jeudi 28 janvier 2016

Les mondes noirs : 21

Une bulle vint crever la surface. Libérant une odeur encore plus infecte de putréfaction. Repsin restait penché là, au-dessus de quelques objets qui surnageaient sur l’eau sale. Il répétait sans s’arrêter :
C’est pas vrai, c’est pas vrai, c’est pas vrai, c’est pas vrai….
Faisant attention où il posait le pied, il se pencha en avant pour tenter de récupérer un des petits sacs de Hibkin qui flottait un peu plus loin. Pendant ce temps, les quatre tireurs frottaient leur mains en partie brûlées par la corde qu’ils avaient dû laisser filer par à coups pour ne pas être entraînés.
Chimla sentit peser l’amulette plus fort sur son cou. L’astre nocturne apparut au-dessus du brouillard, éclairant la scène d’une lumière plus intense et plus blanche. Chimla fit un pas en avant et sentit le poids augmenter. Elle chercha vers où aller pour le faire diminuer. Elle se retrouva près des goulques et des gardiens qui malgré leur force, n’arrivaient pas à les retenir. Pas après pas, ils s’éloignaient. Chimla n’aimait pas l’idée de se retrouver près des goulques. Elle partageait la crainte de tous. Ces animaux étaient sanguinaires et avaient dépecé plus d’un mécréant suivant les dires des gardiens. Elle se retourna quand même pour voir ce que faisaient les autres. Hibkin avait disparu. Ce n’était pas une grande perte. Elle n’avait jamais aimé ce prétentieux. Ils avaient autre chose à faire que de se lamenter sur son sort. Elle vit Tordak non loin qui venait vers elle. Lui aussi devait penser qu’on avait perdu assez de temps. Derrière lui les autres se détournaient aussi du lieu du drame. Les quatre mâles qui avaient aidé se mirent à se charger de leur sac. Repsin poussa un petit cri de joie :
Je l’ai !
Il n’eut même pas le temps d’avoir peur. Une gueule énorme jaillit de la fange, faisant une gerbe d’eau. On entendit le bruit du claquement des mâchoires et le splach que fit la bête quand elle retomba dans la boue.
Tordak en passant près de Chimla lui dit :
J’étais sûr qu’il ne fallait pas s’arrêter là.
Tu aurais pu lui dire, répondit Chimla.
L’avait qu’à lire au lieu de se pavaner, lui répliqua Tordak en emboîtant le pas aux gardiens.
 La marche reprit. La lumière était meilleure mais le moral très sombre. Tout le monde surveillait ses pieds. Les goulques tiraient toujours vers la même direction. Comme si Karabval avait marché tout droit. Chimla s’interrogeait. Comment avait-il survécu? Il était seul, armé légèrement. Les mondes noirs étaient terribles. D'ailleurs comment allaient-ils pouvoir dormir ? Et manger quand les provisions s’épuiseraient?
Le glapissement d’une goulque la sortit de ses interrogations. Elle tirait son gardien particulièrement brutalement. Il se mit à courir pour suivre sa bête. Bientôt toute la colonne se retrouva au petit trot. Chimla s'essouffla vite. Elle se fit dépasser par tous les guerriers. Le souffle court, les poumons en feu, elle s'accrochait à chaque fois qu'une nouvelle personne la doublait, essayant de perdre le moins de terrain possible. Quand elle commençait à trébucher, à avoir un brouillard devant les yeux, elle vit que le groupe s'était arrêté. Elle les rejoignit. Elle se retrouva à genoux sur un sol ferme. Elle haletait et tentait de reprendre sa respiration. Elle posa son sac, comme les autres. Par terre, des aiguilles formaient un tapis agréable au pied. Elle les toucha. La douceur avait quelque chose d’étonnant dans ce monde. Elle releva la tête en cherchant ce qu’il se passait. Elle entendait les goulques grogner. Elle se releva pour se rapprocher d’elles. Elle les retrouva au pied d’un arbre. Elle leva la tête. La ramure couvrait un vaste secteur. Tout le groupe était en dessous. Chamli espérait que rien de dangereux n’existait dans ces branches. Les goulques s’étaient assises au pied du tronc. Elles grognaient de satisfaction. Chimla entendit Mafgrok  parler :
Tu es sûr de ce que tu dis ?
Oui, il a séjourné ici. Regarde !
Le gardien montra le tronc. Chimla qui s’était assez rapprochée, découvrit le tronc. Il était couvert d’épines triangulaires. Le gardien montrait certains endroits.
Il a coupé des épines et fait des marches. Je ne sais pas comment il a évité de se blesser mais il a réussi à monter. Les goulques sont formelles. Il faut aller voir en haut ce qu’il a laissé.
Tordak se tenait au premier rang. Chimla se glissa jusqu’à lui.
Tu connaissais ces arbres ?
Oui, ce sont des riek. Leurs épines les protègent. Ils sont les seuls endroits sûrs dans les mondes noirs.
Mafgrok regardait le tronc de riek. Il mit ses mains dans les endroits libres d’épines, puis mit ses pieds là où d’autres places avaient été libérées. On le vit s’élever. On entendit sa voix :
Il y a une place qui a été dégagée.
On l’entendit fourrager, puis il redescendit.
Il n’y a rien, là-haut.
Il a dû dormir et repartir, dit un des gardiens.
Je crois, répondit Mafgrok. On va se reposer là, et on repartira tout à l’heure. Le sol est sec et la nuit encore longue. Les scorpions volants nous laisseront tranquilles.
Il enleva son masque. Se retournant vers le groupe, il dit :
Bgail, amène à manger !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire