dimanche 24 avril 2016

Les mondes noirs : 41

Luzmil contre l’avis de Luzta était allée aider l’homme. Elle avait donné comme raison qu’il lui fallait récupérer la corde, enfin ce qu’il en restait. Il l’avait suivie parmi les nids de schka. Il s’appelait Salone. Il était du clan Emeraude. Il était surnommé le chanceux. Luzta faisait la tête quand ils arrivèrent.
   - Je ne porte rien pour lui, avait-elle déclaré.
   - Mais je ne te demande rien, avait répliqué Salone. Je me suis toujours débrouillé...
Il avait toujours son sac sur le dos malgré les aventures qu’il venait de traverser. Luzmil interrompit la conversation :
   - Il nous faut un refuge pour ce soir. En traversant la rivière, j’ai cru voir la silhouette d’un riek un peu plus haut le long de la rivière.
   - Ça m’va, dit Salone en réajustant son sac. J’pense qu’il vaut mieux faire attention de pas marcher sur un nid de schka.
   - Tu penses bien, lui répliqua Luzmil.
L’un derrière l’autre, à quelques pas, ils tracèrent leur chemin. Les herbes étaient hautes. Salone avait pris un bâton pour écarter la végétation. Il avançait doucement, s’arrêtant parfois pour regarder autour de lui. Sa prudence allait bien à Luzmil. Cela faisait trop longtemps qu’elle était dans les mondes noirs. Elle doutait pouvoir en sortir vivante. Elle pensa que c’était juste une question de temps avant qu’elle aussi ne trouve la mort. Elle fut soulagée, alors que la lumière baissait, de voir le tapis d’aiguilles d’un riek. Toujours prudent, Salone avait dégainé son épée. Il examina les alentours avant de se glisser sous la ramure du riek.
   - Il y a quelqu’un, murmura-t-il.
Aussitôt, Luzmil dégaina son arme. Cela pouvait être quelqu’un de leur groupe, à moins que par hasard ils ne soient tombés sur Karabval. Elle s’approcha en douceur, attentive au moindre bruit. On entendait comme une conversation étouffée venant des branches. Elle regarda Salone et haussa les épaules d’un air interrogatif. Il lui répondit par un signe d’assentiment et rengaina son arme.
   - Ohé là-haut, appella-t-il.
On entendit des mouvements brusques dans l’arbre :
   - Qui êtes-vous ? demanda une voix étouffée.
   - Je suis Salone, mâle du clan Emeraude et vous ?
   - Salone ?! Monte, il y a assez de place pour toi.
Il venait de reconnaître la voix de Tordak. Il s’approcha du tronc pour trouver le passage qu’il avait dû tailler. Il trouva facilement les prises. Il commença son ascension en disant :
   - Nous sommes trois. Ya Luzmil et sa servante.
   - Fais-les monter aussi. Ici nous sommes que deux.
Luzmil fit comme Salone. Luzta se débarrassa de ses musettes et de son sac ventral. Elle fit signe à Luzmil de lui envoyer la corde pour monter les sacs. Bientôt, ils se retrouvèrent à cinq dans le petit espace que formaient les branches souches du riek.
   - Vous assez survécu, dit Salone. Je craignais ne plus vous revoir.
   - Tu as bien failli avoir raison, répondit Tordak. Le tchéppeur nous a ratés de peu.
   - Pour moi aussi, c’était très chaud, répondit Salone. Sans le poisson, enfin ce qui ressemblait à un poisson, qui a sauté au bon moment, le tchéppeur m’aurait ajouté à son repas.
   - Le poisson ? Une grosse bête noire à la mâchoire immense ?
   - Oui, tout à fait. J’ai bien cru lui finir dans la gueule… Ils se sont battus et moi, je suis là.
   - On a quand même failli crever ! cracha Chimla.
   - Oui, mais on est là, lui répliqua Tordak. T’aimes pas l’eau ! Mais entre ça et un tchéppeur !
Il se tourna à nouveau vers Salone et Luzmil.
   - Tu as des nouvelles des autres ?
   - Aucune, répondit Luzmil, on a couru et on a sauvé notre peau.
   - J’étais avec Fronvo, du clan blanc, Galtier du clan rose, et Haben un serviteur du clan mauve. Galtier et moi avons atteint la rivière. Haben a marché sur un nid de schka. Fronvo a tenté de fuir et s’est fait dévorer. J’étais le premier sur la corde. Galtier me suivait. Il était encore trop près de la berge. Le tchéppeur l’a chopé en même temps que les schka. J’ai juste eu de la chance.
   - T’as toujours eu de la chance, grommela Chimla.
   - Nous aussi, on a eu de la chance. Je sais pas si c’est ton amulette ou la mienne, mais on a eu du pot. Et cesse de faire la gueule… t’es vivante.
   - On aurait pu crever dans l’eau !
   - On aurait pu mais on ne l’a pas fait. Par l’Idole, on est vivant et c’est tout ce qui compte.
   - Et pour combien de temps ?
Les quatre se retournèrent en même temps vers Luzta qui venait de parler.
   - On n’a plus d’eau propre, nos vivres sont quasiment finis et on n’est plus que cinq. Je parle même pas de notre mission…
   - Écoutez, on est fatigués. On a tous échappés à la mort. Demain est un autre jour. On ferait mieux de dormir.
Luzmil vint à son aide :
   - Tordak a raison. On ne peut rien faire de plus ce soir. On verra demain. On n’est pas morts, alors profitons-en.
Elle commença à enlever son armure pour se mettre à l’aise. Personne n’ajouta rien. Tous firent comme elle. Luzmil et Luzta restèrent près de la descente. Tordak était plus près du tronc. Chimla s’était éloignée autant qu’elle pouvait. Salone alla se positionner près d’une grosse banche, là où le tapis d’aiguilles était le moins épais. Il tira de son sac une de ses dernières galettes de marche. Demain, il lui faudrait chasser. Il regarda les autres faire de même. Tordak et Chimla devaient être à court de vivres, il les vit seulement boire. De plus, ils n’avaient plus qu’un sac pour deux. Dans un angle de sa vision, il vit Luzta sortir plusieurs galettes de marche. Il les envia. Luzta et ses cinq sacs étaient peut-être la personne la plus importante de leur groupe. Il fut surpris de penser que Luzmil avait eu raison de bien s’occuper d’elle. S’il avait fait la même chose avec Jialwi, son serviteur, il n’en serait pas à se contenter d’une maigre galette.
La lumière baissa rapidement. Le feuillage du riek étouffait les bruits et les lumières. Malgré son estomac qui réclamait, il s’allongea pour dormir. C’était la meilleure chose à faire.

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