vendredi 25 juillet 2014

Le soleil brillait le lendemain. Lyanne alla se promener sur la plage alors que la mer était haute. Il regarda l’horizon. Il ne vit pas de voile au loin. Il se promena ainsi se laissant bercer par le bruit des vagues et le souffle du vent. Cela dura un moment. Quand le soleil approcha du zénith, il remonta vers la ligne des bâtiments.  C’est alors qu’il vit arriver la princesse. Elle avançait toujours suivie par sa suivante et par ses guerriers.
- Ah ! yous aussi, yous yous promenez.
- Le soleil est haut. L’oracle nous attend bientôt. Avez-vous vu quelque chose en mer ?
- Non, le prince mon père ne les attend que demain. Nous sommes partis précipitamment.
- Votre histoire semble mouvementée.
- Ye sens la vôtre aussi très yntéressante. 
Les guerriers s’étaient remis en cercle autour d’eux, l’arme au poing.
- Ils vous protègent beaucoup, dit Lyanne.
- Sans eux, ye ne serais pas là.
- Vous pourrez me raconter cela.
Voyvoylin ouvrit la bouche pour répondre quand le chef des guerriers dit quelque chose tout en montrant l’homme qui venait d’arriver au bord de la plage. La princesse eut l’air contrarié. Elle fit une petite moue et dit :
- Mon père me demande de rentrer. À bientôt.
- À bientôt, princesse Voyvoylin.
Lyanne la regarda s’éloigner en se posant des questions sur les intentions de la jeune femme et sur l’attente qui était la leur.

Quand il regagna sa maison, Trend l’attendait.
- L’oracle m’a envoyé. Il vous demande de vous joindre à sa personne maintenant. Si vous le désirez, il a mis ce vêtement à votre disposition. Mon maître a choisi du rouge.
- Tu remercieras l’oracle, serviteur de l’oracle. Le rouge est une bonne couleur pour moi.
- Dès que vous êtes prêt, je vous montrerai le chemin, dit Trend en s’inclinant.
Lyanne s’habilla rapidement. Trend attendit devant la porte que Lyanne soit prêt. Il s’inclina devant lui quand il sortit puis se retournant le guida vers l’esplanade. Lyanne fut amusé par tout ce cérémonial. Les habitations formaient comme un hameau où il aurait été difficile de se perdre. Non loin du kiosque où se tenait l’oracle pour prophétiser, avait été posés des tables basses et de multiples coussins formant des espaces qu’on devinait doux.
Un des espaces était déjà occupé par la princesse. Derrière elle se trouvait sa servante, et encore derrière Myinda raide comme une lance et ses guerriers aussi immobiles que les colonnes du bâtiment des fumées où se tenait l’oracle. Si les convives allaient manger allongé, l’oracle état déjà assis sur un curieux siège bas en bois dont on devinait la richesse des sculptures. 
Voyvoylin était allongée face à l’oracle, à sa droite et à sa gauche les places étaient libres. D’autres emplacements étaient disponibles un peu en retrait. Moins richement décorées, elles attendaient d’autres convives.
- You êtes là… mais ye ne sais même pas votre nom...
- Mon nom est Louny, princesse Voyvoylin.
- Yous êtes au moins prince…
- Oui, princesse, au moins. Je suis en quête et mon royaume est loin d’ici.
- UNE QUête, c’est passionnant.. Nous yaussi.
- J’ai cru comprendre en arrivant que justice venait d’être rendue…
- Oui, cher prince… Yustice fut rendue. Il y a bien longtemps que cela aurait dû être fait… Mais yous-même… Ye n’ai pas vu de bateau.
- J’ai abordé l’île de l’autre côté et je suis venu en suivant la plage.
- Et yous yavez survécu à tous ces yorribles monstres qui grouillent dessus.
- Ils sont plus souvent absents que présents. J’ai choisi les moments.
Lyanne sentait la princesse très curieuse d’en savoir plus sur sa quête. Il éluda encore une ou deux questions quand apparurent des gardes.
- Voilà mon père, dit Voyvoylin en se redressant.
Lyanne se leva aussi, seul l’oracle resta assis. Ce dernier avait écouté l’échange sans dire un mot, le visage caché sous la capuche.
Kayallin était grand et large d’épaules.
“ Superbe guerrier !” pensa Lyanne. La démarche souple lui rappela celle des loups noirs. À sa ceinture une épée longue lui battait les jambes comme mue par une volonté propre. Derrière lui venaient deux autres personnages lui ressemblant par leur allure, encore après venait la garde. Kayallin vint s’incliner devant l’oracle.
- Y’espère ne pas être en retard ?
- Rassurez-vous, roi Kayallin, vous arrivez au bon moment.
- Ye ne suis pas encore roi. Tant que le conseil ne m’aura pas reconnu…
- Les bateaux arrivent, prince futur roi. Nous monterons alors au sommet pour un grand oracle.
Kayallin s’inclina à nouveau et se dirigea vers la place restée libre. Les autres se répartirent sur les sièges dans un ballet bien réglé. Lyanne nota ce détail. Ils savaient tous comment se comporter.
Avant de s’installer, Kayallin se tourna vers Lyanne.
- Ye vous salue, noooble étranyer.
- Je vous salue, prince, futur roi Kayallin.
- Êtes-yous familier de ces lieux comme l’est mon peuple.
- Je suis en quête et passe par ici en suivant les signes que m’adresse le destin.
- Une quête ? Nous réservons ça aux enfants ! Les hommes faits ont d’autres ambitions.
- Comme celle de devenir roi ?
- NON ? Comme celle de la yustice ! Nous nous battons pour la yustice !
Lyanne n’insista pas. Il ne sentait pas chez son interlocuteur assez d’humour pour supporter la discussion.
L’oracle intervint :
- Prenez place, vous êtes mes invités.
Après un dernier échange de regard, Kayalin et Lyanne prirent place.
Aussitôt un gong résonna. Ce fut le signal. Les premiers plats arrivèrent. Devant la qualité de ce qui était servi le prince qui attendait d’être roi se détendit.
L’oracle reprit la parole :
- Le prince Louny qui cherche ce qu’il ne sait pas nous racontera sa quête plus tard. Il serait bon qu’il entende la vôtre prince, futur roi Kayalin.
Ce dernier fit un signe de tête d’approbation.
- Mon pays est à trois yours de bateau de cette île. Depuis touyours nous entretenons des relations étroites avec l’oracle. Quand il exiSte plusieurs prétendants au trône, nous venons iCi. Souvent nous avons évité des guerres. Nous faisons de même quand menaCent les catastrophes. Quand Yourtalin arriva sur le trône, il était yeune et puissant. Il était notre yespoir face à la menaCe des Sérinya. Ils avaient déjà envahi la vallée de Stiefline et nous allions manquer de vivres. Il a trouvé les mots pour que tous nous avancions ensemble. On n’avait pas vu ça depuis… depuis… Ye crois que le grand oracle était encore vivant.    
- Qui est le grand oracle ? interrompit Lyanne.   
Ce fut l’oracle qui lui répondit :
- Il fut le premier et sa vie fut longue et riche de toutes les paroles qu’il a dites. Quand les bateaux seront là, nous irons au pied de la statue que lui a faite la montagne pour la grande divination.
Kayalin reprit la parole :
- Y’étais yeune mais déyà, ye servais. Ye portais les flèches pour les guerriers. Y’ai assisté à la bataille. Les Sérinya étaient comme des sauterelles dans un nouage, avec des lances. Leur armée couvrait la plaine à la sortie de la vallée de Stiéfline. Y’ai cru que yamais ye ne verrai le soleil se lever le lendemain…
Kayalin s’interrompit la gorge serrée à l’évocation de ce souvenir. Il reprit après quelques instants :
- Les Sérinya nous ont laissé nous mettre en place. Yourtalin avait mis en avant tous les porteurs de lances. Il les avait ranyés sur la colline qui fermait la vallée. Face à la marée des ennemis, nous n’avions que dix rangs de guerriers. Voyant notre faiblesse, c’est en hurlant que les Sérinya sont montés à l’assaut. Mais Yourtalin avait misé sur les arcs de sa tribu. Derrière la colline, tous les hommes et toutes les femmes capables de tirer à l’arc s’étaient groupés. Ces arcs étaient si puissants que malgré la distance, ils firent des ravayes dans les rangs des Sérinya qui durent se replier. À chaque assaut,  les archers les ont repoussés. Entre deux nous courions récupérer les flèches. Malgré notre vitesse  et notre souplesse, nombreux furent les yeunes qui tombèrent.
De nouveau Kayalin s’interrompit. Un voile passa devant ses yeux à l’évocation de cette journée.
- Quand se coucha le soleil… la vallée était yonchée des corps des Sérinya. Personne n’a su qui avait lancé la flèche qui avait tué leur roi. Sa mort alors que le soleil disparaissait derrière l’horizon, nous a donné la victoire. Ainsi commença le règne de Yourtalin.
L’arrivée de serviteurs les bras chargés de nouveaux plats interrompit Kayalin. Il fit silence quelques temps puis après avoir bu, reprit son récit.
- Le début du règne de Yourtalin fut un temps de paix. Le peuple Sérinya avait été repoussé loin des frontières. On pouvait voyayer et faire du commerce. Les paysans faisaient leurs récoltes en temps et en heure… C’est à cette époque que y’ai épousé ma bien aimée Voylin. Ye suis parti avec elle sur l’île de Beryam pour la gouverner au nom de Yourtalin le bien aimé. Nous avons passé les plus belles années de notre vie. Et puis, Yourtalin a fait ce qui est mauvais aux yeux des dieux, mais ye ne le savais pas. Y’ai pris le jour de la grande tempête pour un your de malchance. Dans les yours qui ont suivi, nous avions trop à faire pour nous interroyer. Il nous a fallu une saison complète pour tout remettre en ordre et une année entière pour avoir le temps de penser à autre chose. C’est alors que nous a frappés la deuxième catastrophe. La saison de la pluie avait été abondante, nous nous réjouissions de ce que donnerait la moisson quand sont arrivés les piqueurs. Avec les piqueurs sont arrivées les fièvres. Ye fus le premier touché. Voylin m’a soigné de toutes ses forces avant de tomber malade elle-même. Heureusement nous avions envoyé Voyvoylin sur le mont de l’ïle car les piqueurs n’y allaient pas. Cette saison fut pire que la guerre. Des bateaux partaient tous les yjours pour immeryer les corps au larye. Arriva même le jour, où il n’y eut plus assez de marins pour le faire. Ce furent les yours noirs. Avec la chaleur de la saison du grand soleil, les corps se putréfièrent. Ce fut l’enfer. On ne compta plus les morts, on compta les vivants. Un jour, leur nombre ne diminua pas. Ce fut le premier your de la renaissance. Nous n’étions plus que des squelettes qui bouyeaient encore. Quand nous nous sommes rassemblés dans le palais, toutte la population tenait dans la salle d’audience. C’est alors que Cagnylia, le seul prêtre survivant déclara qu’une faute avait été commise, une faute tellement grande qu’elle avait entraîné notre châtiment à tous. Tout le monde a fait silence pour l’écouter. “Nous sommes passés par le feu de l’épreuve, a-t-il déclaré. Nous sommes purs”. Puis il nous a exhortés à chercher autour de nous ceux qui avaient fait un pacte avec les démons. Notre seule yoie a été de découvrir que ceux que nous avions envoyé sur le mont de l’île étaient presque tous vivants et surtout ma bien-aimée Voyvoylin.
De nouveau Kayallin s’arrêta de parler,la voix trop chargée d’émotions. Puis il reprit :
- Y’avais perdu sa mère. Voylin a été exemplaire jusqu’à ce que les fièvres ne l’emportent. Elle a aidé tous ceux qu’elle pouvait et même au-delà. Ye ne voulais pas perdre ma fille. Y’ai cherché qui pouvait ainsi avoir passé un pacte avec les démons. Les malheurs nous frappaient encore. Nos eaux qui nous avaient donné tant et tant de poissons, étaient maintenant presque désertes. Ce fut une rumeur qui m’alerta. Un de mes serviteurs en parlait avec un autre pendant que ye passais non loin d’eux. Un marin lui aurait dit qu’il avait entendu parler du retour des Sérinya. Ye les ai interrogés moi-même, mais ils ne savaient rien de plus. La nouvelle était assez grave pour que y’en parle avec Cagnylia. Il a intercédé pour nous. Les dieux ont donné leur réponse. Ye devais y aller.
Y’ai réuni des hommes, les plus valides et les plus vaillants. Nous avons embarqué dans la dernière barcasse qui nous restait et nous sommes partis vers la grande terre. La traversée fut longuye et difficile. Les vents nous étaient contraires comme si les démons de la terre et de la mer nous repoussaient autant qu’ils pouvaient. Nous n’avons pas réussi à atteindre le port au cinquième your, alors y’ai donné l’ordre d’accoster. Nous avons touché terre dans les landes de Ryalmak. Ye pensais qu’elles seraient désertes. Les légendes en font la terre des malheurs. Y’ai eu la surprise de la voir couverte de feux de camp. Nous avons presque dû nous battre quand s’est avancé celui dont la mère avait nourri ma jeunesse. Tous ici étaient des réfuyiés qui avaient fui devant les Sérinya. Devant mes reproches d’avoir fui sans se battre, on m’a répondu qu’on ne pouvait pas combattre les siens. Ye suis resté sans voix, yusqu’à ce qu’on m’explique que Yourtalin avait vendu la terre aux Sérinya, mais une terre vide. Son armée, notre armée avait chassé notre peuple, mon peuple pour laisser la place à nos ennemis…
Lyanne sentit la colère vibrer dans les paroles de Kayallin à l’évocation de ce désastre. Nombreux avaient été les morts. Nombreux étaient-ils encore dans ces landes de Ryalmak tout juste bonnes pour abriter les bêtes sauvages.
- C’est alors que y’ai vu un groupe de soldats qui maltraitaient une pauvre femme. Y’ai même pas réfléchi… Ye les ai tous tués. Autour de moi, tous m’ont acclamé. D’autres soldats sont arrivés pour venyer les morts. Ce fut une bataille yénérale que nous avons gagnée. Derrière mes quelques hommes se tenait une foule armée de bric et de broc prête à en découdre pour se venyer de tout ce qu’elle avait subi…
De nouveau Kayallin s’arrêta de parler comme si trop d’émotions l’envahissaient.
- C’est alors que la reconquête a commencé. Ye suis parti des landes de Ryalmak avec quelques escouades et ye suis arrivé devant la capitale avec toutes les troupes que nous avions rencontrées.
Dans la ville, ne restait que la garde proche, tous les autres avaient déserté pour nous rejoindre. C’est alors que nous avons vu les Sérinya. Ce fut un hurlement qui fit trembler les murs de la ville quand ceux qui me suivaient les virent. Y’ai dû batailler ferme pour les retenir et les faire ranyer en ordre de bataille. Notre fougue les a balayés. Eux qui venaient pour défendre Yourtalin furent tous décapités. On fit des pyramides de leurs têtes. Avec la nuit, on fit des feux et ce fut la fête seulement ternie par la disparition de Yourtalin. Certains disaient qu’il avait quitté le fort bien avant que nous arrivions, qu’il était en route pour les terres occupées. Mais personne ne savait. Y’ai laissé la foule se réjouir. Y’ai mis mes hommes à la recherche de Yourtalin. Toute la nuit, ils l’ont cherché sans le trouver. Au petit matin, ils m’ont ramené un serviteur tout tremblant qui nous a avoué l’avoir vu partir. Toute la foule hurla sa colère le lendemain quand y’ai annoncé l’absence de Yourtalin. Tous voulurent partir à sa poursuite. Y’ai dû les ralentir et les organiser. Nous sommes partis dix yours plus tard avec armes et bagayes pour reconquérir notre terre. Sur le chemin nous avons vu arriver l’armée. Ye me suis avancé seul devant eux. Leur chef m’a reconnu. Il est venu parlementer. Cela a pris deux yours mais il s’est ranyé à nos côtés. C’est plein de cette force que nous avons atteint la plaine où nous attendaient les Sérinya. Ce fut une bataille terrible qui dura plusieurs yours. À un moment, nous avancions, à un autre, nous reculions… Et puis, et puis des forces nouvelles sont arrivées. Toutes les tribus étaient là. Ce fut une immense clameur sur le champ de bataille. Alors les combats ont tourné à notre avantage. Plus nombreux que les Sérinya, nous tenions le fleuve. Leurs renforts ne pouvaient pas traverser. Nous les avons massacrés une ligne après l’autre yusqu’au dernier carré.
De nouveau Kayallin s’arrêta pour se désaltérer. Seul l’oracle semblait ne pas être sensible au récit. Lyanne se demanda s’il le connaissait déjà. Son attention se reposa sur l’orateur quand il reprit la parole.
- Y’ai alors découvert Yourtalin au milieu. Y’ai fait arrêter les combats. Ye leur ai laissé le choix, la vie et l’esclavaye, ou la mort. Ils ont choisi la mort. Nous les avons abattus de loin. Les archers à chaque volée, décimaient les rangs encore debout. Seul Yourtalin restait étranyement indemne. À la fin, il ne resta que lui, blessé mais debout. Aucun archer n’osait le mettre en joue. Alors y’ai dit qu’on devait en appeler à l’oracle. C’est comme cela que nous sommes arrivés ici et que Yourtalin a été yugé.
Ce fut le silence derrière ces paroles. Puis, sur un signe de l’oracle, des musiciens se mirent à jouer un air aux harmoniques étranges. Lyanne en sentit le bercement. Ce fut pour lui, comme la voix d’une mère qui console son petit enfant. Il revit la Ville et Talmab quand elle l’avait accueilli pour son apprentissage. “ Quelle étrange musique !” pensa-t-il. Il regarda les autres qui semblaient eux aussi perdus dans des souvenirs aussi doux que les siens.
Voyvoylin prit la parole d’une voix pleine de cette douceur pour demander à Lyanne de parler de sa quête. Cela fit se renfrogner son père pour qui le mot sonnait comme un enfantillage.
La musique s’était arrêtée sans que personne ne remarque à quel moment. Lyanne regarda tour à tour l’oracle, Kayallin et Voyvoylin. Il ne savait pas trop quoi dire après cela.
- Je cherche ce que je ne sais pas. Ma route ne fait que suivre les signes que j’y découvre sans savoir où ils me conduisent. Votre fille, futur roi Kayallin, me demandait si j’étais prince. Je peux dire que je suis roi. Mon royaume est loin d’ici. J’ai déjà beaucoup voyagé pour atteindre cette île.
- Ye n’ai pas vu votre navire, l’interrompit Kayallin.
- Je suis arrivé sur l’autre versant de la montagne et j’ai fait le tour pour arriver ici. J’ai déjà beaucoup appris. J’attends comme vous la montée au sommet. Aurais-je la réponse ? Ou bien encore une fois aurais-je simplement la direction vers où aller ?
Voyvoylin eut une petite moue charmante devant cette réponse. Elle minauda :
- C’est avec plaiyir que ye ferais cette escalade avec vous !
La soirée s’écoula doucement. Voyvoylin semblait tester ses charmes sur Lyanne sous le regard réprobateur de son père qui ne cachait pas son animosité envers cet étranger.
Quand tout le monde se retira, Lyanne partit vers sa chambre et après avoir renvoyé le serviteur, se coula dehors dans l’ombre. Il allait s’envoler quand il entendit des bruits de pas, furtifs. Se perchant sur une branche basse, il examina la silhouette qui s’avançait en rasant les murs. Il sourit de tous ses crocs en voyant la suivante de Voyvoylin qui cognait à sa porte en l’appelant à voix basse. Il l’entendit dire que sa maîtresse l’invitait mais devant son silence, elle repartit tout aussi discrètement.
Lyanne, déployant ses ailes, prit son envol et plongea vers l’endroit qu’il avait repéré. Les Montagnes Changeantes l’attendaient…

lundi 14 juillet 2014



Le premier matin, les serviteurs de l’oracle regardèrent Lyanne d’un drôle d’œil. Il les vit s’interroger. Il entendit même un bout de conversation entre deux hommes qui n’avaient pas conscience qu’il était dans la pièce d’à côté. Ils s’étonnaient de sa présence. Comment avait-il pu arriver sur l’île ? Son arrivée dans le couloir les avait fait fuir. L’oracle, dont il ne savait toujours pas si c’était un homme ou une femme, avait donné l’ordre de le loger dans une des petites maisons qui bordaient la forêt. De l’autre côté de l’esplanade, il vit un groupe de gens. Il pensa aux occupants du bateau. Il n’eut pas le temps de s’interroger sur ce qu’il allait faire. Quelqu’un lui amena à manger. Il s’installa sur un morceau de tronc coupé qui servait de tabouret pour déguster un brouet fait de soupe de crabes. Cela le fit sourire. En face de lui, il vit les autres invités faire comme lui. Pensaient-ils à l’individu dans le sable ? S’il en avait l’occasion, il pensa qu’il lui serait profitable de savoir l’histoire. Quand il eut terminé, un serviteur s’avança :
- L’oracle m’a demandé d’être à votre service et de répondre à vos questions. Mon nom est Trend.
- Bien, Trend. D’où viennent les gens d’en face ?
- Leur royaume est à des jours de navigation sur une grande terre. Ceux-là ont fui en emmenant un personnage qui était garrotté quand ils ont débarqué. L’oracle les a reçus immédiatement. Je ne suis pas autorisé à écouter ce qui est dit quand l’oracle respire les vapeurs de la terre. Je ne sais pas ses paroles. J’ai entendu leurs cris et j’ai vu leur colère. Ils ont immédiatement emmené le prisonnier sur la plage. Je n’en ai pas vu plus. Mais on m’a dit qu’il avait été enterré dans le sable devant la marée montante. Ceux qui logent sur le devant, m’ont dit qu’il avait hurlé jusqu’à ce que l’eau le recouvre.
- Sais-tu pourquoi cela ?
- Non, invité de l’oracle. Seul notre maître le sait et ceux du bateau.
Puis le serviteur lui fit les honneurs de l’habitation. Lyanne en profita pour se glisser dans la vasque naturelle qui était en bordure de la forêt. L’eau qui y coulait était chaude et cela lui détendit bien les muscles. Il se laissa aller. Il aimait ces moments de pure sensation. Ce flottement lui était plus qu’agréable. C’est dans cet état un peu second qu’il entendit arriver d’autres personnes. Elles marquèrent un temps d’arrêt en le voyant, puis leurs pas reprirent leur progression. Ils les entendit échanger des paroles dans une langue chantante. Quand il ouvrit les yeux, il vit deux jeunes femmes habillées de grandes étoffes chatoyantes.
- Bonjour, dit-il.
- Bonyour, répondit la plus jeune.
Son corps mince était enveloppé d’une étoffe aux reflets verts qui s’harmonisait avec ses yeux. Sa compagne beaucoup plus effarouchée, faisait deux fois sa taille. Son habit tirait sur les bruns. Derrière elles, apparurent des guerriers, grands et élancés, armés de lances. Fermant la marche, un grand gaillard portait un casque de fibres séchées orné de plumes. Il regarda Lyanne semblant soupeser en tant que combattant. Il s’adressa à la jeune femme dans une langue aussi chatoyante que son étoffe. Elle se renfrogna et lui répondit sur un ton sans équivoque. Elle était le maître, pas lui. Cela fit sourire Lyanne. Elle le regarda et lui sourit en retour. Puis d’un geste gracieux, elle dénoua le noeud sur son épaule et dans une superbe nudité, se mit à l’eau. Le chef des gardes aboya des ordres et ses guerriers se mirent en faction autour de la vasque dans laquelle il barbotait. L’autre femme, que Lyanne estima être une suivante, fit de même. Puis sans autre cérémonie, elle entreprit de laver la chevelure de sa maîtresse.
- Yous êtes là depuye longtemps ? demanda la jeune femme.
- Je suis arrivé après vous, répondit Lyanne en se redressant.
Son mouvement provoqua une réaction des guerriers qui se mirent en garde.
- Myinda trouve que you êtes danyereux.
- Il a raison. Je suis un être dangereux.
- Ye ne vous ressens pas comme ça. Ye me trompe yamais.
- Vous avez raison aussi. Je suis sans violence envers vous. Vous êtes une belle inconnue.
- Ye suis Voyvoylin, fille de Kayallin et nièce de Yourtalin qui fut yugé et puni.
- L’homme de la plage est… était votre oncle.
- Oui, mon père l’a amené pour le yuyement de l’oracle et l’oracle l’a yuyé mauvais. Il a subi le sort des mauvais.
- Votre peuple aime la justice.
- La yustice est nécessaire, sinon c’est la guerre.
Elle se tourna brutalement vers sa suivante et lui dit d’un ton sec, une phrase qui la fit rougir. Lyanne en profita pour sortir de l’eau.
- Princesse Voyvoylin, nous aurons sûrement l’occasion de nous revoir. Que le jour vous soit favorable.
Lyanne se retourna mais pas assez vite pour ne pas voir la déception qui traversait le visage de la princesse. Il décida de s’enfoncer dans la jungle derrière. Il n’avait pas fait plus de dix pas que Vimes le rattrapa.
- Il ne faut pas, invité de l’oracle !
- Quoi ? demanda Lyanne.
- Il ne faut pas s’enfoncer dans la jungle sans guide ni armes. Il existe trop de mauvaises choses.
- Sois sans crainte, serviteur de l’oracle, toutes ces mauvaises choses m’éviteront.
Devant un tel aplomb, Vimes en resta interdit. Lyanne en profita pour s’éloigner. La végétation était dense et rapidement, il ne vit plus ni les gens ni les bâtiments. Les sens en alerte, il progressa jusqu’à tomber sur une piste. Le soleil était haut dans le ciel. Il s’arrêta au bord. La visibilité était très réduite. D’un côté comme de l’autre, des virages bloquaient toute visibilité. Il examina le sol. Il en déduisit que la pente allait descendant vers sa gauche. Il prit à droite. Bien qu’étroite, la piste était bien marquée. Il monta ainsi un moment sans rencontrer personne. Il trouva la marche monotone. La végétation de part et d’autre était tellement dense qu’il ne voyait rien. Il avait l’impression de marcher dans un couloir dont le ciel serait le plafond. Quand il ressentit la faim, il décida de prendre son envol. Il se retrouva bientôt au-dessus de la forêt. Battant des ailes, il se dirigea vers la mer. Les quelques heures de marche qu’il avait faites, l’avait éloigné de la maison de l’oracle et l’avait rapproché de la montagne fumante. Son instinct lui disait qu’il lui faudrait aller au sommet. Il pensa qu’il était préférable de suivre ce que lui avait dit l’oracle. Inclinant ses ailes, il vira vers la mer. Il monta plus haut dans le ciel jusqu’à être au niveau du sommet. De nouveau, il entraperçut cette silhouette qui l’intriguait. Pourtant son attention fut attiré par une forme au loin. Il battit des ailes pour s’en rapprocher, survolant la mer et ses nuages bas. Il repéra le bateau et comprit pourquoi son oeil avait été attiré. Sa voile était rouge. Le vent bien établi, le poussait à une bonne allure. Lyanne pensa encore une fois aux paroles de l’oracle. Il faudrait bien deux jours pour que ce bateau arrive sur l’île. Cela le rendit joyeux. Voulant éviter de se faire remarquer, il s’éloigna, cherchant dans l’eau une forme allongée caractéristique de ces poissons goûteux qui lui plaisaient bien.
C’est rassasié qu’il retourna vers l’île. Jetant un dernier coup d’oeil en arrière, il remarqua d’autres voiles, rouges elles aussi. Les évènements allaient devenir intéressants. Il atterrit sur la piste près de l’endroit d’où il avait décollé. Reprenant la marche, il se mit à descendre vers les habitations.
Il arriva à la nuit tombée. Sa maison était ouverte, sur le banc, un plateau avec des victuailles et à côté, Trend qui l’attendait.
- Vimes a été inquiet de vous voir partir ainsi, invité de l’oracle, mais notre maître l’a rassuré. Selon lui, vous ne risquiez rien tant que les bateaux ne sont pas là. Demain, il y aura un repas donné quand le soleil sera au zénith. Notre maître vous invite. Il m’a dit de préciser que le prince Kayallin et sa fille serait avec vous.
- Bien, dis à ton maître que je serai présent. Maintenant, serviteur de l’oracle, tu peux te retirer. Je peux me débrouiller seul.
Trend le salua et à reculons, partit vers le grand bâtiment. Lyanne mangea un peu tout en se demandant ce que voulait l’oracle avec cette rencontre. Se retirant dans le noir de sa chambre, il prit son bâton de pouvoir et entra en contact avec les siens.

jeudi 3 juillet 2014

ERREUR

J'ai fait une erreur dans l'ordre des parutions...
Je rectifie en ajoutant celle qui manque et en corrigeant les dates

 

Lyanne se chauffait au soleil. Allongé sur le dos, il laissait la chaleur l’envahir. Le soleil au zénith lui intima de baisser les paupières. Doucement, il se laissa aller. Se retrouver homme lui était agréable surtout sous cette lumière qui irradiait. Il avait chassé la nuit dernière. Les poissons gris argent qu’il affectionnait, venaient plus souvent à la surface la nuit. Il laissa ses pensées aller sur tout ce qu’il avait déjà traversé pour se retrouver sur cette île où vivait un peuple perdu. Où était le signe pour continuer sa quête ?
La variation de lumière lui fit ouvrir les yeux. Un lourd nuage noir passait devant le soleil. Il réalisa que c’était de la fumée. Bientôt l’odeur fut sur lui, une odeur âcre et lourde. Il se leva, s’approchant du bord de la corniche. En bas, au bord de l’eau, brûlait un grand feu. Il fut étonné que le peuple aux yeux noirs fit un tel brasier. Le bois était rare. Ils récupéraient le bois flotté qu’ils utilisaient avec parcimonie. Que devaient-ils ainsi consumer pour faire un tel feu ? Une longue file se dirigeait vers le foyer, y jetait du combustible et repartait. Vu d’en haut, cela faisait comme une flèche tracée sur le sol. Il suivit du regard la direction ainsi donnée. Au loin, très loin, il sentit comme l’idée d’une présence. Il eut un sourire. Son cœur battit plus vite. Après tous ces jours passés, bloqué ici, un chemin se présentait à lui. Il prit conscience de son erreur. En voulant ne pas effrayer T’mag et les siens, il s’était enfermé dans une seule de ses natures. Il n’avait pu sentir ce qui, ici, lui semblait évident. Il plissa les yeux en reportant son regard vers la longue file près du feu. Les silhouettes étaient grandes comme des fourmis et il ne distinguait pas ce qu’il mettait dans le feu. Il voyait seulement la combustion brutale et la fumée noire qui s’élevait. Son esprit déjà tourné vers autre chose, il décida de partir sans plus de cérémonie. En redevenant dragon pour prendre son envol, il eut une pensée pour T’mag. Peut-être l’enfant pourrait faire autre chose que ses parents. Il en avait le potentiel, en aurait-il l’audace ? Il donna un grand coup d’ailes pour s’élancer et se laissa aller dans la pente avant de reprendre de l’altitude. Sous cette forme, sa vision était beaucoup plus précise. Tout en battant des ailes pour maintenir sa vitesse, il regarda une dernière fois le peuple aux yeux noirs. Il fut étonné de ce qu’il vit. La longue file qui attendait avant le feu n’était pas passive. Celui qui suivait rasait la tête de celui qui précédait. Le plus proche du feu jetait ainsi sa chevelure en offrande dans le feu puis repartait tout en psalmodiant. Lyanne ne pouvait pas comprendre cette folie. Où s’arrêteraient-ils ? Il chassa l’idée de son esprit pendant qu’il vérifiait son cap. Son avenir était là-bas.
Il lui fallut deux jours de vol avec un vent de travers pour apercevoir quelque chose. Ce fut étonnant pour lui de voler aussi longtemps en allant presque comme les crabes. Au loin fumait une montagne. Il pensa être revenu près de îles Waschou. En s’approchant, il vit des différences. Il avait atteint un autre lieu, à un autre endroit. Il pensa que les volcans étaient beaucoup plus nombreux qu’il ne le pensait. C’était une grande île avec un cône de belle taille. Il avait dû connaître de nombreuses éruptions car son flanc était entaillé et à ses pieds s’élevait une forêt lui donnant de loin un aspect vert et noir. Le soleil était encore haut dans le ciel quand il approcha. Il décida de faire le tour pour chercher un endroit pour se poser. Il fit deux fois le tour de l’île avant de repérer la construction sous les frondaisons. Il ne vit pas âme qui vive. Il décida de se poser sur un piton rocheux plus haut et de descendre à pied pour se rapprocher de ceux qui habitaient là, si toutefois quelqu’un y habitait. Il longea la pente. En passant à côté de la déchirure dans le cône, il crut voir une silhouette qui le fit sursauter. Son imagination devait lui jouer des tours. Il ne sentait pas de présence. Les roches noires pouvait prendre des formes bizarres. Pourtant, il sut qu’il viendrait voir ce qu’il avait seulement aperçu.
Il termina par un vol plané et se posa en cabrant brusquement ses ailes pour casser ce qui lui restait de vitesse.
La pierre était tiède, incontestablement tiède. Le feu de la terre devait être proche. La dalle surplombait la forêt. Il chercha un chemin pour descendre. Des pierres s’étalaient en pente douce. En sautant de l’une à l’autre, il descendit jusqu’au sol, au pied des grands arbres. Il continua à suivre la pente. La végétation était dense. Il décida de suivre la ligne de pente. Un fond de ruisseau lui servit de fil conducteur. Il atteignit le bord de la mer à la nuit tombée. La bâtisse devait être plus loin sur la droite. La soirée était douce. Le mieux était de se reposer là et de repartir le lendemain. Avec son couteau, il se coupa des branchages aux grandes feuilles pour s’en faire une litière. Il manipulait avec de grands gestes quand un serpent en tomba. Se dressant de toute sa hauteur, le reptile siffla. Lyanne le regarda et lui parla doucement :
- Je sais bien que je te dérange. Va en paix. Ton chemin est dans les arbres et le mien sur la plage.
Ils se regardèrent un moment sans bouger. Ce fut le serpent qui se remit en mouvement le premier. Il commença par se laisser aller au sol sans quitter des yeux Lyanne qui ne bougeait pas. Sans se presser le reptile retourna vers la forêt. Quand il eut disparu dans la végétation, Lyanne termina son couchage. Il ne vit pas d’autres menaces. Il laissa ses muscles endolori par le vol se reposer tout en regardant le soleil se coucher. Les pourpres du ciel le disputèrent un moment avec les bleus profonds de la nuit, puis les étoiles régnèrent en maître sur le paysage. C’est alors que commencèrent les bruits et les mouvements. Émergeant du sable des crabes par milliers se mirent en mouvement. Derrière lui, la forêt s’anima aussi. Entre les cris et les mouvements des branchages, c’est toute une vie qui se faisait entendre. Lyanne en fut étonné. Pendant sa traversée, s’il avait entendu des oiseaux, il n’avait pas remarqué autant d’être vivants. Si certains cris lui semblèrent familiers, la plupart lui étaient étrangers. Il devinait tout un monde de chasses, de fuites, de luttes. Il laissa son esprit vagabonder sur ce paradoxe de ces morts qui permettaient à d’autres de vivre.
Quand l’aube arriva, il vit les crabes s’enfoncer sous le sable de la plage. Il remarqua que toutes les bêtes avaient évité la proximité de son couchage. Cela le fit sourire. Il se mit en marche en suivant le bord de l’eau. Tout, autour de lui, semblait paisible. Même le ruissellement, pourtant sonore, semblait se fondre avec la sérénité du lieu. Lyanne en sentit toute l’ambivalence. Les nuits étaient fureur quand les jours étaient paradisiaques. Il profita du soleil pour avancer plus vite. Régulièrement il pataugeait pour traverser un ruisseau qui venait se jeter dans la mer. Le sable crissait sous ses pas le reste du temps. Le chant des oiseaux l’accompagnait même s’il ne les voyait pas. Il marchait depuis le matin quand il aperçut une voile au loin. Le vent bien établi, le faisait avancer rapidement. Lyanne le regardait se diriger vers la berge plus loin. Il pensa qu’il allait vers l’habitation qu’il avait vue depuis le ciel. Il reprit sa marche. Il estima qu’il arriverait là-bas au coucher du soleil.
Plus tard, il vit disparaître le bateau derrière un cap de roches noires qu’il atteignit alors que le soleil commençait à être bas sur l’horizon. Il fut heureux de sentir sous ses pieds quelque chose de plus dur que le sable. Il reconnut les mêmes roches que celles qui étaient sorties en feu lors de l’éruption. Refroidies depuis longtemps, elles se perdaient en mer. Il se mit à marcher en évitant les arêtes les plus coupantes. Il repéra le bateau au loin qui balançait doucement à quelques encablures du rivage. Il peina à avancer puisqu’il devait regarder où il mettait les pieds pour éviter de se faire mal. Le soleil bientôt arriva sur l’horizon plongeant dans la mer dans un superbe flamboiement. La nuit allait être belle. Il continua son chemin, il ne devait plus être très loin de son but. La lune se leva éclairant d’une lumière pâle ces roches sombres. De petites plages de sable aussi noir que les roches entrecoupaient les coulées qui faisaient comme autant de monticules sur son chemin. Il ne découvrait la suite de son parcours qu’à chaque sommet, découvrant une nouvelle difficulté ou une nouvelle plage. Les crabes commençaient à sortir. Son arrivée sur leur territoire mettait la panique dans le peuple des crustacés. C’est à celui qui fuirait le plus vite.
Au milieu de la nuit, il gravit une dernière coulée de lave, découvrant une plage au sable plus clair et un peu au large, le bateau à l’ancre. La plage était couverte de crabes comme les autres. La mer s’était retirée avec la marée, laissant un espace plus vaste. Quelque chose attirait les crabes qui semblaient former un monticule. Cela l'intrigua. Il se dirigea vers ce phénomène curieux. De nouveau sa présence les fit fuir. Un peu plus loin, il découvrit les bâtiments de pierre claire se détachant sur le vert de la végétation. Aucune lumière n’en émanait. Tout le monde devait dormir. Il reporta son attention sur la plage. Les crabes s’écartaient aussi vite qu’ils pouvaient de son chemin. Quand il arriva près de l’entassement de carapaces, ils mirent du temps à laisser la place, refusant de quitter l’endroit. Lyanne s’approcha pour découvrir ce qui les retenait là. Il sursauta et se pencha pour regarder de plus près. Dépassant du sable, il ne vit que le crâne presque complètement nettoyé par les crabes. Ils avaient même commencé à s’enfoncer plus profond. Il comprit mieux la réticence des crustacés à quitter ce lieu de nourriture. Il se releva. 
Il regarda à nouveau vers les bâtiments, s’interrogeant sur ce qui s’était passé. Il se remit en marche vers le littoral. Il atteignit la partie sèche de la plage. Il détailla les constructions qu’il découvrait plus en détail. Un long bâtiment bas se dressait le long de la plage. Au bout, une jetée s’enfonçait dans la mer. Plus loin, le bateau se balançait mollement. Une légère lueur clignotait le long d’un mât. Cela évoqua une lanterne oscillant au rythme des vagues. Lyanne s’avança en contournant le bâtiment. D’autres maisons plus petites s’étalaient sous les arbres derrière. Au milieu, il découvrit une esplanade couverte entourée de colonnes en bois. Il se dirigea vers cette construction. Une vasque en occupait le centre. En approchant, il vit des vapeurs qui s’en échappaient. Il se pencha pour mieux les sentir. Il plissa le nez. Cela sentait le feu et la terre brûlante. Il se releva.
- Que faites-vous ici, dit une voix dans son dos ? Vous n'étiez pas sur le bateau.
Lyanne se retourna vers l’origine de la voix. Il découvrit une petite silhouette assise dans le noir.
- Je suis venu par la plage, répondit-il.
- Alors vous avez vu.
- Pourquoi un tel sort ?
- Il était le passé.
Lyanne lui jeta un regard d’incompréhension.
- Qui est là ? demanda une voix grave.
- Moi, répondit la petite silhouette.
Un grand homme, large d’épaule, à la peau presque noire, s’approcha. Dans sa main, il tenait un solide gourdin.
- Vous n’êtes pas seule, ô oracle.
- Non, Vimes, je suis avec celui qui voit dans le noir. Tu peux continuer, il n’y a pas de danger ici.
Vimes s’inclina et se fondant dans les ombres des bâtiments faiblement éclairés par la lune, il reprit sa ronde.
- Parfois des animaux s’approchent trop près des maisons. Vimes les écarte.
Lyanne détailla mieux la silhouette quand elle se mit debout. L’aspect ne le renseigna pas plus que la voix, homme ou femme ? Il ressentait un être double.
- Vous me regardez et vous vous interrogez. Il est préférable d’ignorer ce que je suis vraiment. Personne n’arrive là où je suis, sans avoir traversé d’épreuves. Quand les gens du bateau m’ont demandé un oracle, j’ai senti que vous arriveriez bientôt. La respiration de la terre ne ment jamais. Un être de puissance était en chemin et vous arrivez.
- Je suis un simple voyageur en quête…
- Arrivant par la plage sans peur des myriades de crabes qui dévorent tout ce qu’ils trouvent.
Lyanne eut un sourire.
- Tous viennent me trouver pour trouver les réponses qu’ils ont déjà en eux. Les vapeurs de la terre me donnent la clairvoyance nécessaire. Votre arrivée est pourtant entourée de mystère.
- J’ai vu la montagne qui fume là-haut et comme une grande silhouette.
- Vous avez bien vu. Il fut un temps, très long, où l’oracle de la montagne siégeait sur le sommet de la montagne. C’était un grand être, grand comme une colline et sage comme la terre. A sa mort, le feu de la terre l’a transformé en pierre. Il avait formé le premier oracle humain. Là-haut est le grand sanctuaire. Les mystères y sont nombreux et les forces puissantes. Rares maintenant sont ceux qui s’y osent. La montagne est dangereuse pour les présomptueux.
- Mon désir me pousse à y aller, oracle.
- J’ai vu cela. Quand le soleil se sera levé trois fois, arriveront les bateaux. Alors viendra pour vous le temps d’escalader la montagne.

lundi 16 juin 2014

Tong ! Tong ! Lyanne ouvrit les yeux. Le bruit se rapprochait. Il était régulier. D’une sonorité grave, il lui évoquait les tambours Gowaï. Cela éveilla son intérêt. Il n’avait pas de glace en mer pour y creuser des tambours. L’eau transmettait aussi ces vibrations, ainsi que d’autres qui semblaient leur répondre. Repliant ses ailes, il se laissa couler. Il nagea vers la source du bruit.
Toong ! Toong ! Celles-là venaient d’en dessous de lui. Plus fortes, plus graves, il les relia à une source plus grosse qui montait vers la surface. Il sonda. Dans la lumière de plus en plus ténue, il sentit plus qu’il ne vit, la créature marine qui se dirigeait vers la surface. Malgré sa taille, il fut bousculé par la vague qui l’accompagnait. Il espéra ne pas avoir à lutter avec. Il la suivit. Parfaitement adaptée au milieu marin, la créature avait poursuivi sa route à une vitesse que Lyanne n’atteindrait jamais dans l’eau.
Quand il arriva près de la surface, il vit le chaos. L’eau était brassée dans tous les sens par un grand corps qui se débattait en s’agitant. En se rapprochant, il vit aussi des hommes qui tentaient de survivre dans ces maelströms. Un corps inanimé passa à côté de lui, il l’attrapa. On était en plein combat. Fort de son pouvoir, il fit une bulle d’air pour y enfermer celui qu’il avait attrapé. Prudemment, il resta en dessous de la bataille. D’autres hommes coulaient. Il laissa passer les morts et récupéra les vivants pour les mettre avec le premier.  
Lentement les événements se calmèrent. L’énorme créature des profondeurs était maintenant prise dans un réseau de cordes entremêlées dont elle ne pouvait sortir. Ainsi réduite à l’impuissance, la myriade de petites embarcations entreprit de la remorquer. De temps à autre la bête remuait encore sans pouvoir se libérer. Lyanne pensa qu’il était temps pour lui de sortir. La flottille était devant lui quand il émergea. Le premier qui le vit poussa un cri. Tous les autres se retournèrent. D’un même ensemble, ils se jetèrent sur leurs armes. Lyanne poussa en avant ceux qu’il avait récupérés. Un homme fit un geste et posa sa sagaie. Une embarcation se détacha du groupe pour s’approcher de lui. De son museau, il poussa les restes des barques et les hommes qui y étaient accrochés.
- TIMINKALOF ! hurla le barreur de l’embarcation en direction de la flottille.
À son annonce, il y eut des cris de joie. D’autres barques vinrent vers les rescapés qui se répartirent entre elles.
Resta celle qui s’était approchée. Le barreur fit des signes à ses rameurs qui par petites poussées, amenèrent l’embarcation près de la tête de Lyanne qui était la seule partie émergée.
- Rame na ko tongtong borsal.
Lyanne fixa l’homme dans les yeux. Comme toujours quand Lyanne faisait cela, l’homme se troubla, bafouilla un peu, mais Lyanne avait eu le temps de voir dans son esprit la langue qu’il parlait.
- Tu n’es pas un tongtong mais ta tête est aussi grande. Tu as sauvé les nôtres.
- Qu’il vienne ! hurla celui qui commandait la flottille.
Le barreur qui parlait à Lyanne s’était retourné en entendant crier, il regarda à nouveau Lyanne.
- Viens, nous ferons la fête.
Il sursauta quand Lyanne lui répondit.
La barque reprit le chemin du retour, suivant la flottille qui traînait le tongtong. Lyanne leur emboîta la pas.
Ils mirent une journée et une nuit à rentrer au port. De temps à autre le tongtong se manifestait en essayant de se débattre. Les barques étaient remuées dans tous les sens mais les cordes tenaient bon. Quand ils approchèrent de la côte, Lyanne ne put voir si s’était une grande île ou un continent.
Les hommes traînèrent le tongtong le plus près de la côte. L’énorme bête s’échoua. Elle eut des soubresauts qu’ils utilisèrent pour la monter encore plus haut. Sa queue et ses nageoires arrières étaient arrivées à la limite de la terre quand elle cessa tout mouvement. Pendant ce temps Lyanne était sorti de l’eau en ajustant sa taille.
Il s’approcha du tongtong.
Des hommes à longues sagaies encerclèrent et le tongtong et Lyanne. Le chef s’approcha prenant à son tour une de ces lances au manche démesuré. Il regarda Lyanne :
- Veux-tu le sacrifier ?
- Ce geste est celui du chef, répondit Lyanne. Tu es le chef.
Une silhouette, la tête couverte d’un grand masque, arriva en agitant des tubes qui faisaient du bruit.
- Que la paix soit sur notre peuple et la compassion dans son coeur. Tongtong ne nous maudit pas de t’ôter la vie pour que vivent les nôtres…
Lyanne recula, écoutant la psalmodie de bénédictions du chaman. Quand celui-ci eut fini, il s’arrêta auprès de la queue du tongtong. Sortant un court épieu, il le planta dans la peau épaisse qui en composait l’extrémité. Le chef s’élança alors sur l’épine dorsale de la bête échouée. Il courut jusqu’à sa tête sur son échine. Arrivé au bout, il enfonça sa lance en poussant un grand cri. On entendit un puissant TONG TONG pendant que se soulevait la tête dans un dernier spasme, secouant l’homme accroché à sa lance. Puis dans une grande éclaboussure, tout s’acheva. La tribu poussa des cris de joie et se rua vers la proie tant convoitée. Derrière les hommes, armés de longues sagaies tranchantes, venaient les femmes et les enfants avec des paniers pour récupérer ce qui allait être découpé. Le premier panier qui descendit fut amené à Lyanne, le deuxième au sorcier qui était à côté.
Ne sachant que faire, Lyanne regarda le chaman. Celui-ci quitta le masque et le costume qui le recouvrait. Comme tous les autres, il était d’une grande maigreur, ses yeux étaient aussi noirs que la nuit. Sans faire plus de cérémonie, il se jeta sur la nourriture. Lyanne, à son tour, goûta le tongtong. Il eut dans la bouche une chair élastique manquant de saveur. Il eut la vision des profondeurs de la mer et de ses noirs abysses.
Lyanne ne termina pas ce qu’on lui avait amené. Il autorisa le chaman qui avait englouti le sien à finir. L’homme avait ralenti et prenait le temps de mâcher entre deux bouchées.
- Vous étiez affamés, dit Lyanne
- Il n’y a plus… de nourriture… depuis des jours et des jours… J’ai intercédé... maintes et maintes fois… sans que les dieux… nous écoutent.
- La terre est pauvre.
- Oui, et la récolte… a pratiquement séché sur pied… Nombreux furent les morts.
Lyanne le laissa continuer à manger un moment puis il reprit la parole quand le chaman s’arrêta.
- Chassez-vous souvent les tongtong ?
- Traditionnellement quand les vivres viennent à manquer. Mais la chasse est difficile. Sans ton intervention, nous aurions eu encore plus de morts. Ta venue est une bénédiction qui va nous coûter.
- Explique-toi ?
- Nous sommes le peuple maudit. Notre terre est presque stérile, la pluie ne tombe presque jamais. Les autres peuples disent de nous que nous portons le mauvais oeil. Quand nous arrive un bienfait, nous devons le payer. Les morts lors de la pêche au tongtong, sont le prix à payer pour que les autres survivent. Beaucoup ont été sauvés cette fois-ci. Alors qu’allons-nous devoir payer ?
Le chaman leva un regard aux prunelles noires vers Lyanne.
- Tu ne peux comprendre, toi dont les yeux sont comme de l’or.
Le découpage dura plusieurs jours. Lyanne alla pêcher pour son compte, capturant des poissons aux reflets argentés qu’il rattrapait par son vol rapide.
Il profitait des repas du chaman pour venir parler avec lui qui jouait le rôle du maître sorcier auprès de ce peuple décharné aux yeux noirs. En survolant la région, il avait vu qu’il était sur une grande île non loin du continent. Le manque d’arbres, d’eau et de terres arables, rendait l’endroit peu enviable. Lyanne lui avait demandé pourquoi il ne pêchait pas les autres animaux. Le chaman avait répondu que les poissons autour de l’île étaient empoisonnés. Celui qui en mangeait se vidait de ses fluides intérieurs jusqu’à mourir. Quand Lyanne avait parlé des grands poissons argentés qui bondissaient en mer, là où ils avaient capturé le tongtong, le chaman parla du manque de lignes de pêche. Ils ne pouvaient faire que des cordes à tongtong avec les fibres de l’herbe qui poussait. Des cordes rêches et rugueuses qui agrippaient  bien la peau des tongtong mais pas les poissons argentés. Quand Lyanne avait parlé de chercher de l’eau pour arroser la terre, le chaman avait parlé du manque d’outils. Seul le bois flotté existait et on le gardait pour les indispensables sagaies à tongtong. À chacune de ses interrogations, le chaman répondait par une impossibilité, avec souvent un commentaire sur l’incompréhension de ceux qui n’avaient pas les yeux noirs.
Lyanne avait compris que ce peuple forgeait son identité autour de ses malheurs. Sans la croyance que rien d’autre ne pouvait exister pour eux, ils n’auraient pas pu continuer à vivre sur cette île.
Il fut un peu surpris de voir l’enfant venir vers lui.
- Z’est toi qu’a péché mon papa ?
- Il était à la pêche au tongtong?
- Z’est lui qui bat les tambours.
- Raconte-moi.
- T’as vu la grande barque ? Ben non t’as pas vu, elle est cassée.
L’enfant avait dit cela comme une évidence.
- Même qui vont la refaire, mais on sait pas quand.
Il disait cela en jouant avec une tige de ces herbes hautes qu’on trouvait en abondance et qui servait à faire les cordes à tongtong. Il traçait des traits dans la poussière se rapprochant et s’éloignant des griffes de Lyanne.
- Z’est vrai qu’tu voles ?
- Oui, répondit Lyanne.
- Pourquoi j’vole pas, moi ?
- As-tu déjà vu des humains voler ?
- Ben nan, mais si j’volais…
- Que ferais-tu ?
- J’ramènerai plein à manger !
- As-tu souvent faim ?
- Tout le temps, même que des fois, on manze des herbes.
- Comme celles que tu tiens...
- Ben ouais, ya rien d’autre... t’sais !
- Aujourd'hui, tu as du tongtong.
- L'est pas bon. J'préfère quand ya des galettes.
- Il faut autre chose que des herbes pour faire des galettes, répliqua Lyanne. Où trouve-t-on cela   ?
- Viens, j'te montre.
L'enfant parti en sautillant. Lyanne se leva et le suivi. Ils montèrent un moment pour atteindre un
 plateau un peu plus haut. La terre y était plus riche qu'au bord de la mer. Bien entretenue et bien arrosée, elle donnerai assez pour nourrir la tribu. Lyanne regarda autour de lui   :
- Où est la source   ? Il faut de l'eau pour que les plantes poussent.
- Faut aller la chercher là-bas, dit l'enfant en désignant un point au loin.
- C'est loin   !
- Et pi c'est lourd   ! Y'en a jamais assez   !
Lyanne regarda la terre devant lui. Il sentait l'eau qui courait en dessous.
- T'mag laisse l'invité, dit un adulte qui arrivait avec une cruche ébréchée pleine d'eau.
- Il m'enseigne, dit Lyanne...
Cela fit rire l'adulte aux yeux noirs.
- Il est bien petit pour enseigner. Y sais pas de quoi il parle.
- Il me parlait de l'eau qu'il faut aller chercher là-bas quand elle court sous la terre.
- C'est ce que j'vous disais   ! Il ne sait pas de quoi il parle. Y a pas d'eau en dessous. Dès qu'on creuse un peu, on tombe sur d'la roche qu'on peut pas casser. Même si y'avait d'l'eau on pourra pas l'atteindre. Y’aura d’eau quand la saison des pluies arrivera.
L’homme ne s’était pas arrêté pour parler et ses derniers mots s’étaient perdus dans vent pendant qu’il redescendait vers le village.
- Crois-tu tout cela T’mag ? demanda Lyanne à l’enfant.
- Tout l’monde dit ça, répondit l’enfant.
- Savent-ils tout ce qu’il y a à savoir ? Je regarde la terre par-là et je sens l’eau.
- Tu sens l’eau ?
T’mag renifla.
- J’sens rien !
- Viens, approchons-nous.
Lyanne se dirigea vers l’épaulement de terrain qui bordait les champs en amont.
- Que vois-tu ? demanda Lyanne à l’enfant.
- Ben rien !
- Rien ?
- Ben si, la terre, les cailloux, les herbes et puis les buissons...
- Vois-tu comment sont les herbes et les buissons ?
- J’comprends pas.
- Je vois des buissons presque verts alors que les autres sont jaunes. Pourquoi ?
- Parce que z’est comme ça, dit T’mag en haussant les épaules.
- Quelle curieuse réponse ?
- Z’est c’qu’on m’dit quand j’demande.
- Ah ! Peut-être voudrais-tu savoir ?
- Tu sais, toi ? demanda T’mag en jetant un regard plein d’espoir vers Lyanne.
- Allons-voir.
La bordure du champ était faite dfépineux aux branches fines. De petites feuilles vertes en montraient la vivacité sur une petite portion.
- Regarde, T’mag. Le sol est différent ici.
Lyanne donna un coup de patte, creusant un profond sillon au pied de l’arbuste.
- Tu pourrais creuser ici.
- Tu crois ?
- Essaye ! Sinon comment sauras-tu si tu peux le faire ?
T’mag chercha un peu et trouva une pierre plate qu’il put manipuler à deux mains. Il revint tout fier de sa trouvaille et donna quelques coups dans le fond du sillon creusé par les griffes de Lyanne. Il retira du sable grossier tassé par le temps. Quand il heurta la pierre, il dit :
- T’vois, ya que d’la pierre !
- Je vois, mais ce que tu viens de retirer est humide.
- Ah ouais ! j’avais pas vu. C’est curieux ça.
T’mag se remis au travail en suivant la zone humide.
- Aie ! dit-il en se piquant
Il regarda Lyanne :
- Y m’gêne, dit-il en désignant l’arbuste. Ça vient d’en dessous.
Lyanne posa ses griffes sur la plante et tira. Elle résista un moment avant de céder dans un grand craquement.    Elle sortit lentement de son logement avec une longue racine sur laquelle étaient encore accrochées des pierres.
T’mag siffla entre ses dents pour exprimer son étonnement. Il se pencha à nouveau vers le trou dans le sol. La terre y était humide. Il déblaya le cône laissé par la plante. Plus il enlevait de terre et plus elle était mouillée.
- D’l’eau ! dit-il en se relevant.
Son sourire se mua en masque de peur.
- Qu’est-ce q’va dire mon père ?
- L’eau est indispensable pour les champs, répondit Lyanne. Il en sera heureux.
- Mais tu ne comprends pas, c’est nouveau…
- Et ?
- Tout c’qu’est nouveau est dangereux. Si les anciens l’faisaient pas, c’est qu’y faut pas l’faire.
T’mag se mit à reboucher le trou.
- J’veux pas être celui qu’amène l’malheur…
Lyanne secoua la tête.
- Tu sais que l’eau est vie. Aujourd’hui tu as le droit de choisir. Un jour moi aussi, j’ai eu à choisir. C’était un anneau. Soit je le prenais, soit je le laissais. Dans un cas je vivais, dans l’autre je mourais.
T’mag s’était arrêté de remettre de la terre. Il regarda Lyanne.
- J’ai choisi ce qui pouvait sembler le plus risqué et… je suis là aujourd’hui.
T’mag avait hésité un moment mais sa peur fut plus grande.
- Faut remettre tout ça en place…
Lyanne mit un moment à le convaincre qu’on ne pouvait pas replanter l’arbuste, d’autant plus que l’eau avait trouvé son chemin. L’enfant avait pris peur et avait beaucoup insisté pour partir. Ce qui au départ lui était apparu comme un jeu, l’effrayait. Lyanne l’avait suivi sans rien dire.
Il avait fallu deux jours pour que l’eau remplisse le trou. Il fallut encore autant de temps pour que naisse le ruisseau.
Le chaman avait été convoqué pour faire une cérémonie conjuratoire. Quel mal allait arriver ?
Lyanne avait entendu T’amg dire à son père :
- En attendant qu’le mal arrive, on pourrait cultiver la terre.
- Tais-toi, mon fils. Il faut attendre ce que va dire le chaman. Les esprits sont contrariés. Rien de semblable n’est jamais arrivé.
- Ben oui, mais ya eu aussi l’arrivée du dragon qu’a sauvé les chasseurs de tongtong et ya rien eu de mal.
- Tais-toi, mon fils. Le chaman va parler.
- PEUPLE AUX YEUX NOIRS, hurla le chaman. La trame du monde a bougé.
Sa déclaration sidéra les participants. Tous se regardèrent avec des yeux inquiets. Qu’allaient-ils devenir ?
- Les antiques règles sont bouleversées. Un passage s’est ouvert entre les entrailles de la terre et notre plan de vie.
T’mag regarda Lyanne qui se tenait assez loin de là. Qu’avaient-ils fait ? La seule chose qui le rassurait, était que personne ne semblait savoir qu’il était celui qui avait ouvert le passage.
- Les esprits m’ont parlé. Cette eau n’est ni malédiction, ni bénédiction. Elle est force, tellement forte qu’elle les déplace. Leurs voix devenaient faibles… Bientôt, ils ne seront plus là pour nous guider.
Il y eut des cris dans l’assistance. Plus d’esprits pour les guider ? Qu’allaient-ils pouvoir faire ?
Si un des plus jeunes proposa de cultiver pour se préparer au pire, les autres décidèrent de faire un rite d’expiation pour les fautes qu’ils avaient dû commettre pour se voir ainsi punis.
Lyanne vit la majorité du peuple aux yeux noirs se diriger vers la plage. Les enfants furent écartés et s’égaillèrent dans toutes les directions. Lyanne arrêta T’mag quand il passa près de lui.
- Que vont-ils faire ?
- Faut qu’le sang coule pour apaiser les esprits. P’t-être qu’y reviendront ?
Lyanne le laissa continuer son chemin et se dirigea vers la plage. Le chaman haranguait les hommes pour qu’ils offrent leur sang sur la pierre à offrandes. Avec un morceau de coquillage, ils s’entaillaient suffisamment pour que le sang tache la pierre. Pendant qu’un participant officiait, les autres psalmodiaient un chant aux sombres accents. Les paroles parlaient de malédictions et de fautes. Lyanne ressentit une lassitude. Il était arrivé depuis maintenant assez longtemps. Il espérait avoir un signe de la direction à suivre. Rien ne se passait comme il espérait. Il décida de prendre du recul puisque tout ce qu’il faisait pour eux semblait leur compliquer la vie.
Il avait vu plus haut sur la colline, un surplomb. Il pensa qu’il y serait bien pour réfléchir. À l’abri des regards, il pourrait même reprendre sa forme humaine. Depuis qu’il avait fait Shanga, c’était la première fois qu’il restait aussi longtemps sous une seule forme. L’autre lui manquait. Jetant un dernier coup d’œil aux hommes qui se sacrifiaient pour une cause qu’il ne pouvait comprendre, il décolla.

mardi 10 juin 2014

L’éruption avait commencé dans la nuit. Lyanne regardait le panache de fumée et de vapeur qui s’élevait de la mer dans la lumière du soleil levant. Il avait l’intuition que son chemin allait dans cette direction. Il allait maintenant partir. Sa quête le menait de voyage en rupture sans lâcher ce qu’il était, un roi-dragon, incomplet tant qu’il n’aurait pas trouvé…
Il posa son bâton de pouvoir au sol. Il en sentit le tremblement, comme le grommellement d’un être qui exprimait sa colère. Devant lui, elle sortait en lourds nuages du fond de la mer. Il pensa : « Ce soir, peut-être demain, la terre émergera. Le royaume de Dgala s’agrandit ».
Il devint dragon rouge, aux larges ailes pour voler loin. Le vent lui serait favorable. Cela le fit sourire, découvrant ses crocs dont la blancheur contrastait avec le rouge profond de sa robe. Une sensation le fit se retourner.
Il vit Dgala.
- Cette nuit, j’ai entendu la terre. J’voulais pas qu’tu partes sans t’saluer.
Il s’approcha de Lyanne :
- J’tavais jamais vu en dragon.
- Cette vision te plait-elle ?
- J’comprends mieux ce que je ressens dans l’bâton. J’croyais pas qu’tu s’rais si grand.
Dgala eut un mouvement de recul quand le dragon rouge se mit à sourire de toutes ses dents. Il fut rassuré en entendant la voix de Lyanne :
- La vérité est souvent plus grande que l’apparence. Sois un bon roi, Dgala. Nous nous reverrons quand ma quête sera finie.
Lyanne se lança dans le vide, déployant largement ses ailes. Dgala le regarda s’éloigner, les yeux embués. Quand il rejoignit ses gardes, ceux-ci le regardèrent avec encore plus de considération. Désobéissant aux ordres dans l’intention de protéger leur roi, ils avaient vu ce qu’ils ne devaient pas voir. Ils avaient vu aussi Dgala discutant d’égal à égal avec cet être gigantesque pour lequel, ils n’avaient pas de nom. La légende se répandit doucement de l’intervention d’un oiseau rouge comme la lave et grand comme une colline pour rétablir la justice sur l’île de Fanhienne.
 

Lyanne contourna la colonne de fumées. Il survola le point d’éruption et vola droit dans cette direction. Tous ceux qu’il avait interrogés, lui avaient dit ne pas connaître de terre par là. Ceux qui avaient tenté la traversée n’étaient jamais revenu. Leurs bougies s’étaient éteintes sans qu’on les revoit. Tout en battant des ailes, Lyanne repensa à cette magie particulière du peuple des îles Waschou. Chacun, à sa naissance avait droit à une bougie qu’on allumait et qu’on déposait dans un temple. La flamme brûlait sans la consumer tant qu’il vivait. À sa mort, la flamme s’éteignait. Tout le monde savait ainsi qu’il était inutile d’attendre le retour de celui que la mer avait pris. Lui avait-on allumé une bougie ? Il en doutait.
Le temps passa. Quand le soleil passa au zénith, Lyanne planait. Il volait assez haut, se laissant porter par le vent régulier. Il avait perdu de vue l’île depuis longtemps et rien ne venait troubler le moutonnement de la mer en dessous de lui.
La vision du coucher de soleil le remplit de joie. Les rouges le disputaient à l’or. Il prit ce chatoiement du ciel pour un présage favorable. 
Le matin le trouva somnolant en vol. Le vent était régulier à cette altitude et la mer… vide.
« Bon, pensa Lyanne, c’est plus loin que je ne le pensais ! »
Pour se remettre en forme, il battit des ailes prenant de la vitesse. Il alla ainsi jusqu’au soir sans voir d’autres choses que ses ombres de poissons dans l’eau et des vagues à l’infini. Il était entre deux mondes aussi bleus que différents.
A l’aube du troisième jour, il vécut comme une déception de ne rien découvrir de nouveau. La mer était-elle si grande ? Pourtant il ne douta pas de son intuition. Il lui fallait continuer. Ce jour passa comme la veille. Quand arriva le lendemain, il ne fut même pas surpris de ne rien voir de nouveau, mais sa faim de dragon s’était réveillée, d’autant plus forte, qu’il volait depuis plusieurs jours. Il descendit près de l’eau. Il sentit qu’en volant à une certaine hauteur qui devait dépendre de sa taille, il fatiguait beaucoup moins. Il se perdit dans la contemplation des vagues, recherchant de la nourriture. Il captura ainsi quelques poissons. Moins gros que ceux de l’île de Fanhienne, ils suffirent à calmer sa faim par leur nombre. Cela lui occupa une bonne partie de la journée. Les attraper n’était pas toujours facile. Il lui fallait parfois plusieurs essais et il avait dévié plusieurs fois de sa route. Avec la nuit vint la brume. Il sentit l’air mouillé sur ses écailles. Sa mémoire fut emplie de souvenirs. Pour la première fois depuis le départ de Tichcou, il soupira sur la longueur de sa quête. Son pays lui manquait. Même si un dragon ne dormait pas, ou pas comme un humain, il aurait apprécié de se poser.
Au septième jour, il avait des bouffées de haine contre le brouillard et rêvait de mibur. La visibilité était nulle. Heureusement ses autres sens fonctionnaient.  Il devenait vent avec le vent, lumière avec la lumière. Allait-il en ligne droite ou tournait-il en rond ? Il ne savait plus. Le monde autour de lui avait cette couleur laiteuse qu’il avait rencontré dans le grand pays froid ou dans les chemins des Montagnes Changeantes. Était-il revenu en ces lieux si éloignés ?  Le vent lui indiqua un chemin, il le suivit. Il se laissait porter doucement, en faisant confiance… Il entendit le bruit des vagues. Il descendait. Quand il fut juste au-dessus de l’eau, il ralentit autant qu’il put et se laissa tomber. Il fit un grand bruit avec beaucoup d'éclaboussures. Il écarta largement les ailes qui s’étalèrent à la surface. Il se mit à flotter, bercé par le mouvement de la mer. Il n’y avait plus qu’à attendre. Il ferma les paupières.

dimanche 8 juin 2014

Les jours qui suivirent furent très chargés. Des équipes avaient été organisées pour fouiller la zone de la catastrophe. En écoutant les uns et les autres, Lyanne avait mieux compris la société des îles Waschou.
Chaque île était sous le contrôle d'un prêtre du dieu endormi et tous étaient sous la gouverne du grand-prêtre. Le dernier était Djalm dont on n'avait rien retrouvé. Pour les questions pratiques un chef de galères comme Djoug, était nommé par le prêtre de l'île, charge à lui de répartir le travail et les missions. Djoug était le chef de galère de Djalm. Mais si leur entente avait été bonne, elle s'était altérée au point que Djoug risquait d'être démis. Djoug faisait partie de ces plus jeunes qui souhaitaient faire évoluer la société. C'est-à-dire une société où lui et les autres chefs de galère auraient plus de pouvoir. Ils s'appuyaient sur le mécontentement du petit peuple qui souffrait de voir le temple engloutir le fruit de leur travail. Les premières portes en bois avaient demandé, vue leur taille, un an de récoltes et des razzias.
La cérémonie avait fait venir sur l'île tous les prêtres sauf Dgada, tellement vieux qu'il n'aurait pas supporté le voyage. Contrairement aux chefs de galère qui avaient été laissé de côté, tous les prêtres présents avaient fait des pieds et des mains pour être bien placé derrière Djalm. Ils étaient tous dans la dernière salle au moment du tremblement de terre et n'avaient pas eu le temps de se sauver avant l'arrivée de la lave. Djoug avait raconté que non seulement Djalm avait ruiné les îles en voulant de grandes portes en bois sculpté mais qu'il avait changé le cérémonial pour donner plus de place aux prêtres dès le début ce qui avait causé leur perte. Un apprenti prêtre avait expliqué à Lyanne le déroulement normal de la cérémonie. Dgala ne l'avait pas remarqué mais il existait une petite porte, juste assez grande pour laisser passage à un homme. C'est par cette ouverture que devait se glisser l'enfant marqué avec quelques serviteurs et ainsi de porte en porte. À la dernière, l'enfant marqué passait seul. Par un trou dans la pierre on passait une corde. Il tirait sur la corde quand il avait réussi sa mission et on venait le délivrer en ouvrant les grandes portes devant l'enfant vainqueur. Un événement avait permis à Djalm de changer cela. Lors de la cérémonie précédente, l'enfant était mort malgré sa réussite. La corde s'était coincée et le grand prêtre de l'époque était resté intransigeant. Il avait laissé passer dix jours avant d'envoyer un éclaireur. Pour éviter cela, et comme jamais les annales n'avaient mentionné d'échec, Djalm avait décidé d'accompagner l'enfant marqué pour bénéficier de sa gloire.
Lyanne avait beaucoup accompagné Dgala les premiers jours. Il prenait conscience petit à petit de sa puissance. Avec Djoug, ils prenaient le pouvoir. Au total, la catastrophe avait détruit la classe dirigeante sans détruire les rouages du pouvoir. Auréolé de ses miracles, Dgala était la personne idéale pour incarner une nouvelle ère.
Quand Lyanne avait remarqué l'osmose entre Dgala et son bâton de pouvoir, il avait pris du recul. Il parcourait les pentes de la montagne, s'arrêtant ici ou là pour méditer. Le Pays Blanc était en paix. Tichcou était en paix. Lui seul ne l'était pas.
Ce jour-là, il était sur un rocher, reste d'une éruption ancienne, devant lui, la mer. Il avait choisi le côté opposé à la rade. Personne n'y habitait. Le soleil brillait. Il déploya ses ailes pour se laisser chauffer. Sa perception du monde devint plus riche, plus complexe. Il vit la terre devant lui. Elle était comme lui, pleine d'une pression intérieure. La mer en était affectée. Le temps se contracta. Il vit surgir une nouvelle île à côté, puis une autre après, puis encore une autre. Dans des milliers de saisons, tout un archipel s'étalerait.
Quand il revint à la réalité de l’instant, la mer avait encore cet aspect curieux à ses yeux. Le rougeoiement qu’il avait vu à son arrivée semblait se superposer avec le bleu profond de l’eau. Pour Lyanne, ce fut évident, une nouvelle île de feu et de roches allait naître à cet endroit. Il prit cela pour un signe. Les dragons sont des êtres de feu, le feu du soleil couchant l’avait guidé, maintenant c’était le feu de la terre qui lui donnait la direction. Il se dit : “ Quand jaillira le feu de la terre, je partirai !” En attendant, les ailes largement étalées, il profitait de la chaleur du soleil.

Il rencontra Dgala le soir en redescendant. Il lui fit part de sa vision.
- Ton royaume va s’agrandir. Bientôt de nouvelles terres naîtront à côté de l’île de Fanhieme.
Dgala le regarda bizarrement.
- Comment sais-tu cela ?
- Je regarde et je sens ce qui ce passe. Les forces que tu as bloquées l’autre jour, doivent sortir. Tu leur as interdit un chemin, elles en trouveront un autre. La magie des bâtons de pouvoir est faite pour aider, pas pour bloquer la vie. La vie court et va son chemin. Si tu t’y opposes… tu seras perdant.
- Alors, j’dois pas empêcher ça.
- Tu es libre de faire ou de t’abstenir de faire. Tu peux tout faire, mais est-ce que tout est favorable ? Penses-y à chacun de tes actes. Nombreuses sont les conséquences de nos décisions. Certaines se dévoileront tout de suite, d’autres beaucoup plus tard et d’autres encore plus tard quand nous ne serons plus là. Regarde le bâton de pouvoir que tu as en main. Crois-tu que le roi-dragon qui l’a fabriqué savait que tu t’en servirais ?
Dgala resta pensif.
- Alors on peut rien faire !
- Il est nécessaire de faire pour vivre. On fait du mieux qu’on peut et à chaque geste, petit ou grand, qu’on y pense ou pas, on fait un choix. Reste à faire le plus favorable.
- Ben comment tu fais ?
Lyanne se mit à rire.
- Je fais simplement en suivant ce que je sens, ressens, et en fonction de ce que je crois. Et puis, parfois je demande l’aide du Dieu-Dragon.
- Quand tu le dis, ça a l’air simple, mais moi, j’vois pas tout ça… J’essaye de faire plaisir à ceux qui m’entourent.
- C’est une bonne chose. Pourtant méfie-toi, sache que que tu as besoin de rester en accord avec toi. Si tu t’oublies, tu finiras par être malheureux. Chaque jour, prends un temps. Assieds-toi et pose ton front sur ton bâton. Il t’aidera.
Dgala eut un sourire.
- Ça, j’veux bien, c’est pas trop dur.
Ce fut au tour de Lyanne de sourire.
- Bien, roi Dgala ! Sache que je vais bientôt partir. Tu as trouvé ta place. Ma quête continue.
Dgala se renfrogna.
- J’saurais pas sans toi.
- Tu sais déjà. Comme pour la puissance du bâton, tu ignores ce que tu sais.
- Mais si tu pars qui me conseillera ? Comment j’pourrais faire confiance à ceux que j’connais pas ?
- Grâce au bâton de puissance, tu as appris la langue du peuple. C’est aussi un bâton de vérité. Quiconque le touche en mentant, meurt. Tu auras, malheureusement, l’occasion de l’expérimenter. Quant à ceux qui auront assisté à la scène, auront répandu la nouvelle, cela t’aidera à gouverner...
Lyanne se tourna vers le large, il ajouta :
- Je partirai quand jailliront les roches de feu dans la mer.