lundi 29 janvier 2018

Ainsi parla Rma, le fileur de temps... 36

Dans le temple, comme lui expliqua Mitaou, il y avait le pavillon qu'on n’ouvrait qu'une fois par an pour la fête. C'est là qu'elles se rendirent. Elles pénétrèrent dans le hall d'accueil. Il y avait plusieurs personnes attendant. Riak reconnut des prêtresses et des servantes. Dans un coin, il y avait plusieurs bicolores pour assurer la sécurité. Et il y avait des gens en vêtements ordinaires. Quand Riak pénétra dans la salle, tous les regards se tournèrent vers elle. Mitaou la conduisit dans un coin. Les regards se détournèrent quand le rideau de la salle de la grande prêtresse se souleva. Une dame sortit à reculons en saluant et en remerciant. La mère Keylake sortit peu après. Du regard, elle parcourut la salle et se dirigea vers un groupe venu de l'extérieur. Elle les invita à entrer.
   - Regardez bien, comment ils font le salut. Il vous faudra faire de même, murmurait Mitaou à l'oreille de Riak.
Les différents groupes qui attendaient se refermèrent sur l'espoir déçu d'être l'appelé. Riak dont la patience n'était pas le fort, avait du mal à ne pas bouger. Mitaou tentait de la calmer par des paroles qui exaspérait Riak. Alors que son énervement montait d'un cran, elle vit arriver une bicolore. Elle était presque deux fois comme Riak. Elle portait un bâton à la ceinture. Riak sentit la peur de Mitaou. Quand elle fut tout près, la bicolore s'inclina pour saluer Riak. Pantalon noir, tunique blanche, à l'inverse des novices, sa manière de bouger évoquait la souplesse des loups. Si Mitaou s'était mise en retrait, pour avoir déjà eu à faire avec elle, Riak salua la nouvelle venue d'un mouvement de tête.
  - Je vous salue, Noble Hôte. Mon nom est Koulfa. Puis-je vous importuner quelques instants ?
  - Je vous écoute, répondit Riak.
  - J'étais dans le groupe qui est intervenu l'autre soir. Vous avez une technique de combat efficace. Qui a été votre maître ?
   - Je n'ai pas de maître.
   - Alors, il vous en faudra un. Un tel don est comme la pierre de diamant. Il faut le travailler pour qu'il brille de tous ses feux. 
Elles furent interrompues par le mouvement du rideau. La même scène se répéta avec le même résultat. Appelée par une bicolore, Koulfa était repartie vers son groupe. Riak de nouveau, fut confrontée à l'attente. Elle sentait l'énervement monter en elle. C'est à ce moment-là qu'elle vit entrer la prêtresse qui l'avait menacée. Quand leurs regards se croisèrent, Riak put voir la flamme de colère dans les yeux de Loilex. Peu après, une novice et une prêtresse pénétrèrent ensemble dans la salle. À une mèche de cheveux dépassant de la coiffe, Riak comprit que les quatre chevelures blanches étaient présentes. Si la novice et la mère Fannebuis étaient ensemble et semblaient en grande conversation, Loilex était seule dans son coin. Elle avait pris une position méditative. Pourtant Riak, à chaque fois que son regard passait dessus, sentait l'ambition et la haine des autres. Cela lui mettait les nerfs à vif.
De nouveau le rideau se souleva, laissant passer la mère Keylake, suivie par ceux qui avaient été reçus. Ils sortaient à reculons en saluant. Quand ils passèrent près de Riak, leur air extatique en disait long sur leur satisfaction. La mère Keylake qui les suivait dit à Mitaou de faire entrer Riak. Mitaou s'inclina devant Riak et l'invita à se présenter devant la grande prêtresse. Dédaignant le protocole, Riak se dirigea vers le rideau et entra, Mitaou horrifiée sur ses talons. Tout s'était passé si vite que Koulfa n'avait pas eu le temps d'intervenir. La grande prêtresse, assise derrière sa table de travail, regarda Riak entrer et vaguement faire une révérence. Derrière elle, Mitaou fit une révérence impeccable. Selon le protocole, on n'avait pas le droit de parler sans avoir été interrogé. La grande prêtresse leva la main pour imposer le silence à Riak, puis elle dit à Mitaou :
   - Va attendre derrière le rideau, ma fille. Je t'appellerai.
Mitaou fit une nouvelle révérence et sortit à reculons. Restée seule avec Riak, la grande prêtresse lui dit :
   - Tu es comme un poulain fougueux qui a besoin d'être dressé. Non, tais-toi. Sais-tu que si tu sors du temple, tu es morte. Les seigneurs connaissent aussi les légendes et les prophéties.
Riak, réduite au silence, savait que la grande prêtresse avait raison. Elle ne devait d'être en vie qu'en raison de son isolement. Ces deux jours de fête lui avaient ouvert les yeux. Dehors la chasse aux cheveux blancs était ouverte.
   - Sais-tu combien de jeunes comme toi sont tuées dans le royaume ? Moi, je le sais et à chaque fois, je me pose la même question… et si c'était l’avatar de la Dame blanche ? C'est un des rôles de notre ordre de sauver celles qui sont porteuses du signe de la Dame.
   - J'ai survécu jusqu'à aujourd'hui. Je pourrais continuer.
 - Comme tu le dis, jusqu'à aujourd'hui. Actuellement, nous sommes quatre vivantes. Mais tu es différente. Tu es porteuse d'une puissance que je ne connaissais pas. Tu m'intrigues, mais tu as besoin d'être disciplinée. Sache que je le ferai.
   - Et si je refuse…
  - Alors tu perdras tout. Le temple ne pourra rien pour toi. Notre position est forte et fragile. Forte car le peuple est pour nous. Nous attaquer provoquerait une révolution. Mais, en même temps, nous ne sommes que tolérées par les seigneurs. Alors réfléchis bien. Demain, ou après demain, viendra ta mère… Oui, je sais qu'elle ne l'est que par adoption mais elle t'a élevée, alors je déciderai de ce que je peux te proposer.
La grande prêtresse agitait une petite cloche à la tonalité aigre. Immédiatement Mitaou entra.   
   - Fais entrer mère Fannebuis, mère Loilex et Inali, la novice et retire toi. Je ferai reconduire Riak.
Mitaou fit une nouvelle révérence et sortit. Peu après, Loilex entrait la première. Elle s'inclina plus profondément que ne l'exigeait le protocole et avant qu'elle n'ait ouvert la bouche, la grande prêtresse lui imposa le silence. Fannebuis entra à son tour. Elle s'inclina en saluant sobrement. Inali pénétra la dernière, elle fit une révérence impeccable et se mit vers le fond de la pièce. La grande prêtresse leur fit signe de s'approcher. Quand elles furent toutes les quatre près de la table, elle dit :
   - Les informateurs m'ont prévenue. En aucun cas vous ne devez quitter l'enceinte du temple. Les seigneurs recherchent Riak qui est mon hôte, mais votre chevelure fait de vous des proies pour leur haine.
Fannebuis prit la parole :
   - Notre Mère, nous devions partir aujourd'hui avec le premier convoi !
   - Je sais. Mes ordres sont formels. Vous restez !
   - Votre sagesse est immense, dit Loilex. Nous ferons ce que vous demandez.
   - J’obéirai, Notre Mère, ajouta Inali.
La grande prêtresse regarda Riak.
   - Je crois que je n'ai pas le choix, dit cette dernière, … grande prêtresse.
   -  Bien, maintenant laissez-moi. Inali, tu reconduiras Riak.

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