samedi 7 novembre 2015

les mondes noirs : 3

Tous les courtisans étaient sur le qui-vive. Il n’était pas bon de traîner sur le chemin de la reine. Mais il n’était pas bon non plus de ne pas savoir ce qui se passait et ce qui se tramait. Trop de gens s’étaient retrouvés avec un poignard dans le dos par ignorance. C’était un jeu subtil d’évitement ou de rencontres furtives.
Dame Longpeng était de celles qui étaient passées maître dans l’art de jouer à ce jeu. Elle avait envoyé ses suivantes rappeler à certains toutes les faveurs qu’ils devaient et surtout tout ce qu’ils risquaient à ne pas obéir. Toutes les grandes familles de la cour faisaient de même. Les couloirs furent rapidement remplis de gens. Chacun mettait ses réseaux en œuvre. La nouvelle du vol de l’Idole se propagea à la vitesse d’un feu de paille par grand vent. Dame Longpeng en eut un rictus de contentement. Elle allait pouvoir pousser ses prétentions devant cette reine qu’elle haïssait. Sans l’Idole, la royauté vacillait sur ses bases. L’Idole donnait le pouvoir mais en contrepartie, les rois et reines lui devaient protection. L’Idole était l’avatar, le réceptacle de la divinité sur cette terre. Ses suivantes ramenaient les informations. Dame Longpeng les triait et donnait ses ordres. Tout son clan était sur le pied de guerre. Ce vol était une chance de s’approcher du pouvoir suprême. La déroute des gardiens la combla de joie. Elle grimaça en apprenant que Karvach s’en occupait. Elle soupesa le risque qu’il trouve des indices de ce qui s’était passé. Il n’avait à sa disposition que les gardiens en poste ce soir-là. Elle pensa que ce n’étaient que des pions manipulés par un vrai joueur. Elle passa en revue dans sa tête, les différents clans, cherchant si l’un d’eux aurait pu préparer et surtout réussir une telle action.
- Ma Dame, dit Kinch. Les gardiens torturés semblent raconter n’importe quoi. Ils disent avoir vu bouger l’Idole. 
Dame ricana en entendant ce récit. L’Idole ne pouvait bouger toute seule. Ce n’était qu’un tas de pierres recouvertes d’or. Le vrai pouvoir de l’Idole était dans l'homuncule scellé dans son thorax là où un homme aurait eu un cœur. Elle était une des rares à connaître la vérité sur l’Idole et à la mépriser. Ce tas de cailloux n’avait d'intérêt que par la peur qu’il engendrait dans le peuple. Si elle affichait une foi inébranlable dans la divinité, elle n’y croyait absolument pas, comme les autres chefs de clan. Seule la puissance lui faisait courber l’échine. 
- Combien en a-t-il tué ?
- Il n’en restait plus que cinq quand je suis partie, Ma Dame. Tous ont raconté la même chose et pourtant Karvach n’a pas ménagé sa peine. J’ai commencé à entendre les cris en arrivant par le couloir des cuisines.
Dame Longpeng apprécia la performance. Vraiment Karvach était doué. Le meilleur bourreau du clan ne lui arrivait pas à la cheville. Elle eut un léger regret de ne pouvoir l’avoir à son service en entendant cela. Le plus important n’était pas là. S’il n’arrivait pas à tirer d’autres informations, on ne saurait jamais la vérité. Elle reprit ses supputations. Qui pouvait être derrière tout cela ? Une autre suivante entra.
- Vos ordres sont exécutés, Ma Dame. Nos hommes de main ont éliminé les gêneurs.
- Bien, et nous quelles sont nos pertes ?
Chaque crise était  l’occasion de se débarrasser de ceux qu’on ne pouvait atteindre facilement. La désorganisation engendrée était propice à ces coups de main.
La suivante cita quelques noms que Dame Longpeng balaya d’un revers de la main, rien que des proies prévues. Aucun des hommes du conseil n’était dans la liste.
- Seul Karabval manque à l’appel, Ma Dame.
Le front et les joues de Dame Longpeng s’empourprèrent. La suivante s’aplatit encore plus. La colère de sa Dame était redoutable.
- Trouvez-le ! dit-elle les dents serrées. Et amenez-le !

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