vendredi 7 juin 2013

Yaé regardait le ciel rouge. La tempête approchait. Il jura. Il aurait voulu que Jorohery voie les traces du dragon. Quelque chose n'allait pas. Quand ils avaient quitté les Montagnes Changeantes, ils n'étaient pas arrivés où ils devaient aller. Ils avaient été désorientés jusqu'à la vision au loin d'un grand traîneau. Yaé avait alors compris qu'ils étaient dans la plaine des Grands Vents, sur le territoire des Matrones des Grands traîneaux. Il avait été très surpris de se retrouver là. Ce qu'il venait de vivre n'était pas un rêve puisque tous ses hommes et lui-même étaient maintenant revêtus de noir. Ils se détachaient sur la neige comme le nez au milieu de la figure. S'ils avaient vu le grand traîneau, les gens du grand traîneau les avaient vus. Puisqu'ils ne pouvaient se cacher, Yaé avait décidé de jouer sur sa présence. Il avait envoyé ses guerriers noirs patrouiller dans la plaine et relever les traces. Ils revenaient avec leur moisson d'informations. Les Gowaï étaient manifestement très présents dans ce lieu. Ils allaient et venaient en nombre, en grand nombre. C'était une véritable armée qui avait bivouaqué ici. Les pisteurs estimaient leur départ à une main de jours. Yaé avait redoublé les précautions. Un des pisteurs avait découvert une cache de vêtements. Une phalange avait mis là un dépôt de vivres et de matériel de rechange. Les Gowaï, malgré leur nombre, ne l'avaient pas trouvé, preuve de la qualité de ceux qui avaient préparé la cache. Le matériel avait des marques. Yaé reconnut la marque de Quiloma. Il sourit devant cette coïncidence. Quiloma était une légende vivante. Ses hommes lui étaient plus que dévoués. Son habilité et ses connaissances du terrain dépassaient celles de tous les autres princes-dixièmes. S'il avait ramené l'imposteur, il aurait été richement récompensé. Au lieu de cela, il s'était inféodé à ce dragon. Il avait scellé son sort, il était perdu, jamais le Bras du Prince-Majeur ne lui pardonnerait, à moins que ce ne soit le roi-dragon. Yaé avait repoussé cette idée. Il avait utilisé les vêtements blancs pour camoufler ses hommes. Ils avaient pu aller plus loin, plus discrètement. Les nouvelles qu'ils avaient ramenées n'étaient pas bonnes. Il avait vu l'armée des Gowaï non loin. Elle semblait attendre. Yaé était prêt à se retirer quand, enfin, ils avaient découvert les traces du dragon. Non seulement il voulait accaparer le trône, mais il pactisait avec les Gowaï. C'est du moins ce que les pisteurs avaient conclu en analysant les marques laissées. Jorohery lui avait donné des javelots noirs. Ils avaient deux utilités. La première était d'être les armes capables de venir à bout du dragon et la deuxième était de pouvoir envoyer un signal. Yaé avait suivi les ordres. Le dragon traînait par là, il fallait prévenir. La Blanche était plus loin de la Plaine des Grands vents que l'autre côté des Montagnes Changeantes. Yaé ne savait même pas si le Bras du Prince-Majeur saurait où il devait se rendre, mais avec Jorohery tout était possible et puis le Prince-Majeur le guiderait. S'il était bien le Prince-Majeur... Yaé avait repoussé aussi cette idée. Lui qui n'avait jamais douté de ses missions et de son engagement sentait en lui monter des interrogations. Il était mal à l'aise avec lui-même. Pour combattre cet ennemi intérieur, il appliquait, renforçait la discipline et appliquait à la lettre les ordres.
Le signal était parti, comme un trait de lumière dans le ciel. Yaé avait été heureux de voir qu'il prenait la direction de la capitale. Il le suivit des yeux aussi longtemps qu'il put.
- Voilà, le Bras du Prince-Majeur est prévenu. La plaine des Grands Vents est à quinze mains de jours de marche. En attendant, nous allons chasser le dragon, dit-il à son second.
- Il y a beaucoup de Gowaï, avait répondu celui-ci.
- Ils sont nombreux, mais nous sommes les meilleurs. Nous sommes noirs, alors nous agirons dans la nuit.

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