mercredi 14 novembre 2018

Ainsi parla Rma, le fileur de temps...69

Kaja était en colère, sans pouvoir le montrer. Le vice-roi était injuste. Il lui avait reproché ce qu’il s’était passé et avait donné la suite de la traque aux buveurs de sang. Il savait qu’il payait surtout pour ce qu’il avait fait de la police. En s’attaquant à la corruption, il avait mis à mal tout un réseau de financement dont les barons profitaient largement. Reneur ne pouvait quand même pas revenir sur sa nomination sans perdre la face par rapport à Gérère. Quand Kaja avait fait son rapport et avait parlé de ce cheval magique et gigantesque qui avait renversé les remorqueurs, la mimique de Reneur avait laissé entendre qu’il n’y croyait qu’à moitié et ses paroles avaient sous-entendu qu’il y avait eu un manque de compétence. Officiellement, Reneur avait accusé la magie des Bayagas et décidé que les buveurs de sang, qui étaient très fidèles à sa famille puisque leur chef était un cousin, reprendraient la traque. Eux, au moins, étaient insensibles à la magie de ces choses de la nuit.
Kaja ne pouvait oublier comment, alors qu’il jubilait, il avait ressenti de la rage en voyant apparaître ce maudit animal. Il avait aussi curieusement ressenti de l’admiration. Ce petit bout de bonne femme aux cheveux blancs recelait une puissance extraordinaire. Dès que le fleuve s’était calmé, il avait voulu  courir sus à la sorcière. Il avait alors compris l’ampleur des dégâts. Sa pirogue, qui était au milieu du fleuve, avait tenu bon. Les vagues l’avaient évitée renversant celles qui étaient près des berges. Les tréïbens refusaient d’obéir aux ordres. Ils criaient dans leur langue, répétant sans cesse : “Bébénalki !”. Aucun des remorqueurs en amont n’avaient évité le chavirage. Kaja avait dû revenir au bord et repartir avec d’autres équipages pour traverser le défilé des roches noires. Quand il était arrivé au point de débarquement de la sorcière, la piste était déjà froide. Il avait été déçu et soulagé, déçu d’être obligé d’arrêter la chasse mais soulagé qu’elle garde sa liberté.
La suite lui avait déplu. Alors qu’il cherchait la piste, le vice-roi l’avait convoqué. Même s’il pouvait compter sur le soutien de Gérère, il s’était retrouvé en mauvaise posture à la cour. Reneur l’avait mis sur la touche avec obligation de rester dans la capitale. Jobau, le fils de Gérère, lui avait conseillé de se fondre dans les habitudes de la capitale, et de préparer sa vengeance. Lui-même préparait quelque chose contre Reneur.
   - Il veut le pouvoir, avait expliqué Jobau à Kaja. Mais il me revient de droit. Je ferai en sorte qu’il ne l’ait pas, ni lui, ni aucun des bâtards de sa famille.
Kaja aurait préféré ne rien entendre. Ses indics lui avaient déjà parlé de ce qui se tramait à la cour. L’inimitié entre le clan Gérère et le clan Reneur, était de notoriété publique. Il y avait déjà eu des morts et des blessés. Des bruits circulaient sur les mœurs dissolues de Jobau, et d’autres, sur les finances douteuses de Reneur. Kaja, en tant que chef de la police, ne pouvait prendre parti. Il faisait surveiller tout le monde. Avec son adjoint, Selvag, il discutait des différents complots. Comme Kaja le sentait mal à l’aise, il le poussa un peu dans ses retranchements.
   - C’est difficile, mon colonel… Cela vous concerne… Certains font courir des bruits sur vous. Je ne parle pas des maîtresses, c’est sans intérêt. Il court des bruits sur votre désir de puissance...
Kaja fut interloqué. Il ne désirait pas le pouvoir. En y réfléchissant, il pensa qu’il était normal qu’on cherche à lui nuire. Il n’y avait là que les conséquences presque banales de ses actions. Il avait trop secoué trop de monde pour ne pas être la cible de différentes factions.
   - Qui ?
   - Il y a Reneur, enfin des gens du clan du baron Reneur, mais plus surprenant, il y a des barons fidèles à Gérère qui veulent vous voir disparaître. Vous gênez beaucoup de monde, mon colonel !
Si Kaja s’attendait au premier, il fut effectivement surpris par l’action des barons du clan du vice-roi Gérère.
Selvag lui expliqua que s’il avait asséché la source de revenus de certains barons du clan Reneur, cela avait aussi touché les vieux barbons de l’autre clan. Kaja se trouvait au milieu et donc, menacé par les deux parties.
   - Sont-ils vraiment dangereux ?
   - Oui, mon colonel. Le jeune baron Eyfa a intercepté un homme de main. Il ne sait pas qui l’a engagé mais vu la somme qu’il a trouvé sur lui… le commanditaire est puissant et intouchable. J’ai préparé une escorte pour vous.
   - Hors de question, répondit Kaja. Ils ne me font pas peur.
Selvag tiqua mais obtempéra quand Kaja lui donna l’ordre de les renvoyer. Il fut encore plus contrarié quand il vit Kaja partir, pour la réception du soir chez le baron Quivir, seul à cheval. Kaja avait été invité pour fêter la naissance du premier fils du baron. Le baron Quivir, étant allié au vice-roi Gérère, Kaja avait accepté. Le baron avait été marié une première fois. Il n’avait eu que des filles et craignait que son nom et son titre ne disparaissent. À la mort de cette épouse, il avait contracté un mariage arrangé avec une cousine du vice-roi, qui venait de lui donner enfin le fils tant attendu. Kaja se doutait que la fête serait grandiose. Le baron Quivir était riche et aimait à le faire savoir. Au centre de la salle, il avait fait installer un rameau de l’arbre sacré. Tout le monde savait que la cérémonie ne serait pas finie pour le lever de l’étoile de Lex. Le baron Quivir avait fait préparer de grandes salles et tous les invités avaient droit à un petit box où ils déposaient leurs nécessaires avant de rejoindre la salle des réjouissances. Kaja n’avait pas prévu d’y rester. Son propre hôtel particulier était à deux rues de là. Il pensait s’éclipser après le repas et les premières libations en l’honneur de l’arbre sacré.
Le baron Quivir fit un très bon accueil à Kaja. Il le présenta à ses invités, insistant sur le renouveau que Kaja faisait vivre à la police. Kaja se retrouva un peu piégé. Il ne se libéra que quelques instants avant le lever de l'étoile de Lex. Son cheval l'attendait déjà sellé. Il remercia le serviteur et sauta en selle. Il le mit au trot, scrutant le ciel. Il entendit trop tard le sifflement de la flèche. Sa dernière pensée fut qu'il aurait dû écouter Selvag.
L’archer sauta au bas de son arbre. Il courut récupérer sa flèche. Il examina rapidement Kaja. Il eut un sourire. Son commanditaire serait heureux. Il avait utilisé une flèche pour petit gibier. Sa tête massue avait assommé sa victime. Les bayagas allaient finir le travail. L'homme courut se mettre à l'abri. L'étoile de Lex se mit à briller.

Kaja sentit qu’on le poussait. Il ouvrit les yeux. Son cheval le secouait à petits coups de museau. Il attrapa les rênes et se laissa remonter. La tête lui tournait. Le mémoire lui revint. Il rentra la tête dans les épaules et regarda autour de lui. Il vit la lueur des bayagas. Les halos colorés semblaient se poursuivre faisant toutes sortes d’arabesques dans les rues de la capitale. Des lumières filtraient des volets et des portes. Il fut frôlé par une lueur bleutée qui se teinta de rouge. La forme s’arrêta. Elle tremblait non loin de lui. Kaja connut la peur. Tant d’histoires circulaient sur les bayagas… Kaja vit la forme s’approcher et prendre des allures de silhouette humaine. Cela dura un instant avant qu’elle ne s’écoule comme une flaque au sol coulant toujours plus loin de lui. Une autre forme apparut. Elle avait des reflets verts qui virèrent au brun foncé en se dirigeant vers Kaja. Comme l’autre, d’informe elle devint presque de sa taille. Kaja crut entrapercevoir la forme d’un soldat quand, brusquement, elle perdit toute structure pour devenir un petit ruisseau de lumière verdâtre courant vers le lointain. Puis d’autres halos de lueurs de toutes les couleurs apparurent et après une brève tentative d’acquérir une forme humanoïde devant Kaja, elles devinrent comme un liquide qui s’écoule en suivant la pente.
Enhardi par ce qu’il vivait, Kaja tenant toujours les rênes de son cheval, se dirigea vers son hôtel particulier. Quand il frappa à la porte, personne ne lui ouvrit. Il pesta mais comprit que personne ne l’attendait plus à cette heure tardive. Ne voulant pas passer la nuit dehors, il frappa à coups redoublés sur la fenêtre du gardien jusqu’à ce qu’une lumière s’allume et qu’une voix craintive demande :
   - Qui va là ?
   - OUVRE, LATOR ! C’EST MOI !
   - Par l’Arbre Sacré, Le baron ! J’arrive, Maître, j’arrive !
Lator se précipita et fit jouer les loquets, et se sauva pour ne pas être exposé aux bayagas. Kaja poussa lui-même le lourd vantail et fit pénétrer son cheval. Quand il se retourna pour refermer, il vit arriver, au milieu d’un flot multicolore, une forme sombre. Le souvenir de son expérience sur la barge lui revint. La porte claqua avant que les bayagas n’y arrivent. Kaja, appuyé dessus, ressentit le choc quand la vague tapa dans le portail. Tout son corps tremblait. Lator, qui avait retrouvé du courage avec la fermeture du vantail, vint le soutenir et le réconforter.
Kaja dormit tard le lendemain. On vint le réveiller pour lui dire que Selvag voulait le voir de toute urgence. Kaja s’interrogea sur ce qui arrivait. Il avait pourtant prévenu qu’il ne serait à la caserne que dans l’après-midi. Tout en se préparant, il tenta de deviner quelle catastrophe avait pu se produire. Dès qu’il fut habillé, il descendit dans sa salle de travail. Selvag se leva d’un bond en le voyant. Il s’exclama :
   - Mon colonel, vous êtes vivant !
Kaja fut interloqué. Il demanda des explications. Selvag lui raconta qu’en arrivant à la caserne, le lieutenant Nimbie, qui faisait partie de la garde du palais des vice-rois, lui avait appris la triste nouvelle. Le baron Kuélar de son hôtel particulier, pendant qu’on fermait ses volets, avait entraperçu, la chute du colonel. Il avait alors guetté à travers une fente du volet. Il avait vu les bayagas arriver et en avait conclu à la fin du baron Sink.
   - Il faut absolument que vous alliez à la cour, mon colonel. Plus vite la nouvelle sera démentie, mieux cela sera. Mais avant, puis-je me permettre une question ?
   - Oui, Selvag. Je sais ce que tu vas me demander. Tu avais raison. J’ai des ennemis plus dangereux que je ne le craignais. J’ai reçu une flèche, probablement pour petit gibier, car j’ai été assommé. Leur plan était sûrement de laisser les bayagas en finir avec moi. Mort ou fou, je n’aurais plus été un obstacle. Mais mon cheval m’a réveillé à temps pour que je me réfugie à l’abri.
Kaja ne parla pas à Selvag de sa théorie sur sa survie. Kaja pensait que la branche de l’arbre jumeau de l’arbre sacré qu’il portait sur lui au moment de l’attaque l’avait protégé. Il préférait garder cette notion pour lui. Il avait d’ailleurs remis dans ses habits la branche en question.
   - Fais seller mon cheval, nous allons y aller. Tu me feras ton rapport en route. Tu as enquêté, n’est-ce pas ?
   - Effectivement, mon colonel. J’ai voulu savoir la vérité. Le baron Kuélar n’a pas vu grand-chose. La fente de ses volets est trop petite pour avoir un bon point de vue. Mais les informateurs rapportent que nombreux sont ceux qui se réjouissent de votre disparition.
En allant vers le palais, ils discutèrent de l’identité possible du commanditaire. Si Reneur fut le premier nom évoqué, il était le moins probable. La manière ne correspondait pas à l’homme. Il préférait affirmer sa puissance et faire plier les autres. Il avait désavoué publiquement Kaja, signalant ainsi sa disgrâce. Reneur continuerait jusqu’à ce que Kaja plie devant lui. Selvag comprit aux jurons que proféra son chef que ce n’était pas dans ses intentions. Puis ils évoquèrent différents barons dont Selvag connaissait l’inimitié.
   - Ils vous en veulent d’avoir ainsi réduit leurs revenus… Regardez le baron Nouls, il est suffisamment lâche et retors pour commanditer un tel acte.
   - Tu as raison, Selvag, le personnage est méprisable mais je sais qu’il est sur ses terres, bien loin de la capitale. Il faudrait retrouver l’archer et le faire parler.
   - Je vais mettre mes indics en chasse. Nous finirons par avoir son nom.
Après avoir passé en revue plusieurs autres noms, Kaja sentit que Selvag gardait pour lui quelque chose. Il commença à le presser de questions tout en sentant sa gêne.
   - Il me faut évoquer tous les possibles, même les plus improbables, lui dit Selvag.
   - Parle, répondit Kaja, c’est un ordre.
   - Il est deux personnes que nous n’avons pas citées… La première est le fils du Vice-roi…
   - Jobau ? Mais c’est impossible !
   - Au contraire, mon colonel. Vous n’avez pas idée de ce que vous représentez. De plus en plus de jeunes des grandes familles, qui ne voient pas d’avenir dans le système actuel, pensent que vous représentez un espoir. Ils seraient capables de faire un coup d’état pour vous. Jobau le sait. Ses informateurs sont aussi bons que les nôtres. S’il vous considère comme un danger potentiel, il peut avoir décidé de vous écarter sans se mettre son père à dos.
Kaja fit la moue. Il n’y croyait pas. Selvag devait se tromper. Jobau était trop occupé à faire la fête. Pourtant il se promit de mieux observer ce qu’il faisait à la cour ou ailleurs.
   - Mais qui est l’autre ?
   - Vous n’allez pas aimer ce que je vais dire, mais le vice-roi Gérère lui-même pourrait avoir demandé votre élimination.
Kaja s’offusqua de ce qu’il entendait. Le vice-roi était de son clan, de sa famille. Il écouta quand même les arguments de Selvag. Il trouva le raisonnement complètement tordu et assez vicieux mais malheureusement plausible. Gérère était un politicien retors qui avait survécu à bien des complots, mais de là à impliquer quelqu’un de proche comme Kaja… Il n’arrivait pas à y croire.
   - Mon colonel, reprit Selvag, ce ne sont que des hypothèses et pas les plus solides, mais on ne peut rien négliger. Vous êtes en danger. Vos gayelers vont vous suivre et vous protéger.
Kaja ne trouva rien à redire. Selvag avait raison. Il était en danger et tant qu’il ne savait pas qui était derrière tout cela, il ne pouvait prendre le risque de se promener sans escorte.
Quand ils arrivèrent aux marches du palais, les palefreniers vinrent prendre leurs chevaux. Immédiatement quatre gayelers vinrent se mettre derrière Kaja. Il remarqua immédiatement les changements dans leurs tenues d’apparat pour en faire des tenues de combat. Le chef du détachement portait un paquet et s’approchant de Kaja, il lui dit :
   - J’ai amené une cotte de mailles pour vous, mon colonel.
   - Merci, Hérios. Je l’enfilerai tout à l’heure.
Ils montèrent le grand escalier d’honneur saluant ceux qui s’y trouvaient. Kaja put lire l’étonnement dans leurs regards. Les bruits allaient aller bon train.
   - Ah ! Baron Sink ! Je me réjouis de vous revoir en bonne forme.
   - Je vous salue, baron Pado. Auriez-vous eu quelques inquiétudes ?
Le baron Pado venait d’hériter de son domaine. Son père, victime d’une chute de cheval alors qu’il chassait, avait agonisé quelques semaines. Sa mort avait été un soulagement pour tous, d’après ce que Kaja avait entendu.
   - Des rumeurs étranges racontant que vous dansiez avec les bayagas circulent depuis ce matin.
   - Vous connaissez le palais, les rumeurs les plus folles y circulent…
   - J’aurais été fort contrarié que vous ayez perdu vos facultés…
Ayant dit cela, le baron Pado continua à descendre les marches. Kaja le regarda un moment avant de reprendre sa montée. Quand il se dirigea vers la grande salle d’apparat où avait lieu l’audience publique des vice-rois, il eut droit à toute une gamme de réactions allant du soulagement, à l’étonnement en passant par des gestes de conjuration comme fit la vieille baronne Tgaliv  dont tout le monde connaissait la bigoterie.
Quand il pénétra dans la grande salle le brouhaha cessa au fur et à mesure qu’il s’avançait. Dans les regards des uns et des autres, Kaja put lire un bref instant la vérité des sentiments. Tous les barons présents, petits et grands, se recomposaient une attitude. Du fond de la salle, les vice-rois, qui écoutaient les doléances, avaient levé la tête et regardaient Kaja fendre la foule des courtisans. Alors qu’il n’était qu’à la moitié, un courrier arriva en courant. Kaja s’arrêta. Le gayeler lui murmura son message à l’oreille et repartit aussi vite qu’il était venu. Kaja reprit sa progression. Devant lui, tous s’écartaient, laissant un couloir central. La nouvelle de son élimination avait vraiment été vite.
Arrivé devant les vice-rois, il salua. Ce fut Gérère qui parla le premier :
   - Mon ami, me voilà empli de bonheur de vous voir en bonne santé.
Reneur ajouta :
   - Je ressens beaucoup de colère quand je pense que le chef de la police aurait pu être mis sur la touche…
Il y eut un moment de silence et Reneur reprit :
   - Cher Baron, Je comprendrai que vous preféreriez vous retirer sur vos terres. La vie à la capitale est parfois fort dangereuse.
   - Voilà une fort bonne idée, mon cher Vice-roi, reprit Gérère. Mais quand je vois tout le travail que le chef de la police a accompli en un temps si court, je me dis qu’il serait bien dommage de se priver de ses compétences.
De nouveau, la cour assista à un de ces échanges qui paralysait l’exécutif et rendait le pays ingouverné. Ce fut Kaja qui trancha quand Gérère à un moment lui demanda son avis :
   - Mes Seigneurs, vous m’avez confié l’indispensable tâche de gérer notre police. Je ne saurai me dérober à vos désirs quoiqu’il puisse m’en coûter. Même les bayagas n’ont pu m’éloigner de ce devoir sacré. Par l’Arbre sacré qui nous donne sa force et sa sagesse, je renouvelle mon serment de servir le royaume de toutes mes forces et jusqu’à ma mort.
En sortant de l’audience publique, Kaja était en colère. Le pays courait à sa perte avec cette direction bicéphale. De plus, le messager lui avait appris qu’on avait retrouvé un archer égorgé avec, dans son carquois, des flèches pour petit gibier.
Dans les jours qui suivirent, il fut l’objet de l’attention générale. Le baron Kuélar avait répandu le récit de ce qu’il avait vu ou cru voir comme disait Kaja. La version de l’histoire la plus courante était que le baron Sink avait fait face aux bayagas et que ceux-ci n’avaient rien pu contre lui. Cela divisait l’opinion entre ceux qui le croyaient supérieur et béni de l’Arbre sacré et ceux qui voyaient en lui un chanceux opportuniste dangereux en raison du poste qu’il occupait. Puis, d’autres histoires occupèrent le devant de la scène. Kaja put de nouveau vivre presque normalement. Certains barons ne l’invitaient plus, d’autres pensaient à lui à chaque fête.
Le jeune baron Zwarch marchait avec Selvag dans les jardins du palais loin de toutes les oreilles indiscrètes.
   - Croyez-vous, Selvag, qu’il est celui que le mage a décrit ?
   - Jusqu’à l’histoire des bayagas, je doutais, mais depuis, tous les signes sont là. Regardez, nos forces se multiplient.
   - Oui, je vois bien, tous ceux qui adhèrent à nos idées… mais lui, est-il prêt à assumer le pouvoir ?
   - Pour le moment, la fidélité au trône est encore trop forte, mais le mage l’a dit. Le baron Sink n’aura pas le choix… il sera le prochain vice-roi.
Quand ils se quittèrent, Selvag hocha la tête. Le baron Zwarch était une excellente recrue. Tout le monde le prenait pour un dilettante attiré par les plaisirs, alors qu’il était la cheville ouvrière du mouvement visant à redonner au royaume un régime fort. Selvag lui avait juste caché les dernières paroles du mage : “ Le baron Sink, s’il prend le pouvoir, sera le prochain vice-roi du royaume…, mais aussi le dernier ”.

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