher de l'aide pour avoir un sort favorable. Il devint plus attentif aux temps passés dans le temple. L’’Idole avait sûrement ce pouvoir. Restait à trouver comment la rendre attentive à son destin.
Le troisième accident le toucha. Karabval se battait avec Touasmi. C'était un garçon vif et rapide. Karabval le jugeait sournois. Ses combats étaient toujours comme des combats à mort même si les armes étaient factices. Pour Karabval, c'était le signe que Touasmi essayait de rentrer dans le cercle des proches de Gambayou. Vu la dureté de leur mentor, éliminer un jeune mâle du groupe pour le redescendre parmi les serviteurs, faisait gagner des places dans la hiérarchie informelle du groupe.
Touasmi s'était procuré une dague en bois de noor. Tout le monde connaissait la dureté de ce bois. Normalement les armes des jeunes mâles étaient en bois blanc. Touasmi avait aiguisé son acquisition comme on aiguise du métal. Karabval s'était déjà battu avec Touasmi. Il était aussi rapide que lui. Leurs joutes étaient toujours impressionnantes. Dans la cour où ils s'entraînaient, les combats s'arrêtèrent pour les regarder. Katabval ne sentit pas la première coupure. C'est en voyant son sang couler qu'il avait compris que Touasmi avait triché. Il avait juré tout en reculant. Touasmi avait poussé un cri de victoire en voyant la blessure. Karabval avait rompu le combat. Il se mit à tourner en rond au milieu du groupe formant arène. Touasmi fit de même un moment, portant quelques attaques sans conviction. Karabval réfléchissait. S'il était blessé à droite, c'est que l'arme dangereuse était la dague. Il l'observa mieux. Ce n'était pas celle en bois blanc qu'il tenait dans sa main gauche. Elle était trop sombre. Il pensa à ce qu'il devait faire pour s'en débarrasser. En attendant l'ouverture favorable, il se contenta de parer les attaques, tournant  sans cesse dans le cercle.
C'est alors qu'arriva Gambayou. Le silence se fit, perturbant les combattants. Si Karabval nota le fait dans un coin de son esprit, Touasmi voulut briller aux yeux de son mentor. Il multiplia les attaques. Au début, Karabval para les coups de ses deux mains. Son bras droit lui faisait mal mais répondait bien. Il donna pourtant des signes de fatigue en parant juste à temps. De nouveau, il y eut des cris autour d'eux. Certains qui anticipaient la victoire de Touasmi, l'encourageaient ouvertement. D'autres ne criaient qu'au moment des engagements. Gambayou s'était croisé les bras, sans perdre une miette du combat, tout en restant silencieux.
Il y eut un cri de surprise quand Karabval passa son épée dans la main gauche et sa dague à droite. Touasmi fut un instant décontenancé. Ils firent presque un tour de l'arène avant qu'il ne remonte à l'assaut. Il pensa que Karabval fatiguait. Il allait montrer au mentor sa haute valeur. Multipliant les attaques, il voulait noyer son adversaire sous un déluge de coups.
Karabval para les coups. La dague en bois de noor passa très près, entamant son habit à l'épaule. C'était l'instant favorable. Il laissa Touasmi pousser à fond son mouvement. D'un coup de pied, il le déstabilisa. Quand son adversaire fut en déséquilibre, Karabval d'un mouvement tournant le frappa à l’entrejambe du plat de son épée de bois. L'autre poussa un cri de bête et tomba à terre, cisaillé de douleur. Karabval acheva l'action en l'assommant.
Ce combat fut le début de la haine que Touasmi voua à Karabval. Ce fut aussi le début de la suprématie de ce dernier sur le groupe. Quant à Gambayou, il ne fit aucun commentaire mais n'oublia jamais de rappeler ce combat à Touasmi, utilisant cette haine pour gérer le groupe.
Karabval s'était soigné tout seul. Il connaissait la règle. Demander de l'aide pour une blessure revenait à se faire renvoyer chez les serviteurs. Déjà dans le groupe, nombreux étaient ceux qui étaient partis, trop épuisés ou trop malades.

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