dimanche 14 janvier 2018

Ainsi parla Rma, le fileur de temps... 34

Riak se réveilla avant l'aube. Elle avait rêvé de Koubaye. Cela lui avait rendu un peu de paix intérieure. Elle prit la résolution de faire tout son possible pour que tout se passe bien. Quelque part dans le temple, une petite cloche sonna. L'aube était encore très pâle. La servante, toute de noir vêtue entra dans la pièce. La novice, en habit blanc et noir, pliait sa paillasse. Bemba lui dit :
   - Le bassin pour les ablutions de la Noble Hôte va arriver. Est-elle réveillée ?
   - Je vais voir, répondit Mitaou.
Riak tira le rideau qui séparait l'alcôve de la pièce. Les deux femmes s'inclinèrent :
   - Nous vous saluons, Noble Hôte.
Riak sentit qu'elle ne connaissait pas le protocole qui gouvernait la vie de ces femmes. Elle était dans une grande ignorance de ce monde. Elle ne connaissait que ce que la majorité des gens savait. Les prêtresses blanches priaient pour le retour de la Princesse et la restauration du royaume. Le reste était complètement flou.
     - Que dois-je répondre, demanda Riak ?
   - “Je vous salue”, lui dit Mitaou. Votre tenue est inadaptée, Noble Hôte. La mère intendante  vous a fourni un nécessaire.
Bemba qui était sortie un instant revint avec des vêtements blancs et rouges qu'elle posa sur un coffre. D'autres servantes en noir arrivèrent portant bassin et seaux pleins d'eau. Elles posèrent le bassin et le remplirent d'eau fumante et parfumée. Riak regarda cela avec étonnement.
   - À quoi ça sert ?
   - À vos ablutions, Noble Hôte.
Riak avala sa salive en comprenant qu'elle allait devoir se déshabiller et entrer dans le bassin. Bemba s'approcha d'elle et l'aida à retirer ses habits grossiers de vieille femme qu'elle avait gardés. Quand elle fut en chemise elle l'invita à entrer dans l'eau. Mitaou s'était éclipsée, suivant la cohorte des autres servantes. Riak prit plaisir au contact de la tiédeur. Elle entendit une autre personne entrer.  Celle-ci murmura quelques mots à l'oreille de Bemba et s'approcha du bassin. Riak était allongée dedans, la tête reposant sur un coussin.
   - Permettez, Noble Hôte, que je vous prépare.
Bientôt Riak se retrouva nue, prise en charge par des mains douces et bienfaisantes. Elle vécut un moment de bien-être comme elle n'en avait jamais connu. Quand elle sortit de l'eau, on l'enveloppa dans un linge chaud et la servante, qui l'avait lavée, l'aida à revêtir ce que la grande prêtresse lui avait fait porter. Riak n'avait jamais rien porté d'aussi fin. Elle avait l'impression de ne rien porter ou presque.
   - Ne vous inquiétez pas, Noble Hôte, on se fait très bien à cette tenue, lui dit la servante habilleuse. Vos vêtements vous seront rendus quand vous sortirez du temple.
À ce moment-là, Mitaou entra, suivie d'une nouvelle nuée de servantes qui débarrassèrent la pièce. Riak était trop occupée à écouter la novice pour faire attention aux chuchotements des servantes qui échangeaient des commentaires sur la blancheur de sa peau et de ses poils. Elle suivit Mitaou qui la conduisit vers la salle de cérémonie tout en lui expliquant le déroulement des rites et ce qu'elle aurait à faire. Elles entrèrent dans la grande tente montée pour le temps de la fête. Des servantes s'activaient pour disposer le nécessaire pour le rite. Riak se retrouva sur une estrade sur la gauche de l'estrade principale. Elle fut bientôt rejointe par deux femmes, chacune suivie par une novice. Elles regardèrent Riak, l'air étonné. Elles aussi avaient une robe blanche et une tunique rouge. Elles saluèrent Riak d'un geste de la tête. Alors que l'une d'elle allait dire quelque chose, la novice qui l'accompagnait lui prit le bras et lui fit signe de se taire. À ce moment-là, les novices entrèrent et prirent place en face des invités. Riak reconnut la mère des novices qu'elle avait bousculée. D'un regard aigu elle vérifia que toutes ces jeunes soient bien alignées. Déjà les servantes entraient se disposant au fond de la tente en silence. Puis vinrent les prêtresses, toutes de blanc vêtues. Elles se rangèrent devant l'estrade principale. C'est alors que le tambour se fit entendre. Riak ne l'avait pas vu en arrivant. Elle découvrit que quelques prêtresses étaient rassemblées dans un coin avec des instruments de musique. Le tambour battait comme un coeur, une pulsation lente et sourde. La grande prêtresse entra, suivie des deux que Riak n'aimait pas. Elle se plaça debout face aux autres. Elle était la seule à ne pas porter le voile blanc sur la tête. Ses cheveux en tenaient lieu. Immédiatement, une servante posa un brûle-parfum devant elle, et une autre lui tendit la boîte d'encens.
Tout se figea. Seul le tambour battait. Dehors une trompe sonna. C'était le signal. Le soleil venait d'éclairer le rocher du roi Riou. Mitaou l'avait expliqué à Riak. La grande prêtresse mit l'encens sur les charbons ardents. Une épaisse fumée s'éleva du brûle-parfum. La grande prêtresse fit un signe de la main. Le tambour fut rejoint par les gongs. Elle entama alors le premier chant. Riak, qui ne le connaissait pas, était dispensée de le chanter. Mitaou derrière elle et toutes les autres se joignirent au chant. Ils parlaient de salutations aux dieux. Bientôt Riak sentit l'encens. Cela lui piqua le nez. Elle eut peur d'éternuer. Son médaillon se mit à lui peser sur la poitrine. Le rythme de la musique changea. Ce deuxième chant était le chant que la Princesse chantait tous les matins aux temps heureux. Riak, qui ne l'avait jamais entendu, eut l'impression de le connaître. Elle se mit à le fredonner. Mitaou s'approcha d'elle rapidement, lui demandant de faire silence. Seule la grande prêtresse avait le droit de le chanter à cet office. Le reste de la cérémonie se passa sans autre incident pour Riak. Ce fut une suite de récitatifs, de chorals ou de chants a capella.
Le médaillon était chaud sur sa poitrine. Mitaou lui tapa légèrement sur l'épaule et lui fit signe de la suivre quand la tente de cérémonie se fut vidée. Riak s'aperçut que les deux autres invitées étaient déjà parties. Elle sentit la novice irritée. Elle lui posa la question. Mitaou l’éluda. Au nombre de recommandations qu'elle fit pour le repas qui venait, Riak comprit que la faute qu'elle avait faite en chantant quand il ne le fallait pas, mettait Mitaou en difficulté.
   - On mange le matin après l'office de la salutation et le soir avant le lever de l'étoile de Lex.
   - Et entre les deux, qu'est-ce qu'on fait ?
   - On étudie les chants et les textes rituels. On prépare les offrandes aux dieux et les amulettes pour qui en fait la demande.
   - Et moi ?
   - Vous, Noble Hôte, vous pourrez méditer ou vous promener dans le jardin.
Riak trouva la perspective peu engageante. Elle n'était jamais restée sans rien faire. La salle à manger du temple était petite. Et le service se faisait par groupe. En tant qu’invitée, elle allait manger avec la grande prêtresse, en premier. Mitaou était la plus impressionnée des deux. Dans la pièce, sur une estrade, la grande prêtresse et ses deux adjointes avaient pris place avec elle, mais sur le côté une prêtresse mangeait avec elles. Mitaou expliqua à Riak un peu plus tard qu’elle dirigeait le temple du village. De chaque côté, deux longues tables. Les deux autres invitées étaient d'un côté et Riak de l'autre.
Le repas se passa sans difficulté. La nourriture restait simple mais bonne. Alors que la grande prêtresse en se levante donnait le signal de la fin du repas, elle fit signe à Mitaou qui se précipita et s'agenouilla devant elle.
   - Je recevrai Riak en audience après les rites d’offrandes.
Et elle la congédia d'un geste. Quand Mitaou revint près de Riak, elle était bouleversée. La grande prêtresse lui avait parlé...

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