mardi 22 décembre 2015

Les mondes noirs : 12

La reine se dirigea à grands pas vers ses appartements, derrière elle, la première dame courait presque.
- Tu es sûre ? demandait la reine.
- Oui, le messager est formel. Il l’a vue.
- Préviens Karvach. Il pourrait être utile.
Devant elle, les portes s’ouvraient seules. Quand elle pénétra dans la pièce, un homme se jeta à terre en demandant pitié.
- Si tu dis vrai, ta vie n’est pas menacée, lui dit la reine, maintenant parle !
L’homme resta le front à terre comme on le lui avait dit. Il ne devait en aucun cas lever les yeux vers la reine. Il tremblait tout en parlant :
- J’étais sorti pour conduire mes bêtes vers la source. Nous sommes près des mondes noirs. C’est notre seule source propre. J’avais remarqué de loin que le bosquet ne semblait pas comme d’habitude, mais dans le noir, je ne voyais pas bien. Je me suis approché car mes bêtes semblaient renâcler. Je suis passé devant elles. J’ai pris un licol et j’ai tiré pour faire avancer la première. Ç'a été dur. Mais petit à petit, elles avançaient toutes en suivant celle que je forçais. C’est quand elle s’est cabrée pour ne plus avancer que je suis tombé....
La reine tapa du pied, les détails du récit l’exaspéraient.
- Dépêche-toi… ma patience à de courtes limites...
L’homme se mit à trembler encore plus :
- Ben c’est là que j’lai vu… Toute dorée comme ça… ça peut-être qu’une statue royale. Alors j’ai prévenu la chef...
La première dame prit la parole :
- La chef a tout de suite compris l’importance de ce qu’il avait trouvé. Elle a vérifié ses dires et est montée en personne prévenir le palais. Dès que j’ai su, j’ai envoyé des gardes royaux et la quatrième dame. Elle m’a confirmé. C’est bien l’Idole qui est près de la source.
La reine fit un geste de la main comme si elle balayait une poussière. Immédiatement, on fit sortir l’homme.
- Il faut que je voie cela de mes yeux, dit-elle. Faites patienter les troupes.
La reine reprit son pas de course pour se diriger vers l’antichambre. Les serviteurs couraient dans tous les sens. La sortie de la reine imposait tout un cérémonial qu’ils allaient avoir du mal à mettre en place. Personne ne devait baisser les yeux sur elle. Il fallait contrôler tous les espaces surélevés pour s’assurer de la chose et puis, il fallait les gardes pour faire plier les genoux récalcitrants.
Quand elle arriva dans le grand vestibule, sa chaise à porteur était prête, les troupes des gardes étaient là, même si elles étaient moins ordonnées qu’à leur habitude.
- Et au pas de course, dit la reine en montant dans sa chaise.
Sur la place, les mâles présents eurent juste le temps de mettre un genou à terre. Le temps qu’ils formulent leur étonnement, l’équipage de la reine était loin.
Devant les trompes sonnaient. Tous ceux qui étaient penchés pour voir ce qu’il se passait, se retiraient vivement et se cachaient. Tout le monde savait que Karvach s’occupait des récalcitrants. Elle passa devant d’autres clans et devant le temple de l’Idole pour arriver dans la plaine couverte de cultures.
- HALTE !
Ce fut comme un coup de fouet. Tout le monde se figea.
- LÀ !
La reine montrait quelque chose sur le bord du chemin. Un éclaireur courut examiner ce que montrait la reine. Quand il revint son front était soucieux. Il fit la génuflexion et dit :
- Ma reine, mes paroles disent la vérité. Je n’ai jamais vu de pareilles traces. Elles sont gigantesques et munies de douze griffes.
La reine sursauta. Elle avait souvent vu les pieds de l’Idole. Elle s’était, plus jeune, amusée à compter les griffes. Il y en avait douze bien régulières à droite et onze plus une à gauche. Elle interrogea l’éclaireur :
- Oui, ma reine, c’est tout à fait cela, la douzième griffe à gauche est anormale.
- COUREZ ! hurla-t-elle, COUREZ OU CRAIGNEZ MA COLÈRE !
Les porteurs n’eurent pas besoin d’autres encouragements. Ils se mirent à courir aussi vite qu’ils le pouvaient. Quand ils arrivèrent près de la source et que la reine descendit, ils pensèrent qu’ils n’auraient pas fait plus. Haletant, pliés en deux, ils se laissèrent tomber à terre pour reprendre leur souffle pendant que la souveraine courait vers la source, suivie de près par la première dame. Elles s'arrêtèrent comme stupéfaites en voyant la grande statue de l’Idole posée là dans son écrin de verdure. Elle était presque aussi haute que les arbres environnants. Pour la reine, on était face à un impossible. Ce tas de pierre ne pouvait pas bouger.

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