Le vieux sorcier officiait. Comme toujours dans ces cas-là, il reprenait une stature que son âge ne lui permettait plus. Ses assistants le secondaient dans la transe du rituel. Tel un oiseau que les flammes des torches rendaient immense, il tournait autour de l'autel portant le vase sacré contenant la terre. Nul ne savait d'où elle venait. C'est Hut le fondateur qui était venu avec. Elle était la terre origine. Les fumées des herbes aromatiques favorisaient la voyance du sorcier. Chacun connaissait sa place et son rôle. Le premier assistant suivait le vieux sorcier pas à pas. Le rituel ne devait pas s'interrompre sous peine... Il n'avait pas très bien compris les explications de son maître. Le temps s'arrêterait-il ou bien s'écoulerait-il de travers comme le sable d'un sablier cassé? Il ne savait pas expliquer mais la peur était là. Toute la ville comptait sur eux pour que le cycle soit relancé. Les augures n'étaient pas bons. Pourtant le maître sorcier avait décidé que le moment était arrivé de faire vivre le rite. Le vent hurlait dehors faisant écho aux cris des loups. Protégés par la pierre des murs, les sorciers se concentraient sur ce qui se jouait à l'intérieur. Le troisième tour finissait. Maintenant venait le combat de Sioultac et de Cotban. Revêtus des costumes symboliques, deux assistants enchaînaient les figures rituelles. Cela aurait pu être une danse si l'enjeu n'était pas la vie de la cité. Pénétrés de leurs rôles, ils tournaient autour de la pierre autel, mimant le flux et le reflux. Dans leurs esprits ouverts aux mondes des esprits, ils contactaient les habitants de la ville. Ceux-ci aussi avaient un rôle à jouer. Brûlant la chandelle de la longue nuit, les pères racontaient aux enfants l'Histoire, comment Hut le fondateur avait trouvé ce lieu, comment il avait fondé et développé la ville. Pendant ce temps les femmes faisaient tourner le bâton des ancêtres. Ainsi tout le peuple de la ville s'unissait derrière ses sorciers pour relancer le cycle du temps. Sioultac semblait l'emporter sur Cotban. Le froid et la nuit se glissèrent dans l'esprit des gens. C'est alors que surgissait la bougie blanche. Sa fabrication était un secret. Nul profane ne savait comment obtenir cette blancheur. Le maître Sorcier la portait contre son giron. La flamme vacillait. Le miracle avait lieu chaque année, malgré les courants d'air, la bougie blanche ne s'éteignait pas. Le combat dansé reprit de plus belle. Sioultac en voulait à la bougie que Cotban défendait. Le sorcier faisait aussi de son mieux pour la protéger. Dix fois le souffle glacé du dieu des terres froides coucha la flamme. Dix fois les assistants crurent à son extinction, mais dix fois dans une gerbe d'étincelle, la lumière revint. Sioultac s'essoufflait. Une dernière fois il tenta, toujours vainement d'éteindre la bougie blanche que défendait Cotban. Épuisé, il s'effondra haletant. Le Sorcier leva les bras et lentement tourna sur lui-même pour montrer la flamme toujours vivace. Les assistants hurlèrent de joie. Le cri se répercuta de maison en maison. Une immense clameur envahit la ville.
- Que Cotban maudisse ces loups qui nous ont fait rater le rite de la longue nuit!
- Knam! C'est la première fois que cela m'arrive, dit un autre combattant.
- Ne vous plaignez pas, dit Sstanch. On aurait pu avoir des morts. Emmenez ces deux-là à la maison commune!
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