lundi 24 juin 2013

Le groupe courait à petites foulées rapides. Sans aller très vite, il ne s'arrêtait pas ou peu. Des pauses rares et courtes mettaient Lyanne dans un inconfort important. Les deux mains d'hommes furent rejointes petit à petit par les autres de la phalange noire. Les relais pour porter le prisonnier furent plus nombreux. On s'arrêtait le temps de le changer d'épaules et on repartait. Yaé les rejoignit en fin de matinée. Ils suivaient une piste sinueuse marquée par les signaux laissés par les éclaireurs qui étaient partis devant. Alors que le soleil était haut dans le ciel, la colonne se figea. De la course, on passa à la progression à petits pas sous le couvert d'une sombre forêt. Si Lyanne ne voyait rien, il entendait et sentait la tension qui existait dans le groupe. Les Gowaï se déplaçaient non loin. Commença une espèce de jeu de cache-cache. Par une à trois mains d'hommes, les guerriers noirs se glissèrent entre les unités de Gowaï qui allaient vers les positions des guerriers bancs.
- Si tu te fais remarquer, ce javelot est pour toi, avait prévenu Filmon. 
Lyanne avait grogné une réponse qui pouvait passer pour un oui. Il était en travers des épaules du plus large des guerriers de la phalange. Même avec cette charge, ce dernier courait et bondissait aussi vite que les autres. En quelques accélérations, ils furent dans une autre forêt. Plaqués contre les troncs, ils attendirent sans bouger le passage d'une troupe de Gowaï. Lyanne avait été plaqué contre un tronc. Il sentait la tension du guerrier noir à la pression du javelot dans son dos. Si les Gowaï les voyaient, il était embroché.
Sûrs de leur force, les Gowaï avançaient sans se soucier d'eux. Quand la troupe fut passée, ils reprirent la route, Lyanne toujours en équilibre sur une épaule comme un vulgaire sac de grain. Le soir arriva, ils étaient en avant des lignes ennemies. Lyanne entendit Yaé discuter avec son second à voix basse.
- On aurait dû le tuer sur place et ramener son corps, disait le second.
- Jorohery n'aurait pas été content. Il le veut vivant.
- Je n'ai aucune confiance dans le prisonnier. Vous l'avez vu à l’œuvre. Sa capture a été trop facile.
- Les javelots noirs ont un grand pouvoir et puis Jorohery a besoin qu'il soit en vie pour la cérémonie qu'il doit faire pour que vive notre roi-dragon et non cet imposteur.
- Nous n'aurons pas beaucoup de temps ! Les Gowaï sont sur nos talons.
- Les messagers sont partis depuis midi. Demain matin quand nous arriverons, tout sera prêt. Quant aux Gowaï, ils arriveront juste à temps pour vivre leur plus grande défaite...
Après de trop courts instants de repos, malgré la nuit, ils repartirent. La faible luminosité les rendait presque invisibles. Ils couraient maintenant dans la toundra qu'était la plaine sans culture. S'ils tenaient le rythme, ils arriveraient au camp à la dernière veille de la nuit. Ça et là quelques plaques de neige faisaient des taches blanches qu'ils évitaient soigneusement. Ils ne voulaient pas se faire repérer.
Aussi blancs que la neige, deux yeux les regardèrent passer.

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