samedi 12 décembre 2015

Les mondes noirs : 10

À son retour dans l’enceinte du clan, Dame Érausot était plutôt satisfaite. Karabval n’allait pas causer la perte du clan. Mieux, le vol de l’Idole affaiblissait la position de la reine. Bien sûr, ça allait coûter très cher, mais à part Dame Longpeng et maintenant elle, personne ne savait ce que possédait vraiment le clan. Le point le plus intéressant, que la reine avait imposé en pensant l’affaiblir, se révéla être la nécessité d’envoyer les mâles dominants dans les mondes noirs. Dame Érausot savait que ses mâles dominants vivaient sur leurs acquis. Elle ne leur faisait plus confiance pour défendre le clan. Elle avait obtenu, il y a quelques lustres, une compensation pour s’être fait évincer d’une meilleure place au conseil par celle qui était devenue dame première. Si pour tous, il s’agissait surtout d’une corvée, Dame Érausot en avait fait un atout. Elle avait réformé en profondeur l'élevage des jeunes mâles, les rendant plus que fidèles à sa personne. C’était cette génération qui piaffait derrière les vieux barbons pérorant sur leurs exploits passés. Ils allaient même être heureux de partir, ces imbéciles, croyant ainsi échapper à Chavda.
En s’asseyant sur le siège suprême, elle eut un sourire de satisfaction. Depuis le temps qu’elle pensait qu’elle le méritait ! Elle regarda celles qui restaient du conseil, évaluant pour chacune le degré de loyauté et les risques de coup-bas. Il faudrait qu’elle désigne quatre nouvelles dames pour remplacer les mortes. Ses pensées glissèrent alors sur les servantes premières et secondes. Des noms lui apparurent comme plus sûrs que d’autres mais un nom réveilla son instinct de tueuse : Chimla. Même si son rang n’était que troisième servante, elle avait rempli bien des missions pour dame Longpeng. Dame Érausot n’oubliait jamais rien et surtout pas ce genre de fidélité. Alors qu’elle faisait un compte-rendu à celles qui étaient devenues ses conseillères, elle fit dans sa tête la liste des noms des servantes qui suivraient les mâles dominant avec l’intendance. Chimla y tenait la première place.
Elle distribua ses ordres. Les intendantes furent convoquées. Chavda eut la mission de préparer les mâles dominants pour la campagne dans les mondes noirs. Les deux femmes se comprenaient à demi-mot. Depuis leur enfance, elles s’étaient soutenues l’une l’autre. Chavda avait su se battre très tôt. Elle avait été remarquée par la chef des amazones-novices pendant un combat d’enfant. Attaquée par des plus grandes, elle avait fait preuve et d’intelligence dans le combat et d’une remarquable capacité à encaisser les coups sans tomber. L’adulte était intervenue avant que les quatre grandes ne blessent trop sérieusement Chavda. Elle en avait fait son élève favori. C’est-à-dire à la fois celle qui encaissait le plus mais aussi celle qui s’endurcissait le plus en apprenant toutes les fourberies utiles dans toutes les sortes de combat. Érausot de son côté profitait de la protection de Chavda face aux agressions coutumières et cette dernière profitait de la capacité manoeuvrière de son alliée dans les cycles qu’elles traversaient. Cela avait fait d’elles deux, la paire la plus crainte de cette génération. Elles avaient, une fois sorties des cycles enfantins, gravi les échelons. La disparition prématurée des quatre premières adversaires de Chavda, toutes retrouvées quasi dépecées, avait fait sa légende. Intégrée dans la garde des amazones, Dame Longpeng l’avait rapidement nommée chef. Elle avait fait merveille. Sa poigne de fer et ses entraînements incessants avaient fait des amazones du clan bleu la force la plus redoutable de tout le pays. Les mâles dominants n’avaient pas apprécié. Ils étaient restés en retrait. Il n’était pas bon de contrarier Dame Longpeng. L’un ou l’autre avait bien essayé d’en finir avec Chavda mais on l’avait retrouvé dépecé. La peur tenait les autres en respect.

Chavda avait organisé la troupe des mâles dominants pour son départ. Suivant les ordres de Dame Érausot, elle avait laissé les jeunes mâles de côté. Elle avait par contre accepté que les mâles dominants partent avec leurs serviteurs. Elle avait présenté cela comme si elle avait lâché une concession. Dame Érausot lui avait conseillé de commencer par être intransigeante avant de céder, leur donnant l’impression qu’ils remportaient une victoire. Déjà, elle avait courir le bruit qu’ils étaient les seuls à pouvoir affronter les mondes noirs avec un bon espoir de survie. Ce qui avait flatté leur vanité que Dame Érausot trouvait surdimensionnée. La nécessité d’aller vite avait rendu la négociation à la fois plus âpre et aussi plus facile. Il fallait aboutir avant que n’intervienne la reine.

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