samedi 28 février 2015

Lyanne contempla la scène un instant. Les deux esprits chasseurs commençaient à frémir ce qui faisait trembler Quoiveudire. Il le regarda. Une idée venait de germer dans son esprit. Il vint au contact de son compagnon. Utilisant la magie propre aux rois-dragons, il le fit chanter. Ce fut une cacophonie joyeuse. Lyanne y mêla sa propre voix, implantant en Quoiveudire une mélodie envoûtante et étrange.
Puis il rompit le contact.
Quoiveudire rechigna lorsqu’il se retrouva seul.
- J’ai jamais rien entendu de pareil !
- Va ! Maintenant tu es à l’abri des esprits même les plus forts.
- Mais pas de toi.
- Je veux ton bien, retiens cela. Je suis différent de ces esprits.
- Tu n’es pas un esprit, tu es… tu es… autre.
- Tu l’as dit, je suis autre.
Des pensées de mort vinrent les frapper. Les esprits chasseurs venaient de se remettre en chasse et les deux se dirigèrent vers eux.
Quoiveudire hurla quand l’esprit chasseur planta ses griffes, introduisant ses pensées dans celles de sa proie à la recherche du nom.
Lyanne fit face à l’autre qui, plus prudent, faisait le tour de son repas avant de l’engloutir.
- Chante, dit Lyanne à Quoiveudire.
- Je chante quoi, répondit ce dernier dans un gargouillis
- T’VAS CHANTER TON NOM, hurla l’esprit-chasseur.
À la première note, Lyanne sentit son sentiment de victoire. À la deuxième mesure, on ne sentait plus que de la perplexité. La peur n’arriva qu’à la dixième. Son absorption n’attendit pas la fin du chant.
Lyanne n’en fut pas témoin, il était lui-même en prise avec l’autre esprit-chasseur dont la tactique était faite de courtes attaques suivies de replis tout aussi prompts. Lyanne n’était jamais en position pour lui lancer un souffle glacé qui l’aurait immobilisé. Il laissait passer une autre attaque et à la suivante, il changea de plan, se glissant entre les mondes pour revenir derrière son ennemi trop étonné par ce qui venait d’arriver. L’esprit-chasseur se retourna trop tard. Avant qu’il n’ait terminé son mouvement, il était devenu incapable de mouvoir ses pensées prises dans un froid inextinguible. Lyanne laissa Quoiveudire absorber ce dernier ennemi et grandir encore.
- Tu pourrais être le maître ici, lui dit Quoiveudire.
- Je pourrais, mais ma place est ailleurs. Je viens remettre les choses à leur place. Quelqu’un a ouvert une brèche qui doit être refermée.
Devant eux, l’ombre de la colonne du grand esprit était secouée de lumière et de spasmes d’où émanait une jouissance malsaine.
- Tu es un esprit simple, dit Lyanne à Quoiveudire. Malgré ce que tu viens de faire, tu cherches un endroit où tes pensées pourront couler comme une source claire. Il existe des lieux comme cela dans ce monde qui est tien. Tu peux en être l’instigateur si tu absorbes le grand esprit.
Lyanne ressentit physiquement la peur panique de Quoiveudire.
- Je sens ta crainte, mais tu as le chant. Ce chant chante un nom que nul ne peut trouver. Ce nom est le tien quand le Dieu Dragon t’a nommé avant que ne commence le temps.
- Mais alors t’as qu’à faire pareil avec le grand esprit….
Lyanne se mit à rire.
- Il s’y opposera de toutes ses forces. Savoir ton nom me donne le pouvoir sur toi.
- Je suis ton serviteur et tu ne me contrains pas...
- Tu es dans l’erreur. Je sais ton nom et tu es libre, car je suis libre. Le grand esprit n’est pas libre, il est enchaîné à ses noires pensées.
Lyanne sentit les pensées de Quoiveudire bouger à toute vitesse. Maintenant qu’il avait la force de six esprits-chasseurs, sa pensée évoquait une épée bien affûtée.
- Tu dis que je suis libre, même par rapport à toi.
- Tu l’es !
De nouveau, il y eut un maelström de pensées dans la personnalité de Quoiveudire.
- Non, je ne le suis pas tant qu’existe un grand esprit comme celui-ci prêt à dévorer tous et toutes pour se nourrir de leur puissance.
- Tu es libre, tu es plus puissant dans ta faiblesse que lui dans sa force. Tu es vie, il est mort.
Après un autre moment d’intense réflexion, Quoiveudire se tourna vers la colonne aux pensées suintantes :
- Alors allons voir si tu as raison, toi qui es hors les mondes.
Il n’avait pas fini de penser cela qu’ils subirent une attaque mentale venu du grand esprit. Ce fut comme un tsunami de peurs qui vint se briser sur les murs de leurs esprits.
Mais les murs tinrent bon. Tout cessa rapidement quand l’ennemi prit conscience du manque d’efficacité.
Lyanne se mit à courir vers la base de la colonne, suivi par Quoiveudire.
- Il utilise sa peur, viens, nous sommes les plus forts.
Ils couraient encore quand, par une brusque expansion, ils furent heurtés par la colonne qui les absorba.
Lyanne se sentit flotter. Autour de lui la puanteur était pire que celle des égouts. Un peu plus loin, il devinait la forme de Quoiveudire.  Bientôt, il ressentit une pression intense sur son esprit. C’était comme une vrille tentant de s’immiscer dans les tréfonds de son être.  Il entendit le hurlement de Quoiveudire qui devait vivre la même chose. Lyanne se décala un peu du monde des esprits. Les outils purement spirituels du grand esprit se heurtèrent à la matière. Et Lyanne se mit à chanter le chant des rois-dragons dans sa tête. Il devint comme un saphir brillant de mille feux dans une gangue de pourriture. Il se mit en phase avec les accroches mentales qu’il avait mises en Quoiveudire. Il partagea le ressenti de ce dernier. Lyanne laissa se développer le désir du chant malgré la douleur de la vrille qui forçait barrage après barrage cherchant le nom. Quoiveudire entra en vibration devenant les notes, les accords et toute la mélodie.
Autour d’eux, les ondes de pensées affreuses aux couleurs à vomir, se mirent à vibrer sur le son du chant qu’était devenu Quoiveudire. La vrille elle-même, qui cherchait la faille, se mit à l’unisson du son qui la pénétrait de partout. Lyanne laissa Quoiveudire. Il chercha la vrille qui avait échoué contre lui. Il trouva la sonde de pensées agitée du même mouvement que le reste. Il envoya alors lui-même une pensée sonder le grand esprit. Il nota les subtiles variations que connaissait la mélodie en traversant les pensées du grand esprit. Ses babines se retroussèrent en ce rictus qu’était le sourire des dragons… Il n’avait plus qu’à reconstruire le schéma de la perturbation pour arriver au nom même du grand esprit. C’est alors qu’arrivèrent par vagues déferlantes les ondes de jouissante douleur et la chaleur d’un souffle qu’il reconnut pour être celui d’un dragon. Moayanne ! Ce ne pouvait être qu’elle qui en était à l’origine. Lyanne au fur et à mesure qu’il décryptait les variations, comprenait comment fonctionnait l’esprit qui avait absorbé Cappochi. Il vit avant que cela n’arrive les connexions que le grand esprit fit avec la puissance du Frémiladur et les ondes de puissance qui se dirigèrent vers le lieu du combat dans l’autre monde… celui des hommes.
Il ressentit l’urgence de trouver le nom, et la joie de le faire. Il rugit au moment où il put se dire le nom de l’adversaire.

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