vendredi 14 novembre 2014

Lyanne retrouva la rigueur des guerriers blancs. Les déplacements et la vie durant les quelques jours que dura le voyage furent marqués de la même rigueur que celle qu'on lui avait enseignée. Jamais on ne le laissa seul. A tour de rôle, trois archers le surveillaient. Le gradé n'avait pas cherché à l'interroger plus. Il n'avait pas essayé de l'entraver ni de lui supprimer son marteau. Les soldats le traitaient bien tout en gardant leurs distances. Les chemins étaient bien entretenus et, pour ceux qu'ils empruntaient, étaient assez larges pour que trois hommes marchent de front. Ils traversèrent de petits villages assez pauvres. Les paysans saluaient bien bas quand ils en croisaient. Lyanne avait l'impression que le plus souvent les paysans cherchaient à éviter la rencontre.
Il pensa que le roi de ce pays gouvernait d'une main de fer.
Il remarqua que la patrouille ne suivait pas la route dont Katvia avait parlée. Elle devait avoir un itinéraire et ne changeait rien malgré sa présence.
Ce n'est que quelques jours plus tard que Lyanne vit la silhouette de la plus haute tour de la forteresse dans le soleil couchant.
Comme personne ne lui parlait, Lyanne ne demanda rien. Il estima qu'ils y seraient à la fin du prochain jour.
Le temps changea avec de lourds nuages qui montaient de la mer. Ils longeaient la mer sur une falaise couverte d'une herbe courte. Lyanne s'arrêta un instant et regarda.
Dominant la mer, il découvrit un grand château dont les pierres blanches tranchaient sur la falaise noire. Il était construit sur un promontoire dont la mer battait les pieds de ses vagues. Imprenable fut le premier mot qui lui vint à l'esprit. Un soldat interrompit le cours des ses pensées en lui faisant signe d'avancer. Lyanne reprit sa marche. L'arc à moitié bandé, le soldat lui emboîta le pas. C'était un archer redoutable. Lyanne l'avait vu chasser. D'une flèche, il était capable de toucher un oiseau en vol. C'était aussi le plus ancien.
Ils marchèrent ainsi jusqu'à la pause, longeant le bord. Si Lyanne avait l’œil attiré par la forteresse, il ne fut pas sans remarquer à la limite de son champ de vision, une ombre noire aussi rapide que fugace. Alors qu'il tournait la tête un peu brusquement pour mieux détailler l'ombre entr'aperçue, il vit l'archer regardant dans la  même direction. Il l'entendit jurer et le vit cracher par terre. Un des soldats lui demanda ce qui se passait. L'archer répondit :
- Qui croise la meute, croise la mort.
L'autre blêmit :
- T'as vu la meute ?
- Ça fait plusieurs fois que j'en vois l'ombre.
Le gradé qui avait entendu, intervint :
- Vous n'allez pas croire ces contes de gamins... Allez, en route !
La patrouille repartit sur le qui-vive. Chacun de ses membres scrutait tout autour.
Avec la nuit, les hommes devinrent nerveux. Aucun n'osa s'isoler sans prendre une torche. Quand ce fut au tour de Lyanne, on lui imposa de porter la torche pendant que l'archer le tenait en joue. Lyanne s'éloigna un peu, posa la torche, s'accroupit et...
Deux yeux jaunes apparurent un peu plus loin pour disparaître immédiatement. L'archer décocha sa flèche sans réfléchir, visant entre ces deux yeux tout en donnant l'alerte. Immédiatement, en soldats bien entraînés, ils furent prêts au combat. Un moment passa simplement troublé par le crépitement du feu et la lueur des torches.
Le gradé jura :
- Où est le prisonnier ?
Deux hommes envoyés en reconnaissance, firent le constat de sa disparition.

Alors que l'émoi secouait le camp, Lyanne retrouva avec plaisir, Hapsye.
- Tes amis vont bien, expliqua la louve. Ils sont inquiets.
- Allons les voir.
La louve partit au galop suivi de Lyanne volant.
Ziepkaar bondit de joie en le voyant arriver. Sounka fut plus mesuré mais visiblement soulagé.
- Les loups nous ont guidés, mais comme des loups.
Cela fit sourire Lyanne qui imagina très bien l'état d'esprit des humains quand claquaient les mâchoires des loups près de leurs mollets.
- Ils ont fini par nous prendre comme cavaliers. Là aussi j'ai eu très peur.
La louve alpha s'approcha. Elle avait la tête à la hauteur de la tête de Ziepkaar.
Pour Sounka, la louve émit une série de grondements et de ronronnements. Il fut étonné d'entendre Lyanne lui répondre.
- Non, Hapsye, ils ne peuvent pas te comprendre. Garde-les, protège-les. Je te ferai signe quand le moment sera venu. Je vais à la grande maison de pierres blanches.
La louve gronda.
- Oui, elle avait raison, celle qui avant toi, était alpha. C'est un lieu de puissance. Mais pour l'instant, il est au repos.
De nouveau la louve s'exprima.
- Bien, je vois comme tu vois. Cette forêt sera un très bon refuge.
Lyanne se tourna vers Sounka.
- Vous allez les accompagner à une journée d'ici. C'est un refuge sûr. Hapsye me parle d'une personne de paix qui y vit.
- Qu'est-ce qu'elle entend par là?
- Les loups noirs ne pensent pas comme les humains. Je ressens ce qu'elle me transmet. Là-bas vous serez à l'abri. Je vais repartir. Les soldats doivent être dans tous leurs états.
- Tu reviens quand Homme-oiseau ?
Ziepkaar tenait le manteau de Lyanne et le regardait d'un air implorant.
La louve gronda doucement.
- Oui, Hapsye, c'est un louveteau prometteur.
Lyanne regarda autour de lui. Il repéra un arbrisseau.
- Coupe-le Ziepkaar.
Le jeune garçon sortit son couteau et s'acharna sur le tronc. Quand il eut cédé, Lyanne lui dit :
- Grave-le. Regarde-le bien et grave-le. Si tu regardes avec beaucoup d'attention tu y verras l'oiseau qui est déjà dedans. Tu n'auras qu'à le révéler.
La lune se cacha derrière un nuage, plongeant le paysage dans le noir. Lyanne fit un signe à Hapsye et s'éloigna.
Il vola rapidement jusqu'au campement des soldats. Le feu brûlait toujours. La moitié des soldats était couchée. Les autres scrutaient la nuit. Lyanne les survola. Il en repéra deux qui patrouillaient autour du camp. Ils se dirigeaient vers un petit canyon. Lyanne décida de les y rejoindre. Ils étaient les yeux écarquillés dans le noir, immobiles attendant que la lune réapparaisse. Le bruit que fit Lyanne en se posant les alerta. Ils préparèrent leurs lances. Quand la lune se découvrit, Lyanne était devant eux.
Le gradé n'avait rien demandé à Lyanne. Il avait profité de l'aube naissante pour reprendre la route. Il fit presser le pas et réduire les pauses. Ce dont personne ne se plaignit. Ils couvrirent ainsi plus de la moitié de la distance qui les séparait de la forteresse. C'est le gradé lui-même accompagné de deux archers qui surveilla Lyanne cette nuit-là.
L'arrivée du jour fut un soulagement manifeste pour les soldats. Lyanne les sentit moins nerveux. C'est presque joyeux qu'ils se mirent en route. La marche bien que rapide était facile. Le soleil était à peine au- dessus de l'horizon quand ils atteignirent un petit sommet. La masse imposante de la forteresse se dressa non loin. Sur un signe du gradé, un soldat prit son cor et sonna. Il y eut un moment de silence et une réponse arriva. Elle fit sourire le gradé. Tous se remirent en route le cœur léger. En les voyant Lyanne évoqua les tracks sentant l'écurie.
Il regarda le chemin qui restait. On voyait  un plateau entre eux et la forteresse, entaillé par la vallée d'un cours d'eau. La terre était toujours aussi noire. Les plantes aux feuillages vert foncé tranchaient sur le sol noir du chemin. Quand ils approchèrent de cours d'eau, le chemin devint raide. Lyanne sentit les cailloux rouler sous ses pieds. Il redoubla d'attention s'aidant de son bâton pour se stabiliser. Devant et derrière lui, il entendit les soldats prendre aussi leurs précautions.
Le tremblement de terre les prit par surprise. Lyanne se plaqua au sol dans les buissons du bord du chemin. Le temps qu'il regarde ce qui arrivait aux autres, la terre avait retrouvé sa stabilité. Il se releva sans mal. Tel ne fut pas le cas de tous les soldats. Certains étaient tombés dans le chemin et avaient dévalé entraînant les cailloux avec eux dans un grand tohu-bohu. Alors qu'il aidait un soldat à se relever, Lyanne reçut l'ordre du gradé de ne rien faire. L'homme qu'il venait d'aider, prit son arme et se mit en devoir d'obéir. Lyanne haussa les épaules et s'assit regardant ce que faisaient les autres. Il compta au moins trois blessés dont un qui ne pouvait pas marcher. Il vit aussi un soldat faire signe au gradé. Comme celui-ci ne réagissait pas assez vite, les signaux devinrent plus insistants. Alors que Lyanne regardait comment était soigné celui qui ne pouvait plus marcher. Il entendit jurer le soldat qui le gardait. Celui-ci avait complètement oublié Lyanne et observait ce qui se passait en bas. Un corps était allongé sur le chemin. Le gradé venait de se relever. Son visage exprimait la tristesse. À un soldat qui remontait le garde demanda ce qui se passait. À écouter la réponse, Lyanne comprit que l'ancien était mort. Sa tête avait heurté une pierre alors qu'il dévalait la pente.
Quand la troupe reprit la marche, le silence régnait. Les échanges se faisaient en chuchotant. Lyanne entendit les commentaires des uns et des autres. L'ancien avait vu la meute. Sa mort était la suite logique. Ils remontèrent doucement la pente opposée. Deux soldats soutenaient le blessé à la jambe et tous les autres à l'exception de ceux qui le surveillaient, aidaient à porter le brancard du mort. En arrivant en haut, Lyanne découvrit une longue colonne de fumée grise s'élevant au-dessus des terres noires.  Un volcan était entré en éruption. La terre était en colère, et même très en colère. Un tremblement de terre et une éruption volcanique... Quels esprits ou quels dieux étaient dérangés pour qu'une telle réaction se produise ?
Se tournant de l'autre côté, Lyanne regarda la forteresse. Vue de plus près, elle impressionnait encore plus. Une rampe d'accès arrivait jusqu'à un village séparé des remparts par un fossé naturel large et profond.
Quand ils arrivèrent aux premières maisons, Lyanne comprit qu'ils arrivaient dans une caserne. Il y avait des militaires partout. Leur entrée fut remarquée. Un attroupement se fit autour d'eux. Un gradé distribua ses ordres, fit signe à trois hommes de le suivre et dit à Lyanne de continuer à avancer.
Ils remontèrent la voie principale sous le regard curieux des gens présents. Arrivés à une poterne, le gradé salua et se présenta au garde. Celui-ci écouta le gradé et lui fit signe de passer. Il fit aussi signe à Lyanne de se tenir dans un coin. Une escouade à l'uniforme différent, vint prendre position. Cinq hommes entourèrent Lyanne pendant que d'autres  faisaient une escorte au gradé.
Arrivés à la poterne suivante, on les fit passer par le petit pont-levis. C'était une simple planche en bois d'une largeur d'un pas. Il y eut un nouvel arrêt devant la herse que l'on souleva pour eux. Lyanne pensa que la région était stratégique pour qu'un roi entretienne une telle armée dans un tel endroit.
La forteresse était composée de plusieurs cours. Les pierres qui la composaient étaient grandes comme un homme. Dans cette première cour, le sol était le rocher noir qui avait été égalisé. Ils la traversèrent sans s'arrêter. Lyanne y retrouva ce que toute armée possède. Il repéra le forgeron qui se tenait sous un auvent. À l'oreille, il reconnut le travail précis. L'artisan faisait des petites pièces comme des pointes de flèches. On avait creusé un autre fossé pour séparer les deux enceintes. L'accès se faisait en haut d'un étroit escalier de pierre qui se terminait par une plateforme étroite sur laquelle reposait un autre pont-levis. Ils arrivèrent ainsi dans une petite cour au pavage de pierre blanche. Un homme descendait l'escalier d'honneur. Quand il les vit, il fit signe au gradé de le suivre et donna des ordres pour que Lyanne reste là sous bonne garde. Les soldats qui l'accompagnaient lui firent signe de se mettre dans un coin. Lyanne s'appuyant sur son bâton se cala contre le mur entre une porte et la bâtisse du puits.
Il sentait la pulsation du pouvoir dans le mur, un pouvoir contenu, retenu. Cet endroit n'avait pas de pouvoir personnel mais était l'endroit où un grand pouvoir pouvait s'exercer. Une impression à la fois familière et complètement étrangère lui venait quand il essayait de se représenter ce qu'il ressentait pulser dans ces pierres blanches.
L'attente dura un bon moment. Des gens allaient et venaient. Personne ne semblait lui prêter attention. Même les gardes discutaient entre eux. On vint les relever. Lyanne les entendit râler à propos du temps d'attente qui les mettait en retard pour la cantine, mais personne ne se préoccupa de savoir s'il avait mangé. Au milieu de l'après-midi, trois soldats sortirent d'une poterne. Le premier qui semblait être le chef vint prendre Lyanne en charge. Il renvoya les autres qui eurent l'air soulagé de ne pas rester plus longtemps. Se retournant, il dit à Lyanne :
- Suis-moi !
Sans attendre de confirmation, le soldat en tenue d'apparat repartit vers la poterne. Lyanne lui emboîta le pas. L'entrée avec ses deux portes successives était remarquablement bien défendue. Ils montèrent un escalier étroit aux marches inégales simplement éclairé de loin en loin par d'étroites fentes. Ils dépassèrent deux paliers aux lourdes portes pour atteindre le troisième niveau.
Là de nouveau, ils attendirent dans une pièce mal éclairée où plusieurs petits groupes faisaient comme eux. On dévisagea Lyanne à son arrivée. Au fond de la pièce une porte lui attira l'attention dès qu'elle s'ouvrit. Un militaire en sortit les bras chargés d'un plateau contenant les restes d'une collation. De nouveau, ils attendirent. Les autres groupes avaient repris leurs discussions. Au premier bruit que fit la porte, tous les présents se tournèrent dans un bel ensemble. Pour Lyanne, il n'y avait pas de doute. Derrière cette porte se tenait le centre du pouvoir.
Il vit sortir un homme de sa taille, habillé aussi d'un manteau et s'appuyant sur un bâton sculpté. Derrière lui sortit l'homme qu'il avait vu descendre l'escalier d'honneur.
- Soyez sans crainte. J'ai vu comme vous les signes. Mais bientôt c'est le jour de Bevaka.
Deux serviteurs s'avancèrent, s'inclinèrent et guidèrent l'homme au manteau vers un couloir que Lyanne n'avait pas remarqué.
L'autre homme, dont l'uniforme montrait la puissance, regarda tout autour de lui. Tous les présents s'agitèrent. Le regard de l'homme les survola sans s'arrêter. Quand il vit Lyanne, il fit un signe aux gardes qui le poussèrent dans le dos.  L'homme était déjà reparti. Lyanne lui emboîta le pas suivi des gardes, sous le regard interrogateur des différents groupes. Il passa dans le couloir sombre pour déboucher dans une salle de grande taille richement décorée. Au fond sur une estrade se tenait un trône. Sur la gauche était dressée une table. Les murs couverts de tapisseries. L'homme dirigea ses pas vers la table où il s'assit. À leur entrée les gardes mirent genoux à terre. Voyant que Lyanne ne le faisait pas, un soldat se releva précipitamment et se dirigea sur lui, tenant sa lance à deux mains à l'horizontale, prêts à frapper dans le dos. Ce fut rapide et brutal. Le soldat vola en arrière. Un morceau de sa lance se planta dans une poutre. L'autre explosa sur le mur. Et Lyanne réajusta son marteau.
Tous les soldats présents réagirent comme un seul homme. On entendit le bruit des armes sortant des fourreaux.
- SUFFIT !
Le silence se fit.
- Rangez vos armes.
L'homme qui était resté assis derrière la table, fit signe à Lyanne d'approcher :
- Les rapports te présentent comme un guerrier redoutable. Je vois qu'ils ont raison. Ils t'ont présenté comme un homme-oiseau. Je vois que tu en portes le manteau mais en es-tu un ?
- Je porte ce manteau depuis que je l'ai trouvé. Qu'est-ce qu'un homme-oiseau ?
- Tu portes ce manteau et tu ne sais pas ce que cela représente ! Qui es-tu ?
- On m'a donné beaucoup de noms dans ma vie. Mon vrai nom est mien, mais tu peux m'appeler Louny.
- Sais-tu qui je suis ? J'ai le pouvoir ici.
- Oui, j'ai senti cela. Tu as le pouvoir en ce lieu... Mais ailleurs ? Mon pouvoir est mien. Te crois-tu capable de me l'ôter ?
- Tu viens comme un voleur et tu me menaces !
- Tu me traites de voleur. Tu es dans l'erreur. Je suis un chemin.
- Tu étais sur un de nos bateaux avec deux  Cousmains. Pour moi, tu es comme eux. Tu mérites le sort des voleurs, comme les deux autres.
- Quel est-il ?
- En temps ordinaire, la mort.
Lyanne sourit. L'homme en face de lui se leva, menaçant.
- Tu me nargues !
- J'ai entendu ce que tu as dit... En temps ordinaire... J'en conclus qu'aujourd'hui est un autre temps et que la punition est autre.
- Tu raisonnes bien, Louny. Le sort qui t'attend est pire ! Tu finiras dans la gueule du Frémiladur.
- Parce que bientôt arrive le jour de Bevaka ?
- Comment connais-tu cela ?
- Je t'ai entendu en parler à celui qui me précédait dans cette salle.
- Tu ne sais rien et tu viens comme un voleur.
- Tu as vu les signes... J'en fais partie.
- Tu me troubles... Tu ne te conduis pas comme un Cousmain. Ils ne savent que voler et piller et aucun Cousmain ne s'est battu comme tu te bats.
L'homme se retourna vers la fenêtre qui donnait sur une autre cour. Le silence se fit. Lyanne sentait la présence des autres soldats. Si la lance était toujours plantée dans la poutre, on avait évacué le soldat qu'il avait assommé. Par contre d'autres étaient venus. Dans cette salle qui ressemblait à une salle du trône, il y avait au moins sept mains de soldats d'élite. Lyanne se mit à craindre d'être obligé de faire un massacre. L'homme à la fenêtre, avait les mains dans le dos. Il les tapait l'une dans l'autre. Lyanne sentait son indécision. Les mains s'arrêtèrent. L'homme se retourna.
Sa physionomie mit Lyanne en alerte.
- Je ne vais pas attendre le jour de Bevaka... Tu es un voleur.
Ce fut un signal. Les armes cliquetèrent. Avant que le premier soldat eut fait un pas, Lyanne avait décapuchonné son bâton de pouvoir, l'avait planté au centre de la pièce et était passé entre l'homme et la fenêtre. Toujours aussi rapidement, il avait pris la dague de l'homme et lui avait juste fait une estafilade sur la gorge.
L'homme s'était retourné. Il avait porté la main à sa gorge et l'avait ramenée ensanglantée. Il avait regardé ses soldats semblant immobiles et les yeux agrandis par la peur, avait demandé :
- Qui es-tu vraiment ?
- Avant de répondre à ta question, tu vas répondre aux miennes. Ici tu commandes. Quel est ton nom ?
- Je suis Digrat, de la famille des Elkaouït. Je suis gouverneur de la Grande Forteresse depuis cinq ans.
- Quels sont les signes ?
- Cela a commencé avec la Tempête Noire. Son arrivée annonce le changement de saison. Cette année, elle arrive tôt, beaucoup trop tôt. Après est venue l'éruption du Frémiladur. Je l'ai parfois vu fumer. Je n'avais jamais vu d'éruption. D'après les anciens, de mémoire d'hommes, on n'avait jamais vu le Frémiladur dans une telle colère. Pour finir, tu as senti, même la terre s'est mise à bouger.
- Qu'annoncent les signes ?
- Que le pouvoir va changer.
- Tu as le pouvoir ici. Qui a le pouvoir dans ce pays ?
- C'est le roi Logambo. Voila longtemps qu'il règne. Le jour de la Bevaka, il donnera ce pouvoir à son fils. La cérémonie se passe au bord du lac de feu du Frémiladur. Tout concordait... Et tu arrives et avec toi les loups noirs, eux que l'on n'avait pas vus depuis des années. La légende dit que c'est la reine Sela Donguai qui leur a dit de disparaître jusqu'à son appel.
Lyanne regarda vers les soldats. Ils venaient de terminer le premier pas. Ils bougeaient au ralenti par rapport à lui. Il avait encore le temps. Il se tourna vers Digrat.
- Quand a-t-elle régné ?
- Il y a bien longtemps. C'est elle qui restaura la dynastie après le règne calamiteux de son père. Ce fut une reine guerrière. Elle a conquis les territoires au levant du fleuve Tirbet jusqu'aux montagnes de la Lune. Si elle y fixa Tombgat, la capitale, elle a toujours gardé une armée d'élite ici. Car c'est ici que se joue le pouvoir. Tous les ans pour le jour de Bevaka, celui ou celle qui règne vient pour jeter sa couronne dans le lac de feu du Frémiladur. Le lac la rejette et le pouvoir est assuré pour un cycle.
- As-tu déjà assisté à la cérémonie ?
- Non, seule la famille royale va jusqu'au bord du lac de feu. Pour les autres, c'est la mort. C'est pour cela qu'on envoie les condamnés pour porter les offrandes.
- Maintenant sache que je suis roi dans mon pays et que je suis mon chemin. C'est la Tempête Noire et le Frémiladur, puisque tel est son nom qui m'ont conduit là où les gardiens nous ont trouvés. Je cherche la paix et veux éviter la guerre. Je sais me battre et je vais te donner le choix de la vie ou de la mort.
Lyanne se mit en mouvement. Même pour les yeux de Digrat qui voyait ses soldats bouger au ralenti, Lyanne devint comme le vent qui souffle en tempête.
Et brutalement tout redevint normal. Digrat vit tous les soldats présents s'effondrer assommés. Les serviteurs avaient subi le même sort. Seuls restaient debout Lyanne et lui.
Lyanne revint vers Digrat.
- Tes soldats vont se réveiller, mais pour la vie ou pour la mort ?

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