samedi 15 février 2014

Lyanne avait repris son chemin. Ce séjour dans son antre lui avait fait du bien. Cela lui avait permis surtout de comprendre que le passé était une page tournée et que depuis qu’il avait fait Shanga, il n’y était plus lié. Sa quête devait le mener vers une autre chose.    
Il volait sur les ailes du vent allant vers là où le soleil sortait de terre. Il était maintenant libéré de la soif de l’or.
Sabda avait un savoir différent de celui de sa mère. Elle portait en elle le secret des parfums. Elle avait par différentes préparations, amené Lyanne vers une paix intérieure. Elle lui avait dit :
- Je sais que jamais tu ne seras mon compagnon. Tu es tellement autre. Mais j’ai senti ce que disaient les esprits. Tu es une âme sœur.
Devant l’incompréhension de Lyanne, elle avait continué.
- Ma mère a œuvré pour que tu vives. Elle a lié ainsi son âme à la tienne. Quiloma a œuvré pour que tu vives, même s’il ne le savait pas. Je suis leur fille. Nous sommes liés depuis avant que je naisse. Aujourd’hui, je fais ce pourquoi je suis née : aider. J’ai senti avant que les charcs n’arrivent qu’un évènement perturbait le monde. J’ai senti que tu étais impliqué mais je te croyais loin, très loin. D’ailleurs tu étais loin mais pas de la manière où je le pensais.
Lyanne se rappelait qu’il lui avait fallu du temps pour se retrouver. Sabda l’impressionnait comme la Solvette. Elle avait ces capacités à ressentir et à soigner auxquelles il devait d’être de nouveau lui.
Ce temps passé en vol lui faisait du bien. L’exercice physique avait un effet relaxant. Sa quête était importante. Il ne ressentait cependant aucune urgence. Il s’arrêta chez la Tchaulevêté. Ce fut un temps simple et convivial. Tchavo, heureuse de sentir que sa sœur et leur père allaient bien, fut une hôtesse parfaite. La neige avait beaucoup fondu quand Lyanne décida de repartir. Les deux femmes l’accompagnèrent. Tchavo voulait voir Lyanne devenir dragon. Elle battit des mains quand le grand dragon rouge décolla. Lyanne était porteur d’un message pour Vodcha et son père. Il les retrouva dans la petite maison dans la forêt. Maester allait bien. Vodcha fut heureuse de voir Lyanne. La guérisseuse regarda le roi-dragon avec étonnement :
- Je te pensais loin, près de celui qui est comme une montagne.  
Lyanne fut surpris de cette remarque.
- Mais femme, où est ce personnage ?
- Je ne sais pas, grand être, la vérité est en toi.
Quand il repartit, Lyanne avait l’esprit empli de cette question. Où devait-il diriger sa quête ? Salcha avait désigné la direction du soleil levant. Il reprit cette direction. En survolant Ainval, il eut un sourire. Il sentit en dessous de lui la puissance contenue de Salcha.
Il arriva avec le lever de soleil au-dessus du coteau rejoignant la plaine. Il se laissa planer pour se poser en haut de la pente. Au loin, il avait vu une ville.
Lyanne avait repris forme humaine une fois la bête avalée. Il avançait dans la forêt se dirigeant vers la lisière quand il vit un autre homme. Sans se dépêcher, ni tenter de l’éviter, Lyanne continua son chemin. Il désirait rejoindre la route. La ville lui semblait une bonne opportunité pour en apprendre plus sur celui qui est grand comme une montagne. Il pensait à une légende locale, d’ici peut-être ou d’ailleurs plus loin vers le soleil levant.
L’homme l’entendit et se retourna. S’il avait le teint hâlé des gens qui vivent dehors, il avait le regard apeuré des gens pauvres qui attendent le prochain coup du sort.
- Tu l’as vu ? demanda-t-il à Lyanne.
- Vu qui ?
- La bête qui a attaqué le mibur !
- Une bête ?
- Une bête volante ! J’ai vu une grande ombre noire juste avant l’aube plonger vers le mibur qui s’était éloigné du troupeau. J’avais jamais rien vu d’aussi gros.
- Tu gardes les troupeaux ?
- Oui, je suis au Seigneur Etouble.
- Son nom m’est inconnu.
- D’où viens-tu pour ne pas connaître le Seigneur d’ici. Il a guerroyé sous les ordres de Yas qui l’a récompensé en lui donnant de nombreux fiefs.
- Je viens de très loin. Son nom est inconnu dans mon pays. Le nom de Yas est connu. Ses armées sont arrivées dans nos vallées.
- Il faut que je retrouve ce mibur ou ce qu’il en reste. Si je reviens sans, je vais me faire écorcher vif !
Lyanne vit le regard du gardien s’emplir de terreur à l’idée de retourner vers son maître.
- Si tu racontes ce que tu as vu, il comprendra.
- Non, tu ne le connais pas. Je ne peux rentrer sans savoir.
- J’ai bivouaqué non loin d’ici. J’ai entendu beaucoup de bruit ce matin. J’ai pensé à des bandits, puis tout est redevenu silencieux et personne ne s’est montré.
- Et c’était loin ?
- Viens, lui répondit Lyanne en faisant demi-tour. S’appuyant sur son bâton de pouvoir encapuchonné, il remonta la pente qu’il venait de descendre. Il se dirigea vers la clairière où il avait mangé sans y aller. L’homme qui le suivait, dit :
- Par là, il y a un espace dégagé ! Vu sa taille, la bête n’a pas pu se poser ailleurs.  
Prenant les devants, il prit la direction qu’il indiquait. Lyanne le suivit jusqu’à la clairière. Le jour était maintenant tout à fait levé. Il découvrit en même temps que l’homme la flaque de sang au sol.
L’homme tomba à genoux en se prenant la tête entre les mains :
- C’est pas possible ! C’est pas possible !
Lyanne s’approcha de lui.
- Mais c’est un mibur, simplement un mibur et tu étais impuissant devant une telle bête.
L’homme continua à se lamenter un moment. Le monde extérieur avait disparu pour lui. Il ne cessait de répéter :
- Il va m’écorcher vif ! Il va m’écorcher vif !
Lyanne se sentit bouleversé par ce qui arrivait. Sa faim de dragon avait des conséquences imprévues. Jusque-là, il n’avait mangé que des bêtes sauvages ou des bêtes prévues pour lui. Les souvenirs du jeune dragon remontèrent à la surface. Il avait déjà chassé comme cela et avait trouvé cela normal. Faire Shanga n’avait pas que des avantages, pensa-t-il. Sa conscience lui disait qu’il ne pourrait pas se rassasier comme il le voudrait dans cette plaine à la dense population. Il mit sa main sur l’épaule de l’homme et dit :
- Je vais t’accompagner et je dirai que j’ai vu la bête. Nous connaissons un être comme cela dans ma vallée, nous l’appelons dragon.
À ce nom, l’homme releva la tête :
- Un Gragon ? Comme dans la légende ?
- J’ignore tout de la légende du Gragon, répondit Lyanne.
- Je la connais mal, mais ma grand-mère me racontait que le Gragon viendrait me chercher, si je n’étais pas sage, pour m’emmener et me dévorer.
- Oui, ce que tu as vu pourrait être comme ce Gragon dont tu me parles.
- Le Seigneur Etouble ne voudra rien entendre. Perdre une bête est passible de mort ! Je suis perdu !
- Tu pourrais le dédommager.
- Je n’ai rien, répondit l’homme, même ce que j’ai sur le dos vient de lui.
- Que sais-tu d’autre sur les Gragons ? demanda Lyanne en s’interrogeant intérieurement sur ce qu’il pourrait faire pour éviter la colère d’un seigneur qui avait droit de vie et de mort.
- Les Gragons volent la nuit. Ils sont très grands, certains sont grands comme des montagnes. Celui-là doit être un petit s’il s’est contenté d’une seule bête.
Lyanne sursauta en entendant « ...grands comme des montagnes ». Il fallait qu’il en sache plus. Il eut une idée. Pendant que l’homme contemplait la tache que faisait le sang sur le sol, il fouilla tout autour du bout de son bâton. Il sortit de sa besace un croc de crammplacs et le laissa tomber à terre. Il appela l’homme :
- Regarde-là ce que je viens de trouver...
L’homme vint voir et fut comme hypnotisé par la dent qui gisait au sol.
- Oui ! Oui ! haleta-t-il, ça pourrait bien être au Gragon.
Il la ramassa.
- Mais c’est lourd !
- Si la bête est comme tu le décris, cela me semble normal. Trempe-la dans le sang, cela sera plus convaincant.
L’homme lui jeta un regard reconnaissant.
- Avec ça j’ai peut-être une chance.
- Je viens avec toi pour confirmer tes paroles.
L’homme regarda Lyanne comme s’il le voyait pour la première fois :
- Qui es-tu ?
- Je suis un forgeron, répondit Lyanne. Je cherche à découvrir le monde. Je m’arrête là où je peux travailler un temps et je repars quand mes yeux sont lassés du paysage.
- T’es un homme libre, alors ?
- Oui. Je suis mon maître.
L'homme reprit sa contemplation de la dent de crammplacs. Plus grande que ses mains, elle pouvait servir de dague en cas de besoin. C'est le rôle que Lyanne lui réservait jusque-là. Maintenant qu'elle était couverte de sang, elle allait pouvoir alimenter la légende des Gragons.    

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