mercredi 24 février 2016

Les mondes noirs : 28

Au deuxième printemps, ils restaient une dizaine. Gambayou en semblait content. Il avait eu une fois ce commentaire :
- Il vaut mieux pas beaucoup sûrs que beaucoup incertains.
C'est Larjai qui l'avait entendu. Larjai était le plus petit du groupe. Si ça petite taille était un handicap pour les combats, c'était un avantage pour passer inaperçu. Comme les autres, il s'était endurci physiquement et moralement. Il avait appris les règles. Demander de l'aide était devoir à un autre. C'était une faiblesse. Rien n'était gratuit. On voyait bien la trame complexe des relations ainsi créées. Y manquer entraînait d’immédiates sanctions. Plus celui qui aidait était puissant et plus cela coûtait. Plus Larjai aidait les autres et moins il risquait. Seulement Larjai avait une dette. Karabval l'avait aidé. Pendant un des entraînements, Larjai avait perdu pied en traversant une rivière. Karabval lui avait tendu la main. Dans un geste réflexe Larjai l'avait attrapé. Depuis il enrageait. Même si Karabval n'était qu'un jeune mâle, se faire sauver la vie vous enchaînait à votre sauveur. Karabval qui avait fait ce geste sans calculer, avait demandé à Larjai, qui semblait toujours au courant de tout, de le tenir informé.
C'est par Larjai que Karabval avait appris que sans une bonne amulette, on ne pouvait pas conjurer le mauvais sort. Tous les habitants du clan bleu avaient reçu à la naissance une amulette. Elle était dans un petit sac accroché au cou de l'enfant. Elle éloignait le mauvais oeil. Celle du clan bleu était puissante. Nombreux étaient les bébés qui survivaient. Plus tard, elle avait moins bonne réputation. C'est pour cela que les jeunes mâles tentaient d'en avoir une autre. Certains accumulaient les amulettes. C'est ce que faisait Touasmi en volant celles des vaincus dans les combats.
Larjai avait entendu un des gardiens de l'Idole dire que cela ne servait pas à grand chose. L'amulette protégeait mieux ce qu'elle savait protéger. Pour protéger autre chose, il en fallait une autre. Chaque clan faisait ses gri-gris. Chaque couleur avait son domaine. Le clan rouge était réputé pour son efficacité au combat. Larjai était à la recherche d'une de ces amulettes. Karabval avait compris que le pouvoir venait de l'Idole. Il ne savait pas comment l'Idole faisait mais elle donnait du pouvoir à chaque amulette.
À chaque passage dans le temple, il observait. Il avait, comme tout le monde, assisté à la consécration des amulettes de son clan. Il avait vu la dame du clan de près. Pour une raison qui lui échappait, elle avait voulu que les jeunes mâles soient à côté de son siège. Il avait passé son temps à la regarder. Il avait senti sa puissance. Derrière elle, les dames premières semblaient beaucoup plus ternes. Dame Longpeng irradiait. Son magnétisme personnel était tel que personne ne pouvait contester sa place. Karabval avait senti le poids de son regard quand elle regardait vers eux. Jeune mâle, il avait tremblé, s'interrogeant sur ses manquements aux règles. Quand la cérémonie avait commencé, il s'était concentré sur ce que faisaient les officiants et particulièrement le porteur d'amulettes. Alors qu'un gardien de l'Idole attirait tous les regards par ses encensements, le porteur d'amulettes était passé derrière la statue. Il en était ressorti juste à temps pour voir se finir la grande prière.
Juste après dame Longpeng avait reçu les amulettes avec pour mission de les donner à ceux de son clan qui naîtraient.

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