jeudi 4 février 2016

Les mondes noirs : 23

Les scales ! Voilà maintenant que Tordak lui racontait des histoires pour faire peur aux enfants. Tout le monde savait que les scales n’existaient pas. La légende racontait que chaque clan devait désigner un ou plusieurs chasseurs de scales. C’était les plus braves et les plus forts. Quand des scales entraient dans le royaume, il fallait les tuer. Malheur aux petits enfants qui traînaient dans les rues la nuit. Malheur aux autres aussi ! Les scales étaient sans pitié, dévorant tout et tous. La légende disait encore que sur dix guerriers partis à la chasse aux scales, seul un revenait. C’était le héros pour toute la durée des fêtes. Il fallait les cerner. Le cimetière était le meilleur endroit. Les scales ne sautant pas, les hauts murs étaient parfaits pour les cerner. Quand tout était enfin fini, on relevait les dépouilles et on faisait des trophées des têtes des monstres.
- Oui, mais ça c’est la légende, lui dit Tordak. Moi, j’ai lu !
Il n’alla pas plus loin. Le glapissement d’alerte des goulques retentit en bas. Il entendit en bas tous les vivants se regrouper.
- Ils ne risquent pas grand chose. Les scales auront assez avec les morts d’aujourd’hui. Et puis deux goulques...
Le rugissement d’une goulque l’interrompit. Chimla le pressa de questions.
- Les scales sont des nécrophages. Ils sentent la mort à des distances que tu ne peux même pas imaginer. Ils sont devenus une légende dans le royaume à cause des goulques. Elles sont plus fortes qu’eux, enfin en meute. Une goulque seule n’a aucune chance de survie si elle ne fuit pas. Les scales sont venus chercher les morts. Malheur à qui s’y opposera.
Chimla frissonna. On était loin de la légende qui disait qu’on avait installé des planches tout autour du cimetière, en haut des murs pour pouvoir venir voir le combat des héros et des scales quand ils étaient cernés.
En bas, à part les goulques qui glapissaient et rugissaient, on n’entendait aucun bruit. Tordak reprit :
- Ils ne vont pas les combattre, même avec deux gardiens et deux goulques.
De nouveau, il s’interrompit en tendant l’oreille. Chimla fit de même. Il y eut d’abord des petits cris rauques venant d’un peu partout. Puis on entendit des clac-clac comme deux planches qu’on entrechoquent.
- C’est quoi ça, murmura Chimla.
- Ils claquent des mâchoires pour communiquer, répondit Tordak. Ils s’approchent. D’abord, ils vont tourner autour du riek et puis, ils vont venir chercher les morts.
- Mais c’est terrible… et la coutume ?
- Non, c’est pas terrible, c’est même une bonne chose. Mafgrok et ses semblables vont arrêter de nous casser les pieds avec les morts.
Les claquements se rapprochèrent. Chimla les entendit tout autour. Les scales claquaient de différentes manières, plus ou moins fort, plus ou moins vite. La tonalité même de chaque claquement était différente. Cela en devint presque assourdissant d’autant plus que les goulques hurlaient maintenant. Le premier cri la surprit. C’était une amazone qui criait le nom de sa servante. Chimla entendit Mafgrok crier à son tour :
- NON !!!
Il y eut du remue-ménage en dessous et ce fut un bruit de curée fait de claquements de mâchoires et de hurlements humains. Puis ce fut le silence.
- J’ai toujours pensé que Liscat était stupide, dit Tordak comme oraison funèbre.
Mafgrok hurla à nouveau :
- Que personne ne bouge, laissez-les. Protégez-vous mais laissez-les !
Dans leur refuge, Chimla et Tordak entendirent en dessous d’eux, les bagarres entre scales pour une dépouille. L’air était rempli de l’odeur de la mort et des cris rauques des nécrophages.

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