mardi 4 juin 2013

Le jour se leva sur le fort. Un soleil rouge apparut.
- C'est signe de tempête, dit un des guerriers.
- Oui, d'ailleurs les Gowaï sont partis. Ils ont dû le sentir, répondit l'autre sentinelle.
Un bruit les fit se retourner. Lyanne inspectait les travaux qu'il avait lancés. Il avait décidé de faire du fort de glace un lieu de résidence. Il discutait avec Moune qui se révélait un excellent architecte. À côté du fort de glace, on commençait à deviner la forme que prendrait le bâtiment. La forêt non loin, fournissait les troncs nécessaires à la construction. Moune faisait partie des prisonniers délivrés. Il était très diminué à l'arrivée du roi-dragon au pays des orgres. Persuadé que sans cette intervention et son passage par une porte changeante, il serait mort, il avait fait de Lyanne plus que le roi. Il était prêt à tout pour le servir. Moune avait entendu les réflexions de Lyanne sur la beauté du lieu et sur la paix qu'elle engendrait en lui. Il s'était approché et ayant mis genou à terre, il lui avait proposé de construire une résidence. Lyanne l'avait regardé en silence un moment et lui avait dit oui. Moune était devenu le plus heureux des hommes. Le roi-dragon ne lui avait demandé ni ce qu'il avait fait, ni s'il avait des connaissances pour faire ce qu'il avait à faire. Le roi-dragon lui avait fait confiance. Il se rappelait de ce jour comme le plus beau de sa vie.
- Tu as le temps et la place, Moune. Je sais que tu aimerais faire un palais. Mon désir est autre, un lieu de repos serait parfait.
- Mais, mon roi, comment manifester votre grandeur sans faire d'étage ?
- J'entends le souci que tu as de ma gloire. Mon désir reste un lieu de repos.
Bouyalma attendait Lyanne à quelques pas. Il avait la responsabilité de la phalange Louny et maintenait entraînement et discipline. Il voulait que tous les guerriers soient dignes de leur roi. Il ne comprenait pas pourquoi Lyanne attendait. Il pensait que Jorohery avait tout le temps pour aller aux Grands Vents. Il voyait mal comment avec une phalange, ils allaient combattre l'armée. Lyanne ne semblait pas inquiet et s'occupait de la résidence.
Monocarana comme Lyanne, aimait ce lieu. Il y trouvait paix et équilibre. Il partait le matin vers un rocher non loin et restait immobile une bonne partie de la journée à méditer.
Le temps pour Lyanne s'était écoulé tranquillement entre la phalange qu'il entraînait, la construction qu'il surveillait et les vols qu'il allait régulièrement faire vers les Montagnes Changeantes.
La question que tous se posait était : « Qu'attend-il ? ». Jorohery avait eu tout le temps d'organiser sa riposte.
Dans le soleil rouge du matin, une silhouette apparut.
Un des gardes donna l'alerte.
Tout le monde fut sur le rempart sauf Lyanne qui était parti dans la plaine à la rencontre des arrivants. Voyant cela, tous coururent pour se mettre derrière le roi en position de combat. Lyanne fit un geste ordre. Comme un seul homme, ils obéirent, interloqués.
C'est au garde-à-vous qu'ils virent arriver une meute de crammplacs poilus. Des formes humaines chevauchaient certains d'entre eux. Arrivés à proximité de Lyanne, un homme démonta à la volée et mit genou à terre pendant que le crammplacs se mettait en position de soumission.
- Le seigneur Trascoïa et moi-même avons accompli la mission, oh mon roi ! dit Sagria.
Lyanne sourit en entendant cela. Ni Sagria, ni Trascoïa ne le virent, mais ils sentirent en eux le sentiment de plénitude d'avoir fait ce qui devait être fait.
Les deux mains d'hommes qui suivaient et les crammplacs qu'ils montaient se firent aussi soumission.
Le peuple des grands traîneaux avait répondu. Lyanne donna l'ordre du repos, puis fit rompre les rangs. Il sentit ceux de sa phalange mal à l'aise de la présence des grands crammplacs. Ceux-ci vivaient tranquillement la situation. Le roi-dragon était là. L'ordre revenait. Lyanne fit signe aux messagers de le suivre. Ils se dirigèrent à l'écart. Dans la glace on avait creusé des sièges et une table. Lyanne s'y installa, fit signe à Sagria qui s'assit pendant que Trascoïa prenait place à côté.
- « Tu as bien choisi, roi-dragon, l'homme aux cheveux de la couleur de nos fourrures est un cœur droit qui ne connaît pas le mensonge »
- Tu es un roi sage, mon roi ! J'étais un homme seul, je suis maintenant riche d'une amitié.
Lyanne sourit à nouveau :
- Celle dont la sagesse est grande, a-t-elle été heureuse de te voir ?
- Oui, mon roi. Une fois la surprise passée de voir les crammplacs nous avons été accueillis en ami.
- « Celles dont la sagesse est grande, ont partagé leur pêche avec nous. Nous avons partagé notre chasse avec elles »
Lyanne écouta Trascoïa et Sagria raconter leur mission. Les matrones qui dirigeaient le peuple des grands traîneaux avaient fêté la bonne nouvelle de l'arrivée d'un roi-dragon. On s'était réjoui plusieurs jours. La Matrone des matrones avait donné son accord au plan du roi-dragon. Les grands traîneaux étaient partis accomplir sa volonté. Trascoïa et Sagria étaient restés jusqu'à l'arrivée de la phalange noire. Après ils avaient repris le chemin du fort de glace pour rendre compte. Comme prévu, ils avaient laissé des traces pouvant faire penser qu'un dragon avait piétiné la neige.
Cachés de loin, ils avaient observé les guerriers noirs aller et venir. Ils les avaient vus découvrir les traces. Cela avait donné lieu à de multiples signes de réjouissances. Ils n'avaient pas compris ce que faisaient les guerriers noirs avec les javelots. Ils en avaient joint plusieurs en un faisceau. Puis le prince-dixième Yaé avait allumé un feu en-dessous. Une longue flamme orange avait jailli vers le ciel. Sagria l'avait suivie des yeux. Elle avait fait un grand signe dans les nuages allant vers la Blanche.
Lyanne se fit préciser les temps.
- Cela correspond, dit-il, au moment où Jorohery a mobilisé les phalanges. En combien de jours êtes-vous revenus ?
- « Nous avons couru trois mains de jours en portant les guerriers »
- Bien, cela nous laisse encore un peu de temps. Vous avez bien agi. Maintenant vous allez vous reposer quelques jours et puis vous rejoindrez le peuple des Grands Traîneaux.
Lyanne regarda s'éloigner Sagria et Trascoïa. Ils ressemblaient à deux vieux compagnons de route. La magie des rois-dragons opérait. Bientôt dans la région du désert mouvant, il aurait une armée de crammplacs poilus et de guerriers blancs. La Matrone des matrones avait donné son accord. Les jeunes qu'elle n'avait pas envoyés aux phalanges depuis une saison intégreraient cette force pour la grande rencontre. Les phalanges allaient mettre douze à quinze mains de jours pour arriver dans la plaine des Grands Vents.
Lyanne regarda le ciel. De lourds nuages accouraient. Le vent forçait. Rester dehors allait devenir dangereux. Il rentra.

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